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Full text of "Personnages énigmatiques, histoires mystérieuses, événements peu ou mal connus"

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I 



■36. d.Jf- 



3 



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PERSONNAGES 



ENIGMATIQUES 



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PERSONNAGES 

ÉNIGMATIQUES 

HISTOIRES 

MYSTÉRIEUSES 

ÉVÉNEMENTS PEU OU MAL CONNUS 

FRÉDÉRIC BULAU 
W. DUCKETT 

TOME TROISIEME 



PARIS 

PODLET-MA1ASSIS ET DE BROISE 

LIBRAIRES -ÉDITEURS 

97, rus Riohelifn, el punga Mirii 

1881 

Repraitaùtt rêtento 

Google 



. r Coo^le 



LORD LOVAT 



Voici an homme qui fut complètement étranger 
aux. préjugés tant philosophiques que mystiques du 
XVIII* siècle, mais qui manqua aussi des nobles in- 
spirations dont le cœur humain est susceptible, et 
qui semble n'avoir jamais été autre chose qu'un égoïste 
consommé. Au lieu de la légèreté aventureuse, n'ex- 
cluant pas quelquefois une certaine habileté, qui dis- 
tinguait Bonneval, il lit preuve d'une prudence excès- 
sive qui ne fut pourtant jamais de la véritable sa- 
gesse. Sans doute il eut de commun avec le XVIII* 
siècle les goûts sensuels, le mépris ironique du monde, 
la révolte contre les anciens liens moraux, et l'ègoïs- 
me le plus naïf ; mais il représente ces vices avec la 
vigueur de fer d'une autre époque et avec toute la ri- 
gidité du caractère écossais. 

Simon Fraser, lord Lovât, pair d'Ecosse, était né 
en 1670. Obligé, en 1710 , par le scandale de ses dé- 
bauches, d'abandonner sa patrie, il s'était réfugié à la 
cour de Saint-Germain, alors l'asile de tous les mé- 
ni. . QoOQk 



contents des Iles Britanniques, et où l'on n'avait pas le 
droit de se montrer difficile à l'égard des nouveaux 
arrivants. Il y avait embrassé le catholicisme ; mais 
comme il s'en fallait de beaucoup qu'il eût vraiment 
à cœur les intérêts de la cause jacobite , — ou de 
toute autre, — comme il supputait au contraire qu'il 
y aurait pour lui d'importants profits à retirer de 
services occultes qu'il pourrait rendre au parti victo- 
rieux en Angleterre, il ourdit des intrigues par suite 
desquelles un beau jour il fut mis à la Bastille. Quand 
il eut recouvré sa liberté, il prit les ordres et se con- 
duisit avec tant d'hypocrisie, qu'il réussitàse faire un 
grand renom de piété sincère, alors même que, véri- 
table tartufe , il entretenait encore maintes liaisons 
galantes. Le scandale allait éclater et l'empêcher de 
continuer à jouer son rôle de béat, lorsque la mort de 
ta reine Anne 11" août 1714) et l'accession de la mai- 
son de Hanovre au trône d'Angleterre vinrent lui ou- 
vrir de nouveaux horizons. Il calcula alors que la nou- 
velle dynastie avait besoin d'être défendue en Ecosse, 
qu'il ne pouvait manquer de s'offrir des occasions où 
il serait en mesure de lui rendre des services, et qu'en 
suivant cette voie il aurait bientôt fait oublier son 
passé. D'ailleurs, il était prêt à rendre les mêmes ser- 
vices à l'ancienne dynastie, pour peu que les actions 
de celle-ci lui parussent tendre plus à la hausse que 
celles de la maison de Hanovre. Abandonnant donc 
l'état ecclésiastique, il s'en revinten Ecosse, où il eut 
bientôt reconnu que la cause jacobite n'avait plus 
d'avenir ; et dès lors il combattit avec autant d'éner- 
gie que d'adresse l'imprudente levée de boucliers 
de 171 5. Cela le mit en fort bons termes avec le gou- 
vernement, qui non-seulement lui accorda amnistie 
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complète pour son passé, mais encore lui restitua ses 
biens, qui avaient été frappés de confiscation. Chef du 
redoutable clan des Frasers , il épousa une Grant , la 
fille d'un autrechef de clan des plus influents, et, à la 
mort de celle-ci, une parente du duc d'Argyle, qui, 
d'ailleurs, ne tarda pas à divorcer d'avec lui. Ainsi , 
comme on voit, ses relations et son influence allaient 
toujours en augmentant. Le gouvernement anglais 
lui accorda des pensions considérables et le combla de 
faveurs de toutes espèces. On savait parfaitement & 
Londres que pour l'avoir, il fallait le payer; on ne 
demandait pas mieux, et on croyait le fortbien payer. 
Tout cela ne suffisait pourtant pas à lord Lovât ; ce 
qu'il voulait," c'était recevoir des deux côtés à la fois, 
et se ménager une porte ouverte dans les deux camps. 
Dès 1736, il se mêla donc aux intrigues jacobites, et, 
en compagnie de quelques autres gentilshommes écos- 
sais, il entra même alors en relation avec la France, à 
La disposition de laquelle on s'engagea a mettre sur 
pied un corps de vingt mille hommes si elle opérait 
un débarquement en Ecosse. Il paraît que le cardinal 
de Fleury avait pris cette entreprise assez à cœur; 
mais quand il fut mort, les Français ne virent plus là 
qu'une manière d'épouvantail à entretenir à l'adresse 
de leurs voisins, car ils savaient parfaitement que la 
cause des Stuarts était à jamais perdue, et que la force 
intérieure de l'Angleterre était trop développée pour 
que ce pays pût jamais être ébranlé autrement que 
transitoirement par des entreprises du genre de celle 
en question. Hais le prétendant Charles-Edouard (1), 



(I) Né en 1720 à Rome, mort dans la même ville le 31 jan- 
vier 1788. 



. .Google 



qui se faisait des illusions bien naturelles, vint à Pa- 
ris, où il servit longtemps de jouet à la politique fran- 
çaise. Enfin, s'apercevant qu'on le bernait de belles 
promesses sans avoir l'intention réelle d'en tenir une 
seule, il prit le parti désespéré, mais qui s'explique 
dans sa position, de tenter seul de faire triompher sa 
cause. Il eut foi dans le sincère enthousiasme d'un 
peuple fidèle et chevaleresque, et ne calcula pas que 
si avec d'obscurs et ardents dévouements on peut for- 
mer une armée, — sauf, en cas de désastre, à les 
abandonner aux vengeances du vainqueur, — le suc- 
cès final dépend des chefs, et surtout de l'état des for- 
ces respectives des partis en présence, 

L'entreprise du prince arriva fort mal à propos 
pour les conspirateurs écossais , et en particulier pour 
lord Lovât. Ceux d'entre ces conspirateurs qui étaient 
sincèrement dévoués à la cause auraient bien eu con- 
fiance en une expédition s'appuyant sur toutes les 
forces delà France, et, dans de telles conditions, 
auraient espéré , sinon le renversement de la dynastie 
nouvelle intrbnisée en Angleterre, du moins le réta- 
blissement de l'Ecosse comme puissance indépendante; 
mais ils connaissaient trop bien la situation , pour 
attendre un pareil résultat des seuls efforts de l'Ecosse 
abandonnée à elle-même. Tous les secours fournis 
par la France se bornèrent à un peu d'argent , à quel- 
ques provisions et munitions , et à la permission don- 
née aux officiers irlandais et écossais employés à son 
service de s'embarquer dans cette aventure. Lovât 
n'aurait vraisemblablement pas élevé d'objection 
contre une expédition française ; c'est tout an con- 
traire ce qu'il eût de beaucoup préféré , afin de pou- 
voir soutirer de l'argent à la France et au Prétendant 



— 5 — 
en nourrissant leurs espérances, exercer de l'influence 
sur le parti jacobite en prenant part à la conspiration, 
et en même temps se faire payer par le gouvernement 
pour le tenir au courant des projets et des plans des 
conspirateurs. 

Mais quand Charles-Edouard eut débarqué en 
Ecosse (1745), son entreprise ayant obtenu au début 
de brillants succès , il fallut que Lovât, s'il ne se dé- 
clarait pas encore ouvertement , ne restât du moins 
pas complètement inactif. 11 commença donc par 
prendre fait et cause pour le gouvernement, mais en 
se contentant d'armer ses gens , et en ayant soin de 
faire espérer à chacun des deux partis qu'ils allaient 
venir grossir ses rangs. On sait que le 1" octobre 1745, 
l'impétueux courage des montagnards écossais l'em- 
porta, à Preston Pans, sur les troupes du gouverne- 
ment, dont le nombre était de beaucoup inférieur, et 
qui eurent en outre l'imprudence de trop mépriser 
des adversaires mal disciplinés et mal armés. Cette 
victoire exalta outre mesure les espérances du parti 
jacobite , qui ne douta plus du triomphe final de l'en- 
treprise du Prétendant ; elle fit en même temps cesser 
les hésitations de lord Lovât ,- qui envoya alors son 
lits rejoindre Charles-Edouard à la tête de cinq cents 
hommes du clan des Frasers. Mais le vieux renard 
avait mal calculé. Cette victoire n'avait été qu'un 
hasard , le fait d'un moment , et ses résultats ne du- 
rèrent aussi qu'un moment. La journée de Culloden 
(15 avril 1746) fut l'expression de la véritable situa- 
tion des choses, et, par suite, décisive. 

Obligé de s'enfuir dans les montagnes, lord Lovât 
fut arrêté dans le creux d'un arbre , devenu son uni- 
que refuge. Alors ce vieillard de quatre-ving ts ans 



■ 6 - 

commença à jouer une comédie où , pour la dernière 
fois de sa vie , il devait employer toutes les ressources 
de son habile hypocrisie à se tirer des griffes de ses 
ennemis, soit par la protection des grands seigneurs res- 
tés fidèles à la cause de la dynastie nouvelle , soit par 
l'influence de l'opinion publique. Son pis-aller, c'é- 
tait de se venger tout au moins de ses adversaires par 
l'odieux qu'il espérait jeter sur eux , de manière à 
s'en aller de ce monde avec une réputation meilleure 
que celle qu'il y avait eue et méritée pendant sa 
vie. 

Il essaya d'abord d'enjôler les vainqueurs, et, le 
3 juillet , il écrivit au duc de Cumberland : « Le mal- 
« heureux lord Simon Fraser de Lovât s'adresse à 
fc Votre Altesse Royale par cette lettre respectueuse. 
« Je n'aurais pas osé demander à Votre Altesse Royale 
« la moindre des grâces , si la plus grande partie des 
« habitants de cette contrée, attachés au gouverne- 
o ment, tels que le lord président et ceux qui soute- 
« naient alors la cour, ne devaient pas se rappeler 
« qu'en 1715 , au grand péril de ma vie et au prix de 
« la vie de mon frère unique , j'ai rendu à la famille 
« de Votre Altesse Royale plus de services essentiels 
« que toute autre personne de mon rang en Ecosse. 
« A cette occasion , je fus honoré de trois lettres 
« écrites au nom du roi , mon seigneur et maître, par 
« le comte de Stanbope , alors secrétaire d'État ; let- 
« très où Sa Majesté me donnait des témoignages tout 
« particuliers de sa bienveillance , et de nature à 
« inspirer à tous mes compatriotes une inébranlable 
« fidélité. Mais Sa Majesté ne s'en tint pas a de sim 
« pies paroles. Quand j'arrivai à la cour, et lorsque 
« j'eus l'honneur d'être présenté à Sa Majesté par le 



— 7 — 
« feu duc d'Argyle , je parvins successivement dans 
« la faveur royale à un degré tel, qu'on n'avait encore 
« jamais vu d'Écossais obtenir rien de semblable. 
« C'est ainsi qu'à Kensington et à Hamptoncourt j'ai 
« eu bien souvent l'honneur de porter Votre Altesse 
« Royale dans mes bras , et de vous présenter, Mon- 
« seigneur, aux embrassements du roi votre grand- 
« père , qui témoignait de la plus vive tendresse pour 
« vous et les princesses royales vos sœurs (1). Je 
« vous conjure donc, Monseigneur, de prendre en 
« considération la triste position où je me trouve, et 
a de me donner des preuves de votre bonté et de 
« votre générosité. Si j'avais l'honneur d'être admis 
« à baiser la main à Votre Altesse Royale , il ne me 
« serait pas difficile de vous convaincre que je puis 
« encore rendre au roi et au gouvernementdesservices 
« essentiels , et tels qu'on aurait de la peine a s'ima- 
« giner de la part d'un malheureux vieillard de 
« soixante dix-neuf ans comme moi, privé en outre 
« de l'usage de ses mains et de ses jambes. Le roi 
« votre père, mon seigneur et maître, était encore, 
« relativement à nous, fort jeune en J713, lorsque 
« j'eus l'honneur de lui présenter à genoux une de- 
o mande en grâce pour lord Mackintosh , et lorsque 
i Sa Majesté voulut bien l'accueillir favorablement. 
« Elle signa la grâce demandée , la remit à son ■cham- 
« bellan Charles Kathcart, avec ordre de me la 
• transmettre pour que j'eusse à la faire parvenir an 

(1) Bien des gens diront qu'en invoquant de tels souvenirs, 
te vieux fourbe ne faisait que rendre sa défection plus coupa- 
ble encore. Mais d'un autre côté, il faut aussi avouer qu'il est 
bien difficile de faire couper la tête à un homme qui fait valoir 
de tels antécédente. 



— 8 — 
« lord qu'elle concernait. C'estlà une des nombreuses 
« marques particulières de bonté que Sa Majesté (1) 
« daigna m'accorder en l'absence du roi son père , 
« alors en voyage en Hanovre ; et je ne doute pas que 
« le sang qui coule dans les veines de Votre Altesse 
« Royale ne soit tout aussi généreux et tout aussi 
« compatissant. » 

Tout cela ne servit à rien : lord Lovât, détenu 
d'abord au fort William , puis au fort August, fut 
transféré à Londres au mois d'août , et traduit par 
ordre de la Chambre basse devant la Chambre haute 
pour crime de haute trahison. Le procès une fois en- 
gagé , il eut recours à tant de chicanes et d'échappa- 
toires pour faire traîner l'affaire en longueur, qu'il 
n'en résulta pas moins de 40,000 livres sterling de 
frais pour la couronne. Tout cela ayant encore été 
inutile , il spécula sur l'opinion publique , qui com- 
mençait à être fatiguée de condamnations à mort déjà 
si nombreuses. Dans la dernière séance de son procès 
devant la Chambre haute , il se montra très humble 
et très abattu , n'invoquant d'autres moyens de dé- 
charge que son grand âge, ses infirmités, sa position 
désespérée , l'exaspération de ses ennemis , sa surdi- 
té , la faiblesse de sa voix dans une si vaste salle et 
en présence d'nne si grande assemblée , enfin la fa- 
tigue excessive qu'avait entraînée pour lai un tel 
procès. De la sorte , notre rusé personnage réussit à 
îaire naf tre en sa faveur parmi le peuple plus de sym- 
pathie qne n'en avaient obtenu bien des gens qui l'au- 



(1)11 est ici question du roi Georges II, qui régnait en 1748, 
61s de Georges I«, qui régnait en 1713, père du duc de Cum- 
berland et grand-père de Georges III. 



raient beaucoup mieux mérité. Le procès, grâce à 
l'emploi de toutes les ressources de la chicane , eut 
beau traîner en longueur, la Chambre haute finit, dans 
les derniers jours de mars 1747, par prononcer nn ar- 
rêt qni déclarait lord Lovât coupable de haute trahi- 
son, et, en conséquence, le condamnait à la peine 
de mort. Au lieu de lui faire subir le cruel supplice 
réservé à ce crime , l'arrêt se contenta de dire , en 
manière de commutation de peine , qu'il aurait la 
tète tranchée par la hache (i). Quand le président eut 
terminé la lecture de cet arrêt , lord Lovât adressa à 
ses juges une courte allocution remplie des plus mor- 
dantes railleries. Ses amis se remuèrent beaucoup, 
mais en vain , pour obtenir, sinon sa grâce, du moins 
le renvoi de l'exécution à cinq ans : délai pendant le- 
quel ils espéraient le voir mourir de sa mort natu- 
relle. 

Un fait assez singulier, c'est qu'un individu qui 
parait n'avoir jamais eu le moindre rapport direct ou 
indirect avec lord Lovât, et n'avoir pas non plus agi 
en cela par sympathie pour lui, un certain John 
Painter, de Saint-John's-College , Oxford, demanda 
à mourir au lieu et place du condamné. Il adressa à 
cet effet des pétitions au roi , à lord Ghesterfield (2) 

(1) Le supplice réservé par la loi au crime de haute trahi- 
son consistait à commencer par pendre le patient, qu'on dé- 
crochait quand il était à moitié mort. On lui arrachait alors 
les entrailles du ventre , et on les brûlait; après quoi , on lui 
coupait la tête; puis , son corps était tiré en quatre quartiers. 

(2) J.e célèbre auteur des Letters lo kis son , Philippe-Dor- 
mer Stanhope, comte de Chesterfield, né le 22 septembre 
1694, mort le 24 mars 1773. 

™* . ,GéogIe 



— )0 — 
et à M. Pelham (1). La contexiure même de ces épî- 
tres prouve que cet individu n'avait aucune sympa- 
thie pour Lovât. Mais, fatigué de la vie , il se sentait 
malheureux, et, n'osant al tenter lui-même à ses jours, 
il estimait que ce serait lui rendre un véritable ser- 
vice que de lui faire subir, au lieu et place de lord 
Lovât , la peine de mort , si justement prononcée con- 
tre ce traître. Il s'engageait, du reste, à faire bonne 
contenance sur l'échafaud , à se montrer digne de la 
faveur qu'on lui accorderait , à ne pas faire honte au 
gouvernement en faiblissant , si peu que ce fût , au 
moment suprême. Il disait à lord Chesterfield « que 
tous les démons de Milton , tous les esprits des Ecos- 
sais morts à Culloden , quand même ils seraient con- 
voqués par quelque nécromancien à se trouver au lieu 
du supplice, ne pourraient jamais lui faire dire : 
« Mon Dieu , que cela est affreux de mourir ainsi ! » 
En cela, notre homme voulait faire allusion aux der- 
niers mots prononcés sur l'échafaud par lord Kil- 
marnock ,. condamné à mort dans la même insurrec- 
tion de 1745. Il faisait observer à M. Pelham que la 
grâce qu'il sollicitait était d'une nature telle , qu'il 
croyait n'avoir pas beaucoup de concurrents, si tant 
est même qu'il en eût un seul. Painter était évidem- 
ment un fou ; il parait toutefois qu'en agissant ainsi 
il avait pour mobile , bien moins l'envie d'en finir 
avec la vie, que le désir de prouver qu'il ne redoutait 
pas la mort. 

(1) Henri Pelham, frère du duc de Newcastle, longtemps 
membre du cabiuel Walpole , passa ensuite à l'opposition , 
succéda en 1 743 à Walpole , et mourut en 1731. 

Google 



— » — 

Lovât ne fut pas gracié. En apprenant que jour 
avait été pris pour son exécution , .il ne perdit rien 
de sa gaieté, et conserva constamment dès lors le 
maintien d'un philosophe railleur. Son geôlier, quel- 
ques jours avant sa mort, lui ayant demandé s'il vou- 
lait du vin rouge ou du vin blanc : « Pas de blanc, 
répondit-il, à moins que vous ne vouliez que je 
me présente à l'échafaud avec un laxatif dans le 
corps! » — a Que faites-vous? » lui disait le major 
de la Tour. — « Rien que de bonnes choses , repar- 
tit Lovât , car je me dispose à aller en un lieu où il 
n'y a pas de majors et encore moins de lieutenants 
généraux. » Il étudiait avec soin la manière dont il 
devait s'y prendre pour jouer convenablement son 
rôle dans la tragédie qui allait s'accomplir. La veille 
de sa mort , causant d'un bill présenté au Parlement 
pour la suppression des juridictions patrimoniales en 
Ecosse, avec un ami qui était venu le visiter dans sa 
prison , il lui dit qu'il voudrait voir souffrir de la 
diarrhée tous ceux qui voteraient cette mesure. Il 
demanda que son corps fût ramené en Ecosse et dé- 
posé dans la sépulture de sa famille à Kirkhill. Par 
son testament , il avait ordonné que les musiciens de 
la ville d'Edimbourg vinssent au-devant de son cer- 
cueil avec leurs fifres et leurs cornemuses ; et, si l'au- 
torité y mettait opposition , il exprimait l'espoir 
que, du moins, les bonnes vieilles femmes de son 
pays entonneraient quelque complainte en son hon- 
neur. 

Il monta gaiement , résolument, sur l'échafaud , le 
20 avril 1747, consolant et encourageant ses amis, 
leur rappelant le Duke et décorum est pro patria 

. r Coo^le 



mort; puis, après avoir encore répété ces paroles 
d'Ovide : 

Nam genus et proavos et qua non fecimus ipsi 
Vix ea nostra voco (1) , 

il plaça sa tête sur le fatal billot. L'instant d'après , 
le bourreau La détachait du tronc d'un seul coup de 
hache (2). 

(1) a Car je n'appelle guère nôtres la race et les ancêtres, 
et ce que nous n'avons pas fait nous-mêmes, d 
(ï) Manoirs oflhe Life oflord Lovai. Londres, 1746. 



. r Coo^le 



LE PRINCE DE KAUNITZ 

ET LE DUC DE CHOISEUL 



L'histoire de ces deux hommes d'État, dont la po- 
litique consista à opérer au siècle dernier la réconci- 
liation de la France avec l'Autriche, après plus d'an 
siècle de constant antagonisme, est assez connue de 
nos lecteurs pour qu'il nous suffise de leur rappeler 
ici quelques 1 dates comme simples points, de repère. 

Wenceslas-Antoine-Dominique, prince de Kaunitz- 
Rietberg, fils du comte Maximilien-Udalrich de Kau- 
nitz , de la ligne de Moravie , et de Marie-Ernestine , 
fille et héritière du dernier comte de Rietberg, na- 
quit à Vienne le 2 lévrier 1714. Comme il était te 
dernier de cinq frères, il fut destiné à l'état ecclésias- 
tique , et obtint dès l'âge de treize ans une prébende 
an chapitre de Munster. Mais tous ses frères aines 
étant morts de bonne heure, il quitta le petit collet et 
rentra dans le monde pour empêcher sa race de s'é- 
teindre. Après avoir étudié successivement à Vienne, 



— U — 

à Leipzig et à Leyde, il alla, à partir de 1732, voya- 
ger en Angleterre, en France et en Italie. En 173B, 
il fut nommé membre du conseil aulique, et en 1737 
vice-commissaire impérial près la diète de Ratis- 
bonne. A la mort de sa mère (1758), il hérita du 
comté de Rietberg. Le 6 mai 1736, il avait épousé 
une comtesse de Stahremberg (née en 1718, morte 
en 1749) , fille du comte François- Antoine. Après la 
mort de l'empereur Charles VI, il alla passer quelque 
temps dans ses terres , en Moravie. Mais Marie-Thé- 
rèse ne tarda pas aie charger (1741) d'une mission ex- 
traordinaire auprès du pape età Florence. Une année 
plus tard (1742) , elle le nommait son envoyé à Tu- 
rin ; c'était là un poste diplomatique d'une haute im- 
portance, car il s'agissait d'une alliance à conclure 
entre la Sardaigne, l'Autriche et l'Angleterre, contre 
la France , l'Espagne et Naples. Ses dépêches furent 
très remarquées , et Marie-Thérèse en remit un jour 
une au comte d'Uhlefeld , alors ministre des affaires 
étrangères, en lui disant : « Voici le premier de vos 
conseillers (1). » En 1744, Kaunitz accompagna le 
prince Charles de Lorraine et sa femme, l'archi- 
duchesse Marie-Anne, dans leur gouvernement des 
Pays-Bas, en qualité de grand maître de la cour et 
de ministre plénipotentiaire; et, à la mort de l'archi- 
duchesse, ce fut lui qui, pendant l'absence du prince 
Charles , remplit par intérim les fonctions de gouver- 
neur général. Mais les Français s'emparèrent de la 
plus grande partie des Pays-Bas , et Kaunitz , mécon- 
tent de la direction supérieure imprimée aux affaires, 

(1 ) Comte Mailath , Histoire de l'empire ^Autriche , t. V, 
p. 33. 



— 15 — 
donna sa démission. L'impératrice ne l'accepta point, 
et ne consentit qu'à lui accorder un congé. Il se ren- 
dit alors à Londres, et en 1747 il assista au congrès 
d'Aix-la-Chapelle , où il se fît une grande réputation 
d'habileté. Elle lui valut sa nomination an titre de 
ministre d'Etat et de conférence en activité de ser- 
vice , et aux fonctions d'ambassadeur à Paris , dans 
l'exercice desquelles il parvint à opérer la réconcilia- 
tion de l'Autriche avec la France. Il séjourna à Paris 
depuis 1730 jusqu'en 1753, et en 1753 il fut nommé 
chancelier de cour et d'Etat. En 1756, la direction 
des affaires des Pays-Bas et de l'Italie fut encore 
ajoutée à ses attributions. En 1764, il fut créé prince 
de l'Empire. Il resta à la léte du ministère des affai- 
res étrangères sous les règnes de Joseph H et de 
Léopold II , quoiqu'il eût vu son influence diminuer 
quelque peu. A l'avènement de l'empereur Fran- 
çois II (1792), il prit sa retraite comme chancelier de 
cour et d'État, à cause de son grand âge, et il mourut 
le 27 juin 1794. Il laissait quatre ûls, dont le second, 
Dominique-André (né en 1739, mort en 1813), conti- 
nua seul la race et transmit son nom à un fils unique, 
le prince Aloys de Kaunitz (né en 1774, mort en 
1848). Celui-ci n'eut qu'une fille; de sorte que la 
branche princière des Kaunitz est aujourd'hui éteinte, 
de même que la ligne de Moravie de cette maison. 

Etienne-François, duc de Choiseul-Amboise, né le 
18 juin 1719, descendait d'une branche de la grande 
et ancienne famille des Choiseul , et débuta dans le 
monde sous le nom de comte de Stainville. Elevé 
chez les Jésuites, il entra d'abord dans l'armée, et sa 
conduite brillante sous les murs de Prague lui valut 

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un régiment, en 1741. Revenu à Paris, il y obtint la 
faveur de madame de Pompadonr, et passa lieute- 
nant général en 1148. En 1158, il Tut créé duc de 
Choiseul , en même temps qu'il était appelé à prendre 
le portefeuille des affaires étrangères. Précédemment 
il avait été nommé , en 1753 , ambassadeur à Rome , 
puis, en 1757, ambassadeur à Vienne. En 1761, il 
céda le ministère des affaires étrangères à son cousin, 
le comte de Gboiseul, créé plus tard duc de Praslin, 
et se réserva la direction des deux ministères de la 
guerre et de la marine. En 1 766 , il échangea encore 
avec Praslin le portefeuille de la marine contre celui 
des affaires étrangères. En 1770, il fut renversé du 
pouvoir par madame Dubarry et exilé a Clianteloup. 
Après l'avènement de Louis XVI, il eut permission 
de revenir à Paris , et le nouveau roi le consulta 
même à diverses reprises ; mais il mourut en 1785. 
S'il fut le principal instigateur de l'alliance autri- 
chienne , il fut aussi , en revanche , le créateur de la 
grande ligue des différentes familles royales de la 
maison de Bourbon , désignée dans l'histoire sous le 
nom de pacte de famille. C'est lui qui chassa de France 
les Jésuites , surtout parce qu'ils étaient soutenus par 
le dauphin , adversaire déclaré de la politique inau- 
gurée par Ghoiseul. C'est aussi sous son ministère 
qu'eut lieu la conquête de la Corse. La France lui est 
redevable de ses excellentes écoles militaires, de la 
puissante impulsion donnée à sa marine, et d'utiles 
réformes accomplies dans son système colonial. Sa 
f emm e , Louise-Honorine Crozat du Cbatel , était fille 
d'un riche négociant. A sa mort, elle sacrifia la plus 
grande partie de sa fortune particulière pour payer 



— 17 — 
ses dettes, et se retira dans un couvent. Quand la ré- 
volution eut supprimé les couvents , elle vécut dans 
l'isolement à Paris , où elle mourut en i 801 . 

Nous empruntons aux Hémoires du baron de Glei- 
chen quelques particularités caractéristiques sur ces 
deux hommes d'Etat. 

i H. deKaunitz, nous dit Gleieh.cn (1), ètaitgrand, 
bien fait, soigné dans sa mise, — quoique sa perruque 
à cinq marteaux eut quelque chose de comique, — très 
digne dans toute sa tenue, solennel et un peu roide 
dans sa conversation. Hais cette raideur lui seyait 
beaucoup mieux qu'aux autres grands seigneurs autri- 
chiens. Elle semblait lui appartenir de droit; elle 
avait même le charme d'un maintien naturel, et por- 
tait le cachet de la supériorité. 

■ Il ne saluait guère que d'un petit signe de tête. Aux 
intimes il accordait un sourire paternel ; avec tous au- 
tres il affectait l'air protecteur. Il était bon , juste , 
loyal, désintéressé, quoiqu'il aimât etméme qu'il 
exigeât tout bonnement que les cours étrangères lui 
fissent des présents en vins, en chevaux, en tableaux, 
et antres articles répondant à ses goûts. Il s'exprimait 
toujours en termes choisis, lentement et avec beau- 
coup de réserve. Personne ne possédait une connais- 
sance plus étendue de la terminologie technique , et 
c'était déjà une grande recommandation auprès de 
Ini que d'avoir en ce genre une certaine habileté. On 
le séduisait tout aussi facilement en employant un 
terme qui lui était encore inconnu , que le duc de 



(i) Mémoire! , p. 198. Nous ferons observer que Gloichen 
ne connut le prince de Kftuniti que lorsque celui-ci était déjà 



— 18 — 
Choiseul avec un bon mot. Il était instruit, aimait les 
arts, surtout ta peinture, et favorisait les artistes en 
tout genre. Il tenait en estime particulière tout ouvrier 
qui excellait dans son métier, si vulgaire qu'il pût 
être, et avait une véritable passion pour tous les ou- 
vrages bien exécutés. Sa prudence , son sang-froid , 
son excellent jugement et sa longue expérience, lui 
avaient valu le surnom de Nestor politique de son 
siècle. Il avait le bonheur d'avoir du goût pour une 
foule de choses, sans avoir une seule passion. Ses amis 
pouvaient se plaindre de ce qu'il fût en définitive peu 
utile à leur fortune; en revanche, ses ennemis ne 
pouvaient alléguer contre lui aucun tort , aucun acte 
de vengeance. Il écoutait avec une patience et une 
attention extrêmes les détails les plus prolixes, et ré- 
pondait exactement sur chaque point, mais permet- 
tait rarement de réplique. 

«Dans les dernières années de sa vie, par suite de sa 
surdité et des ménagements extrêmes qu'il prenait 
pour sa santé, il y avait parfois quelque chose de pé- 
nible à causer affaires avec lui. En effet, comme il se 
montrait très difficile pour accorder des audiences 
particulières, on était obligé de lui parler très haut 
devant tout le monde, au risque d'encourir ses rebuf- 
fades. Il donnait fort peu au travail, et semblait per- 
dre une bonne partie de son temps en rêveries et par- 
fois même en farces. Mais il n'agissait ainsi que pour 
trouver le temps de réfléchir et pour se maintenir la 
tête fraicbe et alerte. Une de ses principales maximes, 
qu'il aimait à répéter et dont l'empereur Joseph eût 
bien dû faire son profit, était de ne jamais faire ce 
qu'un autre pouvait faire à sa place : « J'aimerais 
mieux, disait-il, faire des cocotes de papier, que 



— 19 — 
décrire une seule ligne qu'un autre pût écrire aussi 
bien que moi. » Il lui répugnait tellement d'écrire, 
qu'il se contentait de signer ses lettres les plus impor- 
tantes de sa seule initiale K. En revanche, il s'était 
imposé la loi de ne jamais quitter son cabinet sans 
que toute la besogne qui pouvait s'y trouver lût 
expédiée. C'est ce qui explique pourquoi ses repas 
étaient si souvent retardés et avaient lieu à des heures 
si irrégulières. En raison du goût prononcé qu'il avait 
pour la parfaite exécution en toutes choses, et du soin 
réfléchi qu'il apportait en tout, on aurait pu croire que 
les travaux de rédaction lui coûtaient beaucoup plus 
de peine qu'à un autre ; néanmoins, le peu qu'il écri- 
Tiit portail le cachet de la perfection. Il lui arrivait 
rarement de témoigner beaucoup d'attention aux per- 
sonnes qui venaient le voir, et qui , par suite , ne 
s'en montraient que plus obséquieuses à son égard, 
el ne le questionnaient que sur des choses essentielles, 
notamment sur l'état de sa santé. 

" Le fait est qu'il s'occupait de sa santé avant toutes 
choses, et qu'à cet égard il se montrait naïvement 
égoïste. Il cherchait à éloigner de lui, autant que pos- 
sible, tontes espèces de soucis, et sacrifiait toutes 
les considérations possibles à sa commodité , à ses 
habitudes, à son bien-être. Dans sa jeunesse, il 
avait déjà habitué l'impératrice Marie-Thérèse, lors- 
qn'il trouvait qu'il faisait trop frais dans ses ap- 
partements, à le voir aller fermer les fenêtres et se 
mettre un petit bonnet sur la tête. Âitn de se mainte- 
nir toujours au même degré de température, il portait 
en hiver une redingote et un manteau qu'il endos- 
sait et était alternativement. Vers la fin de son dî- 
ner, on lui apportait un miroir et tout l'attirail d'un 



dentiste, et il se mettait alors à faire sans façon une 
longue toilette de bouche en présence de tonte la 
compagnie. Dinant un jour chez le baron de Breteuil, 
ambassadeur de France, il se disposait à faire comme 
de coutume cette importante opération, et tout aussitôt 
M. de Breteuil de dire à la compagnie : « Levons-nous, 
le prince veut être seul. » A partir de ce jour-là, Kau- 
nitz n'accepta plus jamais d'invitation à dîner en 
ville. Habitué à se retirer à onze heures du soir, il ne 
se gênait pas plus à cet égard avec un archiduc qu'avec 
l'Empereur; et quand cette heure-là le surprenait 
jouant encore au billard avec l'un d'eux , il lui tirait 
sa révérence et vous le plantait là au beau milieu de 
la partie. 

•< Il détestait toutes espèces de parfums ; ets'il arri- 
vait à une dame qui en portait , filt-elle même étran- 
gère, de venir se placer auprès de lui, il lui disait 
froidement : « Éloignez-vous , Madame , vous sentez 
mauvais. » Pour ne pas être obligé de penser à l'âge 
et à la mort , il voulait qu'on ignorât le jour de sa 
naissance , et qu'on ne parlât jamais devant lui d'un 
homme à l'article de la mort. La mort de celui de ses 
fils qu'il avait toujours le mieux aimé , et qu'il savait 
être gravement malade , ne lui fut pas autrement an- 
noncée que par le grand costume de deuil que son 
valet de chambre lui fit revêtir. Peu de temps avant 
de mourir, il disait à son fils Ernest-Christophe (né 
en 1737, mort en 1797) : « Mon ami, je sens que 
c'en est fait de moi ; console-moi et encourage-moi ! a 

« L'estime qu'il avait de sa propre personne avait 
quelque chose de si naïf, qu'il parlait de lui-même 
comme il eût pu parler d'un tiers. L'empereur Joseph 
avait fait faire les bustes du feld-maréchal de Lascy 



— fi- 
el du prince de Kaunitz. Au bas de ce dernier buste, 
on avait placé une inscription latine qui rendait lar- 
gement justice aux mérites du premier ministre. 
Quelqu'un étant venu à faire , en présence du prince, 
l'éloge du style lapidaire de celte inscription, M. de 
Kaunitz lui dit tout bonnement : « C'est moi qui en 
suis l'auteur. » H était grand connaisseur en chevaux, 
et on le flattait beaucoup quand on venait l'admirer 
dans son manège , où on était sûr de le rencontrer 
toujours avant l'heure de son dfner. Lord Keith , 
ambassadeur d'Angleterre à Vienne, y envoya un 
jour un de ses compatriotes en lui recommandant 
d'accabler le prince de compliments et d'éloges , et 
de ne pas craindre de les fortement assaisonner, 
attendu qu'à cet égard Kaunitz était bien blasé. Notre 
Anglais , qui n'était pas fort sur les compliments , 
cherche pendant longtemps ce qu'il doit dire, et 
accouche enfin, en rougissant, de ces mots : « Ah 1 
non prince , vous êtes le plus grand écuyer que j'aie 
jamais rencontré de ma vie ! » — « Je le crois parbleu 
bien 1 » se contenta de lui répondre le prince. 

«L'âge avait beaucoup aigri le caractère du prince, 
et son irritabilité allait parfois jusqu'à l'insolence et 
à de cruelles façons d'agir avec des gens pour qui il 
ne professait pas grande estime. Le prince Sulkows- 
ki (I), un des convives habituels et l'un des plus 
grands flatteurs du prince de Kaunitz, était un jour 
wenient engagé dans une conversation avec l'un de 
ses voisins, quand Kaunitz s'avise de lui envoyer, 
par on de ses valets de pied favoris , un mets qu'il 

(Il 11 s'agit vraisemblablement ici du prince Alexandre, qui 
était généraWeld -m aréchal-1 ieu lenan l . 

. ,Coo^le 



— 22 — 
lui fait recommander particulièrement. Sulkowski, 
préoccupé de la conversation , repousse un peu brus- 
quement l'attention dont il est l'objet : « Prince , lui 
dit bien vite Kaunitz , prenez garde ; si vous donnez 
ainsi des coups de poing à mes gens , je leur ordon- 
nerai de vous les rendre ! » C'était trop fort, même 
pour Sulkowski , qui demanda satisfaction aux fils du 
chancelier d'Étal. L'affaire se termina par des excuses 
présentées au nom du prince de Kaunitz; et Sulkowski 
continua, dit-on , à manger chez le premier ministre 
tout comme si de rien n'eût été. 

« Un jour qu'à sa table chacun gardait le silence , 
Kaunitz , s'adressanl à madame de Clary, qui avait 
le département des invitations et qui était en outre 
chargée de faire les honneurs de la maison , lui dit : 
« 11 faut convenir, Madame , que vous m'avez invité 
aujourd'hui une bien sotte société. » Une autre fois , 
comme il était aussi survenu à table un temps d'arrêt 
dans la conversation , il dit : « J'aimerais mieux en- 
tendre des sottises que rien du tout. » Sur quoi M. de 
Mérode, l'un de ses flatteurs, reprit aussitôt : « Il 
faut avouer et proclamer que M. Pitt est le plus grand 
ministre qu'il y ait aujourd'hui en Europe... Êtes- 
vous content maintenant, mon prince? » 

« C'est surtout avec ceux dont le rang était pour le 
moins égal au sien, qu'il se montrait orgueilleux. 
Quand Pie VI vint à Vienne et lai présenta sa main , 
que, suivant l'usage, il aurait du baiser comme tout 
le monde, Kaunitz se contenta de la prendre dans la 
sienne et de la secouer avec la plus familière cordia- 
lité. S'il s'attachait à humilier les prétentions , il se 
plaisait à honorer les talents , même dans les classes 
inférieures. Un envoyé étranger, qui dinaît pour la 



- 23 — 
première fois chez lut , ne se trouva pas au salon à 
l'heure dite. Dès que Kaunitz y fut entré , il ordonna 
de servir sans attendre le diplomate retardataire. Le 
lendemain , il fit retarder son dîner pour attendre le 
maître de ballets Noverre, l'un de ses convives. 

& Quand Joseph II prit les rênes du pouvoir, il exigea 
du prince de Kaunitz qu'il consentit à ce que ce fût 
désormais l'Empereur qui vint travailler avec son 
premier ministre, et non celui-ci qui allât travailler 
avec l'Empereur; et cela, sous prétexte d'épargner la 
sauté de M. de Kaunitz et de ne pas déranger ses ha- 
bitudes. Néanmoins , il ne se faisait rien de réelle- 
ment important sans qu'on l'eût consulté; et toute 
apparence d'une diminution quelconque dans l'in- 
fluence du premier ministre était soigneusement dis- 
simulée par les plus éclatantes démonstrations de 
confiance et d'estime. Le prince de Kaunitz jouit du 
même crédit sous le règne de l'empereur Léopold II , 
et Gleichen vit un jour ce monarque venir, en compa- 
gnie de l'Impératrice, dans les jardins du prince pour 
lui présenter le roi et la reine de Naples. Les festes 
mortels de l'homme d'État qui, par la conclusion du 
traité de Versailles, avait étouffé le germe des guerres 
si nombreuses entre laFrance et l'Allemagne, reposent 
dans les champs d'Austerlitz , qui faisaient partie des 
domaines de ses pères. » 

Voici le jugement que M. de Flassan (lj émet au 
sujet du'prince de Kaunitz : 

« Ce ministre avait toutes les qualités de l'homme 
« d'État : un discernement fin , un esprit prompt et 

(1) Histoire de la Diplomatie française, t. V, page 233. 

. ,Goo^Ie 



« facile, de la sagacité, de l'élévation dans la pensée, 
« de la justesse dans les aperçus, et beaucoup de dex- 
« térité en affaires; un désintéressement à l'épreuve, 
a de la discrétion , de la retenue , une raison ferme et 
« éclairée qui l'arrachait aux préjugés, le cœur gé- 
« néreux et compatissant , le caractère vrai et sûr. Sa 
« politique paraissait dégagée de mauvaise foi , et la 
« dissimulation n'avait jamais été exercée chez lui 
« aux dépens de la bonne foi. Il était habile à démêler 
« les vues des autres ministres , par suite des démar- 
« eues et des insinuations qu'on lui faisait pour le 
« pénétrer lui-même. Il ne flattait ni les caprices ni 
« les opinions de ses maîtres; menaçant même de se 
« retirer, quand on rejetait le bien dont il sentait la 
« nécessité. Dans son intérieur, il était bon , uni et 
« familier. Mais, par une destinée attachée aux hom- 
« mes les plus parfaits, tant de rares qualités étaient 
« quelquefois mêlées de faiblesses et de singula- 
« rites (!}. » 

« Ce ministre avait une répugnance insurmontable 
« pour les affaires d'une discussion longue et épi- 

[1) a Quelquefois le prince de Kaunitz poussait la facilite 
o des manières et la négligence des égards un peu trop loin, 
s Ou le vit , au moment où l'on allait se mettre à table et où 
a une nombreuse société était déjà rendue chez lui, monter 
a tranquillement à cheval ou en voiture , pour aller à la pro- 
s monade, dont il ne revenait qu'à six heures du soir. Invité 
s chez les autres , il se faisait attendre deux ou trois heures, 
a et faisait même apporter ses propres plats. On le vit à la 
« table de ses souverains se regarder dans un miroir de po- 
k cbe, curer ses dents , nettoyer sa tabatière, lire des lettres, 
n y faire des réponses, faire apporter de la bougie et ce- 
ci cheter,. elc » 

i: ■ . ,Coo^le 



« nense. Persuadé que sa facilité naturelle et sa per- 
a spicacitè lui aplaniraient les plus grands obstacles , 
» il négligeait souvent d'entrer dans l'examen des 
a détails et des accessoires ; en sorte qu'au lieu d'ap- 
« profondir une affaire , il la traitait d'après la pre- 
« mière face qui s'offrait à son esprit , et qu'il savait , 
« du reste , présenter sous un point de vue séduisant 
« et revêtu de tant de motifs de convenance et de pro- 
« babilitè, qu'il ne laissait même pas soupçonner qu'il 
« n'avait vu l'affaire qne partiellement. Ce ministre 
« aimait les Français, quoiqu'il les taxât de suffisance 
« et de légèreté. Il faisait beaucoup de cas du duc de 
« Choiseul. » 
Ecoutons maintenant Gleichen parler de Choiseul : 
« Le duc de Choiseul était petit, d'une taille plu- 
tôt ramassée que svelte , et sa laideur ne laissait pas 
que 'd'avoir quelque chose d'agréable. Ses petits yeux 
étincelaienl d'esprit; son nez retroussé lui donnait un 
air aimable, et ses grosses lèvres souriantes annon- 
çaient la gaieté de ses saillies. Bon, noble, franc, 
généreux, galant, aimant le faste, libéral, fier, hardi, 
vif et même violent, il rappelait parfaitement l'an- 
cien type du chevalier français. Mais à ces qualités il 
unissait aussi plusieurs des défauts qui sont le propre 
de sa nation : il était léger, indiscret, arrogant, pré- 
somptueux, dissipateur, importun, téméraire, ef- 
fréné. 

a Quand il remplissait les fonctions d'ambassadeur 
à Rome , Benoit XIV (1) disait de lui que c'était un 

(l)ProsperLambertini, né en 1673 à Bologne, d'abord avo- 
cat, puis nommé Promotor-Fidei, en 17Î7 évëque d'AncÔne, 
en 1738 cardinal, en 1 732 archevêque de Bologne , élu pape 
en 1740, mourut le 3 mai 1758, Dans le conclave de 1740, il 



fou de beaucoup d'esprit. Je n'ai jamais rencontré 
d'homme qui sût aussi bien répandre la gaieté et la 
satisfaction autour de lui. Quand il entrait dans un 
. salon , il avait l'habitude de porter la main à une des 
poches , comme pour en tirer l'inépuisable quantité 
de bons mots et de plaisanteries qu'on l'entendait 
alors débiter. 11 ne pouvait résiste au désir de ren- 
dre heureux ceux qui savaient lui dépeindre et lui 
exprimer les joies dont il ne dépendait que de lui de 
les combler. Pourvu que cela ne lui coûtât pas trop 
de peine, il mettait toutes les ressources de son cré- 
dit à leur disposition pour les obliger. Par contre , il 
ne pouvait supporter l'aspect du malheur ; et je l'en- 
tendis un jour plaisanter d'une façon qui me parut 
cruelle, à propos des plaintes de la famille de son 
cousin Ghoiseul, le marin, qu'il avait dû exiler pour 
se soustraire à ses importunitès et à ses sollicitations. 
C'est encore ainsi qu'il se cuirassait d'une dureté 
d'emprunt contre la condescendance et la faiblesse, 
qui lui étaient propres. La duchesse de Ghoiseul le 
traitait un jour devant moi de tyran : « Dites un tyran 
de coton », lui répondit-il. Un moyen infaillible pour 
obtenir de lui tout ce qu'on voulait , c'était de com- 
mencer par l'irriter à propos d'une chose indifférente. 
Une fois ce premier mouvement de colère passé, ie 
lion devenait un agneau. » 

dit aux cardinaux: a Voulez-vous un saint? prenez Gotti; 
un homme d'Etat , Aldobrandini ; un boa vieux , moi ! » Et 
c'est aussi ce qu'on fit. Ce souverain pontife était savant , mo- 
deste, modéré dans ses goûts, ami des sciences et des arts, 
sincèrement pieux , éclairé et tolérant. Le seul reproche que 
lui fissent les Romains , c'était de trop écrire et de trop peu 
gouverner. 

. r Coo^le 



— 17 — 

> Une des plus nobles qualités de Choiseul , c'était 
d'être aussi généreux ennemi qu'excellenlami. Leduc 
d'Aiguillon (1), qui était accusé devant le parlement 
et fut sauvé parce que le duc de Choiseul , dans les 
dépositions qu'il eut à faire contre son vieil ennemi , 
garda en sa faveur le silence sur beaucoup de faits, 
est une des meilleures preuves qu'il n'était point vin- 
dicatif. Le solide attachement que lui témoignèrent 
cette foule de courtisans qui , dans sa disgrâce , vin- 
rent le visiter à Chanteloup , et qui lui demeurèrent 
fidèles jusqu'à la fin de sa vie , prouve combien il 
avait su se faire d'amis. Le bailli de Solar, ambassa- 
deur de Sardaigne , reçut de lui les témoignages les 
plus tendres et les plus délicats d'une affection pres- 
que filiale. C'était le seul homme que le duc de Choi- 
seul traitât avec une sorte de respect , peut-être bien 
parce que c'était lui qui à Rome l'avait initié à la 
connaissance de la politique. Il lui procura l'am- 
bassade de Paris , le rôle de médiateur dans les négo- 
ciations pour la paix de 1162, d'énormes cadeaux 
diplomatiques et une abbaye de 50,000 livres de 
rente. Tous les devoirs pieux qu'un fils peut remplir 
à l'égard d'un père furent rendus à M. de Solar par 
Choiseul et les membres de sa famille dans la longue 
et terrible maladie (le cancer) à laquelle il succomba 
à Paris, peu de temps après que son ami lui eut fait 
tous ces brillants avantages. » 

« Choiseul aimait la hardiesse , et c'est par une 
phrase presque blessante, que je maintins avec toute 
la folle vivacité d'un jeune homme de vingt-deux ans, 

(1) Armand Vignerot-Duplessis-Richelieu , duc d'Aiguillon , 
né en. 1720, mort exilé en 1783. 

. r Coo^le 



— 28 — 
que je trouvai le chemin de son cœur. En 1756, 
j'étais venu à Frascati passer chez lui les deux der- 
niers mois de l'été. Le jour même de mon arrivée , il 
parla en ma présence , avec assez peu d'égards , de la 
margrave de Baireuth , sœur aînée du roi de Prusse, 
qui m'avait élevé et m'avait envoyé à Rome. Je lui 
répondis d'une manière si fière et si blessante, qu'il' 
jeta vivement sa serviette sur la table et se leva. 
Comme j'avais encore là mes chevaux, j'ordonnai 
d'atteler et voulus partir immédiatement. Madame de 
Ghoiseul me retint , et je ne consentis à rester qu'à la 
condition que l'ambassadeur de France me promet- 
trait de ne jamais dire en ma présence, au sujet de 
la margrave , rien que je ne pusse pas entendre sans 
manquer âmes devoirs. II me le promit, et à partir 
de ce moment il me témoigna constamment la plus 
grande affection. Un mois après cet incident , le roi 
de Prusse prit ouvertement parti contre la France, et 
envahit la Saxe. Alors , toutes les fois que Choiseul 
avait quelque chose de désagréable à dire contre le 
roi et sa sœur, il commençait par m'en demander en 
riant la permission. » 

« Dés le premier carnaval auquel il assista àRome, 
il donna une preuve de son arrogante audace. Au 
théâtre d'Aliberli on avait assigné au gouverneur de 
Rome la loge qu'avaient toujours eue jusqu'alors tes 
ambassadeurs de France; et, soit inadvertance, soit 
malice , on oublia de la rendre à Ghoiseul , qui vou- 
lut à toute force l'avoir, quoiqu'il n'aimât pas la mu- 
sique italienne. Le gouverneur prétendit que, comme 
il représentait la personne du pape , il ne devait pas 
manquer au spectacle, et qu'en conséquence il ne 
céderait pas la loge. Lors de la première représenta- 



— 29 — 

lion, Choiseul, ayant appris que le gouverneur comp- 
tait venir an théâtre avec une escorte, arma ses gens, 
puis fit prévenir le prélat qu'à la moindre tentative 
qu'il ferait pour pénétrer dans sa loge il ordonnerait 
à ses gens de V empoigner et lie le jeter par-dessus le 
balcon dans le parterre. Une telle déclaration plon- 
gea Rome dans la stupeur. Le pape , ne sachant que 
dire, envoya le cardinal Valenti trouver 1 ambassa- 
deur. Ce prélat, qui à beaucoup de dignité joignait 
une grande facilité d'élocution, composa d'avance une 
allocution très énergique qu'il s'en vint débiter à 
M. de Ghoiseul , avec la ferme conviction qu'il allait 
rentrer sous terre. — « Savez-vous ce qu'il me répon- 
dit ?» me dit le cardinal en me racontant cette histoire 
l'année d'après. « Il me fit claquer ses doigts presque 
sous le nez (c'était son geste habituel pour exprimer 
qu'il se souciait d'une chose comme de rien) , en di- 
sant : « Vous vous moquez de moi, Monseigneur, 
« voilà trop de bruit pour un petit prestolet, quand 
« il s'agit d'un ambassadeur de France ! » Sur quoi , 
il me tourna les talons et sortit. » Quelques eoups de 
tête de pareille nature le firent d'abord prendre par 
les Romains pour un jeune écervelé. Mate on ne tar- 
da point à reconnaître en lui un homme d'esprit que 
sa cour appuyait , et qui pour de plus grandes entre- 
prises était capable de tout, puisqu'il avait osé aller 
si loin pour une affairede si minime importance. Les 
Romains , éblouis par son fasle et par les grâces qu'il 
faisait obtenir en cour àses clients, le craignirent, fini- 
rent par le respecter, puis bientôt l'aimèrent et même 
l'admirèrent. Renoit XIV le prit en amitié à cause de 
la gaieté de son esprit, en même temps que la mor- 
gue romaine se trouvait toute décontenancée par le 
m. s. 

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— 30 — 
sans-gêne de ses façons. Voici , au reste , en quels 
termes Flassan (1) rapporte la même anecdote : 

« L'usage à Rome était que le gouverneur de la 
n ville eût la toge du fond , en face du théâtre ; l'am- 
a bassadeur de France avait la première à côté , sur 
« la droite, et les autres ambassadeurs étaient placés 
! à droite et à gauche , suivant le rang qu'ils occu- 
« paient dans le corps diplomatique. La noblesse ro- 
u maine tirait au sort toutes les autres loges. Cet 
k usage ancien fut dérangé quelque temps avant l'ar- 
h rivée à Rome du comte de Choiseul-Stainville. Les 
« dames romaines , choquées de cette préférence , 
« obtinrent de Benoît XIV queles ministres étran- 
« gers seraient soumis au sort pour leurs loges , 
« comme les nationaux, et le pape approuva ce clian- 
k gement , contre lequel M. de Choiseul voulut faire 
k revenir. On éluda ses plaintes. Il menaça même de 
« partir, et fit quelques dispositions. Le pape l'invita à 
. «■ passer chez lui , et, pour le calmer, il lui offrit de 
« lui faire rendre sa loge; mais M. de Choiseul exigea, 
« en réparation , celle du gouverneur. Le pape se 
e contenta , après une vive résistance, de lui promet- 
« tre qu'il chargerait le prélat Archinti , qui était 
« alors gouverneur de Rome , . de lui en faire les 
« honneurs. M. de Choiseul dit qu'il voulait avoir 
« la loge en propriété , et y mettre ses meubles. Le 
a pape fut obligé d'y consentir; et M. de Choiseul 
« garda la loge du gouverneur Archinti un an , après 
« quoi il reprit la sienne. 

a Le pape ayant fait, depuis, Archinti cardinal et 
n secrétaire d'État, M. de Choiseul, qui pressentait 

(l) Hittein de la Diplomatie , t. V, p. 384. 

. r Coo^le 



— 3t — 

( que ce prélat ne lui serait pas favorable , alla trou- 
■ ver le pape , lui représentant qu'il était forcé de 
« s'opposer a ce qu'Archinti devînt ministre , parce 
s qu'il lai connaissait des dispositions contre sa cour, 
i Le pape observa qu'il était singulier qu'il ne fut 

< pas maître du choix de ses ministres. H. de Choi- 
« seul ne se désistant pas de sa prétention , Be- 
• noît XIV se lève irrité, en disant : « Fa il papa {il 
« fait le pape). »M. deChoiseul, sentant que le pontife 
a avait raison , lui répliqua : Non , Saint-Père , rem- 
t plissons chacun notre charge : continuez de faire le 
« pape, et moi je ferai l'ambassadeur, v Puis, il propo- 
t sa au pape de trouver bon, comme expédient , qu'il 
« allât annoncer au cardinal Archinti qu'il était se- 
« crêtaire d'État, et qoe c'était a sa sollicitation qu'il 

< devait cette faveur. 

« Le pape céda enfin , par ménagement pour la 
i France , et M. de Cboiseul se rendit aussitôt , avec 
« toute la pompe de Vinfiocchi, chez le cardinal Ar- 
' chinti , à qui il annonça qu'il venait d'obtenir qu'il 
« fût ministre. Archinti le crut ou feignit de le croire, 
« et se réconcilia de bonne grâce avec lui. » 

• Choiseul, continue le baron de Gleichen , avait 
mené dans sa première jeunesse une vie passablement 
désordonnée. Quand on le nomma à l'ambassade de 
Rome , il était encore fort ignorant. Il lisait peu, mais 
il n'oubliait jamais ce qu'il avait lu. Son esprit vif, 
habile, pénétrant et sagace, comprenait à demi-mot, 
prévenait les explications et dissimulait son ignorance 
à force de perspicacité. Il se contentait de connaître 
la partie essentielle des affaires, et en abandonnait 
les détails à des secrétaires et à des commis. Il écri- 



. r Coo^le 



— 38 — 
vaii lui-même les dépêches les plus confidentielles 
sans faire de brouillon , sans en garder copie , et les 
expédiait par des courriers extraordinaires. Son écri- 
ture était tellement illisible, qu'un ambassadeur se 
trouva un jour forcé de lui renvoyer une dépêche eh 
lui exposant qu'il lui avait été tout à fait impossible 
de la déchiffrer. 11 travaillait peu , et faisait néan- 
moins beaucoup de besogne. Ses intrigues et ses plai- 
sirs lui coûtaient beaucoup de temps; mais il le rega- 
gnait par sa rapidité de conception et sa facilité de 
travail. 11 avait imaginé divers moyens pour abréger 
et simplifier sa tâche de ministre dirigeant. Un de ces 
moyens consistait a concentrer dans un senl et même 
acte une grande masse de lectures et d'écritures. 
Chaque courrier lui apportait plein des paniers de 
lettres et de pétitions, dont, en sa qualité notamment 
de ministre de la guerre, il eut du tout au moins pren- 
dre lecture. Cependant ce n'est pas ainsi qu'il procé- 
dait : d'abord, parce que cela lui eût été presque im- 
possible , et ensuite parce qu'il avait bien autre chose 
à faire. Un commis lisait les lettres pour lui, les nu- 
mérotait et en résumait le contenu sur une feuille de 
papier pliée en deux. Ceci fait , il lisait ces résu- 
més au ministre, qui lui dictait la partie essentielle 
de ses décisions , lesquelles étaient aussitôt inscrites 
en regard de chacun des résumés. La feuille ainsi an- 
notée passait ensuite aux mains d'un autre commis 
chargé de rédiger les réponses, lesquelles ne por- 
taient d'autre signature qu'une estampille, et qui 
étaient envoyées aux destinataires sans que le minis- 
tre se donnât la peine de les lire. Comme la feuille 
originale contenant les décisions prises restait aux 

. r Coo^le 



— 33 — 
archives, on avait un document permanent dont 
l'existence empochait l'abus qn'on eût pu faire de l'es- 
tampille officielle. » 

« Jamais ministre ne fut plus indiscret dans ses ex- 
pressions que le duc de Choiseul. Sa légèreté, la viva- 
cité de son esprit, son godt pour les bons mots, et son- 
vent le débordement de sa mauvaise humeur, en 
étaient les causes naturelles ; mais il y en avait aussi 
de plus nobles dans le fond de son cœur, et qui ren- 
daient presque son indiscrétion honorable. La sincé- 
rité de son caractère , de même que l'esprit d'équité 
qui l'animait, lui faisaient haïr tout ce qui ressem- 
blait à la fausseté, et son orgueil le portait à dédai- 
gner les réserves tortueuses et tout le pédantisme de 
la diplomatie. Quand l'expérience l'amenait enfin à 
reconnaître ses fautes, il aimait mieux s'en excuser 
par quelque plaisanterie que de les réparer. Il se con- 
solait d'un embarras par le plaisir même de s'en ti- 
rer: car la qualité la plus remarquable de son esprit 
était de trouver des expédients pour toutes choses. 
C'était l'homme du moment pour la jouissance , pour 
la méprise et pour la réparation. On peut dire qu'il 
était vraiment étonnant quand il s'agissait de res- 
sources et d'expédients , et s'il avait vécu quelques 
années de plus , peuWtre eût-il été capable , sinon de 
prévenir la Révolution, du moins d'en détourner le 
cours. » 

i Un officier qui se présentait sans cesse à toutes ses 
audiences et qui le persécutait de ses demandes pour 
obtenir la croix de Saint-Louis, finit un jour, afin de 
le forcer à l'écouter, par se placer entre lui et la porte 
par laquelle il se disposait à s'esquiver. Mis hors de 
lai par cette insistance effrontée, Choiseul s'emporta 
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— 34 — 
jusqu'à dire à l'officier : « Allez vous faire. ... » ; 
puis, se rappelant aussitôt qu'il parlait à un homme 
qui avait l'honneur de porter l'épanletle, et d'ailleurs 
fort bon gentilhomme , il reprit bien vite : « Allez 
vous faire... protestant, et le roi vous donnera la 
croix de mérite... » 

« Il aimait les honneurs, la richesse et la puissance, 
pour en jouir et poury faire participer son entourage. 
Il était moins orgueilleux du poste élevé qu'il occu- 
pait que de sa propre personnalité. Quand il songeait 
à ses aïeux, il se rappelait qu'autrefois un homme de 
sa" condition eût cru déroger en acceptant une place 
de secrétaire d'Etat, et qu'avant lui tous les individus 
appelés à remplir de telles fonctions avaient été des 
gens de robe, à l'exception du seul abbé de Demis. 
Il croyait donc avoir fait beaucoup d'honneur à 
Louis XV en consentant à être son ministre. Quoique 
tout le monde sût que la France, jadis si redoutable, 
n'était plus guère à craindre maintenant, et que 
Louis XV était désormais bien résolu à éviter la 
guerre à tout prix ; quoique la mauvaise idée qu'on 
avait des finances du pays , idée qui exagérait encore 
la réalité, fût confirmée par lui-même, puisqu'il di- 
sait souvent à son entourage : a Ne tirez pas sur moi , 
cela ne compte pas ! » le duc de Choiseul n'en réus- 
sit pas moins à maintenir en toutes occasions l'hon- 
neur de la couronne et à le faire respecter.| L'Eu- 
rope tout entière redoutait son incalculable audace. 
On se trompait cependant; il so faisait plus mau- 
vais qu'il n'était réellement au fond, et jamais il 
n'aurait osé franchir les bornes qui lui avaient été 
irrévocablement fixées. » 

« On raconte que lorsque Choiseul était à Rome, le 



— 35 — 
général des Jésuites lui aurait avoué qu'il avait été 
inscrit chez eux an nombre des ennemis de leur er- 
dre, à cause d'une expression irréfléchie qui lui était 
échappée dans sa première jeunesse ; et on prétend 
que la crainte que lui inspirait une inquisition si 
perfectionnée, si raffinée, fnt la cause de tout ce qu'il 
entreprit plus tard contre l'Ordre. On est dans l'er- 
reur : il ne devint l'ennemi des Jésuites que par suite 
de leurs crimes et d'autres circonstances. Déjà mal 
disposé pour eux, en raison des cruelles persécutions 
que le parti moliniste (4) exerçait en France contre 
les mourants à l'occasion de la fameuse affaire des bil- 
lets de confession , l'ambassadeur s'en donna à cœur 
joie, une fois que ses instructions lui enjoignirent 
de travailler ouvertement contre les jésuites auprès 
de Benoit XIV, qui ne les aimait guère. Dès lors, les 
Jésuites se rangèrent au nombre de ses ennemis achar- 
nés et ne cessèrent pas de le poursuivre à l'aide du 
parti dévot. Dans les premières années de son mini- 
stère, ils se servirent du duc de la Vauguyon pour dé- 
terminer le dauphin (2) à remettre au roi un mémoire 
plein d'accusations calomnieuses contre Ghoiseul. 
Lorsque celui-ci se fut justifié , il eut carte blanche 
pour se poser en adversaire du dauphin , à qui le roi 
donna en outre une rude semonce. Ce prince n'en 
ayant pas moins persisté à ne pas le traiter avec tous 
les égards dus à un premier ministre , Cboisenl un 
jour eut la hardiesse de lui dire : « Monseigneur, 
t j'aurai peut-être le malheur d'être un jour votre su- 
« jet, mais je ne serai jamais votre serviteur. » 

(1) Ainsi nommé du jésuite espagnol Louis deMolina, né en 
1S3S à Cuenca, mort à Madrid en 1601. 
(i) Voyez plus bas. 

i: ■ C00'(ll/ 



— 36 — 

« Les cours deMadrid et de Lisbonne forent les pre- 
mières à chasser les Jésuites ; à cet égard , Choiseul 
leur vint en aide, de même qu'il s'appuya ensuite 
sur elles pour en faire autant en France. Quoique les 
parlements eussent ordonné leur expulsion, il restait 
encore à faire sanctionner cette mesure par le roi , 
qui, en secret, était favorablement disposé pour la 
compagnie de Jésus, laquelle était en outre appuyée 
par toute la famille royale, et comptait de nombreux 
amis tant dans le conseil qu'à la cour. Cboiseul n'eut 
garde de se poser vis-à-vis de son maître en ennemi 
des Jésuites ; mais il fournit constamment tous les 
éléments nécessaires au roi d'Espagne, qui entrete- 
nait avec Louis XV une correspondance autographe. 
Je pense d'ailleurs que les Jésuites durent leur chute 
bien moins aux cours et aux ministres qu'à eux-mê- 
mes. Leurs spéculations financières en France, leurs 
imprudences en Espagne, mais surtout l'orgueil, l'o- 
piniâtreté et la sotte légèreté de leur général, com- 
mencèrent et achevèrent leur ruine. Quand on apprit 
à leur général que le père Malagrida venait d'être 
arrêté comme prévenu de complicité dans l'attentat 
dirigé contre la vie du roi de Portugal, beaucoup d'a- 
mis des Jésuites se trouvaient réunis avec le père 
Ricci chez le cardinal Negroni. Tous lui conseillèrent 
d'écrire immédiatement au roi de Portugal que l'Or- 
dre , quoique fermement convaincu de la complète 
innocence du père Malagrida, implorait dès à présent 
pour lui la grâce de Sa Majesté Très-Fidèle. Mais il 
n'y eut pas moyen de convaincre le général: il écri- 
vit une lettre fort sotte, dans laquelle il prétendait 
qu'un Jésuite ne pouvait être jugé que par la Société ; 
et la Société fut chassée du Portugal. Comme on ar- 



— 37 — 

gnait surtout auprès de Louis XV de leur fameuse 
maxime « qu'il est permis de tuer un tyran ennemi 
delà religion catholique » , maxime qui ne laissait pas 
que de l'embarrasser fortement, parce qu'elle lui rappe- 
lait l'attentat de Damiens ; le maréchal de Soubise (1 ), 
principal organe du parti dévot dans le conseil, émît 
l'avis qu'il fallait exiger du général le désaveu et la 
condamnation de cette maxime. C'est aussi ce qui fut 
fait; mais Ricci se refusa avec une incroyable pré- 
somption à faire la moindre concession , prétendant 
que la condamnation de cette maxime, qni n'avait ja- 
mais été qu'un exercice d'esprit, impliquerait l'aveu 
tacite que c'avait été là une des opinions, une des 
règles de l'Ordre, et qu'un soupçon de cette nature 
suffirait pour déshonorer l'Ordre (2). C'est à cette oc- 
casion qu'il prononça cette fameuse absurdité : Sint 
ut sunt, aut non sint ! qui décida du sort des Jésuites 
en France. Clément XIV, qui les craignait plus en- 
core qu'il ne les haïssait, persista longtemps à les dé- 
fendre ; et le cardinal de Bernis m'a raconte que pour 
le contraindre à lancer sa bulle, il fallut même le 
menacer de publier l'engagement qu'il avait pris par 
écrit de supprimer la Compagnie de Jésus, afin d'ob- 
tenir la tiare , et de le convaincre ainsi du crime hon- 

(1) Charles de Rohan , prince de Soubise, né en 1 715, mort 
le 4 juillet 1 787. Louis XV, pour le consoler de sa déroute de 
Rosbach , lui confia le portefeuille de la guerre. La victoire 
que conjointement avec de Broglie i! remporta à Lulzelbourg 
lui valut le bâton de maréchal. Comme homme privé , il était 
bon et bienveillant. De tous les courtisans de Louis XV, il fut 
le seul qni accompagna sa dépouille mortelle jusqu'à Saint- 
Denis. Louis XVI l'en récompensa en lui donnant une place 
il ans son conseil. 

(2) Il nous semble pourtant que l'argument avait du bon. 

ni. ■ ^ 



teux de simonie. Je ne crois pas que Clément XIV ait 
été empoisonné par les Jésuites. Ils n'étaient pas gens 
a commettre des crimes inutiles ; or cet empoisonne- 
ment eût été de la moutarde après dîner. Pombal , 
Charles III et Choiseul soot morts de leur mort na- 
turelle. Clément XIV mourut de la crainte de la mort. 
Le poison était son idée fixe ; et la rapide décompo- 
sition de son cadavre fut le résultat de la terrible in- 
quiétude qui l'avait tué. Si les Jésuites avaient été 
d'aussi mauvaises gens qu'on le prétend, ils existe- 
raient encore (1). 

« On a reproché à M. de Choiseul d'avoir introduit 
le désordre dans les finances. On ne peut cependant 
disconvenir que le mal datait de bien avant son ar- 
rivée au pouvoir. J'ai été personnellement témoin, 
après la mort de madame de Pompadour (2), des ef- 
forts consciencieux qu'il fit pour acquérir des notions 
justes et précises en pareilles matières, et pour trouver 
des ressources contre le déficit toujours croissant. Il 
consultait surtout à cet égard Forbonnais et M. de 
Mirabeau (3), qui m'ont dit tous denx avoir été éton- 
nés de la sagacité dont il faisait preuve dans la dis- 
cussion des questions les plus ardues de l'économie 

(l)Or, n'en déplaise à M. de Gleichen, jamais peut-être les 
disciples d'Ignace de Loyola ne furent plus nombreux , plus 
riches , plus influents, qu'aujourd'hui ! 

(2) Jeanne- Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, 
née vers 1 T20, était fille naturelle d'un commis subalterne, et 
fut élevée dans la maison d'un fermier général, dont elle 
épousa le neveu, Lenormant d'Étiolés, en 1741. Dès 1743 I 
elle paraissait à la cour comme maîtresse déclarée du roi. ! 
Elle mourut le 1E> avril 1764. 

(3) Le père du célèbre orateur de la Constituante , célèbre 
comme philanthrope et physiocrale théoricien. 



— s» — 

politique. Prenant en considération l'impossibilité de 
remédier à des désordres basés sur la faiblesse du roi, 
sur d'anciens abus, et sur l'insatiable cupidité des 
courtisans, il désespéra de réussir à concilier le main- 
tien de son influence et de sa faveur avec des plans 
de réformes et d'économies. H ne s'attacha plus dés 
lors qu'à faire nommer un contrôleur général qui fût 
entièrement à sa dévotion, afin de se procurer les 
fonds nécessaires pour faire marcher les deux dépar- 
tements dont il s'était réservé la direction, et de pou- 
voir en même temps être le dispensateur de toutes 
les grâces et de toutes les faveurs royales. Le compte 
qu'il rendit au sujet des économies qu'il avait opérées 
dans son département témoigne aussi bien de sa pro- 
bité que de son habileté économique. Gomme' il avait 
constamment présent à l'esprit le désir de se rendre 
indépendant et en même temps indispensable, il au- 
rait assez volontiers accepté le poste de surintendant 
des finances. La grave responsabilité attachée à de 
telles fonctions lui eut permis de repousser toute de- 
mande indiscrète, même de la part du roi, et il aurait 
eu le droit de motiver ainsi ses refus : « Sire, il y va 
de ma tête ! » Mais Louis XV le prévoyait bien , et 
avait d'ailleurs une invincible répugnance pour la ré- 
surrection d'une des anciennes grandes charges de la 
couronne, quelle qu'elle pûlôtre. Aussi bien, lorsqu'on 
compare l'état de la dette publique sous Louis XV et 
sous Louis XVI, de même que le déficit existant sous 
ce dernier roi, avec les immenses ressources de tous 
genres que présentait encore le pays, on en arrive à 
conclure qu'en définitive il n'y avait peut-être pas 
lieu de tant crier contre les folles prodigalités de 
Louis XV, et que si l'on s'était donné la moindre peine 



_ 40 — 

pour tirer parti de ces ressources, il n'y aurait pas en 
besoin de convoquer les états généraux. 

<i Si Choiseul avait eu autant d'attachement et d'é- 
gards pour sa femme que pour sa sœur, il ne s'en se- 
rait que beaucoup mieux trouvé. 11 aurait eu des amis 
moins nombreux, moins gais et moins flatteurs, mais 
plus vertueux, plus sages et plus désintéressés que 
ceux dont l'avaient entouré madame de Gramont (1 ) 
et l'espoir de tout obtenir par elle. Il n'aurait point 
eu les ennemis qu'elle lui attira par sa présomption, 
par ses préjugés et par l'abus qu'elle fit de son in- 
fluence ; et son excellent cœur serait demeuré exempt 
de cette pétrification qui se forme si vite autour du 
cœur d'un ministre. Madame de Choiseul était l'être 
moral le plus parfait que j'aie jamais connu, une 
épouse incomparable, une amie fidèle et sage, une 
femme sans reproches. C'était une sainte, bien qu'elle 
n'eût pas d'autre foi que celle que donne la vertu. 
Mais sa mauvaise santé, la faiblesse de ses nerfs, la 
mélancolie de son humeur, le raffinement de son es- 
prit, la rendaient grave, sévère, minutieuse, pré- 
cieuse, métaphysicienne et presque prude. C'est ainsi 
du moins qu'elle était représentée à son mari par sa 
sœur et par le cercle joyeux qu'il rencontrait chez 
elle. Néanmoins, il était plein d'estime et de grati- 
tude pour une femme qui l'adorait, qui le réconciliait 
avec les ennemis de sa sœur, et à laquelle son cœur 
rendait la justice de reconnaître que sa vertu était 
plus pure, plus sûre et plus méritante que la sienne. 
La duchesse de Gramont était plutôt homme que 
femme. Elle avait la voix rude, le maintien lier et 



(1) Voyez t. Kp.413. 



— 41 — 
présomptueux, des manières libres et même brutales. 
Elle réunissait toutes les qualités de son frère, mais 
plus énergiquement accusées, ce qui lui donnait an 
vernis grossier et choquant chez une femme. Sa res- 
semblance avec Choiseul, jointe à l'art qu'elle possé- 
dait de l'amuser, lui avait procuré sur lui une domi- 
nation qu'elle manifestait avec une arrogance qui a 
essentiellement nui à la réputation et même à la for- 
tune de son frère. En effet, cette femme ambitieuse 
et tranchante hâta beaucoup la chute du duc de Choi- 
seul, tandis qu'elle eût été tout au moins retardée 
par la vive sympathie que madame de Choiseul in- 
spirait au roi, à toute la cour, et même aux ennemis 
de son mari. Tout le monde savait qu'en l'exilant & 
Chanteloup, Louis XV avait dit qu'il aurait traité son 
ministre beaucoup plus sévèrement, s'il n'avait pas 
eu égard à madame de Choiseul ; et que ce monarque 
ne prit nullement en mauvaise part la lettre pleine de 
dignité par laquelle madame de Choiseul refusa la 
pension de 50,000 livres que le roi lui avait fait 
offrir. Après avoir sacrifié à son mari toute sa fortune 
disponible, et jusqu'à ses diamants, elle consacra en 
outre à sa mémoire toutes les rentes dont elle était 
usufruitière ; et pour payer ses dettes elle se contenta 
d'un laquais, d'une cuisinière et du dixième de son 
revenu. Aussi, au moment où éclata la révolution, 
était-elle parvenue à éteindre pour près de deux mil- 
lions de créances. Les monstres que cette révolution 
poussa au pouvoir la respectèrent, tandis que sa 
belle-sœur fut traînée à l'échafaud, conservant tou- 
jours d'ailleurs son caractère altier et arrogant, et 
traitant même ses bourreaux comme elle eût pn faire 
avec des laquais. » 

. r Coo^le 



_ 42 _ 

En 1768 , Gleicben arriva à Gompiëgne de Calais, 
où il était allé assister à l'embarquement du roi de 
Danemark (1), qui se rendait à Londres. Il jouait aux 
échecs avec la duchesse de Choiseul. La compagnie 
qui remplissait les saloûs avait peu à peu disparu , et 
la duchesse, croyant qu'ils se trouvaient seuls , lui 
dit : a Oa dit , baron , que votre roi est une tête. . . & 
Gleichen , à ces mots , s'aperçoit qu'il y a encore 
quelqu'un derrière la duchesse, et se bâte bien vile 
d'ajouter, en lui faisant un signe de l'œil : « ... Cou- 
ronnée, Madame ! » La duchesse comprend que quel- 
qu'un l'écoulé , et reprend aussitôt : a Pardon , vous 
ne m'avez pas laissée achever : je voulais dire que 
votre roi est une tête qui annonce les plus belles 
espérances... » 

Voici ce que Gleichen rapporte au sujet de la chute 
du duc de Choiseul. 

« On a prétendu, surtout en Angleterre, que, 
pour se maintenir plus longtemps au pouvoir, M. de 
Choiseul avait cherché à entraîner la France dans la 
guerre qui avait failli éclater alors entre l'Espagne et 
l'Angleterre, au sujet des lies Falckland. Cela est 
faux. Je tiens du prince Masserano , qui était alors 
ambassadeur d'Espagne à Londres, et j'ai appris, 
vingt ans pins tard, d'un commis principal des affaires 
étrangères , que dans cette occasion Choiseul fit des 
démarches aussi hardies que désintéressées pour 
maintenir la paix. D'ailleurs , ce ministre ne tenait 
plus a son poste. Sa santé était ruinée. Enfant gâté 
de la fortune et de la faveur, il ne pouvait plus sup- 



(1) On se rappelle qu'il était le ministre de ce prince a 
Paris. 



. r Coo^le 



— 43 — 

porter la moindre contrariété. Fatigué des plaisirs de 
la cour, il désirait d'être heureux d'une antre façon , 
et bâtissait des châteaux en Espagne & Chanteloup. 
Il aurait pu facilement s'entendre avec la Dubarry (i) . 
Elle ne demandait qu'à être débarrassée des mains 
cupides et tyranniqnes de son beau-frére , de ses pro- 
tecteurs et de tous les roués auxquels elle avait jus- 
qu'alors servi d'instrument. C'était d'ailleurs au fond 
une bonne créature , à qui il répugnait sonveraine- 
ment d'être employée à faire le mal , et dont la nature 
gaie et joyeuse eût été charmée de Choiseul, si elle 
l'avait connu. Le roi aurait assurément tont fait pour 
maintenir et consolider le bon accord entre sa favo- 
rite et son ministre, qu'il ne perdait qu'à regret. 
Quand ils en furent à bien plus s'écrire que se voir, 
Louis XV lui écrivit encore au dernier moment un 
billet où il lui disait entre autres : « Vous ne con- 
naissez pas madame Dubarry ; toute la France serait 
à ses pieds, si... » Il y avait dans cette réticence 
l'aveu étrange de la part d'un roi que la simple voix 
de son ministre pouvait produire plus que ce qu'il 

(1) Marie-Jeanne Gomart de Vaubernier, comtesse Dubarry, 
née en 1741, fille d'un employé subalterne des finances. De- 
venue après la mort de son père ouvrière en modes, puis 
fille de joie, un certain vicomte Dubarry, un croupier de mai- 
sons de jeux , se servit d'elle pour attirer des joueurs autour 
du tapis vert, puis lui fit épouser son frère. Quelque temps 
après, elle succéda à madame de Pompadoùx auprès de 
louis XV. Après la mort de ce prince, elle se retira d'abord 
dans un couvent des environs de Meaux, puis vint habiter un 
château voisin de Hariy. Elle Tut guillotinée le 9 octobre 1793, 
sous la prévention d'avoir fait passer des secours aux émigrés 
et d'avoir conspiré avec les Brissotins. C'est elle qui , au mo- 
ment de placer sa tète sous le fatal couperet, s'écria : a Mon- 
sieur le bourreau , encore un instant ! ■ 

. r Coo^le 



- a — 

était en la puissance du roi de faire. On ne comprend 
pas cependant comment Choiseul ou ne céda point , 
on, s'il était trop fier pour cela, ne s'éloigna pas 
volontairement. Il faut dire aussi qu'il ne prévoyait 
pas devoir être dans son exil l'objet de tant de ri- 
gueurs , qu'on le forcerait à se démettre de sa charge 
de colonel général des Suisses, où il se croyait ina- 
movible , et qu'on emploierait à son égard des moyens 
aussi étranges, aussi noirs, que ceux, auxquels recou- 
rut au dernier moment le chancelier (1) pour irriter 
le roi et le pousser à des mesures violentes. Lorsque 
M. de Maupeou était encore premier président , M. de 
Choiseul , à l'occasion d'un différend qui était sur- 
venu entre la cour et le parlement , et où il était de 
l'intérêt public que le parlement ne se conformât pas 
sur-le-champ aux volontés du conseil, avait écrit des 
billets contenant des exhortations à la résistance , des 
conseils de conduite et des promesses d'appui. Ces 
billets n'étant pas datés, on les présenta au roi comme 
adressés au premier président alors en fonctions , et 
comme ayant trait aux vives discussions que la cour 
avait encore à ce moment avec le parlement. Dès 
lors , il sembla prouvé que Choiseul entretenait de 
coupables relations avec le parlement , qui lui était 
tout dévoué , et faisait cause commune avec ce corps 
dans sa lutte contre l'autorité royale. Ajoutons que 

(1) Nicolas-Charles-Auguetin , fila du chancelier René- 
Charles de Maupeou, né en 1714 à Paris, créé en 1788 chan- 
celier, grâce surtout à la protection de H. de Choiseul , diri- 
gea dans les intérêts de la cour la fameuse lutte contre les par- 
lements, qu'on s'accorde à regarder comme une des causes 
principales de la révolution. Exilé par Louis XVI dans sa terre 
de Thuit, en Normandie, il y mourut le 29 juillet 179i. 

. r Coo^le 



- 45 — 

la chute de M. de Choiseul et sa vie à Chanteloup 
furent entourés de plus d'éclat que ne l'avaient été 
les plus beaux jours de sa faveur. La moitié de la 
cour déserta Versailles pour se rendre à Chanteloup , 
et an moment de son départ , le peuple de Paris en- 
combrait toutes les rues, depuis son hôtel jusqu'à la 
barrière d'Enfer, en le saluant de ses acclamations ; 
démonstration qui produisit une si vive impression 
sur l'ex-ministre , qui n'avait jamais été populaire , 
qu'il dit avec des larmes dans les yeux : « Voilà ce 
que je n'ai point mérité ! » 

Quant aux bruits répandus par les ennemis de 
H. de Choiseul , et suivant lesquels il aurait fait em- 
poisonner le dauphin et la dauphine, Gleichen dit 
que ces accusations manquent de toutes espèces de 
preuves comme de toute vraisemblance , et que pro- 
bablement elles eurent pour base une expression 
irréfléchie qui lui échappa lors de la dernière maladie 
de la dauphine (1). Le célèbre Tronchin avait été 
appelé en consultation ; il avait vivement discuté 
avec les médecins ordinaires , et avait écrit au roi un 
billet où il disait que la maladie de la dauphine pré- 
sentait des symptômes si extraordinaires, qu'il n'osait 
les confier au papier, et qu'en conséquence il se ré- 
servait d'en instruire verbalement Sa Majesté. Choi- 
seul raconta ce détail en présence de Gleichen , et , 
d'un air visiblement irrité , ajouta : « Que veut dire 
« ce coquin de charlatan ? Prétend-il insinuer que 

(1) C'était la seconde femme du dauphin, Marie-Josephe de 
Pologne et de Saxe, née le & novembre 1731, mariée le 9 fé- 
vrier 1747, morte le 13 mars 1767. 

III. 3. 

. ,Coo^lc' 



— 46 — 
« j'ai empoisonné madame la daupbine ? Si ce n'était 
« le respect que j'ai poar M. le duc d'Orléans, je le 
« ferais mourir sous le bâton. » C'est dans ces mots, 
que Cboiseul n'eût certes pas dits s'il s'était senti 
coupable , que Gleichen trouve les premiers germes 
de ces odieuses rumeurs. 

Nous emprunterons encore àGleichen l'appréciation 
suivante du caractère du daupbin (1). 

« 11 aimait les sciences et lisait beaucoup. Il dési- 
rait vivement de donner à ses enfants des précepteurs 
capables et instruits , el cependant il ne les entoura 
que 4e sots et d'ignorants. Voici comment cela se fit. 
Le duc de La Vauguyon , un affilié des Jésuites , et 
n'ayant d'autre mérite que d'être leur esclave dévoué, 
fut désigné pour les fonctions de gouverneur par le 
parti dévot. Les gens du service intérieur de la mai- 
son du dauphin, toutes âmes damnées des Jésuites, 
faisaient savoir tous les matins & La Vauguyon quel 
livre le prince avait lu la veille , et même à quelle 
page il en était resté. On rédigeait alors, à l'usage 
de notre gouverneur en expectative , un précis som- 
maire de ce dont il était question dans cette partie du 
livre, puis on faisait tourner, en présence du dauphin, 
la conversation sur cette matière ; et le protégé des 
Jésuites , bien stylé d'avance , parlait alors , non pas 
seulement comme un livre , mais comme une biblio- 
thèque tout entière. 11 fut nommé. 



(l) Louis, fils de Louis XV, Dé le i septembre 1720 , mort 
le 20 décembre 1769. Sa première femme avait été l'infante 
Marie-Thérèse, fille de Philippe V d'Espagne. Tous ses en- 
fants étaient du second lit. 



. ,Coo^le 



— 47 — 
> Le dauphin avait la réputation i 
ment bigot ; mais on se trompait. Ce 
goût ni par conviction qu'il se trouva: 
parti dévot : c'étaient les dévots et la da 
poussaient , à son insu , à jouer ce ro. 
parti qui flattait sa vanité, tandis qu 
réalité qu'un instrument. Il haïssait les , 
mais non la philosophie. Sa piété était et 
était assez habile politique pour prèvo 
dangers de l'irréligion. » 



. r Coo^le 



. r Coo^le 



UNE PRINCESSE DE HOHENZOLLERN 



Emest, comte d'Isembonrg, dernier rejeton de la 
ligne de Grenzau de la maison d'Isembourg, surin- 
tendant des finances des Pays-Bas, gouverneur de 
Luxembourg, chevalier de la Toison- d'Or, général 
d'artillerie, etc., avait d'abord épousé Hélène, fille 
du prince Charles d'Aremberg , puis en secondes no- 
ces (1636) Marie-Anne de Hohenzollern-Hechingen , 
dame d'une beauté incomparable, et née en 1614. 
Peu de temps après ce mariage arriva à Cologne, où 
la comtesse habitait l'hôtel d'Isembourg, un capitaine 
du nom de Massaube , fils d'un gentilhomme des en- 
virons de Montpellier, que les hasards de la guerre 
avaient conduit en Lorraine, où il avait épousé la 
tille du gouverneur de Nancy. Elevé comme page à 
la cour de l'archiduc Léopold , évêque de Passau et 
de Strasbourg, il était entré dans le régiment lorrain 
de Vanbécourt, où il était arrivé à commander une 
compagnie , lorsqu'il passa au service de Louis XIII. 
Un jour d'inspection , comme la compagnie de Mas- 
saube ne se trouvait pas à beaucoup près au complet, 



— 50- 
le commandant, pour dissimuler la malversation dont 
il était coupable , loua des passe-volants , comme on 
appelait alors les gars chargés de figurer aux recrues 
pour les soldats manquants. L'officier qui faisait l'in- 
spection découvrit la fraude, s'exprima à ce sujet eu 
termes très vifs, et déclara qu'il en ferait son rapport 
au roi. Furieux autant que honteux de se voir ainsi 
publiquement pris sur le fait, Massaube saisit la four- 
chette d'une arquebuse et en porte an coup violent à 
l'inspecteur en lui disant : « Tiens, va-t'en porter 
cela au roi ! » Mais tout aussitôt la réflexion lui fait 
comprendre la gravité de la faute qu'il vient de com- 
mettre , et pour en éviter les conséquences terribles, 
il pique des deux et réussit à franchir sans obstacle 
la courte distance qui le sépare de la frontière. Dé- 
claré coupable du crime de lèse-majesté, il fut exé- 
cuté en effigie pendant qu'il gagnait Cologne, où peu 
de temps après il était nommé lieutenant-colonel du 
régiment des gardes du duc Charles IV de Lorraine, 
dont H devint le compagnon et l'ami intime. C'est en 
compagnie de ce prince qu'il fut présenté à l'hôtel 
d'Isembourg, et comme H jouait parfaitement du luth, 
il ne tarda pas à être au mieux avec la belle comtesse. 
L'amour qu'il lui inspira devint même si violent, qne 
ce fut elle qui lui proposa de l'enlever et de se réfu- 
gier ensuite avec elle en France, dans cette même 
France on une condamnation h mort pesait pourtant 
sur la tête du contumace. 

Mais pour uu véritable amoureux il D'y a pas de 
dangers devant lesquels il puisse reculer, pas de dif- , 
ficultès dont il ne parvienne à triompher. Par la 
protection du duc de Saint-Simon , père de l'auteur 
des Mémoires , Massaube obtint donc la mise à néant 






— 51 — 
de li procédure instruite «outre lui, sons la condition 
de Taire des -excuses publiques k l'inspecteur qu'il 
avait insnltè. Il fit ensuite à son protecteur et an car- 
dinal de Richelieu de grands récits d'une princesse al- 
lemande qui , malgré ses rapports de proche parente 
arec la maison archiducale , était toute disposée à 
prendre parti pour la France , et qui , pour gage de 
son dévouement , offrait de livrer la forteresse d'Eh- 
renbreitsteiii, récemment tombée au pouvoir des im- 
périaux. On se laissa prendre à celte amorce, et Has- 
saube obtint un ordre ministériel par lequel il était 
enjoint a tous les commandante de place sur Les fron- 
tières de lui prêter main-forte à sa première réquisi- 
tion. Une fois mnni de cet ordre, notre homme se 
rendit à Nancy, où il s'entendit avec son frère cadet 
pour la mise à exécution du projet qu'il avait conçu. 
IL fallait de toute nécessité entreprendre quelque 
chose contre Ehrenbreitatein, afin qu'on ne s'aperçût 
pas que le cardinal jouait le rôle de dupe et avait été 
pris pour instrument dans une affaire qui lui était 
complètement étrangère ; mais jamais, certes, les deux 
conjurés ne songèrent sérieusement à s'emparer de 
cette forteresse , et le coup de main qu'ils tentèrent 
n'eut lieu que pour la forme. La cheville ouvrière du 
complot fut un individu du nom de Lafleur (1), qui, 
muni de lettres de recommandation écrites par d'in- 
fluents personnages de la Lorraine, s'en vint trouver 
te commandant d'Ehrenbreitstein pour solliciter l'em- 
ploi, alors vacant, de maître arquebusier de la place, 
qu'il obtint effectivement. Cet homme ne se trouva 
pas plutôt installé dans ses fonctions, ainsi qu'il ré- 



— 5Î — 

suite de l'enquête- faite postérieurement, qu'il sema 
habilement de l'argent parmi ses subordonnés en leur 
donnant à entendre que le hasard pourrait faire qu'il 
eut un jour besoin de mettre leur reconnaissance à 
l'épreuve. Chargé de la direction des travaux dans 
l'intérieur de l'arsenal , il y travaillait suivant son 
habitude avec deux hommes sous ses ordres , dans le 
courant de janvier 4642, lorsque cinquante quintaux 
de poudre emmagasinés dans la partie supérieure de 
la tour ou se trouvait son atelier firent tout à coup 
explosion, en détruisant de fond en comble cette par- 
tie de l'arsenal. Au milieu de cette affreuse catastro- 
phe, qu'advint-il de Lafleur et de ses deux hommes de 
service? Furent-ils ensevelis sous les décombres de la 
tour, ou bien avaient-ils pris à l'avance leurs précau- 
tions pour ne pas être victimes de l'explosion? C'est 
ce qu'on ignore. Mais à Paris on ne douta pas qne 
cette explosion ne fût le résultat d'une conspiration 
ayant pour but de livrer la place aux Français. 

Pendant ce temps-là , les frères Massaube avaient 
eu le soin de s'assurer d'un beau carrosse et de faire 
préparer des relais à chacune des trente stations de 
poste séparant Cologne de Nancy. C'est d'ailleurs la 
comtesse d'Isembourg qui fournit l'argent à ce néces- 
saire , et les commandants des diverses places fortes 
des frontières, pour se conformer à l'ordre dont il 
leur était justifié, mirent à la disposition de Massaube 
des escortes échelonnées de distance en distance. 

Nos individus arrivèrent à Cologne juste au mo- 
ment convenu. La comtesse, accompagnée de deux 
femmes de chambre, monta en plein jour dans le 
carrosse, qui vint à passer comme par hasard devant 
l'hôtel de son mari ; et au milieu de l'animation eau- 



— 53 — 
sée sur la grande place par la tenue du marché aux 
chevaux, personne ne s'avisa de faire attention a ce 
carrosse. Arrivé à la porte de la ville , la foule était 
si pressée qu'il y eut pourtant un moment d'arrêt; 
mais alors Massaube, se penchant hors de la portière, 
se mit à crier : « Place au carrosse de Son Altesse Im- 
périale le duc de Lorraine ! » et chacun aussitôt de se 
ranger bien respectueusement. 

Quelque temps s'écoula avant qu'on s'aperçût à 
l'hôtel d'Isembourg de la disparition de la comtesse, 
pais on perdit alors plusieurs heures à la chercher ; 
aussi nos fugitifs avaient-ils déjà une forte avance 
quand on songea à courir après eux. Néanmoins la 
poursuite fut faite avec tant de vigueur, qu'en dépit 
de leurs nombreux relais on les rejoignit sur la fron- 
tière de Lorraine. Mais alors on se trouva avoir affaire 
à un des détachements mis à la disposition de Mas- 
saube, et il s'engagea un combat acharné, pendant 
lequel le couple amoureux réussit à franchir la fron- 
tière. Quant au frère de Massaube, emporté par l'ar- 
deur de son courage , il s'engagea tellement dans la 
lutte qu'il finit par être blessé et fait prisonnier. Ra- 
mené à Cologne, il y fut condamné à mort et exécuté, 
et sa tête , fixée au bout d'une pique , demeura long- 
temps exposée au-dessus de la porte Saint-Séverin. 
Jamais la mère ne pardonna à l'ainè de ses fils d'a- 
voir ainsi été la cause de la mort de son frère, et ne 
voulut ensuite le revoir. 

Délivrés de tout danger depuis qu'ils se trouvaient 
sur les terres du roi de France, les deux amants se 
rendirent à Paris, où la belle comtesse fut présentée 
au roi et au cardinal. L'explosion de la poudrière 
d'Ehrenbreitstein avait laissé après elle un nuage de 
CooqIc 



— 54 — 
fumée qui pendant assez longtemps donna le change 
snr l'affaire et fit perdre de vue le but qu'on s'était 
proposé. Mais l'époux outragé, n'ayant pas tardé à re- 
trouver la trace de son infidèle moitié, envoya à Paris 
un de ses neveux, le comte de Beaumont, pour ré- 
clamer l'extradition de la fugitive ainsi que le châti- 
ment du ravisseur. Le roi , qui vit alors clair & l'af- 
faire , témoigna un vif mécontentement et donna l'or- 
dre d'instruire contre les coupables. Mais le cardinal 
lui fit entendre raison en s'appuyant, dit-on, sur cet 
axiome politique, « qu'on ne saurait jamais faire trop 
de mal à un ennemi. » Malgré cela, les deux amou- 
reux , se sentant isolés et abandonnés par parents et 
amis, jugèrent plus prudent de s'éclipser et de se re- 
tirer dans quelque retraite bien obscure et inconnue. 
En conséquence, ils quittèrent la cour et se rendirent 
en Auvergne , d'où ils gagnèrent par des routes dé- 
tournées l'Albigeois. Massaube prit alors le nom de 
Mesplach, qu'il garda jusqu'à la fin de ses jours, 
peut-être à cause du ressentiment de sa mère et du 
souvenir de son frère cadet. La comtesse vendit les 
riches pierreries qu'elle avait eu la précaution d'em- 
porter avec elle, et sur la somme ainsi réalisée, 
ii, 000 livres furent employées à l'acquisition d'un 
petit domaine situé à une lieue d'Alby, et, à l'aide 
de travaux auxquels Massaube prit , dit-on , part lui- 
même comme peintre en bâtiments, on en fit une ha- 
bitation assez agréable. Nos deux amants y vécurent 
longtemps, tout entiers à l'amour, complètement ou- 
bliés du monde , mais non sans y faire une certaine 
dépense qui insensiblement diminuait leurs ressour- 
ces. Au bout de quelques années, cependant, Mes- 
plach chercha aussi ailleurs des distractions. C'est 



— 55 — 
ainsi que de temps à autre il s'en allait faire on tour 
i Toulouse , où l'arrivée du mystérieux étranger ne 
manquait jamais de faire une certaine sensation. Son 
valet, avec qui il s'était brouillé , en profita pour le 
dénoncer au premier président du parlement de Tou- 
louse comme espion de l'Empereur. Mesplach fut donc 
arrêté, et on adressa un rapport sur cette affaire au 
cardinal Mazarin, qui, dans l'intervalle, avait suc- 
cédé à Richelieu. Mazarin , quand il connut le fond 
de l'affaire, déclara que l'inculpé était un très digne 
gentilhomme, coupable uniquement d'avoir enlevé 
ane princesse allemande. « Plut à Dieu, ajouta t-il , 
que tout gentilhomme français en fît autant ! » Sur 
quoi le premier président, accompagné de plusieurs 
conseillers , se rendit lui-même à la prison pour faire 
remettre immédiatement en liberté l'inculpé , à qui il 
fil tontes les excuses possibles. Quant au valet dénon- 
ciateur, Mesplach se contenta de faire condamner ce 
bélître à aller ramer pendant quelques années sur les 
galères du roi , à Toulon. 

L'incident qui arracha nos amoureux à leur tran- 
quille obscurité leur fit perdre en même temps le bon- 
heur dont ils avaient joui jusqu'alors. A son tour la 
belle dame ne fut pas non plus fâchée de se faire ad- 
mirer à Toulouse , et la dépense qu'elle se crut obli- 
gée de faire dans cette ville pour tenir convenable- 
ment son rang de comtesse de l'Empire épuisa les 
ressources du ménage. La misère devint d'autant plus 
poignante que Mesplach persistait à vouloir garder 
les apparences de l'aisance, et, pour cela, il fallait 
qu'à l'intérieur la comtesse se résignât à remplir les 
pins humbles fonctions domestiques. Un pareil état 
de choses ne pat pas se prolonger bien longtemps 
Google 



sans amener des reproches mutuels, du froid, de la 
brouille et des regrets. L'évêque d'ATby profita de ce 
moment-là pour faire entendre la voix du repentir à 
la bel le pécheresse, qui, un beau jour, se retira dans le 
couvent des dames Ursulines d'Alby, où pendant lon- 
gues années Monseigneur vint presque chaque jour la 
visiter pour l'affermir dans ses pieuses résolutions, etou 
elle mourut en Madeleine repentante seulement vers 
la fin de l'année 1670. Mesplacb garda bien quelque 
temps rancune à sa maîtresse de même qu'à l'évê- 
que, son convertisseur; puis il se consola, et avec rai- 
son , lorsqu'il eut obtenu une compagnie de chevao- 
légers par la protection du cardinal. Son aventure lui 
valut dans son régiment le sobriquet de M . le Prince. 
Quant au comte d'Isembourg, il parait qu'il finit lui 
aussi par en prendre bravement son parti, et qu'il 
renonça tout à fait à faire poursuivre davantage son 
infidèle une fois qu'elle eut disparu de Paris. Qui ose- 
rait prétendre que ce n'était pas le mieux qu'il eût a 
faire? 



. r Coo^le 



LES DUCS DE NORTHDMBERLAND 

DE SOMERSET ET D'ARfiïLE 



Charles Seymour, sixième duc de Somerset , appelé 
ordinairement l'orgueilleux duc de Somerset, né 
en 1661 , Buccéda très jeune à son père , et reçut l'or- 
dre de la Jarretière en 1684, n'ayant encore que 
vingt-deux ans. Il se trouvait de fait à la tête des 
pairs anglais , les membres de la Chambre hante qui 
avaient le pas sur lui étant tons catholiques, et par 
suite exclus des affaires publiques. Il figura aux cou- 
ronnements de Jacques II , de Guillaume et de Marie, 
d'Anne, de Georges I er et de Georges II, de même 
qu'aux funérailles de Charles II. Il avait épousé en 
premières noces Elisabeth Percy, fille et héritière de 
Jocelyn, onzième comte de Northumberland , déjà 
veuve de Thomas Thynne , mort assassiné en 1 682 ; 
meurtre dont fut accusé le comte Charles-Jean de 
Kœnigsmarck , qui avait précédemment recherché la 
main d'Elisabeth , mais dont celui-ci fut déclaré inno- 



cent par les jurés. Elisabeth succéda, auprès de la 
reine Anne, à la duchesse de Marlborough en qualité 
de groom of the stole , contrebalança l'influence jaco- 
bi te de la Marsham, et mourut le 23 novembre 1 7 23. 
Son mari épousa alors en secondes noces Charlotte 
Finch , fille de Daniel , comte de Winchelsea et Not- 
tingham, issu d'une ancienne famille de robe. Somer- 
set se faisait servir avec une étiquette toute royale, 
aux exigences de laquelle ses proches eux-mêmes 
étaient tenus de se conformer. Sa seconde femme s'é- 
tant un jour permis de le frapper familièrement sur 
l'épaule , il se retourna vivement et lui dit : ■ « Ha 
première duchesse, Madame, était une Percy et n'a 
jamais osé prendre une telle liberté ! » Sa fille Char- 
lotte, en vertu d'une clause de son testament, el 
comme il le lui avait notifié longtemps à l'avance, 
reçut 10,000 Ut. -st. de moins que sa sœur, pour 
avoir osé s'asseoir un jour qu'elle était de garde au- 
près de lui pendant qu'il faisait sa sieste ; office qu'elle 
remplissait alternativement avec sa sœur de deux 
jours l'un. Du reste l'orgueil ne fut pas uniquement 
l'apanage de la ligne ducale des Seymours. Cette 
ligne était la cadette ; en effet , la ligne aînée ne loi 
enviait pas son titre de duc, et tirait bien autrement 
vanité de sa plus grande ancienneté. Sir Edouard 
Somerset, l'habile chef de l'opposition parlementaire 
dans la Chambre basse , étant venu' rejoindre Guil- 
laume d'Orange , celui-ci crut lui faire une politesse 
en lui disant : « Je crois , sir Edouard , que vous êtes 
de la famille du duc de Somerset. — Pardon, Sire, 
lui répondit celui-ci , c'est le duc de Somerset qui est 
de ma famille. » 

Mais si par cela même qu'il portait la couronne de 



— 59 — 
duc, Somerset se trouva solidaire des intérêts de la 
haute aristocratie, il ne leur sacrifia jamais le senti- 
ment de son indépendance et de sa propre dignité. Le 
roi Jacques II l'invita à faire partie de la procession 
solennelle au milieu de laquelle le nonce du Pape de- 
vait faire son entrée à la cour. Alors colonel et cham- 
bellan, il ne se faisait pas scrupule, aux grandes so- 
lennités de l'année, de porter l'épée royale dans la 
chapelle catholique de Jacques II ; mais il se refusa 
positivement à grossir la suite du nonce. Quelques 
membres de sa famille le conjurèrent de céder pour 
ne pas s'attirer la disgrâce du roi; mais toutes leurs 
supplications demeurèrent inutiles. Le roi lui-même 
l'entreprit & ce sujet : a Je croyais, Milord, vous 
avoir fait un grand honneur en vous désignant pour 
accompagner l'ambassadeur de la première des têtes 
couronnées. » — « Sire , répondit Somerset, on m'a 
dit que je ne pouvais obéir à Votre Majesté sans bles- 
ser ma conscience. » — a Je saurais bien, reprit le 
roi avec emportement , tous amener k me craindre 
autant qne la loi. Ignorez-vous donc que je suis au- 
dessus de la loi? » — « Il se peut que Votre Majesté 
soit au-dessus de la loi, répliqua Somerset; quant à 
moi, je n'ai rien à craindre tant que j'obéis à la loi. » 
Le roi lui tourna le dos en témoignant de l'irritation 
la plus vive , et quelques instants après Somerset se 
voyait retirer la charge qu'il remplissait à la cour, 
ainsi que son emploi dans l'armée (1). Un peu plus 
tard il perdit aussi les fonctions de lord gouverneur 
du district oriental du Yorkshire , pour s'être refusé 
à seconder les mesures à l'aide desquelles Jacques II 

(l}Macaulay,cb. VIII. 

i: ■ Cookie 



comptait Caire nommer un parlement vénal et docile. 
Il était, d'ailleurs, chancelier de l'Université de Cam- 
bridge, et par la suite il remplit pendant longtemps la 
charge de grand écuyer. Il mourut le 22 août 1746. 
Des treize enfants qu'il avait eus de sa première 
femme , il n'y en eut que deux qui survécurent à leur 
mère (1). Son fils et successeur, Algernon, d'abord 
comte de Hertford, puis duc de Somerset, mourut 
deux ans après son père. Algernon avait épousé une 
fille de cette même famille Thynne, à laquelle appar- 
tenait le premier mari de sa mère, et il n'eut d'elle 
qu'une fille unique, qui fui son héritière. C'est elle 
qui apporta les immenses propriétés des Percys de 
Northumberland dans la famille de sir Hugh Smith- 
son , de laquelle descendent les ducs de Northumber- 
land actuels. 

Une sœur du duc -de Somerset avait épousé lord 
Worsley-Montague (mort en 1761 , à l'âge de 95 ans), 
ancien ambassadeur d'Angleterre à Constantinople. 
Elle se vantait d'avoir passé trois jours dans l'inté- 
rieur du sérail, et affirmait que le sultan était le père 
de son fils, lord Montague. C'est elle qui introduisit 
en Angleterre la pratique de l'inoculation. Elle s'était 
fait divorcer d'avec son mari, et mourut le 22 août 
176) . Sa fille épousa le célèbre comte de Bute. 

(1) Du second mariage descendait Françoise, née le 19 juil- 
let 1728, mariée le 6 août 1730 au lieutenant général John 
Manners, marquis de Granby, Gis aîné du duc de Rutlaod, 
morte le 24 janvier 1760. Catherine, autre fille du duc, épousa 
sir William Wyndham, l'infatigable adversaire de Walpole, 
et mourut veuve en 1 731 . Mais son fils Charles, à l'extinction 
de la ligne ducale des Seymours, hérita du comte d'Egremonl 
et de la baronnie d'Ackermouth , ensemble d'un revenu de 
10,000 liv. st. par an. 



John Campbell, duc tTArgyk et de Greenwich, 
marquis deKyntire et de Coru, comte fle Greenwich, 
argyle, Campbell et Conwall , vicomte de Locliow et 
de Glen-Hop, baron de Chatham, Ioverary, Mull, 
Movern et Terry, était flls d'Àrchibald, dac d'Argyle 
(mort en 4704), et d'Elisabeth Talmash (morte le 20 
mai 173S), et né en 1678. 11 remplit les fonctions de 
commissaire lors des premières et Tort inutiles négo- 
ciations suivies pour opérer l'union législative de 
l'Ecosse et de l'Angleterre; et le zèle avec lequel il 
prit dans cette occasion la défense des intérêts an- 
glais lui valut son élévation au titre de pair d'An- 
gleterre (comme comte de Greenwich et baron de 
Chatham). Lorsqu'on reprit les négociations relatives 
à cette importante mesure, il fut encore désigné pour 
y prendre part en la même qualité. Mais comme il 
avait gagné à la cause de l'union le duc d'Hamillon 
en lui faisant espérer qu'il serait lui aussi nommé 
l'an des commissaires , le Gouvernement n'ayant 
pas jugé à propos de tenir la promesse qu'il avait 
faite, il crut que son honneur ne lui permettait plus 
d'accepter la mission qu'on lui offrait. Il rejoignit 
d'ailleurs l'armée anglaise dans les Pays-Bas, où sa 
conduite brillante à la bataille de Ramilles lui valut 
le grade de lieutenant général. Il assista en 1708 à 
l'affaire d'Oudenarde, en. 1709 à la bataille de Mal- 
plaquet, et fut décoré de la Jarretière en 1710. Quand 
les Tories l'emportèrent décidément dans les conseils 
de la reine Anne, Argyle se rangea de leur côté et 
contribua à renverser Marlborough. En 1711, le 
nouveau cabinet le nomma ambassadeur près le roi 
d'Espagne Charles III ; mais il revint en Angleterre 
dès l'année suivante. Il fut alors nommé gouverneur 

aoook 



— 62 — 
d'Edimbourg, de Btinorque et de Gibraltar. L'admi- 
nistration n'ayant point eu égard à ses recommanda- 
tions en faveur d'un solliciteur, il passa dans le camp 
des Whigs et perdit alors ses diverses charges. 11 s'en 
vengea en contribuant, d'accord avec Somerset, a 
déterminer la reine Anne à appeler, dans sa dernière 
maladie, à la tête d'un nouveau ministère, Shrews- 
berry au lieu de Bolingbroke, et facilita ainsi l'élé- 
vation de la maison d'Hanovre au trône d'Angleterre. 
Georges I" l'en récompensa en le nommant lord 
grand chambellan et général, et en lui rendant les 
gouvernements d'Edimbourg et de Minorque. En 
1715, il devint premier chambellan du prince de 
Galles et prouva sa fidélité à la nouvelle dynastie en 
attaquant résolument, lors de l'insurrection d'Ecosse, 
le comte de Marr à Stirling. Le 13 novembre suivant, 
il lui livra encore bataille à Dnnblaine, où, il est 
vrai, l'aile droite de l'armée royale fut mise en pleine 
déroute par les montagnards écossais en moins d'un 
quart d'heure, pendant que de son coté l'aile gauche, 
sous les ordres d'Argyle, écrasa l'ennemi. Dès que le 
duc eut reçu les renforts nécessaires, le prétendant 
reconnut l'impossibilité de prolonger davantage la 
lutte et se rembarqua. Argyle n'en fut pas moins dis- 
gracié en 1716. Mais le roi lui rendit ses bonnes 
grâces dès 1719, et le nomma alors duc de Greenwich 
et grand maître de sa cour. Il demeura pendant long- 
temps dans les meilleurs termes avec la cour et le 
ministère. En 1725, il fut nommé grand maître de 
l'artillerie et gouverneur de l'île de Wight ; puis , en 
1737, il fut appelé pour la troisième fois aux fonc- 
tions de gouverneur de la ville d'Edimbourg. Mais, 
en 1739, la guerre ayant éclaté entre l'Espagne et 



l'Angleterre, on lui retira ses divers emplois ; ce dont 
il se vengea, en 1746, en prenant une pari active au 
renversement de l'administration présidée par Wal- 
pole. Il fut alors réintégré dans sa charge de grand 
maître de l'artillerie, dont il ne tarda pas d'ailleurs à 
se démettre volontairement ; il mourut le i 4 octobre 
1747. On l'enterra dans l'abbaye de 'Westminster. Il 
ne laissait pas de lils de ses deux mariages. Son frère, 
Archibald (né en 1681 , mort en 1761 ) , hérita du 
titre de duc d'Argyle ; celui de duc de Greenwich 
passa à sa allé, Marie, comtesse de Dalkeith. 



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HISTOIRES DE REVENANTS 



ARRIVEES A LA COUR DE L'ÉLECTEUR DE TREVES 



La petite cour d'Ehrenbreitstein fut encore à di- 
verses reprises pendant le dix-huitième siècle le théâ- 
tre d'apparitions de revenants. Souvent, par exemple, 
lorsque l'Électeur Jean-Philippe (1), plongé dans la 
lecture de son bréviaire, se promenait dans ses ap- 
partements et arrivait ainsi à l'antichambre exté- 
rieure, le hallebardier de garde apercevait, à travers 
la grande porte vitrée donnant sur cette antichambre, 
on petit monsieur tout habillé de gris qui se tenait à 
coté de l'Électeur, et.malgré ce qu'il y avait de sérieux 
dans samine, prenait avec le prince de choquantes li- 
bertés. Le hallebardier remarqua même un jour que 

(1) Jean-Philippe, baron de Walderdorf, né en 1702, nom- 
mé coadjuteur de Trêves en 1784, Électeur le 18 janvier 
1736, évequede Wormsen 1763, mort en 1788. 

m. .-.*. 



l'étranger suspect restait à quelques pas eu arrière de 
l'Électeur en se moquant de lui et en lui faisant un 
pied de nez. A ce moment, le fidèle garde ne put 
s'empêcher d'ouvrir précipitamment la porte vitrée 
pour châtier cet insolent. Mais il s'arrêta alors comme 
foudroyé, et incapable de dire un mot , en reconnais- 
sant que l'Électeur était tout seul. L'auguste prélat se 
retourna pour lui demander le motif de cette entrée 
impétueuse et inconvenante. « Monseigneur, c'eBt 
que j'ai été tellement effrayé pour Votre Grâce Élec- 
torale... Vous savez bien, ce maudit homme gris... » 
— « Ah ! Est-ee qu'il est revenu? C'est une de mes 
anciennes connaissances, » se contenta de répondre 
l'Électeur ; puis il renvoya le soldat à son poste. 

Une antre vision, rapportée par le lieutenant-colo- 
nel Alexandre-Frédéric de Tranlenberg, eut plus 
d'importance. Il était de service comme page auprès 
de l'Électeur, lorsque M. d'Ehrenfels, colonel des 
hallebardiers, vint rapporter à ce prince l'étrange dé- 
claration faite par un hallebardier qui s'était trouvé 
de garde la nuit précédente dans cette même anti- 
chambre. Ce soldat avait vu, tout de suite après mi- 
nuit, un homme, qu'il avait pris pour l'Électeur, ac- 
compagné de plusieurs gentilshommes et précédé de 
deux pages tenant chacun à la main une girandole 
garnie de bougies, s'en venir tout le long de la grande 
galerie, puis passer rapidement devant lui. D'abord, 
il n'y avait pas fait autrement attention ; mais ensuite 
il avait été frappé en se rappelant que malgré la pré- 
sence d'un si grand nombre de personnes, il n'avait 
pas entendu le moindre bruit de pas, et que l'Électeur 
avait paru extrêmement pâle et amaigri. Après quel- 
ques instants de réflexion, l'Électeur ordonna que ce 

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— 67 — 
lialtebardier occuperait encore le même poste la nuit 
suivante, tiendrait bonne note de tout ce dont il se- 
rait témoin, et surtout ferait attention à la direction 
que suivraient les esprits. On permit a notre homme 
de se donner un compagnon de veillée, mais il refusa 
d'oser de cette autorisation (i ). Or, de même que la 
fois précédente, il vit venir à lui deux pages tenant 
des flambeaux à la main, puis l'Électeur avec une 
bague barbe blanche et vêtu d'un magnifique man- 
teau de cérémonie, enfin les gentilshommes de sa 
suite. Les portes de l'antichambre que traversa le cor- 
tège restèrent toutes grandes ouvertes, et notre hal- 
lebardier suivit les esprits à une certaine distance. 
Arrivé dans la troisième pièce, le cortège tourna à 
droite, et alors le panneau de boiserie tout doré qui 
recouvrait la muraille laissa apercevoir une porte 
qu'on n'y voyait pas auparavant. Les pages se placè- 
rent des deux cotes de cette porte, l'Électeur passa 
devant eux, puis les gentilshommes le suivirent, et 
les pages se remirent à marcher derrière. À son tour 
ie hallebardier franchit le seuil de cette porte mysté- 
rieuse, et il se trouva alors sur un balcon do haut 
duquel il aperçut une vaste église toute remplie de 
monde. Un homme tournant le dos au porche, enve- 
loppé dans de larges vêtements, et sur la tête duquel 

(1) Nous voulons bien croire que c'était là un acte de cou- 
rage-, mais le fait n'autoriserait-il pas à soupçonner que notre 
hallebardier n'était qu'un blagueur ? Peut-être aussi n'avait-il 
bit qu'apercevoir l'Electeur sortant par quelque issue secrète 
pour se rendre quelque part où ce prince ne se souciait pas 
qu'on sût sa présence ? Alors le reste de l'histoire ne serait 
plus qu'une mystification qu'on aurait jouée à cet homme 
pour lui faire accroire qu'il avait vu des esprits. 

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— 68 — 
trois évoques tenaient une couronne, était agenouillé 
dans le choeur. . . À ce moment, la garde de ronde entra 
par le côté opposé. Le hallebardier s'esquiva bien 
vite (1) par la même porte; et alors tout disparut, 
église, foule, porte, etc. L'Électeur demanda à cet 
homme s'il se rappelait avoir entrevu ailleurs la figure 
de l'Électeur qu'il avait aperçue dans cette circon- 
stance. Il répondit affirmativement; et l'Électeur 
l'ayant alors fait conduire dans la grande salle à man- 
ger du palais, il reconnut le personnage de son appa- 
rition dans le portrait de l'Électeur Philippe-Chris- 
tophe. 

À quelque temps de là, on reçut la nouvelle que 
l'empereur François I" était mort le 18 août 4765, et 
qu'on allait prochainement procéder au couronne- 
ment de Joseph II. C'est cet événement qu'annonçait 
la vision. 

Dans l'automne de 1767, on travaillait avec acti- 
vité à transformer complètement les appartements 
électoraux d'hiver. Jean-Philippe faisait exécuter ces 
travaux sous sa propre direction, et venait tous les 
jours vers midi voir à l'œuvre les peintres, décora- 
teurs et tapissiers. Un jour, il trouva dans une pièce 
un de ces décorateurs étendu sans connaissance au 
pied de son échelle. L'Électeur lui fit aussitôt prodi- 
guer tous les secours possibles, mais cet homme resta 
longtemps sans donner signe de vie, et ce ne fut 
même que le lendemain qu'il se trouva en état de 
dire ce qui lui était arrivé. Il raconta alors qu'un 
monsieur en robe de chambre de damas rouge, qu'il 
avait pris pour un des gentilshommes de l'Électeur, 

(1) Pourquoi! 

. ,GooQ,Ie 



étant entré dans cette pièce, il lui avait fait silen- 
cieusement sa révérence. Mais l'inconnu, après l'a- 
voir regardé tout de travers, lui avait dit : « Tu te 
donnes là beaucoup de peine pour pas grand'chose, 
et dire quelques patenôtres te vaudrait bien mieux! 
Sache en effet que celui pour qui tu décores ces ap- 
partements ne viendra pas les habiter. » Frappé de 
terreur , notre décorateur ût bien vite un signe de 
croix et allait réciter un patenètre , quand la vision 
disparut, laissant après elle un épais nuage de fumée. 
Un bruyant éclat de rire retentit en même temps dans 
la salle, et c'est alors qne l'ouvrier, saisi de terreur, 
se laissa choir du haut en bas de son échelle. — Ceci 
se passait le 16 novembre 1767. L'Électeur tomba 
malade le 23 du même mois, et mourut le 13 jan- 
vier 1768. 

De tontes les pièces dont se compose le château 
d'Ehrenbreitstein, celle qui jouissait de la plus mau- 
vaise réputation était la chambre d'argent, située 
dans l'aile du nord. Il s'y tenait de nombreuses as- 
semblées d'êtres malfaisants venus là tantôt, seuls, 
tantôt en compagnie ; on y entendait retentir des 
sons étranges et parler des langues inconnues. Les 
fenêtres en paraissaient tout à coup brillamment illu- 
minées, et alors les portes , auparavant très soigneu- 
sement fermées, se trouvaient toutes grandes ouver- 
tes. Bref, cette chambre était le théâtre des faits les 
pins étranges et les plus surnaturels. On s'en éton- 
nera moins, quand on saura qu'en 1631 él 1632 elle 
avait été occupée par maître Félix Wendrownikius, 
dont le métier ostensible était la transmutation des 
métaux, l'art de faire de l'or, le grand œuvre en un 
mot; mais que beaucoup de gens s'obstinaient à con- 
Google 



- 70 — 
sidérer tout simplement comme un agent secret de 
Bethlen-Gabor. Les gens de cour, qui désapprouvaient 
fort les relations et les intrigues de l'Électeur, leur 
seigneur et maître, avec la France et ses alliés, pri- 
rent donc particulièrement eu grippe maître Wen- 
drownikius , qui n'avait pas de plus implacable en- 
nemi que le chambellan intime, Michel Wiedeman, 
personnage exerçant une grande influence sur l'Élec- 
teur . Quelle part le mauvais vouloir ou les tendances 
politiques de ce chambellan purent-ils avoir dans les 
faits que nous allons rapporter, ou bien jusqu'à quel 
point fut-il lui-même dupe de ses propres illusions? 
C'est au lecteur à en décider. — Le 2 juin 1632, le 
chambellan Wiedeman aurait été bien aise de voit 
l'Électeur se coucher de bonne heure , parce que son 
beau-père, appartenant à la noble famille des Nettes- 
heiiu et directeur de la douane à. Boppart, se trouvait 
chez lui en visite. Mais précisément ce soir-là l'Élec- 
teur resta plus longtemps à souper que d'habitude; 
et au moment où il se disposait à lui éclairer pour le 
conduire à sa chambre à coucher, ce prince lui apprit 
qu'il aurait encore à l'accompagner jusqu'à l'appar- 
tement du Hongrois, dont il voulait examiner le tra- 
vail avant de se mettre au lit. Le Hongrois les atten- 
dait. Il avait placé au milieu de la chambre une table 
soutenue sur un tréteau. Sur cette table était une as- 
siette, et dans cette assiette un gobelet. Un feu ar- 
dent brûlait dans un fourneau de forge. Les visiteurs 
admirèrent pendant quelque temps le fini du travail 
de ce gobelet et de cette assiette, où se trouvaient 
incrustées « des têtes de païens », c'est-à-dire vrai- 
semblablement des médailles antiques. L'Électeur 
ordonna ensuite à maître Félix Wendrowinkius de 
CooqIc 



continuer son travail ; mais le Hongrois se jeta à ses 
pieds pour le supplier d'avoir pitié de sa faiblesse. 
L'Électeur ayant persisté et témoigné même no assez 
vif mécontentement au sujet de ses hésitations, Wen- 
drownikius se releva en protestant que ce n'était nul- 
lement la frayeur qui le faisait hésiter à se conformer 
aux volontés de Sa Grâce Électorale. Toutefois, il 
ajouta que l'œuvre qu'il allait entreprendre était en- 
touré de si grands périls pour son âme et pour son 
corps, qu'il devait recommander à l'assistance de sui- 
vre bien exactement ses prescriptions. Il avança an 
vieux fauteuil et invita l'Électeur à s'asseoir, en lui 
renouvelant ses instantes recommandations de ne pas 
proférer le moindre mot, quoi qu'il pût maintenant 
se passer sous ses yeux. Notre Hongrois affirma en 
effet qu'il y allait de sa vie. Le chambellan se plaça 
derrière le siège de son maître, et Wendrovnikius 
loi adressa les mêmes recommandations d'immobilité 
et mutisme absolus. Le Hongrois passa alors autour 
du gobelet incrusté de têtes de païens un fil d'ar- 
chal dont il attacha l'autre extrémité au fourneau de 
forge, et traça trois cercles autour de ses visiteurs, 
en marmottant des prières à voix basse ; puis du der- 
nier de ces cercles il tira une ligne droite aboutissant 
au fourneau. Après avoir placé en triangle autour 
de l'assiette les bougies allumées, il s'agenouilla de- 
vant le fourneau, où il continua de réciter des prières 
à voix basse, en tirant aussi de temps à autre d'une 
boite placée près de lui une certaine quantité de ma- 
tière inconnue qu'il jetait dans le feu ; acte suivi cha- 
que fois, tout aussitôt après, de bruyants pétillements 
dans le fourneau , où le feu devenait alors encore 
plus ardent. Cela dura bien une heure, et le cham- 



— 72 — 
heilan put voir le SI d'archal attaché an gobelet deve- 
nir rouge , puis le gobelet suinter à l'extérieur des 
gouttes d'un liquide épais et visqueux, tandis qu'à 
l'intérieur brillaient les lueurs les plus vives, do 
genre de celles qu'on aperçoit dans les fourneaux, 
d'une fonderie. Insensiblement le gobelet se dilata, 
se sépara en deux, et augmenta de hauteur, en même 
temps que les têtes des païens croissaient également 
à vue d'œil. Plus le Hongrois mettait de ferveur à 
marmotter ses prières, et plus le gobelet augmentait 
en hauteur, à tel point que ses bords finirent par 
presque toucher le plafond. Tout à coup, un fracas 
semblable à celui du tonnerre se ni entendre, et les 
têtes de païens se détachèrent du gobelet, en prenant 
la forme d'hommes à longue barbe enveloppés dans 
de grands manteaux, et ayant des mines effrayantes. 
Quand ils eurent formé le cercle autour de l'Électeur, 
le dernier de la bande s'agenouilla devant le spectre 
le plus rapproché du prince et dit. en le montrant du 
doigt : « Voilà celui qui veut livrer l'Empire romain 
aux Gaulois ! a Après quoi , ils rapprochèrent leurs 
têtes comme pour délibérer; et quand ils se furent 
dit -quelques mots à voix basse, celui qui formait 
l'extrémité de la bande tira de dessous son manteau 
une grande épée et s'écria : « Voilà ce que la loi ré- 
serve au traître ! (1) » et il ht quelques pas en avant, 
comme pour pourfendre l'Électeur. « Au secours! Au 
secours, Michel ! » s'écria celui-ci d'une voix étouffée ; 
au même instant toute la vision disparut. L'Électeur 

(1) Bien dans cette scène n'autorise à penser que te Hon- 
grois lut un agent secret de Bethlen-Gabor, chargé de gagner 
'"'Électeur à ses intérêts. 



était tombé en défaillance , et le Hongrois lui-même 
gisait presque inanimé à terre. Le chambellan ent 
tontes les peines du monde à faire reprendre con- 
naissance à son seigneur et maître ; alors le Hongrois 
plus pâle qu'un mort, se releva aussi et aida au cham- 
bellan à ramener l'Électeur dans sa chambre à cou- 
cher. En s'en allant , Wendrownikius dit au cham- 
bellan : « Je sais que tous m'en voulez beaucoup, et 
qn'il vous tarde même d'être débarrassé de moi. Mais 
avant de vous quitter, je dois vous donner un der- 
nier avertissement. Ayez soin de briser sur-le-champ 
le gobelet d'or incrusté de têtes de païens , ou du 
moins prenez garde que Sa Grâce Électorale ne s'en 
serve plus jamais pour boire. Sans cela, l'Électeur se- 
rait aussitôt frappé de mort : sort réservé d'ailleurs à 
tous ceux qui désormais porteront ce gobelet à leurs 
lèvres! » — Il fallut que le chambellan restât une 
bonne partie de la nuit auprès du lit de l'Électeur, 
qui était habitué à prendre de sa main seulement le 
remède souverain prescrit par ses médecins pour 
loute incommodité subite : des yeux d'écrevisses long- 
temps trempés dans de l'eau. Le bon Électeur som- 
meillait un peu, quand une violente détonation se fit 
entendre et fut rapidement suivie do quelques autres ; 
ce qui le réveilla tout en sursaut, « II faut, dit-il, que 
la foudre soit tombée bien près d'ici ! » et, en effet, 
les cris « au feu! » ne tardèrent pas à retentir dans 
le palais. « Le feu est au laboratoire ! » s'écrièrent 
bientôt plusieurs voix ; et le chambellan se dirigea en 
toute hâte vers l'endroit d'où s'échappaient d'énormes 
tourbillons de fumée. On avait déjà enfoncé les portes 
du laboratoire, mais le chambellan fut encore un des 

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— 74 — 
premiers à y pénétrer. Le Hongrois était pendu par 
son cou aux barreaux de la fenêtre ; son visage était 
déjà tout bleu, et la langue lui sortait de la bouche de 
plusieurs pouces. En entendant le récit de son cham- 
bellan, l'Électeur laissa apercevoir une si vive émo- 
tion, que son fidèle serviteur, se jetant à ses pieds, 
s'enhardit à lui dire que cette terrible histoire devait 
lui servir de leçon pour le porter à s'abstenir à l'a- 
venir de toutes relations dangereuses avec des aven- 
turiers, et surtout de prendre part à leurs pratiques 
et sortilèges. « Jacta est aléa! » se contenta de répondre 
l'Électeur. Le chambellan n'osa point insister davan- 
tage, et le 9 du même mois les Français prenaient 
possession de la forteresse. 

Ils y étaient arrivés comme amis et alliés de l'Élec- 
teur; mais celui-ci, faute de pouvoir s'accorder avec 
le gouverneur français Bussy-Lameth , et de pouvoir 
vivre sous le même toit que lui, alla bientôt s'éta- 
blir à Trêves, au château Saint-Pierre. Le 12 mars 
1635, tout le monde dans cette demeure princière 
était déjà couché, et le chambellan de l'Électeur était 
en train de lire à son maître le cinquième chapitre de 
l'Évangile selon saint Matthieu , quand un horrible 
fracas retentit dans l'escalier. Tout de suite après, 
on entendit dans l'antichambre le bruit des pas 
d'un cheval; quoique soigneusement fermées aux 
verrous , les portes s'ouvrirent d'elles-mêmes à deux 
battants , et un cavalier, dans lequel l'Électeur recon- 
nut aussitôt le Hongrois, entra précipitamment en 
poussant sa monture jusqu'au fauteuil de l'Électeur, 
et lui dit d'une voix caverneuse : « Prends bien garde 
à ce qu'on m'envoie te dire. Tes ennemis se sont con- 

. r Coo^le 



— 75 — 
jurés contre toi , et leur heure est venue. Ils t'emmè- 
neront prisonnier sur la terre étrangère (1) ; et ce sera 
là encore la moindre de tes misères, si tu ne te dé- 
cides pas à me suivre sur-le-champ, car j'ai le pouvoir 
de te mettre en sûreté. » Mais l'Électeur, se levant de 
son siège avec nne promptitude extraordinaire , fit le 
signe de la croix en invoquant le saint nom de Jésus; 
et tout aussitôt le Hongrois disparut par la cheminée 
avec son infernale monture. On voit que le Adèle servi- 
teur qui blâmait toute la politique d'un maître auquel 
cependant il était sincèrement attaché, s'imaginait que 
cette politique était inspirée à l'Électeur par de malins 
esprits, contre lesquels ce prince luttait du mieux 
qu'il pouvait. Ou bien n'y aurait-il eu là qu'une in- 
trigue dont le chambellan était l'âme , et ayant pour 
bnt de faire tomber par la ruse l'Électeur entre les 
mains de ceux qui ne devaient pas tarder à s'emparer 
de vive force de sa personne? Pendant sa détention 
à Lintz , l'Électeur renvoya ce chambellan de son ser- 
vice, parce qu'il le trouvait trop dévoué aux intérêts 
de l'Empereur ; mais il ne se sépara de lui que les lar- 
mes aux yeux. 

Une autre vision que l'Électeur Jean-Hugues ra- 
conta à son coadjuteur Verhord fut d'une nature plus 
pacifique et plus rapprochée de la réalité. 

Le 6 janvier 1701, on venait de chanter les primas 
vespertt solennes en l'honneur des trois Rois mages; 
le chapelain du château venait de bénir en grande 
cérémonie les appartements intérieurs de l'Électeur ; 
après quoi , commencèrent à quatre heures du soir les 
prières des Quarante heures. L'usage voulait que 

(1) C'est ce qui arriva, en effet, le 15 mars 183S. 

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- 76 - 
l'Électeur assistât toujours a la première et à ta der- 
nière heure de ces prières. Cette fois, des dépêches 
arrivées de Vienne , et auxquelles il y avait nécessité 
de répondre sans délai , l'empêchèrent d'être exact. 
Après avoir ainsi retardé ses dévotions jusqu'à minuit, 
l'Électeur put enfin prendre sou bréviaire sous le 
bras, et, un bougeoir d'argent à la main , se rendre à 
sa tribune, dans la chapelle du château, en traversant 
la pièce qui la séparait de sa chambre à coucher. Il 
aperçut de là les cierges qui brûlaient sur le maître- 
autel, sans qu'il y eût encore d'officiant. La porte de 
la sacristie s'ouvrit à ce moment, et il en sortit suc- 
cessivement trois prêtres, sans surplis, mais revêtus 
de magnifiques vêtements sacerdotaux, sauf qu'ils 
n'avaient pas de mitres. Ils firent leurs génuflexions 
devant l'autel , puis s'assirent sur les pliants disposés 
latéralement. De là ils regardaient l'Électeur fixe- 
ment , et celui-ci leur rendait la pareille. Enfin , il 
leur cria d'un ton d'impatience de commencer. « Nous 
attendons encore quelqu'un ! » répondit celui du mi- 
lieu. Il parut assez surprenant à l'Électeur qu'on pût 
attendre quelqu'un en sa présence; cependant, ce 
qu'il y avait d'étrange dans celte scène piquant sa cu- 
riosité (1), il résolut de descendre dans la sacristie 
pour voir de plus près ce qu'il en était. Il trouva la 
porte conduisant de sa tribune à l'escalier tournant 
tout ouverte comme d'habitude. Mais dans cet esca- 
lier il aperçut une lueur, et en regardant en bas 
il vit une figure exactement de même grandeur et de 



(1) Le fait lui ayant paru étrange , sans doute, mais n'ayant 
rien de surnaturel ; on peut croire que le bon évéque rêvait. 
En lève , ou n'est jamais étonné de rien. 

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même conformation que lui-même, vêtue comme lai, 
avec un livre sous le bras gauche et un bougeoir d'ar- 
gent à la main droite , le précédant d'une dizaine de 
marches, et au moment d'arriver à la porte de la sa- 
cristie. Son étonnement fut grand de voir quelqu'un 
se rendre à la sacristie et se disposer à y entrer par 
une porte dont seul il avait la clef en poche (1), et 
en conséquence il doubla le pas à l'effet de savoir qui 
se trouvait ainsi devant lui. Le fantôme se retourna 
alors, et l'Électeur put apercevoir sa propre figure, 
trait pour trait, comme dans une glace. Il s'arrêta 
frappé de terreur. Le fantôme lui tourna le dos , ou- 
vrit la porte avec autant de facilité que si elle n'avait 
point été fermée du tout, et la rejeta derrière lui 
avec tant de force que tous les vitraux de la chapelle 
en tremblèrent (2). L'Électeur ressentit tour à tour des 
chaleurs et du frisson par tout le corps , et remonta 
l'escalier avec plus de vitesse qu'il nel'avait descendu. 
Il parait môme que son intention était de rentrer dans 
sa chambre à coucher, sans rester plus longtemps 
dans la chapelle (3). Mais à la porte même de la tri- 
bune, dans l'antichambre conduisant à sa chambre à 
coucher, deux de ses gardes du corps lui barrèrent le 
passage en croisant'la baïonnette. N'ayant pu leur 
arracher aucune explication , il se dirigea alors vers 

(1) II fallait bien cependant que les trois prêtres fassent sor- 
tis par cette porte; lorsqu'ils lui avaient répondu qu'ils atten- 
daient encore quelqu'un, n'avait-il pas dû en conclure que 
ce quelqu'un se trouvait en bas î 

(2) D'ordinaire les fantômes ne procèdent pas ainsi , et c'est 
là bien plutôt le fait d'un homme s'enfuyant précipitamment. 

(3) S'il avait eu la pleine possession de son intelligence , 
que ne s'adressait-i! aux trois prêtres qui se trouvaient dans la 
chapelle , et que ne les questionnait-il ? 



— 78 — 
la balustrade de sa tribune , et vit avec terreur que la 
chapelle était maintenant toute remplie de gens, 
parmi lesquels il reconnut beaucoup de vieilles con- 
naissances mortes déjà depuis longtemps. Le fan- 
tôme qu'il avait rencontré sur l'escalier était age- 
nouillé près du prie-Dieu placé devant le maître-autel ; 
il était revêtu d'ornements pontificaux et assisté de deux 
acolytes. Coiffé de la mitre comme eux , un troisième 
prélat fonctionnait à l'autel comme officiant. L'Élec- 
teur reconnut alors les trois évéques qui , vingt-cinq 
ans auparavant, l'avaient sacré, et qui en firent au- 
tant au fantôme , son portrait. Quand la cérémonie 
fut terminée , la foule devint toujours plus compacte , 
jusqu'à ce qu'au milieu se fit enfin une voie libre. Dif- 
férents fonctionnaires de la Cour électorale, entre an- 
tres le précédent maréchal, s'avancèrent par cette voie, 
où les suivit bientôt « une jeune fille de quinze ans 
au plus , plus belle que la plus belle , resplendissante 
comme des millions de diamants », et dans laquelle il 
reconnut sa sœur Eve. Elle portait un cierge à la 
main ; autant en faisait son frère Damien-Adolphe (1), 
qui, de son autre main, tenait une branche d'oli- 
vier. Lui aussi était magnifiquement costumé : il 
portait un étroit ruban rouge (2) à son cou, qui était 
resté nu; et sa croix de chevalier brillait sur sa poi- 
trine comme un soleil. Venaient ensuite deux fiancés, 
portant aussi des cierges à la main , et qui n'étaient 
autres que le père et la mère de l'Électeur. Suivaient 
leurs autres enfants , tant les morts que les vivants , 

(i) Son frère cadet, né en 1639, chevalier de l'ordre Teu- 
toniquo et commandeur de Trêves , mort au siège de Kanisa , 
frappé par une balle turque. 

(2) Sans douto pour cacher ses blessures. 

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et parmi ceux-ci l'Électeur reconnut sa sœur, madame 
de Kesselstadt , avec laquelle il avait soupe le soir 
même, ainsi que madame de Quad. Ces vivants 
avaient l'air très grave, tandis que les morts pa- 
raissaient être dans un ineffable ravissement. Les 
deux fiancés furent conduits au prie-Dieu; les por- 
teurs de cierges s'agenouillèrent de chaque côté, et 
l'éveque, dans lequel il reconnut sa propre figure, cé- 
lébra une messe basse. Quand il eut prononcé Vite, 
missa est, l'officiant, s'approchant des conjointe, prit 
la main de la mère, lai retira son anneau du doigt, 
et l'entoura de son étole en môme temps que le fiancé. 

— La scène changea alors tout à coup, sans qu'il fût 
possible à l'Électeur de se rendre compte comment (1 ) . 

— Des cierges de cire jaune brûlaient sur l'autel, 
les murailles étaient tendues de draperies noires, des 
voix graves et solennelles entonnaient un Diesirœ; 
on célébrait un service mortuaire. Les officiants se 
pressèrent autour du cercueil , et quand il se fit un 
petit interstice entre eux , l'Électeur put s'apercevoir 
lui-même étendu dans ce cercueil, revêtu de ses orne- 
ments épiscopaux et la mitre en tête. Quand on enleva 
le cercueil , on le descendit dans un caveau latéral au 
chœur, et on jeta dessus des armoiries brisées. C'est 
alors seulement qu'il lui sembla perdre connais- 
sance. 

Quand il revint enfin à lui, il se trouva complète- 
ment seul {2), et se traîna péniblement vers sa cham- 
bre & coucher, où il passa une très mauvaise nuit. 



(1) Absolument comme dans un rêve. 
(S) Y avait-il eu réellement service à la chapelle? S'y serait- 
il par hasard endormi î Y aurait-il eu quelque négligence 
CooqIc 



Le lendemain matin , il sonna son valet de cham- 
bre. Celui-ci, s'étant approché de son lit, trébucha, se 
baissa, et ramassa une bague qu'il présenta à l'Élec- 
teur. C'était l'anneau nuptial de sa mère, qu'il re- 
grettait d'avoir perdu depuis plus de vingt ans(l). 
D'ailleurs , l'Électeur ne mourut que dix ans après 
cette scène , mais dix ans juste , jour pour jour. 

Cet Electeur de Trêves était le fils de Guillaume 
d'Orbeck de Veraich, lieutenanWolonel au service de 
l'Empereur, et de Marie-Catherine de Leyen, sœur 
d'un autre évéqoe de Trêves. On fait les plus grands 
éloges de son caractère. Né en 1634, il avait étudié à 
Cologne et à Mayence, puis au collegium Germanicum 
à Rome, d'où le général des Jésuites, le P. Oliva, écri- 
vait à son sujet : « Quand ce jeune homme sera plus 
avancé en âge , il n'aura guère son pareil en Allema- 
gne , et il me parait fait pour devenir le successeur de 
Son Eminence (l'Electeur Charles-Gaspard).» H quitta 
Rome en 1655 , alla encore étudier à Paris et à Pont- 
à-Mousson , fut admis en 1657 au chapitre de Spire, 
et en 1658 au chapitre de Trêves. En 1660, il devint 
doyen du chapitre de Spire, fut nommé en 1672 co- 
adjuteurde son oncle, puis élu en 1676 évéque de 
Spire. Le 9 juillet de cette même année , il prit les 
rênes du gouvernement dans le pays électoral , qui 
venait d'avoir horriblement à souffrir des dévasta- 

commise , qu'on aurait dissimulée à l'aide du rêve de l'Élec- 
teur, et qui aurait encore contribué à accroître le désordre 
de ses idées ? 

(1) C'est très certainement la circonstance la plus impor- 
tante de toute cette histoire, et un homme de police n'eût pas 
manqué d'y trouver des motifs pour suspecter la probité du 
valet de chambre. 

. r Coo^le 



— 81 — 
lions de la guerre. Par la sagesse de ses mesures ad- 
ministratives , il y ramena bientôt la prospérité , et y 
fonda une organisation civile qui resta à peu près 
sans modification jusqu'en 1794. Ses profondes con- 
naissances en droit lui valurent en 1677 sa nomina- 
tion aux fonctions de membre de la Chambre impé- 
riale; et il en fit surtout preuve dans les soixante-six 
excellentes ordonnances qui réglèrent désormais la 
législation de l'Electorat. Le réfugié français Blain- 
ville dit de lui, dans sa Relation de voyage {tome I", 
p. 129) : a Jean-Hugues, de la maison des barons 
d'Orbeck , est le dernier de sa race , et âgé bientôt 
de soixante-douze ans. Il est de mine agréable et 
d'une bienveillance qui le fait adorer de tout le 
monde. Ennemi déclaré de l'injustice et de l'oppres- 
sion , il a la plus tendre et la plus active sympathie 
pour ceux de ses sujets qui ont pu souffrir des maux 
de la guerre , et il aime mieux se contenter de reve- 
nus médiocres que de les accabler d'impôts. En un 
mot, on peut dire qu'il est vraiment le père de ses 
États. Sa cour, qui l'a pris pour modèle, est incon- 
testablement la plus régulière qu'il y ait en Allema- 
gne. Elle se compose d'hommes vraiment sages, qui 
préfèrent l'honneur et la probité à toute autre chose. 
Ici, la justice se rend impartialement, et on ne voit 
pas de ces exemples d'orgueil , de mépris de la vertu 
et d'impiété, qui scandalisent tant dans la plupart 
des autres cours. » 

Il mourut le 6 janvier 1711, au château de Co- 
blence. Le souvenir de la nuit des Rois de 1701 s'é- 
sait si vivement conservé dans l'esprit de l'Electeur, 
qu'il eut toujours dès lors une dévotion particulière 
pour les trois Rois mages , en l'honneur desquels il 



— 85 — 
fit élever dans la cathédrale un autel particulier ; et 
il voulut être enterré au pied de cet autel. Comme il 
était le dernier de sa race, on brisa son écu lors de ses 
funérailles et on en ensevelit les fragments avec lui , 
ainsi qu'il l'avait vu faire dix années auparavant dans 
son rêve , et comme il savait d'ailleurs parfaitement à 
l'avance qu'il lui arriverait. 

Au reste, les histoires de revenants dont la.Phi- 
lippsburg, d'Ehrenbreitstein , avait été le théâtre, 
déterminèrent le dernier Electeur de Trêves, Clé- 
ment-Wenceslas (1) à s'établir d'abord au Dicastère, 
et ensuite au nouveau château de Coblence. 

(1) On sait que c'était un prince de la maison de Saxe, né 
en 1739, élu prince-évèque de Freiaing et de Ratisbonne en 
1763, Électeur de Trêves en 1788, démissionnaire en 1803 , 
mort le 27 juillet 1813. 



. r Goo^le 



N'AVOIR VRAIMENT PAS DE CHANCE 



Joseph de Frohn , né à Coblence , était Le fils d'un 
bailli du prince de Lœwenstein. A peine revenu de 
l'Université , il eut avec son père une discussion des 
plas vives ; et le lendemain , il enfourchait un cheval 
avec lequel il gagnait Francfort, mais qu'il eut soin 
de renvoyer fort exactement à son père, en le préve- 
nant qu'il ne le reverrait plus jamais et qu'il allait 
s'engager au service de l'Empereur. Cette détermi- 
nation fut la cause de la vie pleine de tourments et de 
misères qu'il mena depuis lors , et que termina une 
mort tragique. On Tincorpora dans le régiment de 
Warasdin , qui tenait garnison sur les frontières du 
Banat. Là, son sort fut d'abord des plus misérables, 
jusqu'à ce qu'un heureux hasard apprît à ses officiers 
qu'il avait toutes les connaissances nécessaires à un 
ton comptable. On l'attacha alors au dépôt du régi- 
ment en qualité d'écrivain et avec le grade de ser- 
gent-major; et il gagna bientôt tellement la faveur 



— 84 — 

des officiers, que ceux-ci, sacrifiant leur propre inté- 
rêt à leurs sympathies, lui aidèrent à obtenir les cpau- 
lettes de sous-lieutenant. Mais comme il n'avait pas 
pu s'assimiler la langue du pays , il fallut le placer 
dans un régiment allemand; et ce furent les officiers 
croates qui se chargèrent de ses frais de premier 
êquippement. 

Frohn fit la guerre de Sept ans avec le grade de 
sous-lieutenant, et assista à la bataille de Lowositz, 
où il mérita et obtint le commandement d'une compa- 
gnie, car il demeura le seul officier survivant du dé- 
tachement dont il faisait partie. Mais les officiers du 
3* bataillon , avec lequel on avait complété le régi- 
ment, ne voulurent pas reconnaître le nouveau capi- 
taine, dont la promotion avait vraisemblablement 
nui à leur propre avancement ; et il s'ensuivit toute 
une série de duels, auxquels prirent aussi part des 
officiers d'autres régiments , de telle sorte que pour 
y mettre un terme il ne fallut pas moins que l'inter- 
vention de l'Impératrice elle-même. On aura sans 
doute présenté Frohn à cette princesse comme un 
bretteur de profession, car on exigea de lui qu'il ren- 
dit son brevet de capitaine. Après quoi, il fut replacé 
dans un autre régiment avec son même grade de sous- 
lieutenant. 

Il avait cependant réussi à passer lieutenant en 
premier, lorsqu'il fut fait prisonnier sous les murs 'de 
Prague, et envoyé dans une petite place forte. Frohn 
ourdit avec un certain nombre d'autres prisonniers 
un complot ayant pour but de s'emparer de cette 
place. Déjà les conjurés avaient réussi à se rendre 
maîtres de divers ouvrages, quand le commandant 
parvint à les enfermer entre deux portes. Cependant, 

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- 85 — 
redoutant de voir le désespoir accroître encore leurs 
forces et lenr énergie , il consentit à leur accorder 
nne capitulation aux termes de laquelle il leur fut 
permis de regagner le territoire autrichien, etFrohn 
prit le commandement de cette poignée de bra- 
ves. On ne nomme pas la place où ce fait se passa. 
L'Antiquaire du Rhin (p. 534 et suivantes) prétend 
que c'était Magdebourg, et qu'il s'agit de la même 
conspiration dont le fameux Trenk s'appropria en- 
suite le mérite. 11 trouve donc tout naturel que les 
écrivains prussiens n'en aient pas dit un mot ; et on 
s'expliquerait à la rigueur le silence des Autrichiens, 
par la défaveur qui s'attachait au nom de Frohn. 
Hais on ne conçoit pas comment la marche de quel- 
ques centaines d'hommes au moins , se rendant en 
corps de Magdebourg jusqu'aux frontières de l'Au- 
triche, n'aurait laissé aucune trace. 

Quoi qu'il en puisse être, Frohn revenu à son ré- 
giment passa capitaine, puis chef de bataillon ; mais 
il fut alors fait une seconde fois prisonnier par les 
Prussiens, qui lui firent snbir à Cosel une dure capti- 
vité aux tourments de laquelle la conclusion de la 
paix put seule mettre un terme. C'est à ce moment 
qu'il lui était réservé de passer par la plus cruelle 
des épreuves, épreuve qui eût fait perdre l'esprit à 
tout autre que lui. 

"Conduit de Gosel à Breslau, on le dirigea de là sur 
'Hachod, n'ayant pas d'autre habillement que celui 
des détenus de la maison de correction , et sans lui 
accorder un liard de frais de route. A Nachod, une 
■ bonne âme prit pitié de lui et lui fournit d'autres vê- 
tements; mais, pour rejoindre son régiment, il lui 
fallut encore traverser toute la Bohême et la Moravie 

COOQIC 



en mendiant. C'est là que l'attendait la surprise la 
plus douloureuse. On l'avait tenu pour mort, et les 
états ducorps portaient, après la mention de son nom, 
ces mots: « Mort devant l'ennemi. » Ses anciens ca- 
marades refusèrent de le reconnaître ! L'autorité su- 
périeure repoussases réclamations, et, malgré qu'il en 
eût, il lui fallut se tenir pour dûment mort et enterré ! 
Seul au milieu d'un pays étranger , et inébranla- 
blement décidé à ne plus jamais s'adresser à sa fa- 
mille, il chercha du travail comme dresseur de che- 
vaux, et même comme palefrenier ; et se trouva un 
jour à Vienne à la porte d'un manège où il vit entrer, 
entre autres , le feld-maréchal comte d'Aspremont- 
Linden, capitaine des trabans de la garde , avec un 
grand nombre de chevaux et une suite brillante. 
Parmi ces chevaux, il y eu avait un qu'aucun pale- 
frenier ne pouvait maîtriser. Il se cabrait dès qu'on 
essayait de l'approcher, et renversa une douzaine 
d'individus qui risquèrent l'entreprise. Frohn de- 
manda et obtint la permission de la tenter a son 
tour. D'un bond il se trouva en selle , et tit alors si 
bien sentir à l'animal rétif et ombrageux la main et la 
cuisse du maître, que quelques instants lui suffirent 
pour le rendre docile comme un agneau. Le comte 
lui adressa en mauvais allemand quelques compli- 
ments, et voulut joindre à ses éloges une couple de 
ducats de Cremnitz. Mais Frohn refusa de les rece- 
voir, déclarant que comme ancien oflicier il pouvait 
bien rechercher un service seigneurial afin de ne point 
mourir de faim, mais non pas accepter de son général 
un pour-boire. Le comte d'Aspremont lui fit alors ra- 
conter son histoire , et l'engagea ensuite à venir le 
trouver le lendemain à son hôtel. 

Google 



87 — 

Là Frohn apprit que pas plus le coi 
ratrice elle-même ne pouvait faire de 
du moment où il avait été inscrit com 
registres-matricules de son régiment 
moins il était en son pouvoir de faire 
tenant. Ainsi, c'était pour la troisièm 
tenait ce grade ! Mais comme l'équip 
vre diable était chose difficile, le feld 
était propriétaire d'un régiment de < 
avait voulu le caser dans ce régiment 
avec rang de lieutenant dans les traba] 
corps où il avait un service facile et ce 
il était habillé et équipé aux frais de II 
A sa grande satisfaction, il dut monti 
garde au château impérial même. Désigi 
faction de dix heures du soir à minuit, i 
im corridor conduisant directement au 
d'honneur. Le sergent lui dit : « La i 
voyez là, à gauche, est interdite; et 
n'importe qui, voulait l'ouvrir, vous 
pousser. » A peine la ronde est^elle ter 
porte interdite s'ouvre tout doucemenl 
mystérieusement, enveloppé dans un g 
le fils de Marie-Thérèse, le roi des Roi 
ensuite l'empereur Joseph II, mais q> 
a mère astreignait à la plus sévère disi 
présente les armes, puis s'avance ver 
lisant : « Votre Majesté ignore prol 
ai l'ordre formel de ne laisser passeï 
le le sais parfaitement , répondit Jo 
aras bien assez d'esprit pour ne p; 
:onsig ne vis-à-vis de moi. Je serai a- 
ïi'on vienne te relever, et au plus 

. ■ . , Cookie 



moins de minuit. » Puis il continue son chemin, lais- 
sant Frohn dans la plus grande perplexité. Les deux 
heures de sa faction furent pour lui deux heures 
d'inquiétudes et de transes mortelles. Mais le roi fut 
exact; et tout danger avait dispara pour le faction- 
naire désobéissant, quelques minâtes avant qu'on vint 
le relever. Quinze jours plus tard , il était encore de 
garde au château ; le soir, il eut de nouveau le même 
poste, et aussitôt placé en faction, il vit Joseph 
entr'ouvrir la porte en question et s'esquiver de 1» 
demeure impériale, ainsi qu'il l'avait fait précédem- 
ment. Ce manège se renouvela toutes les fois qui 
Frohn était de garde, et on eût dit que Joseph comp- 
tait formellement sur sa complaisance. Au hont d'un 
certain temps, quelques trabans de la garde eurent 
ordre de venir participer aux leçons et exercices d'es- 
crime du roi des Romains, et Frohn fut du nombre. 
Plus tard encore, il fut désigné pour prendre pari 
aux exercices de voltige qui avaient lied dans le ma- 
nège impérial, de -même que pour accompagner 11 
roi dans quelques promenades à cheval. Un béai 
jour, Joseph , qui maintenant était devenu empereur, 
lui défendit positivement de demander à ses chefc 
l'autorisation nécessaire pour prendre part à ces pro- 
menades. Naturellement, ce manquement à la disci- 
pline entraîne pour Frohn une punition, quis'aggravt 
encore lorsqu'il y a récidive de sa part. Il en prévient 
l'Empereur, qui lui commande encore formellement 
de se passer de permission ; ce qui lui vaut doubles d 
triples arrêts. On le prévient même que la premièn 
fois que cela lui arrivera encore, il sera mis au ca- 
chot. Et cependant Frohn est obligé, peu de temps 
après avoir reçu cet avis, d'accompagner l'Empe 



— 89 — 
reuràHetzendorf, toujours sans permission. Dans ce 
château , Joseph lui fait endosser, comme par manière 
de plaisanterie , un uniforme de lieutenant de hus- 
sards qui était suspendu dans une alcôve, puis H in- 
vite sa suite à présenter ses félicitations au nouveau 
lieutenant. Au retour à Vienne , Frohn aperçut, der- 
rière l'une des compagnies rangées sous les armes 
pour rendre les honneurs militaires à l'Empereur, le 
prévôt des trabans de la garde , qui n'eut certes pas 
manqué de faire empoigner le traban récalcitrant, 
mais qui n'osa s'attaquer à l'officier de hussards. 

Des temps plus heureux semblaient enfin venus 
pour Frohn; et, en 1779, il était même colonel du 
régiment des cuirassiers-Berlichingen . À l'occasion 
d'une revue qui eut Heu sous les murs de Gross-War- 
dein , il eut une altercation avec le brigadier de ser- 
vice, le feld-maréchal-lieutenant A.-F. de Beriichin- 
, gen. Le général fit mettre le colonel au cachot , en 
même temps qu'il le traduisait devant un conseil de 
guerre. Cependant Frohn trouva moyen de faire sa- 
voir à l'Empereur ce qui venait de se passer. Il reçut 
une réponse des plus rassurantes ; et effectivement le 
. comte de Khevenhûller, officier d'ordonnance de 
l'Empereur, arriva tout à coup un beau matin à Wa- 
rasdin , puis se rendit droit à la prison , où il se fit , 
non sans éprouver d'assez vives difficultés de la part 
du geôlier, conduire au cachot où était détenu Frohn, 
— qui venait juste de trépasser quelques instants au- 
paravant. Procès-verbal fut immédiatement dressé 
pour constater l'état dans lequel Khevenhûller avait 
trouvé le prisonnier et la prison. Des médecins du- 
rent examiner le cadavre , et de leur rapport il résulta 
qu'il portait des traces évidentes d'empoisonnement. 
Google 



— 90 — 
Au moment où les médecins se disposaient à apposer 
leurs signatures au bas de leur procès-verbal d'au- 
topsie, ils apprirent que le feld-maréchal-lieutenant, 
compromis dans cette grave affaire , venait de se bril- 
ler la cervelle. 

Joseph garda longtemps rancune au régiment de 
cuirassiers-Berlichingen. Il le transforma même en 
régiment de dragons , et, au lieu de parements et re- 
troussis rouge cramoisi avec des brandebourgs d'ar- 
gent, il lui donna pour signe distinctif d'uniforme la 
couleur noire. En 1798, l'archiduc Jean devint le 
propriétaire de ce môme régiment. 

À Coblence, on ne se contenta pas de ce qu'il y a 
déjà de passablement romanesque dans la vie que 
nous venons de raconter ; et on prétendit que Joseph 
de Frohn, gaillard bien découplé et passablement 
entreprenant vis-à-vis du beau sexe , avait eu et mené 
fort loin une intrigue amoureuse avec l'une des archi- 
duchesses , et que pour y mettre un terme on s'était 
débarrassé de lui secrètement. 



. r Coo^le 



LE COMTE DE BONNEVAL 



Encore an représentant bien caractéristique dn 
XVIII e siècle, mais celui-là sans le moindre mélange 
de mysticisme on de fanatisme. Le comte de Bonneval 
est l'expression complète de la frivolité et du manque 
absolu de sens moral qui furent le propre de la géné- 
ration dont il fit partie, et du plus grand nombre des 
productions de l'art à la même époque. Dès qu'il 
s'agissait de ses plaisirs, non-seulement la patrie et 
la religion étaient pour Bonneval des mots vides de 
sens, mais encore il repoussait les reproches de la 
conscience à l'aide de quelque bon mot bien piquant, 
et s'enveloppait d'un scepticisme et d'un épicuréisme 
s'étendant à tout. Il n'y a que le sentiment de l'hon- 
neur, dans le sens qu'on attachait du moins alors à 
ce mot, à l'empire duquel il lui fut impossible de se 
soustraire. C'était, d'ailleurs, un homme brave à 
loute épreuve , d'un esprit éblouissant , adroit et ne 
manquant môme pas d'une certaine bonhomie. Du 



— 92 — 

resle, nous sommes porté à douter que son système 
philosophique et la direction de sa vie l'aient, es 
réalité , complètement satisfait ; et ce qui excite dos 
doutes à cet égard , c'est précisément une lettre où il 
s'efforce de prouver qu'il se sent heureux. Nous n'j 
trouvons que des consolations , et nous' en concluons 
que celui qui l'écrivait avait besoin de se consoler. 
L'homme véritablement heureux ne se donne pas tant 
de peine pour prouver son bonheur à lui-même et 
aux autres. 

Le comte-Claude-Alexandre de Bonneval naquit te 
16 juillet 1673, à Cussac, en Limousin (d'autres le font 
naître à Paris en 1672), et descendait d'une ancienne 
famille alliée aux Bourbons. Elevé d'abord chez tes 
Jésnites, qui ne purent venir à bout de ce carac- 
tère indomptable, il entra ensuite dans la marine, où 
il se distingua et obtint bientôt de l'avancement. Le 
marquis de Seignelay, ministre de la marine, venu 
an jour inspecter les gardes-marines, voulait le ren- 
voyer dans sa famille comme n'ayant pas encore at- 
teint l'âge voulu par les règlements, a On ne casse 
pas un homme de mon rang ! » lui dit l'enfant avec 
une orgueilleuse assurance. Seignelay ne l'en cassa 
pas moins , mais le nomma enseigne tout aussitôt 
après. S'il avait persévéré dans cette carrière, quiré- 
pondait à ses facultés, qui donnait satisfaction à son 
goût pour l'imprévu et ies aventures, la direction de 
sa vie eût été tout autre et sans doute plus heureuse. 
Mais il se laissa déterminer par quelques amis à sol- 
liciter son admission aux gardes-françaises, et se 
trouva ainsi mêlé à la vie d'aventures galantes et 
d'excès de tous genres par laquelle se signalaient les 
officiers de ce corps. Quand éclata la guerre de la 



. r Coo^le 



— 9i - 
A lapaixd'Utreclit, le prince Eugène lui fit obtenir la 
mise à néant de la procédure instruite contre lui, et 
la restitution de ses biens confisqués. Son frère s'en 
était mis en possession. Bonneval ne put ou ne vou- 
lut pas l'en évincer, et parait même avoir toujours 
été en assez bons termes avec lui. Il demeura au ser- 
vice d'Autriche , devint feld-maréchal-lieutenant et 
membre du conseil aulique de la guerre; et lors de la 
glorieuse campagne faite contre les Turcs par le prince 
Eugène, il prit une part brillante à la bataille de Pè- 
lerwardein(5 août 1716), ety fut môme grièvement 
blessé. Après s'être guéri de ses blessures à Vienne, 
il osa maintenant, protégé par sa gloire récente, faire 
une excursion à Paris, où on le reçut avec la plus 
grande distinction , et où on parut avoir tout à fait 
oublié que Français il avait porté les armes contre la 
France. Au rétablissement delà paix, il alla se fixera 
Vienne, où il s'occupa des affaires portées devant le 
conseil aulique de la guerre. Mais le prince Eugène 
eut bien moins à se louer de son protégé en temps de 
paix qu'en temps de guerre. Ce n'était pas seulement 
le scandale de la vie privée de Bonneval et l'impossi- 
bilité de pouvoir jamais retenir sa langue qui atti- 
raient à chaque instant des désagréments au prince , 
notre aventurier n'épargnait même pas son protec- 
teur, et finit par lui devenir tout à fait insupportable 
en se mêlant indiscrètement de ses affaires domesti- 
ques. En conséquence, pour se débarrasser de lui, 
Eugène le fit envoyer dans les Pays-Bas avec le titre 
de commandant en chef de l'artillerie. Dès lors, Bon- 
neval se crut délié de toutes espèces d'obligations en- 
vers le prince. Il semble, d'ailleurs, qu'il n'ait jamais 
soupçonné l'immense distance qui existait entre eux, 



et qu'il ait considéré le prince Eugène comme an 
aventurier militaire de son espèce. Quand il eut, à 
Bruxelles, les démêlés les pins vifs avec le marquis de 
Prié, gouverneur de la ville, dont la femme et la fille 
se moquaient de la reine d'Espagne, qui n'avait pas 
observé assez rigoureusement avec elles les règles de 
l'étiquette, beaucoup de personnes pensèrent que 
Bonneval ne s'était ainsi heurté à M. de Prié que 
parce que celui-ci était un des favoris du prince Eu- 
gène. Soit que Prié s'en doutât, soit qu'il eut une 
trop haute idée de sa position et de lui-même pour se 
soucier d'un individu de l'espèce de Bonneval , tou- 
jours est-il que, par le calme stoïque qu'il opposa aux 
attaques verbales et écrites de son adversaire , il le 
ait tellement hors de lai que Bonneval lui envoya un 
cartel. Alors il fut arrêté, et eut ordre de se rendre à 
Vienne. Dans une lettre écrite à son frère en 1741 , 
il prétend que sa chute ne provint pas de ses démêlés 
avec le marquis de Prié. Il ajoute : «Tout mon crime 
consista à avoir provoqué en duel le princede "* {!), . 
qui, le premier, brisa les liens d'une amitié remon- 
tant à plus de dix-huit années , et qui avait inventé 
contre moi une fable offensante pour l'honneur d'une 
vertueuse reine; et tout cela à cause de la haine 
acharnée qu'il avaiteue toute sa vie contre la France, 
et qu'au temps de notre intimité je lui avais mille fois 
reprochée comme une indigne faiblesse. » Bonneval 
n'était guère homme à trouver dans quelque assertion 
blessante pour une vertueuse princesse un motif de 

«) Il avait déjà adressé de La Baye au prince Eugène une 

lettre dans laquelle tout autre que lui eût vu une provocation 
w duel. Plus Eugène témoigna d'indifférence , et plus Bonne- 
vil désira ardemment s'en venger. 



— 96 — 
briser une amitié remontant à dix-huit ans; il est 
évident qu'il se servit de celte difficulté comme d'un 
prétexte pour donner libre cours à des sentiments qui 
s'étaient amassés à la longue dans son cœur, qui loi 
étaient vraisemblablement inspirés par la jalousie, et 
qui débordèrent enfin. 

Au lieu d'aller droit de Bruxelles à Vienne , ainsi 
qu'il en avait l'ordre, il se rendit d'abord à La Hâve, 
où il séjourna pendant près d'un mois, et où il se ren- 
dit suspect par ses fréquents rapports avec les ambas- 
sadeurs de France et d'Espagne. Lorsqu'il repartit 
pour Vienne, il fut arrêté en route, transféré au Spiet- 
berg et condamné à la peine de mort par le conseil 
aulique de la guerre. L'Empereur commua toutefois 
cette sentence en une année de détention au Spiel- 
berg, puis en bannissement. Quand il eut achevé sa 
peine, il fut conduit à la frontière du Tyrol, où on l'a- 
visa de ne plus avoir à jamais remettre les pieds sur 
le sol de l'Empire. Ainsi se termina sa carrière mili- 
taire en Autriche. 

11 alla d'abord à Venise, et chercha, dit-on, à entrer 
au service de cette république, à laquelle il convenait 
pourtant si peu , et où il aurait pu si facilement faire 
connaissance avec la terrible prison des Plombs. A 
un État de cette espèce, il fallait des hommes prudents 
et réservés. Il parait qu'il sollicita aussi du service en 
Russie ; s'il avait réussi dans ses démarches , il est 
probable que son nom aurait figuré dans bien des in- 
trigues, bien des troubles ; en revanche, il est permis 
de douter que sa vie se fût terminée d'une manière 
aussi tranquille et aussi commode qu'en Turquie. 
Mais très certainement il combattit ensuite d'autant 
plus volontiers la Russie, qu'il avait eu la mortifica- 
CooqIc 



lion de voir cette puissance dédaigner ses offres de ser- 
vice. Cependant, c'était encore l'Autriche qu'il haïs- 
sait par-dessus tout. 

De Venise il gagna la Bosnie, où il fut arrêté à Se- 
vrai à la demande du représentant de l'Autriche dans 
celte ville. Il prétend , dans une de ses lettres , que 
« les Allemands offrirent alors aux autorités turques 
c de grosses sommes, pour qu'elles eussent à le leur 
i livrer comme déserteur allemand. » On comprend, 
en effet, que l'Autriche n'ait pas vu d'un bon œil Bon- 
neval entrer an service de la Porte, mais on ne voit 
pas comment elle aurait pu réclamer à titre de déser- 
teur un individu qu'elle avait elle-même banni de son 
territoire (1). Il rapporte aussi qu'il resta alors pen- 
dant quinze mois en état d'arrestation, et qu'il invo- 
qua vainement la protection de l'ambassadeur de 
France à Constantinople, M. de Villeneuve. Il semble 
convaincu que la moindre réclamation de ce diplo- 
mate eût été immédiatement suivie de sa mise en li- 
berté ; mais l'ambassadeur refusa de rien faire pour 
lui. Voici ce que Bonneval raconte à ce propos : « Je 
n'ai pas pu trouver de motif à ce refus. En sa qualité 
d'arrière-petit-fils d'un juif d'une petite ville voisine 
d'Avignon, qui était venu trop tard au monde pour 
concourir au crucifiement de Jésus-Christ , peat-étre 
Villeneuve a-t-il été bien aise d'avoir aussi occasion 
de pouvoir vendre un chrétien, » II prétend n'avoir 
embrassé l'islamisme que parce que sans cela il n'au- 
rait jamais recouvré sa liberté, qu'il avait à craindre 

(I) Bonneval assure qu'elle invoqua dans cette occasion les 
articles de la pais de Passaro'witz , aux termes de laquelle 
lei deux parties contractantes s'engageaient à se livrer leurs 
déserteurs respectifs. 



— 98 — 
au contraire d'être livré à ses ennemis ; or, ajoute- 
t il, il auraitmieux aimé être remis aux mains du dia- 
ble. Il préférait de beaucoup être ce qu'il était main- 
tenant, et vivre où il se trouvait, à avoir été pendu vif 
en Allemagne comme bon chrétien. Peut-être s'exa- 
gérait-il à lui-même les périls dont il se disait menacé, 
afin de mieux justifier vis-à-vis de sa famille, à laquelle 
ces lettres sont adressées, les motifs qui le déterminè- 
rent à embrasser l'islamisme (1) ; peut-être aussi ne 
lui restait-il plus d'autre ressource que d'entrer au 
service de la Turquie, ce qu'il ne pouvait faire sans 
avoir préalablement rempli cette condition. La suite 
prouva bien qu'il ne s'était pas fait musulman, ainsi 
qu'il le prétendit plus tard, uniquement afin de pou- 
voir passer le reste de ses jours en robe de chambre 
et en bonnet de nuit, 

Il embrassa l'islamisme en 1730, reçut à cette oc- 
casion le nom d'Achmed , et ne tarda pas à être pro- 
mu pacha à trois queues et chef du corps des bom- 
bardiers. Secondé par quelques Français et Italiens 
fort habiles, ii se donna alors beaucoup de peine pour 
opérer une réforme dans l'organisation militaire des 
Turcs, et fut protégé dans ses efforts parle sultan 
Mahmoud I er . Mais la jalousie des autres pachas , les 
intrigues des puissances européennes et la répugnance 
du peuple tnrc pour tout ce qui est innovation , em- 
pêchèrent Bonneval d'obtenir de grands résultats. Il 

(1)11 dit encore ailleurs qu'il eut les plus graves motifs 
pour entreprendre un voyage en Orient , et que ce fut un ha- 
sard tout particulier qui lui fit adopter une autre route. Il n& 
saurait d'ailleurs indiquer ces graves motifs, parce qu'il s'agit 
de personnages de haut rang , sans l'autorisation desquels il 
ne saurait parler. Tout cela parait n'être que des blagues. 



— 99 — 
introduisit bien quelques améliorations partielles dans 
l'armée, et la guerre qui éclata à quelque temps de là 
permit de les apprécier ; mais , en dépit même de ses 
succès, il ne put rien fonder de durable. Son influence 
politique resta d'ailleurs moindre qu'il n'avait compté, 
ce dont furent en grande partie cause ses habitudes 
d'intrigue jointes a son égoïsme personnel. Ce qu'il 
voulait avant tout, c'était exciter la Porte à déclarer 
la guerre à l'Autriche , devenue maintenant l'objet 
de sa haine la plus ardente pour prix de l'hospitalité 
qu'elle avait autrefois accordée à l'étranger banni de 
sa patrie. Il conseillait constamment au Divan de se 
mettre en bonne intelligence avec la Russie, afin de 
pouvoir employer toutes les forces vives de la Tur- 
quie contre l'Autriche. Le réfugié hongrois Joseph 
Rakocz y travaillait la Porte dans le même sens ; mais 
Rakoczy et Bonneval ne restèrent point en bonne in- 
telligence, et le premier ne put pardonner au second 
d'avoir travaillé à l'empêcher d'obtenir le titre de 
prince de Transylvanie (i). Aussi bien, l'écuyer de 
Rakoczy, Illosway, et le secrétaire de Bonneval, Bon, 
étaient tous deux à la solde de Talmann, le résident 
autrichien àConstantinople, qu'ils tenaient fort exac- 
tement au courant de tout ce que leurs maîtres respec- 
tifs entreprenaient auprès de la Porte. L'Autriche , 
pour défendre ses intérêts, employait avec intelli- 
gence une arme bien puissante à Constantinople , où 
la démoralisation politique est si profonde et la cu- 
pidité si grande : l'argent. Aussi, Bonneval ayant pro- 



(1) Rakoczy l'emporta sur ce point, il est vrai , 
résultats durables. 



. i- ■ . r Coo^le 



- iflO — 
posé un plan d'après lequel, tandis qu'un corps d'ar- 
mée marchant sur Belgrade attirerait de ce côté l'at- 
tention des Autrichiens, un autre corps se dirigerait 
vers la Bosnie pour envahir la Styrie, Talmann , rien 
qu'arec 1000 ducats distribués à propos, réussit à 
faire tomber ce redoutable projet — dans le Bos- 
phore. 

Cependant, les ennemis de l'empire ottoman opé- 
rèrent ce que tous les efforts de Bonneval avaient été 
impuissants à produire. La Russie, voyant la Tur- 
quie embarrassée dans une guerre contre la Perse, 
et croyant pouvoir compter sur la cooperation.de 
l'Autriche, jugea le moment favorable pour faire 
quelques pas de plus vers son but naturel, l'ex- 
tension de son territoire jusqu'aux rives de la mer 
Noire. L'Autriche oublia la générosité avec laquelle 
la Porte l'avait traitée à l'époque de ses désastres et 
avait refusé alors de l'écraser, bien qu'elle y fût ex- 
citée par diverses puissances chrétiennes; et, dans le 
décevant espoir de s'indemniser aux dépens de la Tur- 
quie des pertes qu'elle avait subies en Italie, elle 
entra en campagne contre les Turcs comme puissance 
belligérante principale , au lieu de se borner à don- 
ner à la Russie l'assistance stipulée. Les Turcs eu- 
rent donc à se défendre tout à la fois contre la 
Perse , contre la Russie , et contre l'Autriche. Il faut 
dire aussi que depuis que le sage grand vizir Ali- 
Pacha avait été destitué par suite des intrigues du 
parti français et avait été exilé en Grèce, la Turquie, 
était bien plus disposée qu'auparavant à guerroyer. 
La prudence naturelle et la modération du caractère 
d'Ali-Pacha, la connaissance exacte qu'il avait du 



. r Coo^le 



triste étal des finances du Sultan et du mécontente- 
ment des populations (1) , avaient porté ce grand vizir 
à éviter soigneusement toute occasion de guerre avec 
les puissances européennes ; et les conseils des puis 
sances maritimes n'avaient pu que l'affermir dans une 
telle politique (3). Le Sultan lui ayant donné pour 



(1) On lit dans le Journal du comte de Munnich, au sujet de 
la campagne de 1735 : a Les suite s désastreuses des sanglantes 
défaites essuyées par les armées turques à Peterwardein et à 
Belgrade en Hongrie , dans les années 1716 et 1717, pesaient 
encore de tout leur poids sur la Porte. On avait vidé tons les 
caveaux contenant les trésors amassés par le sultan précé- 
dent, et plus de la moitjé dn trésor du sultan Selim se trou- 
vait déjà entamée. Le mécontentement d'une grande partie de 
la population, au sujet du changement de gouvernement opéré 
quelques années auparavant, durait toujours; et, pour se ré- 
unir à l'effet de délibérer, il fallait toujours que les membres 
du Divan se tissent protéger par des escortes particulières. 
le peuple refusait d'oublier ce beau sultan Achraed qu'on avait 
détrôné, et qui pourtant représentait si bien la souveraine 
paissance ; il ne pou vait se décider à aimer le cousin d'Achmed, 
le nouveau sultan Mahmoud , petit homme chétif et mal con- 
formé... La guerre de Perse , qui durait depuis trente ans. les 
fréquentes émeutes de la populace de Constantinople, les ten- 
tatives faites par le gouvernement pour comprimer, et détruire 
l'esprit de révolte des Janissaires, avaient irrité ce corps re- 
doutable, ainsi que les autres troupes. D'un autre côté, Tach- 
mas-Khan ( Nadir-Su ah) donnait tant d embarras en Perse, qu'on 
ne pouvait espérer traiter de la paix avec lui qu'au prix des 
plus grands sacrifices.... » 

(2) Les Anglais et les Hollandais, qui commercent dans le 
Levant avec leurs draps et les autres marchandises consti- 
tuant la partie la plus importante de leur négoce, ne pouvaient 
voir d'un bon œil qu'on cherchât ainsi à écraser la Turquie. 
Du moment* en effet, où les Turcs, qui, comme tous les peu- 
ples orientaux , font consister leur magnificence dans la mul- 
tiplicité et l'ampleur de leur vêtements, se trouveraient rui- 

"". OoOQk 



successeur le violent et inexpérimenté Ismael-Pacha , 
ancien aga des Janissaires, le parti de la guerre 
triompha. Les puissances maritimes se remuèrent 
beaucoup pour réunir à Nierairoff un congrès de mé- 
diation, qui se tint pendant la guerre et n'aboutit 
point. 

Malgré cela, Bonneval ne fut pas mis réellement 
en activité de service, et on ne lui confia le comman- 
dement d'aucune armée. On aurait été assez disposé 
aie charger de la défense d'Àzof , et, contre l'usage, 
il avait même été appelé à assister aux délibérations 
dn Divan sur cette question (1). Mais il déclara net- 
tement qu'en raison de la haine toute particulière que 
lui avait vouée le corps des Janissaires à cause du 
bataillon de troupes régulières qu'il avait organisé et 
présenté au Sultan , et aussi en raison de son inex- 
périence h faire la guerre à la manière des Turcs, il 
ne pouvait pas plus accepter le commandement d'Àzof 
que tout autre commandement. 

C'est à tort que beaucoup de personnes ont pris 
pour Bonneval l'Àchmed- Pacha qui, en qualité de 
pacha de Bagdad , négocia alors bien inutilement le 
rétablissement de la paix entre la Porte et la Perse. 

nés , des milliers d'ouvriers drapiers , surtout en Angleterre , 

seraient obligés de mettre bas leurs métiers. Voilà pourquoi, 
lorsque la Russie ou l'Empereur viennent à déclarer la guerre 
à la Turquie, on voit tout aussitôt les puissances maritimes 
intervenir comme médiatrices, parce que la paix sert leurs 
intérêts communs, et que d'ailleurs elles ne se soucient pas 
de voir la Russie étendre son commerce sur la mer Noire , où 
jusqu'à présent l'exportation des produits de la Russie est 
toujours restée entre leurs mains, (journal du comte de Jfufl- 
niéh, p. 183.) 
{1} Journal de Munnich, p. M'A. 

i: ■ . .Google 



— 103 — 

Ce n'est pas non plus Bonneval , mais Topai -Osman, 
qni battit d'abord Nadir-Sbau (1) , pais fut battu par 
celui-ci , de môme que son successeur Abdullah-Pa- 
cha; par suite de quoi, la Porte, pour obtenir la paix, 
fat réduite à faire d'importantes concessions. Tout ce 
que Bonneval pouvait faire , c'était de donner des 
conseils , qu'on suivait quelquefois , qu'on négligeait 
plus souvent aussi, et qui, au total, semblent avoir été 
bons. Lors de l'invasion des Russes en Grimée , il 
recommanda vivement de se garder de leur livrer ba- 
taille , et de se borner à leur couper les vivres autant 
qae possible (2). Mais il insistait surtout pour qu'on 
conclût une paix séparée avec la Russie, afin de pou- 
voir ensuite employer toutes les forces de l'empire 
ottoman contre l'Autriche. Les circonstances permi- 
rent d'exécuter la dernière de ces recommandations, 
et cela en temps tout à fait opportun ; tandis qu'on 
échoua du côté de la Russie. Mais là les populations 
du théâtre de la guerre étaient encore pour les Turcs , 
qui pouvaient espérer de récupérer quelque jour ce 
qu'ils avaient perdu. D'ailleurs , les positions qu'y 
avait prises la Russie étaient encore trop éloignées des 
points vitaux de la Porte , pour qu'il y eût danger 
permanent de la voir étendre davantage ses frontières 
Ters le Sud. On se jeta donc, avec toutes les forces 
dont on pouvait disposer, sur l'Autriche, regardée 
comme l'ennemi le plus redoutable du croissant. 
Cette guerre contre l'Autriche fut signalée par des 

(1) Précédemment connu sous le nom de Thamasp-Kouli- 
Khan, 
(!) Journal de Munntch, p. 143. 

. r Coo^le 



— 104 — 
succès auxquels les armées de la Porte étaient depuis 
longtemps déshabituées, et tels qu'elles n'en ont plus 
jamais obtenu depuis lors. Une partie de ces succès 
peut être attribuée à Bonneval , dont on apprit alors 
seulement à apprécier les services en ce qui touche 
l'organisation et la discipline militaire des Turcs (1). 
Bonneval fut en conséquence nommé gouverneur de 
l'Ile de Chios; mais les constantes intrigues de ses 
envieux , jointes à son incurable imprévoyance", ne 
tardèrent point a lui faire perdre de nouveau son in- 
fluence en môme temps que la faveur du Sultan. I! 
ne fut pourtant pas précisément destitué. Il resta en 
effet chef de l'artillerie , mais dut échanger le gou- 
vernement de Vile de Chios pour celui de la Caraxna- 
nie. A partir de ce moment, il semble n'avoir plus 
aspiré qu'aux douceurs du repos, cherchant à se per- 
suader à lui-même qu'il était heureux, ou tout au moins 
à le faire croire aux autres. Mais il est évident que son 
bonheur n'était pas sans mélange. C'est ainsi que dans 
la lettre dont nous parlions tout à l'heure , il écrit : 
« Je suis convaincu que Dieu n'a rien fait qui ne soit 
« bon et salutaire , par conséquent que la mort n'est 
« qu'un mal imaginaire et doit tout au contraire être 
« regardée comme un bien réel , puisqu'elle est com- 
f1 prise dans l'ordre général que le Créateur a insti- 
« tué pour toutes les choses. Soutenu par cette incon- 
« testable vérité, je jouis librement de ma vie, qui 
« s'écoule comme un éclair et ne m'a été donnée par 

(I) Ses efforts eussent peut-être produit des résultats encore 
plus réels et plus durables , si la Russie n'avait pas su em- 
baucher à son service le plus grand nombre des officiers fran- 
çais et italiens placés sous los ordres de Bonneval. 

Google 



i mon Créateur que pour que je fusse heureux. Je 

• répète souvent les deux derniers vers de l'ode de 

• Malherbe sur la mort : 

Vouloir ce que Dieu veut est l'unique ressource 
Qui nous met eu repos, 

i D'ailleurs , je me porte parfaitement; je n'ai ni 

• goutte ni rhumes. Je puis encore aussi bien monter 

• à cheval que 'si je n'avais que vingt ans , et je suis 
t encore un intrépide marcheur. Il n'y a que le dé- 
' mon qui tourmentait saint Paul , et allait même 

• jusqu'à lui donner des soufflets, qui , à mon grand 
« regret, ne m'ait point encore quitté. » 

Il écrivait une autre fois : « Mon ancien goût pour 
« la guerre se réveille de temps à autre, parce que je 

• me sens assez de forces pour faire encore quelques 
« campagnes... Il est vrai que la vie par trop tran- 
« quille que je mène ici est parfois assez désagréa- 
t ble pour un homme qui , comme moi, avécudepnis 

• sa première jeunesse dans le tumulte des armées et 

• dans le fracas du grand monde, et que, si je ne 

• possédais pas une bonne bibliothèque, je goûterais 
« peu de plaisirs conformes à mes goûts... » Mais il 
m console en se rappelant les vers de Benserade sur 
Job et ses afflictions: 

11 s'en plaignit, il en parla, 
J'en connais de plus misérables. 

Ailleurs , il dit encore : « Ici , je fais ce que je 
■ veux, je vis comme il me plait. Je ne manque de 
•> rien, je puis môme satisfaire cette passion pour la 

Cookie 



— 106 — 

« prodigalité qu'on m'a toujours reprochée. Malgré 
a toutes les persécutions auxquelles j'ai été en butte, 
« je n'ai perdu ni ma gaieté ni mon appétit. Heureux 
« ceux dont la philosophie est dans leur sang. . . » Il 
termine dans le même ton : « D'ailleurs , mon frère , 
a adieu, et n'oubliez pas qu'il n'y a ici-bas que des 
a folies, qu'on peut'diviser en amusantes, sérieuses, 
« guerrières, politiques, judiciaires, religieuses, sa- 
« vantes, tristes, etc., mais qu'il n'y a que les pre- 
i mières qui , si on a le soin de se tenir toujours le 
« ventre libre , peuvent procurer une longue et heu- 
« reuse vie. » Il ne s'était pourtant pas complètement 
détaché de l'Europe. En effet, après avoir dit : « Avec 
« un turban du poids de quatre livres sur la tête, 
« une longue barbe et de longs vêtements, j'ai fini 
« par m'établir en Turquie, et j'aurais pu d'abord 
« crever de rire en songeant aux motifs de celle mas- 
« carade qui devaient me faire tomber dans cet 
« abîme » , il ajoute qu'il n'en doit pas moins à sa 
maison de se justifier. 

Vers la fin de sa vie , le revenu de ses emplois s'é- 
levait encore à 43,000 florins de Hollande, c'est-à- 
dire à près de 100,000 fr., et on dit qu'il touchait 
en outre des subventions considérables de diverses 
puissances européennes , de la France notamment. Il 
avait la meilleure table de Constantinople , et se sou- 
ciait médiocrement des prohibitions portées par le 
Coran contre certains mets. En revanche , il exerçait 
la bienfaisance la plus large , sans avoir pour cela 
besoin de se conformer aux prescriptions du Coran. 
Comme musulman , il put se livrer en toute liberté à 
sa passion pour les femmes, tant que l'âge n'y mit pas 
d'obstacles. On dit que dans les derniers temps il 



— 107 — 
parlait de s'en retourner en Europe ; mais la mort, 
dont il reconnut les signes avant-coureurs, ne lui en 
laissa pas le temps. « La vieille machine, écrivait-il, 

< n'en peut plus. Je sens qu'il me faut m'en aller; 
t mais peu m'importe que ce soit aujourd'hui ou de- 
« main. » 

Il mourut le 22 mars 1747. Sa femme, Judith- 
Charlotte, princesse de Biron(l), qu'il avait épousée 
en 1717, était restée en France , où elle mourut en 
1741 ; et il n'en avait pas eu d'enfants. Il avait adopté 
un jeune Milanais , qui hérita non-seulement de sa 
fortune , mais de son emploi de chef des bombar- 
diers (2). Ce jeune homme avait lui aussi embrassé 
l'islamisme, et s'appelait Soliman-Aga(it). 

Le Sultan fit élever à Péra un monument magni- 
fique en l'honneur de Bonneval , et on y plaça l'in- 
scription suivante : 

* Ici repose Bonneval Achmed-Pacha, que l'uni- 

< vers entier a connu. Il abandonna sa patrie et son 
« héritage pour adopter la foi des Musulmans. Il avait 
« acquis parmi les siens de la gloire suivant le monde ; 
t mais il s'est fait un renom dans l'éternité en venant 
« se ranger parmi les vrais croyants. C'était un des 
« sages de notre siècle , et il en avait ressenti les 

(1) De la famille des Biron , ou plutôt Biren de Courlande , 
qui n'obtint le titre de prîace qu'en 1733. 

(î) Les mémoires qu'on lui attribue sont apocryphes , de 
même que toutes les biographies de Bonneval publiées de son 
Tirant fourmillent d'inexactitudes. 

(3) Quelques-uns le qualifient de comte de la Tour, et le 
tiennent, ce qui est assez probable , pour un Gis naturel de 
Bonneval. 

Google 



— 108 — 

a grandeurs aussi bien que les adversités. Comme i! 
• avait éprouvé par lui-même le bien et le mal , il sa- 
« vait distinguer le beau et le laid. Complètement 
« convaincu de la vanité de toutes les choses ho- 
« maines , il saisit le moment favorable pour passer à 
h l'éternité, et avala ce calice dans la nuit du vendre- 
di di , anniversaire de la naissance du plus glorieux 
a de tous les prophètes. Ce fut là une heure heureuse 
« qu'il choisit pour se remettre entre les mains de la 
« miséricorde divine. Que le paradis soit la demeure 
« de Bonneval Achmed-Pacha ! » 

Sur l'autre face de ce monument, on lisait: 

o Au nom de Dieu, récitez la préface du Coran pour 
tt l'âme d' Achmed-Pacha , chef des bombardiers ! » 



. r Coo^le 



LORD PETERBOROUGH 



Charles Mordaunt, comte de Peterborough, fut un 
des militaires, des diplomates et des orateurs parle- 
mentaires les plus célèbres d'un siècle qui produisit 
one longue série d'hommes remarquables , et l'em- 
porta sur le plus grand nombre d'entre eux pour ce 
qui est de l'esprit chevaleresque et de la faculté d'é- 
prouver de nobles enthousiasmes. Néanmoins, sa vie 
produit l'effet de celle d'un aventurier inquiet; et il 
faut en chercher la cause dans l'excentricité d'un ca- 
ractère qui pourtant ne manquait ni de constance de 
Tolonté, ni de clarté d'appréciation. 

Macaulay (4), qui a raconté avec un soin et un amour 
(ont particuliers le fait le plus brillant et à bien 
dire le seul fait historique de sa vie, la prise de Bar- 
celone, le juge avec beaucoup de sagacité. « Cet 
homme, dit-il, était le caractère sinon le plus grand, 

(i) Dana sa critique de l'Histoire de la guerre de la succès- 
non d'Espagne de lord Habon {Edinburgh-Review , 1833). 



du moins très certainement le plus extraordinaire de 
ce siècle, sans môme en excepter le roi de Suède. On 
peut dire en effet que Peterborough fut un Char- 
les XII instruit, poli et amoureux. Son courage avait 
toute l'impétuosité française et toute la solidité an- 
glaise. La fécondité et l'activité de son esprit étaient 
presque incroyables. Elles se manifestaient dans tout 
ce qu'il faisait, dans ses campagnes, dans ses négo- 
ciations, dans sa correspondance intime, dans sa con- 
versation la plus légère et la moins étudiée. C'était 
un ami sincère et un ennemi généreux ; tout dans sa 
tenue annonçait le parfait gentleman. Mais sa légè- 
reté et son inquiétude naturelles, son irritabilité, sa 
passion pour le changement et le mouvement, ren- 
dirent presque inutiles pour sa patrie ses talents si 
brillants et ses vertus si solides. Dans plus d'une oc- 
casion ses faiblesses non-seulement le mirent dans 
de graves embarras, mais encore le portèrent à com- 
mettre quelques actions indignes de sa noble et hu- 
maine nature. Le repos lui était insupportable. Il ai- 
mait à traverser toute l'Europe avec encore plus de 
rapidité qu'un courrier de cabinet. Une semaine il 
était à La Haye, et la semaine suivante on le voyait à 
Vienne. Puis, il lui venait à l'esprit de visiter Ma- 
drid, et il n'était pas plus tôt arrivé à Madrid, qu'il 
commandait des chevaux et partait pour Copenhague. 
Il n'y avait pas de domestiques capables de résister à 
la rapidité de ses courses, pas d'infirmités physiques 
qui pussent l'arrêter. L'âge avancé , la maladie, la 
proximité môme de la mort, furent impuissants à pro- 
duire le moindre effet sur cette inébranlable volonté. 
Au moment de subir la plus terrible des opérations 
chirurgicales, sa conversation était encore aussi gaie 



- 111 - 

fjne celle d'un jeune homme dans toute la plénitude 
de la santé. Le lendemain de l'opération, il voulut, 
en dépit de toutes les prières de ses médecins, se re- 
mettre en voyage. Il avait la mine d'un squelette; 
mais l'élasticité de son esprit le soutenait au milieu 
de souffrances et de douleurs qui eussent conduit au 
tombeau l'homme le plus robuste. Il lui était aussi in- 
dispensable de changer d'occupation que de changer de 
heu. 11 aimait à dicter six et sept lettres à la fois. Ceux 
qui avaient à traiter d'affaires avec lui se plaignaient 
dé ce que, malgré la grande habileté avec laquelle il 
parlait sur chaque sujet, il était impossible de jamais 
le fixer sur un point donné. « Lord Peterborough, 
nous dit Pope, pouvait dire dans ses lettres des cho- 
ses très ânes et très spirituelles, mais elles tournaient 
trop à la facétie et aux digressions ; à rencontre de 
Bolingbroke, qui , s'il avait dû écrire à un empereur 
on à quelque homme d'État, se serait attaché au point 
le plus essentiel et aurait cherché a le présenter sous 
le jour le plus lumineux et le plus attrayant, de ma- 
nière à en tirer le meilleur parti possible pour son 
bal. Il y avait la même différence entre Peterborough 
et Bolingbroke comme écrivains, qu'entre lui et Mari- 
borough comme généraux. Il fut en réalité le dernier 
des chevaliers errants, brave jusqu'à la témérité, 
généreux jusqu'à la prodigalité, chevaleresque dans 
sa conduite envers ses ennemis, le protecteur des op- 
primés, le respectueux adorateur des femmes. Ses 
vertus comme ses défauts étaient ceux de la Table- 
Ronde. La vieille et spirituelle mère du Régent écri- 
vait à son sujet : « Il a de l'esprit comme un démon, 
mais une cervelle tout à tait à l'envers ; et il ricane 
d'une façon toute singulière en vous disant non. » 



— lit — 

Charles Mordaunt était le petit-fils de John, baron 
de Mordaunt et de Turrey, créé par Charles I er , en 
1627, comte de Peterborough. Celui-ci mourut en 
1 642 et eut deux fils, dont l'un , Henri, hérita du titre 
de comte de Peterborough, et l'autre , John , du titre 
de baron deRygate. Dans sajeunesse, lecomteHenri 
avait été d'abord un rude soldat, puis un courtisan et 
un diplomate habile; mais, vers la un de sa vie, 
quand l'âge et la maladie eurent affaibli son corps et 
son intelligence, il fut, sous le règne de Jacques II, 
du petit nombre d'hommes d'une condition élevée 
qui se laissèrent déterminer à embrasser le catholi- 
cisme. « Quand on le voyait errer dans" les galeries de 
Whitehall , s'appuyant sur une canne et tout enve- 
loppé de flanelle et de taffetas gommé, on se consolait 
de son apostasie en remarquant qu'il n'avait changé 
de religion qu'après avoir survécu à la perte de ses 
facultés (1). » Il seconda fort inutilement la politique 
du gouvernement de Jacques II, à l'effet de travailler 
la matière électorale dans le comté de Nortbampton 
en vue des prochaines élections au parlement. Vive- 
ment attaqué à cette occasion dans un pamphlet pu- 
blié sur l'ordre de la Chambre des communes par un 
avocat très habile , d'abord démagogue exalté, un 
nommé William Williams, qui, à l'époque de la Res- 
tauration où l'opposition avait pris l'attitude la plus 
hostile , avait été président de la Chambre des com- 
munes, le comte de Peterborough luiintentaun procès 
en diffamation pour la publication de ce pamphlet, 
dont l'auteur avait déjà encouru une condamnation a 

(1) Macaolay, Histoire d'Angleterre, depuis l'avènement de 
Charles 11 , ch. 7. 

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10,000 liv. st. d'amende et avait vainement invoqué, 
pour décliner la responsabilité de son œuvre, les pri- 
vilèges du parlement. A bout de ressources, Williams 
déserta alors les rangs de l'opposition pour se faire 
l'un des complaisants instruments du parti de la cour. 
En conséquence de quoi, Peterborough retira sa 
plainte en même temps que remise était faite par le 
fisc à Williams de ce qu'il restait encore devoirsurson 
amende. Ce même Williams, créé baronet, fut nommé 
ensuite procureur général, et occupa en cette qualité, 
avec toute la passion de son ancien parti, dans le fa- 
meux procès intenté aux évéques. Mais par la suite il 
déserta la cause de Jacques II, rechercha les faveurs 
du nouveau souverain de l'Angleterre, et appuya dans 
la convention les plans des whigs. Le vieux comte de 
Peterborough mourut le 29 juin 1697, et eut pour 
successeur son neveu Charles (1). Celui-ci était le fils 
aîné de John, qui, en 1660, avait été créé par Char- 
les II vicomte d'Avalon , qui avait épousé Elisabeth, 
fille du dernier comte de Monmouth de la maison de 
Carey, et qui mourut le S juin 1675. Charles était 
déjà membre de la chambre haute en qualité de vi- 
comte Mordaunt, etavait débuté, le 19 novembre 168S, 
par un discours dans lequel il avait fait preuve d'au- 
tant d'indépendance d'opinion que d'habileté ora- 
toire. 

Le parlement ayant été prorogé le lendemain , il 
partit aussitôt pour La Haye , et pressa Guillaume 
d'Orange de venir immédiatement débarquer en An- 

(1) Une fille de Henri, Marie Mordaunt, avait épousé en 
1877 Henri Havard , duc de Norfolk , et mourut eu 1732. 

. r Coo^le 



- m — 

gleterre. Celui-ci, qui ne jugeait pas les circonstances 
encore assez mûres pour cela, ï'écouta, mais demanda 
le temps de réfléchir et ne lui répondit ensuite qu'en 
termes généraux et èvasifs. Trois ans plus tard, lors- 
que le moment propice fut arrivé, Mordaunt fut l'on 
des premiers qui vinrent à La Haye se grouper autour 
de Guillaume III pour le seconder dans sa grande en- 
treprise. Toutefois, il fut aussi un de ceux qui s'asso- 
cièrent a l'opposition faite contre les déclarations 
sages et modérées du prince d'Orange par ces déma- 
gogues, dont Macaulay dit que c'est parmi eux qu'on 
trouve les échantillons les plus dépravés de la nature 
humaine; opposition qui heureusement se brisa con- 
tre la résistance des whigs alors à la tête du mouve- 
ment. L'obstination n'était point au nombre des dé- 
fauts de Mordaunt, peut-être bien parce qu'il n'avait 
pas de but déterminé et qu'il n'obéissait qu'à la pre- 
mière impulsion de sa disposition d'humeur. Quand 
on n'adoptait pas ses idées, il laissait les affaires al- 
ler leur train et s'occupait d'autre chose. C'était quel- 
quefois de sa part une faute , mais une faute bien 
plus excusable assurément que la conduite de ceux 
qui , lorsqu'on ne suit pas aveuglément leurs idées 
dans une affaire, ont recours à tous les moyens pour 
la faire échouer. — Mordaunt commandait l'avant- 
garde lors de l'entrée triomphale de Guillaume III à 
Exeter (9 novembre 1688), où il l'avait précédé la 
veille. 

Quand Guillaume III fut monté sur le trône d'An- 
gleterre, il le nomma membre du conseil privé, 
chambellan, et bientôt après l'un des commissaires 
de la trésorerie. En 1689, il le créa comte de Mon- 

. r Coo^le 



— 115 — 
moutli. Sa femme, une Écossaise, Cary Fresier (morte 
le 28 mai 1709), devint dame d'honneur de la nou- 
velle reine. 

II ne tarda pas cependant a se trouver vis-à-vis dn 
nouveau gouvernement dans une position équivoque. 
Verslafln de décembre 1690 , un pécheur de Bar- 
king, dans le comté d'Essex , prévint lord Carmar- 
tben (1) qu'un de ses bateaux venait d'être retenu 
pour transporter quelques personnes en France. On 
donna l'ordre de visiter cette embarcation à Grave-; 
send, et l'on y trouva lord Preston (2), un M. Ashton, 
autrefois au service de l'ex-reine , et un M; Elliots. 
Ashton, porteur de papiers contenant des traces d'une 
conspiration jacobite, fut pendu. Preston avoua tout, 
et demanda grâce. Son frère, M. Graham, l'évêque 
Turuer d'Ely, l'un des sept évêq\ies qui avaient mon- 
tré tant de courage contre Jacques II, mais nullement 
partisan de la révolution , et le célèbre quaker Wil- 
liam Penu, accusés de complicité, prirent la fuite (3). 
Lord Clarendon (4), quoique innocent, fut mis à la 
Tour. Les aveux de Preston compromettaient en ou- 
ït) Pcrcgrin Osborne, marquis de Carmarthen, né en 1658, 
créé duc de Leeds en 1694, mort en juillet 1729. 

(2) 11 avait été l'un des ministres de Jacques II ; mais comme 
il appartenait an parti modéré , il s'était soumis au gouver- 
nement provisoire. 

(3)Penn se représenta devant la justice en 1693 et fut ac- 
quitté. 

(t) Henri Hyde, le fils aine du célèbre chancelier d'Angle- 
terre, beau -frère de Jacques H, dont la première femme était 
la sœur de Clarendon , et frère du comte de Rochester. 11 fut 
pendant quelque temps vice roi d'Irlande. Né en 1838, il avait 
*pou8é en 1660 Théodosie , fille de lord Capel , et mourut en 
1709. 

. r Coo^le 



- 416 - 

tre les comtes de Shrewsbury , de Devonshire (i) et 
de Monmouth ; et quoiqu'on n'eût pas jugé à propos 
de les poursuivre, ils n'en restèrent pas moins en état 
de suspicion. 

Une autre affaire eut des suites encore plus graves 
pour Mordaunt, et est effectivement restée l'un des 
points les plus obscurs de sa vie. Il parait avéré que 
plusieurs des membres les plus haut placés et les plus 
influents du nouveau gouvernement , qui avaient es- 
sentiellement contribué à la révolution, entretinrent 
néanmoins plus tard des relations très actives avec le 
roi détrôné, soit que la révolution n'eût point satis- 
fait leurs vœux personnels, soit qu'ils aient voulu se 
ménager ainsi des ressources pour toutes les éventua- 
lités possibles, soit encore que leur conduite n'ait eu 
réellement d'autre but que de mieux suivre, à l'aide 
de ce stratagème, la trace des sourdes menées du parti 

(1) Charles Talbot, comte de Shrewsbury , fils de François 
Talbol , comte de Shrewsbury,' tué en duel , avait été élevé 
dans les principes du catholicisme, Parvenu à l'âge de rai- 
son , il embrassa par conviction le protestantisme. C'était un 
noble cœur et un esprit élevé. Sous Jacques II, il avait été 
lord-lieutenant du Straffbrdshire et colonel d'un régiment de 
cavalerie; mais il s'était vu enlever ces deux emplois pour 
avoir refusé de servir d'instrument aveugle aux plans du rot. 
Il avait été l'un de ceui qui avaient invité Guillaume i venir 
en Angleterre , et ce fut lui qui vint annoncer à Jacques 11 
qu'il ne pouvait plus rester avec sécurité à Whitohall. Guil- 
laume, en le forçant d'accepter le poste de secrétaire, avait 
. brisé ses relations avec Jacques II. Créé duc en 1694 , il sor- 
tit du ministère en 1700, fut nommé lord-lieutenant d'Irlande 
en 1713, chancelier de l'échiquier en 1714, et mourut en 
1718 sans laisser de postérité. — William Cavendish , comte 
de Devonshire , l'un des chefs du parti whig , fut créé duc en 
16a4etmourutenl707. 

. ,Coo^le 



— 117 — 
jacohite. Guillaume III le savait et laissait faire. On 
prétend que Marlborough, Godolphin, le comte de 
Bath et l'amiral Bussell étaient mêlés à ces intrigues. 
En 1694, on découvrit une nouvelle conspiration 
qui coûta la vie à huit personnes , au nombre des- 
quelles se trouvait sir John Fenwick. Celui-ci , en se 
débarrassant d'un témoin , réussit à mettre la justice 
dans l'impossibilité de le déclarer coupable. On eut 
recours alors contre lui à un expédient dont il s'était 
servi lui-même contre le dnc de Monmouth : à un 
bill ofatlainder (bill de condamnation) , aux termes 
duquel la condamnation pouvait être prononcée en 
vertu d'une loi rendue par les trois pouvoirs compo- 
sant la puissance législative. Il avait déposé contre 
Marlborough, Godolphin, Bath, Shrewsbury et Rus- 
sell (1), sans pouvoir rien prouver; et pins tard il 
n'avait pas renouvelé ses accusations. Godolphin et 
Bath votèrent pour son acquittement, tandis que 
Marlborough n'eut pas la même générosité. Shrews- 
bury était absent. Le bill ne passa qu'à une faible 
majorité, et Fenwick fut décapité le 28 février 1697. 
Monmouth, dans toute cette affaire, avait joué un rôle 
des plus équivoques. Comme Fenwick n'avait pas 
prononcé son nom , il lui traça la ligne de conduite 
qu'il avait à suivre pour sa défense, et lui conseilla 
notamment de faire comprendre dans le procès les in- 
dividus nommés plus haut. Fenwick ne l'ayant pas 
fait, Monmouth parla pendant deux heures pour le 
faire condamner. Fenwick révéla alors ce qui s'était 
passé entre lui et Monmouth , qui fut envoyé à la 
Tour, après qu'on lui eut enlevé tous ses emplois. Ce- 
Çt) Celui-ci fat encore créé en 1697 comte d'Oxford. 



pendant, le roi lui fit dire en dessous main qu'il pou- 
vait être tranquille ; et, effectivement, il fut remis en 
liberté à quelque temps de là. 

Il jouit bientôt d'nne grande faveur auprès de !a 
reine Anne. Quand , au début de la guerre de la suc- 
cession d'Espagne, on projeta d'entreprendre une 
expédition contre l'Amérique espagnole , il fut ques- 
tion de lui en confier le commandement; mais l'af- 
faire en resta là. Ce qui ne l'empêcha pas d'obtenir 
une somme de 6,000 liv. st. à titre d'indemnité. 

au mois de juin 1705, il fut envoyé en Portugal àla 
tête de cinq mille hommes de troupes hollandaises et 
anglaises. L'archiduc Charles s'embarqua à Lisbonne 
avec une suite nombreuse , que Peterborough traita 
magnifiquement à ses propres frais pendant toute la 
traversée. De Lisbonne la flotte gagna Gibraltar; et, 
après avoir pris à bord le prince de Hesse-Darmstadt, 
elle gouverna au nord-est, le long des cotes d'Espa- 
gne. La première place que la flotte attaqua après son 
départ de Gibraltar fut Àltea , dans le royaume de 
Valence. Le misérable gouvernement de Philippe V 
avait excité dans toute celte province le plus vif mé- 
contentement. Les envahisseurs y furent reçus à bras 
ouverts. Le peuple des campagnes accourait à la cote, 
apportant des vivres frais et faisant retentir L'air des 
cris de vive le roi Charles III ! Dénia, place forte 
voisine, se rendit presque sans résistance au petit 
Basset (1), qu'on avait débarqué aux environs dégui- 
sé en mendiant, et qui eut bientôt réuni sous ses 
ordres une troupe d'hommes déterminés. 

(1) Ce Basset était un Vaiencien de naissance obscure, qui 
avait longtemps servi en Allemagne et qu'on avait adjoint à 
l'expédition. Charles lil créa sa mère marquise de Cullera. 



L'imagination de Peterborough pril feu. Il conçut 
l'espoir de terminer la guerre d'un seul coup. Madrid 
n'Était qu'à 150 milles (anglais) de Dénia. A peine 
existait-il une seule place fortiiiée sur la roule , et les 
troupes de Philippe V étaient en ce moment em- 
ployées soit sur les frontières du Portugal, soit sur 
les cotes de la Catalogne. Il n'y avait dans la capitale 
d'autre force armée que quelques compagnies de ca- 
valerie constituant la garde d'honneur de Philippe V. 
Cependant le plan de s'engager ainsi avec une armée 
de 7,000 hommes seulement jusqu'au cœur môme 
d'un puissant royaume était trop audacieux pour que 
les conseillers de l'archiduc l'agréassent. Aussi bien 
le prince de Hesse-Darmstadt (1), qui avait été gou- 
verneur de la Catalogue sous le règne de Charles II, 
et qui s'exagérait son influence sur cette province, 
était d'avis de s'y rendre sur-le-champ et d'attaquer 
Barcelone. Lié par ses instructions, Peterborough 
dut céder. 

Il faut convenir dn reste que le prince de Hesse- 
Darmstadt était dans le vrai , et que puisqu'on avait 
contre soi les populations de la Castilie , qui donnent 
le ton au reste de l'Espagne, il fallait chercher à 

[ i ) Il s'agit ici du prince Georges , fils de Louis VI et d'Eli- 
sabeto-Dorothée de Saxe-Gotha, né le 23 avril 166», mort le 
14 septembre 1 703. 11 avait auprès de lui son frère cadet, né 
le 26 septembre 1674, nommé en 1703 feld- maréchal-lieu te- 
nant et gouverneur de Lérida, et en 1708 colonel des gardes 
à pied. Celui-ci quitta l'Espagne en 1710, par suite d'un dé- 
raêlé qu'il eut avec Stahremberg, qui, pour un commandement, 
lui avait préféré le baron Wentzel. Le roi ne permit pasque le 
duel projeté entre eux à ce propos eût lieu. Il passa alors la plus 
grande partie du reste de sa vie à Itutzbach , revint au luthé- 
ranisme qu'il avait abjuré, et mourut en 1741. 

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s'appuyer sur l'opposition de la Catalogne. Hais si 
on avait commencé par se rendre tout de suite maî- 
tre de la Castille, ou ne se serait pas trouvé plus tard 
dans la nécessité de tenter l'opération et de marcher 
à deux reprises sur Madrid. 

Le 11 août, la flotte arriva devant Barcelone, et 
Peterborough reconnut alors que la mission dont ou 
l'avait chargé présentait des difficultés presque in- 
surmontables. L'un des côtés de la ville était défendu 
parla mer, et l'autre parles formidables fortifications 
de Monjuich. Les remparts présentaient un dévelop- 
pement tel , qu'il n'aurait pas fallu moins de 30,000 
hommes pour bloquer la place complètement. La gar- 
nison était presque aussi nombreuse que l'armée as- 
siégeante. Les meilleurs officiers au service de l'Es- 
pagne se trouvaient dans la ville. L'espérance qu'a- 
vait conçue le prince de Hesse-Darmstadt de voir la 
Catalogne tout entière se soulever à sa voix comme 
un seul homme avait été. cruellement déçue. En ef- 
fet, il n'y eut en tout que 1500 paysans armés, cl 
dont les services coûtaient en définitive plus qu'ils 
ne valaient, qui vinrent grossir les rangs des assié- 
geants. 

Peterborough se trouvait donc fort embarrassé. Il 
avait toujours combattu le projet d'assiéger Barce- 
lone. Ses objections ne l'avaient point emporté. Il 
devait exécuter un plan qu'il avait constamment dé- 
claré inexécutable. La discorde régnait dans son pro- 
pre camp, où tout le monde le blâmait. Les uns lui 
reprochaient de ne s'être pas immédiatement empare 
de la ville, mais ne disaient pas comment on aurait 
pu faire avec 7,000 hommes ce qui en eût exigé 
30,000. D'antres lui reprochaient de sacrifier son 

. r Coo^le 



— m — 

monde à exécuter quelque chose d'impossible. Le 
commandant hollandais déclara nettement que ses 
troupes ne bougeraient pas ; que lord Peterborough 
pourrait bien donner les ordres qu'il voudrait , mais 
qu'il y aurait folie à entreprendre un siège pareil , et 
qu'il ne fallait pas envoyer les gens à une mort cer- 
taine là où n'existait aucune chance d'être victo- 
rieux. 

Enfin, après trois semaines d'inaction, Peterbo- 
roagh annonça sa résolution de lever le siège. La 
grosse artillerie fut, en conséquence, ramenée abord, 
et on prit les dispositions nécessaires pour le rem- 
barquement des troupes. Charles III et le prince de 
Hesse étaient furieux ; mais la plupart des officiers ne 
blâmaient leur général que d'avoir tant tardé à pren- 
dre un parti qu'il avait fini par reconnaître nécessaire. 
Le 43 septembre, il y eut à Barcelone de grandes ré- 
jouissances publiques à l'occasion de la délivrance de 
la ville , et le lendemain matin le drapeau anglais 
Bottait sur les hauteurs de Monjuich. Le génie et l'é- 
nergie d'un seul homme avaient suppléé à l'absence 
de 40 bataillons. 

Vers minuit, Peterborough étaitvenuvoirle prince 
de Hesse, avec lequel il n'était pas précisément en 
fort bons termes depuis quelque temps : « Sir, lui dit 
le comte, j'ai résolu de tenter un assaut cette nuit 
même. Si le cœur vous en dit, vous pouvez vous 
joindre à nous et voir si mes gens méritent ce qu'il 
Tous plaît de dire de nous. » Le prince parut touché. 
Il dit que c'était là une entreprise désespérée, mais 
qu'il était prêt à en prendre sa part ; et , sans plus 
de délibérations, il ordonna qu'on lui amenât son 
cbeval. 

i: ■ Cookie 



Peterborongh avait pris sous ses ordres 1,300 sol- 
dats anglais. 1,000 astres, commandés par Stau- 
hope (1), avaient été postés comme réserve près d'un 
couvent voisin. Après nne marche circulaire le long 
du pied de la montagne, Peterborongh et sa petite ar- 
mée atteignirent les remparts de Monjuich , et ils y 
attendirent la venue du jour. Dès que l'ennemi les 
eut découverts, il s'avança dans les fossés extérieurs 
pour les combattre. Peterborongh avait compté que 
les Espagnols agiraient de la sorte , et ses hommes 
avaient fait leurs dispositions en conséquence. Les 
Anglais soutinrent le feu de l'ennemi sans y répon- 
dre, marchèrent toujours en avant, se précipitèrent 
dans les fossés , en chassèrent les Espagnols , et arri- 
vèrent sur les ouvrages en même temps que les 
fuyards. Avant que la garnison eût eu le temps de se 
remettre de cette première surprise, le comte se trou- 
vait déjà maître de tous les ouvrages extérieurs, s'é- 
tait emparé de plusieurs pièces de canon , et avait 
construit un parapet pour défendre son monde. Il 
manda alors la réserve laissée aux ordres de Stan- 
hope. Pendant qu'il attendait ce renfort , on apprit 
que 3,000 hommes de la garnison de Barcelone étaient 
en marche sur Monjuich. Il alla aussitôt les recon- 

(1) Jack Slanhope, né en 1673, fils de l'ambassadeur d'An- 
gleterre à Madrid , Alexandre Stanhope, combattit sous les 
ordres de Guillaume 111 dans les Pays-Bas, en qualité de lieu- 
tenant général en Espagne , s'empara de Hinorque en 1708, 
remporta en 1710 les victoires d'Almenara et de Saragosse, 
puis fut fait prisonnier et ne recouvra sa liberté qu'en 1713. 
Sous Georges I", il devint secrétaire d'Etat et chancelier de 
l'échiquier, puis fui créé en 1718 vicomte Manon. Il mourut 
en 1721. C'était un whig. Ses descendants appartiennent au- 
jourd hui à la fraction modérée du parti tory. 

le 



naître; mais à peine eut-il quitté ses troupes, que 
celles-ci Turent saisies d'une terreur panique. Elles 
allaient prendre la fuite , quand Peterborough en fut 
instruit encore assez à temps. Accourant alors au galop 
au devant des fuyards, il leur adressa quelques paroles 
d'encouragement, et se plaça à leur tête. Le son de 
sa Toix et l'expression de son visage leur rendirent 
toute leur ardeur, et ils eurent bientôt repris leurs 
positions. Le prince Georges de Hesse-Darmstadt 
avait été tué dans le désordre de Tassant , mais d'ail- 
leurs tout prenait une bonne tournure. Le détache- 
ment qui arrivait de Barcelone jugea prudent de re- 
brousser chemin ; on débarqua la grosse artillerie et 
on s'en servit pour battre les murailles de Monjuich, 
qui ne tardèrent pas à s'écrouler. Avec sa générosité 
habituelle, Peterborough sauva les soldats espagnols 
de la fureur de ses troupes victorieuses , puis rendit 
en grande pompe les derniers honneurs à son rival le 
prince de Hesse. 

La prise de Monjuich ouvrit toute une série d'ac- 
tions brillantes. Barcelone dut capituler, et Peter- 
borough eut la gloire d'avoir pris avec une poignée 
d'hommes l'une des villes les plus grandes et les mieux 
fortifiées de l'Europe. Il eut encore la gloire de sau- 
ver la vie et l'honneur à la belle duchesse de Po 
poli (i ) fuyant , les cheveux épars , devant une solda- 
tesque ivre de fureur ; et cette gloire ne fut pas la 

(l) Béatrice Conielini, duchesse de Popoli, femme du duc 
Restaimua de Popoli , mère du dernier duc de Popoli et prince 
de Pittorano (mort en 1 749} , et de Camille, qui en 1724 épou- 
sa Bernard de Tocco, prince de Monte-Mileto et d'Acaja, et 
dont le fils, Restai mus-Joacliim de Tocco (né en 1736), hé- 
rita des biens et des titres des ducs de Popoli , et épousa Maria 



— m — 

moins douce à son cœur, si éminemment chevaleres- 
que. Mettant habilement à profit la jalousie des Ca- 
talans pour les Castillans, il garantit à cette province, 
dont il occupait maintenant la capitale, tous ses an- 
ciens droits et privilèges , et réussit ainsi à gagner 
complètement les populations de la Catalogne à la 
cause autrichienne. 

Le pays plat se déclara alors en faveur de Charles III. 
Tarragone, Tortose, Gérone, Lerida, San-Mater, ou- 
vrirent leurs portes. Le gouvernement de Madrid 
ayant envoyé le comte de Las Torrcs à la tête de 
7000 hommes pour reprendre San-Mater, Peterbo- 
rough débloqua cette place avec 1200 hommes seu- 
lement. Ses officiers lui conseillaient de se contenter 
de succès déjà si extraordinaires, etl'archiduc Charles 
insistait pour qu'il s'en revint à Barcelone. Mais il 
n'y avait pas de représentations capables d'arrêter 
un tel esprit au milieu d'une telle carrière. On était 
en hiver, dans une contrée montagneuse. Les routes 
étaient presque impraticables , les troupes mal vêtues, 
les chevaux épuisés, et l'armée qu'on poursuivait 
était plus nombreuse que celle devant laquelle elle 
battait en retraite. Mais les difficultés et les dangers 
disparaissent devant l'énergie de Pelerborough. Il 
continue à marcher en avant, poussant toujours Las 
Torres devant lui, l'épée dans les reins. Rules capi- 
tule rien que devant la terreur de son nom, et, le 
4 février 4706, il entre en triomphe à Valence (t). 
Là , il apprend bientôt qu'un corps de 4000 hommes 

Cibo , fille cadette du prince Alderaoi et Massa, née le 20 avril 
1728. 

(l) Du reste, ce n'est pas lui, mais Basset, qui se rendit 
maître de cette place. 

i: ■ . .Google 



est en marche pour rejoindre Las Torres. Au milieu 
de la nuit , il quitte ta ville , franchit le Xucar , tombe 
à l'improviste sur le camp ennemi , et tue], disperse 
ou fait prisonnier tout ce qui s'y trouve. Les habi- 
tants de Valence n'en pouvaient pas croire leurs 
jeux en voyant arriver dans leurs murs les prison- 
niers qu'il venait de faire. 

Sur ces entrefaites , les cours de Madrid et de Ver- 
sailles , irritées et alarmées par la prise de Barcelone 
et le soulèvement de toutes les contrées environnantes, 
résolurent de faire un vigoureux effort. Une nom- 
breuse armée , commandée nominalement par Phi- 
lippe V, mais placée en réalité sous les ordres du 
maréchal de Tessé, envahit la Catalogne. Une flotte, 
ayant à sa tête le comte de Toulouse , l'un des fils 
naturels de Louis XIV, parut devant Barcelone , et la 
ville fut attaquée à la fois par terre et par mer. La 
personne de l'archiduc courait les plus graves dan- 
gers , quand Peterborough quitte Valence avec 3000 
hommes pour accourir à son secours. C'eût été une 
folie que de vouloir, avec si peu de forces, livrer 
bataille à une grande armée régulière , commandée 
par un maréchal de France. Peterborough adopta 
donc une tactique renouvelée de nos jours par les 
Mina et les Empecinado. Il prit position sur les hau- 
teurs voisines, tourmenta l'ennemi par d'incessantes 
attaques partielles , lui enlevant ses foarrageurs , in- 
terceptant ses communications avec l'intérieur du 
pays, et introduisant de temps à autre dans la place 
des renforts en hommes et en vivres. Il reconnut ce- 
pendant que la seule chance de salut qui restât aux 
assiégés était du côté de la mer. Les pleins pouvoirs 
qu'il tenait de son gouvernement lui conféraient le 
GooqIc 



— 426 — 
commandement en chef , non-seulement sur les forces 
de terre , mais encore sur la flotte , dès qu'il se trou- 
vait à bord. Il s'embarque donc nuitamment sur un 
bateau non ponté , sans rien dire à personne de ses 
projets , et atteint enfin , à quelques milles de la cdte, 
l'un des bâtiments de la flotte anglaise. Une fois à 
bord , il se fait reconnaître en qualité de commandant 
en chef , et expédie à l'amiral une pinasse chargée de 
ses ordres. Il est vraisemblable que, s'ils étaient 
arrivés quelques heures plus tôt , toute la flotte fran- 
çaise eût été capturée. Toutefois , il suffit qu'on les 
exécutât pour forcer le comte de Toulouse à gagner 
précipitamment le large. Dès lors , le port était libre 
et la ville débloquée. La nuit suivante , l'ennemi leva 
le siège , et son armée se retira dans le Roussillon. 
Peterborongh s'en retourna alors à Valence , la ville 
d'Espagne où il se plaisait le mieux. 

Le brillant succès que le comte venait ainsi d'obte- 
nir sur la côte orientale de la péninsule aiguillonna 
l'émulation du nonchalant Galway (1), qui était chargé 

(1) Henri, marquis de Ruvtgny, comte de Galway (ou Gol- 
loway), né en 1647, agent général de la noblesse protestante 
de France, émigra de France avec le maréchal de Schomberg 
(voyez 1. 11, p. 199), se fit naturaliser Anglais et créer comte 
en Irlande , en même temps que colonel d'un régiment de ca- 
valerie formé avec des réfugiés français. Nommé général-ma- 
jor en 1696, il fut placé en 1704 à la tête du corps envoyées 
Portugal, puis rappelé en 1709, et mourut en 1720. Il était 
d'ailleurs proche parent de lady Russell, de cette noble Ra- 
chel Wriothesley, la fille de l'excellent comte de Soulhampton 
(mort en 1667), la femme d'abord de lord Vaughan, puis de 
ce célèbre et malheureux lord William Russell , qui périt sur 
l'échafaud le 21 juillet 1683, la mère du duc de Bedford et des 
duchesses de Devonshire etde Rutlaod. Elle était née en 1636 



— 127 — 

fe l'envahir du côté dû Portugal. Le duc de Berwick 
battit en retraite devant lui. Àlcantara , Ciudad-Ro- 
drigo et Salamanque tombèrent successivement en 
»û pouvoir, et son armée victorieuse marcha sur 
ladrid , où bientôt après elle entrait triomphante 
et proclamait l'archiduc en qualité de roi des Es- 
pagnes et des Indes. L 'Aragon imita l'exemple de 
ii Catalogne. Saragosse se souleva. Le gouverneur 
que Philippe V avait établi à Cartbagène oublia ses 
devoirs, et livra aux alliés le meilleur arsenal et 
l'unique vaisseau que possédât l'Espagne. A Tolède , 
«ù la reine douairière et le cardinal Porto-Carrero , 
mtrefois ennemis déclarés, se réconcilièrent par 
haine commune contre la dynastie nouvelle, les 
troupes de Charles III entrèrent sans coup férir. 
Hais à ce moment, la Castille, le Léon, l'Andalousie 
« l'Estremadure s'insurgèrent tout à coup en faveur 
de Philippe V. Chaque paysan de ces provinces se 
procura un fusil, ou à défaut une pique. Les alliés 
Étaient bien maîtres du sol sur lequel Us campaient ; 
mais pas un de leurs soldats ne pouvait s'aventurer à 
100 perches du détachement dont il faisait partie , 
sans courir le danger d'être assassiné. La contrée que 
les vainqueurs avaient traversée pour arriver à Ma- 
drid se souleva derrière eux , et leurs communications 
avec le Portugal se trouvèrent interceptées. Eux- 
mêmes ne poursuivirent pas non plus leurs premiers 
avantages avec énergie. Galway s'arrêta à Madrid, 
où ses troupes se livrèrent à de tels excès , qu'il y en 
eut bientôt plus de la moitié dans les hôpitaux. Pen- 

Bt mourut le 39 septembre 1733. Sa mère, Rachel , était fille 
de Henri de Masaey , baron de Kuvigny. 

d ■ . ,Coo^le 



— 158 — 
dant ce temps-là, Charles III demeurait inactif en 
Catalogne. Pelerborough , qui s'était encore emparé 
de Requena, voulait marcher de Valence sur Madrid 
pour opérer sa jonction avec l'armée aux ordres de 
Galway ; mais l'archiduc refusa son assentiment à ce 
plan. Le général en chef, dépité, resta en consé- 
quence dans sa ville favorite , sur les riantes côtes de 
la Méditerranée , s'amusant à relire Don Quichotte, 
à donner des soupers et des bals , tachant inutilement 
d'initier les Valenciens aux charmes du sport, mais 
plus heureux dans les soins qu'il rendait à quelques 
belles Valenciennes. 

Enfin l'archiduc se décida à s'avancer vers la Cas- 
tille et, en conséquence , ordonna à Peterborough de 
manœuvrer de manière à opérer la jonction de son 
corps d'armée avec le sien. Mais il était trop tard. 
Berwick avait déjà contraint Galway à évacuer Ma- 
drid, et, lorsque toutes les forces des alliés se trouvè- 
rent concentrées à Guadalayara, on reconnut qu'elles 
étaient infiniment inférieures en nombre à celles de 
l'ennemi. 

Peterborough conçut un plan pour s'emparer de 
nouveau de la capitale. Il fut rejeté. La patience de 
cet homme irritable et dominé par la soif de la gloire 
était à bout. Il n'avait rien de cette placidité de ca- 
ractère qui permettait à Marlborough de vivre en si 
bonne intelligence avec le prince Eugène, et de sup- 
porter la fatigante immixtion des députés hollandais 
dans ses opérations. Il demanda l'autorisation de quit- 
ter l'armée ; elle lui fut accordée sans difficulté, et il 
partit pour l'Italie. Pour donner un prétexte à son 
départ, il fut autorisé à aller contracter un emprunt 
à Gènes. Il arriva dans cette ville le 2i septembre, 



— «9 — 
s'acquitta de aa mission , repartit aussitôt pour l'Es- 
pagne, où il était de retour en janvier 1707. Mais il 
n'y figura plus qu'à titre de conseiller, sans parvenir 
d'ailleurs à faire écouter ses conseils. Ce qui témoi- 
gne de la justesse de ses yues , c'est que , les circon- 
stances n'étant pas les mêmes, il émit des idées toutes 
contraires à celles qu'il avait jusqu'alors recomman- 
dées. Tandis qu'auparavant il conseillait de se porter 
par une marche rapide sur Madrid, maintenant il dis- 
suadait d'entreprendre aucune opération offensive en 
Gastille. Il serait facile, disait-il , de défendre l'Ara- 
gon, la Catalogne et Valence contre Philippe V. Les 
populations de ces provinces étaient dévouées à la 
cause de l'archiduc, et leurs habitants résisteraient à 
toutes les armées de la maison de Bourbon. En outre, 
il représentait qu'il faudrait peu de temps pour re- 
froidir l'enthousiasme des Castillans ; qu'on pouvait 
avoir à profiter de mesures impopulaires que pren- 
drait le gouvernement de Philippe V ; que des revers 
dans les Pays-Bas pouvaient contraindre Louis XIV 
à retirer l'assistance qu'il prêtait à son petit-fils, et 
qu'alors seulement il serait temps de songer à livrer 
une bataille. Ces excellents avis furent encore reje- 
tés (1). Peterborough , qui venait alors de recevoir 
d'Angleterre un ordre formel de rappel, s'éloigna 
avant l'ouverture de la campagne , laquelle ne fut 
pour les alliés qu'une suite de revers. Jamais peut- 

(1) Cette fois Charles III était du même avis que lord Pe- 
terborough. Mais Stanhope et Galway persistèrent à vouloir 
prendre l'offensive. De Turin Peterborough envoya encore 
l'avis du prince Eugène, qui partageait complètement ses 

idées. 

. r Coo^le 



_ 130 — 
être avant lui général n'avait encore obtenu d'aussi 
importants résultats avec d'aussi faibles ressources , 
ni déployé tant d'originalité et de hardiesse. Malheu- 
reusement les conseillers de l'archiduc ne purent pas 
plus s'accommoder à ses façons d'agir que le gouver- 
nement anglais lui-même. Il était si excentrique, qu'on 
en vint jusqu'à lui refuser le jugement qu'il possédait 
réellement. Un jour, il prenait des villes avec de la 
cavalerie"; une autre fois, quelques instants lui suffi- 
saient pour transformer des centaines de cavaliers 
en fantassins. C'est à l'aide d'intrigues amoureuses 
qu'il obtenait la plus grande partie de ses renseigne- 
ments sur la politique, et il remplissait ses dépêches 
d'épigrammes. Les ministres crurent donc qu'il y au- 
rait une extrême imprudence de leur part à continuer 
de charger de la direction de la guerre d'Espagne 
un personnage si léger et si romanesque. Mais les 
généraux méthodiques qui lui succédèrent furent 
battus, tandis que Peterborough avait toujours été 
vainqueur. 

Sa carrière militaire était désormais finie, et on; 
l'employa dans la diplomatie. D'Espagne il retourna 
en Piémont. Surpris en route par des forces navales 
françaises de beaucoup supérieures, il 's'échappa à 
bord d'une légère embarcation avec laquelle il arriva 
à Livourne. Son fils, lord Mordaunt, après s'être 
vaillamment défendu toute une journée , réussit à 
gagner Vintimille. A quelque temps de là, il fut rap- 
pelé en Angleterre et resta alors plusieurs années 
en non-activité. En 1711, époque où eut lieu un chan- 
gement de cabinet, il fut remis en activité par les 
tories. Après que sa conduite eut été examinée et 



. r Coo^le 



- 131 — 

approuvée (\), on l'envoya à Vienne, d'où quatre se- 
maines après il accourut à Turin et à Gènes. Il se dis- 
posait aussi à se rendre de nouveau en Espagne, mais 
il en fut empêché par la mort de l'Empereur. On le 
voit alors dans un court espace de temps apparaître à 
Vienne , puis en Angleterre , assister à Francfort à 
l'élection du nouvel Empereur, auquel il présente ses 
félicitations, puis s'en aller passer les fêtes du carna- 
val à Venise, où, en pareille circonstance, il se faisait 
aussi beaucoup de politique, et revenir en toute hâte 
à Vienne trouver l'Empereur à Presbourg ; puis, au 
mois d'août, on le voit encore une fois à Turin. En 
1713, il revint en Angleterre, ou la reine lui accorda 
tme gratification de 20,000 liv. st. et le cordon de 
la Jarretière , mais d'où il ne tarda pas à s'en aller à 
Gênes , à Païenne , à Naples , à Rome , à Florence et 
1 1 Vienne, chargé d'agir auprès des différents gouver- 
1 nements dans le sens de la politique suivie alors par 
1 le cabinet britannique. Après la mort de la reine 
Anne, il retourna en Angleterre, où Georges I er l'ac- 
1 cueillit avec la plus grande distinction. Mais il exis- 
1 tait entre lui et les whigs alors au pouvoir des dis- 
1 sentiments trop profonds pour qu'il fût possible de 
1 l'employer. Il n'était pourtant, à bien dire, d'aucun 
parti. Ce qu'il voulait, c'est qu'on fit de grandes cho- 
ses, quels que fussent les moyens ou les hommes em- 
1 ployés à cet effet, el quels que fussent ceux à qui 
elles devaient profiter. Son nom continuait d'ailleurs 
à figurer sur les cadres de l'armée , il touchait tou- 

(t) Il est vrai qu'on cela l'esprit de parti avait surtout en 
vce de désobliger Marlborough , à qui cette année-là on ne 
vota point les remerciements d'usage. 



— 133 — 
jours la solde attachée à son grade, et, en 1723, i! 
fut encore promu général de marine ; mais il ne ser- 
vit plus activement. 

En 1716, il entreprit un voyage d'agrément en 
Italie en passant par Francfort. Mais quand il arriva 
à Bologne, alors placée sons l'administration du car- 
dinal Orighi (1), le prétendant se servit de ce cardinal 
pour le faire arrêter le 1 1 septembre par deux Anglais 
escortés d'une compagnie de grenadiers, et conduire 
au fort d'Urban, en môme temps que ses papiers 
étaient mis sous les scellés. Le prétendant s'était ima- 
giné que Peterborough n'était venu en Italie que 
pour gagner la prime offerte autrefois par le gouver- 
nement anglais à celui qui lui apporterait sa tête. Il 
est sans doute inutile d'ajouter que les terreurs du 
prétendant n'avaient pas le sens commun ; cependant, 
cette sotte affaire ne pouvait pas en rester là, et le 
roi Georges fit faire à Rome , par l'intermédiaire du 
comte Gallas, ambassadeur de l'Empereur, de vives ré- 
clamations , en menaçant même de bombarder Civitta- 
Vecchia si on ne lui accordait pas satisfaction. Dans 
l'espoir de se tirer sans bruit de ce mauvais pas, 
le gouvernement pontifical fit dire très poliment an 
comte de Peterborough qu'il était libre de continuer 
son voyage; mais celui-ci fit preuve alors d'autant 
d'obstination à ne pas partir, qu'en montra à Goblentz 
en circonstance similaire le favori de l'empereur Jo- 
seph II, le comte Terzi di Sissa (2). Il déclara done 

(1) 11 était Dé à Rome le i mars 1660 , avait obtenu le cha- 
peau en 1712, remplit les fonctions de légat à Bologne de 
1716 À 1721 , et mourut le 18 mars 1737. 

(3) Celui-ci fut arrêté sur le pont volant de Coblentz par la 
sentinelle , pour s'être soulagé d'un besoin naturel à trop peu 
Google 



~ 133 — 
qu'avant de partir il en référerait à son souverain, et 
qu'il attendrait ses ordres. Du reste , toujours géné- 
reux, Peterborough traitait les officiers et les soldats 
chargés de le garder aussi bien que l'étaient jadis les 
voyageurs sur le pont d'Avignon. L'intervention de 
l'Empereur finit par arranger cette affaire, de telle 
sorte que le pape s'engagea à écrire à une personne 
catholique alliée avec le roi d'Angleterre une lettre 
ostensible, où toute la responsabilité du fait en ques- 
tion serait rejetée sur le légat ; et le secrétaire d'État 
cardinal Paulucci, ainsi que le cardinal Orighi, durent 
adresser par écrit des excuses à l'amiral Bing. 

A peu de temps de là, Peterborough était de nou- 
veau de retour en Angleterre, où il fut longtemps sans 
faire parler de lui. Il appartenait en général au parti 
de la cour, mais prenait peu de part aux affaires. Au 
mois d'avril 1735, il se fit accorder une pension et 
partit pour Lisbonne, où il mourut au mois de no- 
vembre de la môme année. Avant son départ, il avait 
fait son testament et déclaré qu'il était remarié 
depuis longues années avec mistress Robinson, an- 
cienne cantatrice de l'Opéra de Londres. Il luHéguait 
la jouissance viagère du domaine de Mount-Davis, 
près Soulhampton, avec un revenu de 2000 liv. st. 
par an. 

de dislance; fait considéré comme une satire symbolique du 
1res léger costume des soldais de l'Electeur de Trêves. Terzi 
ne se fit pas reconnaître, mais on découvrit qui il était; et 
alors , pour le déterminer à s'en aller, il ne fallut pas moins 
que l'intervention de l'Électeur de Saxe, du duc de Saxe- 
Teschen , et de l'archiduchesse Christine , pour arranger à 
l'amiable la grave violation du droit des gens dont il se décla- 
rait victime. 

nu Coo^ 



— 134 — 
Il avait eu de sa première femme deux (Ils, John el 
Henri , qui tous deux moururent de la petite térote 
en 1710. Mais de sou union avec Francisca, fille de 
Charles Pawlet, duc de Bolton , Henri avait eu aussi 
deux fils : Charles et John. La fille du vieux comte de 
Peterborough, Henriette, avait épousé le duc Alexan- 
dre de Gordon {mort en 1798). Son fils, le duc Geor- 
ges-Corne de Gordon (mort en 1752), épousa une fille 
du frère de sa mère. 



. r Coo^le 



LA RÉVOLUTION RUSSE DE 1762 



La révolution qui détrôna l'empereur Pierre 111 a 
['■lé bien souvent racontée , et avec les détails les plus 
circonstanciés. Mais comme les différents écrivains 
qui ont traité ce sujet sont partis des points de vue les 
pins opposés , on remarque de flagrantes contradic- 
tions dans l'exposé qu'ils nous font des faits les plus 
importants. Nous empruntons le fond du récit qu'on 
Ta lire àun manuscrit demeuré jusqu'à ce jour inédit, 
et rédigé par un diplomate accrédité près la cour de 
Bussie très peu de temps après la catastrophe. L'au- 
teur, qui résida à Saint-Pétersbourg de 1763 à 1768, 
était devenu l'un des intimes du comte Panin ; et 
c'est, suivant tonte apparence, de cet homme d'État 
qu'il tenait les renseignements réunis par lui au su- 
jet de cette révolution. Nous placerons d'abord sous 
les yeux du lecteur une courte introduction histori- 
que nécessaire pour la bien comprendre ; et nous 
donnerons ensuite le mémoire môme sans le modi- 
fier en rien , en nous bornant a l'accompagner de 
Google 



notes et d'observations critiques puisées à d'autres 
sources. 



Le duc Charles-Frédéric de Holstein-Gottorp par- 
tit en 1721 pour la Russie ; son but, en entreprenant 
ce voyage, était d'obtenir l'appui de Pierre I™ contre 
le Danemark et la Suède. Assez favorablement ac- 
cueilli , il réussit à s'accommoder aux caprices et aux 
excentricités parfois fort peu agréables du grand tzar; 
et si celui-ci n'eut pas précisément l'envie ou le temps 
de se mêler des affaires du Holstein, du moins le duc, 
qui était parvenu à être très bien vu par l'empereur et 
par l'impératrice, put-il concevoir d'autres espérances 
dont la réalisation ne devait pas être moins favorable 
a son but principal. Pierre le Grand avait eu de Ca- 
therine deux filles charmantes, Anne et Elisabeth; 
le duc de Holstein-Gottorp leur fit à toutes deux, mais 
plus particulièrement à l'aînée , la cour la pins em- . 
pressée et la plus assidue. Sa recherche ne fut pas 
trop mal vue tout d'abord , bien qu'avant d'obtenir 
(1724) la main de la grande-duchesse Anne, il lui ait 
fallu ensuite suivre pendant quatre ans la cour impé- 
riale dans ses multiples pérégrinations , et dévorer 
sansmot dire une foule de désagréments, d'ennuis et 
de maux de tête (1). 

On sait qu'à la mort de Pierre I" (28 janvier 1725), 

(l)0a trouve le récit détaillé, et jour par jour, de la plus 
grande partie de cette longue et fatigante course au mariage 
dans le Journal d'un des gentilshommes de la suite du doc de 



. r Coo^le 



— 157 — 
sa veuve, femme d'origine obscure, se mit en posses- 
sion de son trône sons le nom de Catherine I™. Elle 
voulait personnellement du bien au duc de Holstein , 
dont à ses derniers instants son époux lui recommanda 
encore instamment les intérêts. Le duc et un de ses 
gentilshommes appelé Bassewitz, lui rendirent des 
servicesessentiels au moment de son avènement; et, si 
elle ne lui donna pas le duché de Courlande, comme 
elle le lui avait fait espérer, du moins elle réalisa, en 
1725 , le projet de mariage arrêté depuis longtemps. 
A. cette occasion, elle assura à la grande-duchesse un 
grand état de maison, avec une dot de ISO, 000 du- 
cats et de riches joyaux , et fit don au jeune couple 
d'un vaste palais meublé (!}. En outre , elle assigna 
an duc, pour toutle temps qu'il résiderait en Russie, les 

Holstein , Frédéric-Guillaume de Bergholz. Ce Journal a été 
imprimé dans les derniers voulûmes àuMagasin de Busching. 
Il vaut la peine d'être lu à cause des renseignements vraiment 
turieux qu'il fournit sur les mœurs et coutumes de la Russie 
à cette époque , de même que sur celles de la petite cour de 
Coltorp. 

L'auteur d'une biographie de Pierre III publiée en deux 
■volumes à Tubingue (1808-1809), le meilleur ouvrage qu'où 
possède sur les événements dont il s'agit, ayant eu connais- 
sance de ce Journal, n'aurait pas dû dire que ce fut seulement 
quelques jours avant ses fiançailles que le duc de Holstein 
apprit que l'aînée des princesses était celle qui lui était desti- 
née. Il résulte positivement du Journal de Bergholz que ce 
prince l'avait su ou du moins l'avait espéré déjà quelques an- 
nées auparavant. 

(1) 11 était aîtué sur l'emplacement occupé aujourd'hui par 
le Palais -d'Hiver. Quoique construit en bois seulement, c'était 
le plus grand édifice qu'il y eût à Saint-Pétersbourg. Après 
avoir longtemps servi de demeure à l'Empereur, il avait en 
stùtfl appartenu au comte Àpraiin, à qui il fut acheté par 
l'Impératrice. 



— 138 — 
revenus de l'ile d'QEsel, le nomma lieulenantrcolone) 
du régiment des gardes-Préobratzsehenskoï et pre- 
mier secrétaire intime , le recommanda aux. États de 
Courlande pour la prochaine élection ducale, agit 
dans ses intérêts en Suède, lui procura le litre d'Al- 
tesse Royale, obtint l'insertion, dans un traité avec 
l'Autriche, d'un article ayant pour but de placer le 
duché de Schleswig tout entier sous la souveraineté 
du duc, el lit même des préparatifs de guerre contre 
le Danemark (1). La mort de l'impératrice (2), arrivée 
le 17 mai 1727, en empêcha l'exécution. Dans l'acte 
de ses dernières volontés, elle avait d'ailleurs encore 

(1) Jusqu'à la chute de Charles XII, la Suède avait toujours 
protégé la ligne ducale de Holstein contre la ligne royale de 
cette maison qui occupe le trône de Danemark; et des mal- 
heurs de la Suède provinrent précisément toutes les calamités 
qui pesèrent depuis sur le Holstein. De nos jours , au con- 
traire, en 1848 et un 1849, on a vu la Suède et la Russie 
faire cause commune avec le Danemark contre le Holstein! 

(2) Catherine , au rapport de. quelques auteurs, était la fille 
d'un paysan lithuanien appelé Samuel , et suivant d'autres 
d'un nommé Jean Rabe, maréchal-des-logis dans un régiment 
suédois , et d'une Livonienne du nom d'Elisabeth Moritz. Née 
en 1682 à Germunared , en Suède, et baptisée sous le nom de 
Marthe Rabe, elle revint, après la mort de son père [1684), 
avec sa mère en Livonie, où elle perdit sa mère dès 1085, el 
fut recueillie d'abord par le sacristain et plus tard par le pas- 
teur de son village. En 1701, elle épousa un dragon suédois, 
et en 1703 , lors de la prise de Marienburg , elle fut faite pri- 
sonnière par le général de Bauer, qui en .fit sa concubine , et 
qui , lorsqu'il fut fatigué d'elle , la donna à la princesse Meot- 
chikof. C'est dans cette maison qu'elle fit la connaissance de 
l'empereur Pierre I", qui l'épousa secrètement en 1711, et 
qui, dès l'année suivante, la déclara publiquement son épouse 
légitime. De ses frères et sœurs, ou plutôt des frères et sœurs 
de sa mère, descendent, dit-on, les comtes Slawronski, les 
comtes llenrikof et les comtes Jerimowski. 

Cookie 



une fois manifesté l'intérêt tout particulier qu'elle 
portait au duc etàlagraude-duchessedeHolstein,, Elle 
les instituait tuteurs du jeune empereur Pierre II. La 
grande-duchesse Anne et sa sœur Elisabeth devaient 
chacune recevoir un million de roubles, avec la moi- 
tié de tous les diamants de leur mère n'appartenant 
pas à la couronne ; plus , 300,000 roubles à titre de 
cadeau de noces , et 100,000 roubles de pension an- 
nuelle, sans que le duc eût à tenir compte de ce qu'il 
pouvait avoir antérieurement -reçu. En outre, elle 
confirmait de nouveau tous les traités conclus avec le 
doc Charles-Frédéric. Cependant, le prince Mentchi- 
kof(l) enleva la tutelle au duc et £la grande-duchesse, 
et leur fit éprouver tant de désagréments, que dès le 
mois d'août 1727 ils quittaient la Russie, escortés 
par une flotte que commandait l'amiral Apraxin; et, 
le 26 août, ils faisaient leur entrée solennelle à Kiel. 
Leur neveu, l'empereur Pierre II, leur écrivit bientôt 
après, il est vrai , que « le funeste et présomptueux 
«prince Mentchikof, en raison de son manque de 
* déférence pour les princesses impériales , et afin 
« que ses richesses , illégitimement acquises , fissent 
i retour au trésor impérial , auquel elles avaient été 
«dérobées, venait d'être personnellement dépouillé 
« de tous ses litres et honneurs (septembre 1727). » 

(1) Alexis, prince Mentchikof, né en 1660, fils d'an simple 
paysan , devint le favori de Pierre le Grand,, ministre d'Etat , 
Hd-maréch al -général , et duc d'Ingrie. C'était un homme de 
rires talents , mais d'une honteuse rapacité. Après avoir été 
l'Ame de trois règnes , à tel point qu'il faillit devenir le beau- 
pire de Pierre 1", il fut renversé du pouvoir et exilé à Béré- 
aof , où il mourut en novembre 1719, en proie à la plus pro- 
fonde tristesse. 

. r Coo^le 



— Itf — 

Mais la lettre ne contenait pas d'invitation à revenir 
en Russie, parce que les Dolgoroucki, qui s'étaient 
substitués à Mentchikof après l'avoir renversé, ne se 
souciaient nullement de voir le duc et la grande-du- 
chesse reparaître à la cour de Saint-Pétersbourg. 
D'ailleurs la grande-duchesse était enceinte , et elle 
accoucha effectivement, le SI février 1728, d'un fils, 
Charles-Pierre-Ulrich , qui était destiné d'abord à 
ceindre la couronne ducale de Holstein , puis à mou- 
rir empereur de toutes les Russies , après avoir re- 
fusé la couronne de Suède. De fâcheux présages se 
rattachèrent à son berceau. Lors des fêtes célébrées 
à l'occasion de son baptême (29 février), l'explosion 
d'nn caisson de poudre blessa un certain nombre de 
cnrieux ; et la grande-duchesse mourut dix jours plus 
tard. C'était une femme d'une rare beauté, douce, in- 
struite , mais un peu mélancolique. Son corps fut ra- 
mené à Saint-Pétersbourg , où on l'enterra dans l'é- 
glise de la forteresse. 

Le jeune prince Pierre resta jusqu'en 1735 entre 
les mains des femmes , qui lui apprirent un peu de 
français. Il fut ensuite confié aux soins de MM. d'Àd- 
lerfeld , de Wolf et de Bromsen , en même temps que 
le recteur de l'Université de Kiel, un pédant appelé 
Fuhl, était chargé de lui enseigner le latin. Mais 
comme on n'avait pas renoncé à de faibles espérances 
sur la Russie, on conserva a Kiel la chapelle grecque 
qui y avait été établie par la grande-duchesse , et on 
rit apprendre au prince un peu de russe, de même 
qu'on l'initia de bonne heure à la connaissance des 
dogmes de la religion grecque. Son père lui transmit 
en outre son goût pour l'art militaire , ou plutôt sa 
manie de jouer au soldat. 

. ,Goo^Ie 



— 1M — 

Le duc Charles-Frédéric de Holstein-Gottorp étant 
mort en 1 739 , son fils passa sous la tutelle d'un cou- 
sin, l'évoque de Lubeck , Adolphe-Frédéric, qui plus 
tard devint roi de Suède. Son éducation fut alors con- 
fiée à MM. de Brœmmer et de Bergholz ; si le rôle de 
ce dernier semble avoir été purement passif , le pre- 
mier, an contraire, fit parade d'une sévérité sans 
tact ni discernement. On envoya nn M. de Bredahl 
en Russie ; mais il y fnt reçu avec tant de froideur , 
et en rapporta des nouvelles si défavorables , qu'on 
renonça à tout espoir de ce côté pour concentrer ses 
vues et ses projets sur la Suède. Il fallut maintenant 
que le prince , au lieu du russe , apprît le suédois ; et 
l'enseignement du luthéranisme fut substitué à celui 
de la religion grecque. 

En Russie , à Catherine I™ avait succédé le petit- 
fils de Pierre le Grand , Pierre II , fils du malheureux 
Alexis, lequel était issu du premier mariage de 
Pierre I e *. Après la mort inattendue de ce prince , 
causée par la petite vérole (1730), on revint à la des- 
cendance d'Iwan II , le frère aîné de Pierre le Grand ; 
mais au lieu de choisir sa fille aînée, la duchesse de 
Mecklêmtaourg-Schwerin , on prit la cadette , Anne , 
duchesse douairière de Courlande , la grande protec- 
trice de Biron (1). Sous l'influence de celui-ci, l'im- 

(l)ErnesHeande Bttren, naquit en Courlande en 1687. Il 
devint d'abord grand écuyer de la duchesse Anne de Cour- 
lande , puis le favori déclaré de cette princesse quand elle eut 
été appelée en. 1730 à succéder à Pierre 11 sur le trône de 
Russie. Elu duc de Courlande en 1730 , et devenu régent de 
l'empire de Russie, du 28 octobre au 19 novembre 1740, il 
fat alors renversé par Munnich et exilé à Palim , en Sibérie. 
Rappelé un an après, il fut transféré à Jaroslaf, sous un ciel 

le 



- US - 

pératnce Anne appela en Russie sa nièce, la princesse 
Anne de Mecklembourg , la maria (3 juillet 1139) au 
duc Antoine-Ulrich de Brunswick-Wolfenbuttel , et 
désigna pour son successeur (5 octobre) le rejeton 
issu de eette union, Iwan (né le 12 août 1740), lequel, 
à sa mort (17 octobre 1740), reçut le titre d'empereur, 
pendant que la régence était exercée , d'abord par 
Biron, puis par la duchesse Anne, sous la direction 
de Munnich (1). 

Cependant, Elisabeth, allé cadette de Pierre le 
Grand , vivait encore alors , dans un isolement qui 
lui permettait de satisfaire ses goûts voluptueux, 
mais mécontente , parce qu'elle était sans influence. 
Lestocq (2) lui recruta un parti , et , dans la nait du M 

bien moins sévère, tandis que Munnich allait le remplacer 
lui-même dans les déserts glacés de la Sibérie. Eu 1762, on 
lui rendit complètement sa liberté ; et en 1 783 , il fut rétabli 
en possession de son duché de Courlande. Il mourut le 28 dé- 
cembre 1772, après avoir abdiqué Irois ans auparavant. 

(1) Burckhard [-Christophe, comte de Munnich, né en 1683 
à Neuenhunlorf , dans le duché d'Oldem bourg , servit succes- 
sivement la Uesse , la Saxe , la Suède et la Russie , où il de- 
vint feld-maréchal-général et président du collégede la guerre. 
Exilé en Sibérie en 1741, il en lut rappelé en 1763, et mou- 
rut en 1767. 

(2) Jean-Hcrmann Lestocq, né en 1692 à Celle en Hanovre, 
était le fils d'un barbier. Devenu chirurgien de Pierre 1", il 
se fil fort bien venir de ce prince, qui pourtant finit par ren- 
ier à Kasan. Rappelé par Catherine, il fut attaché à la maison 
de la grande-duchesse Elisabeth , qu'il voulut déjà faire mon- 
ter sur le trône de Russie lors de la mort de Pierre II : pro- 
position que cette princesse repoussa, sans doute parce qu'elle 
espérait bien qu'Anne la désignerait prfur lui succéder. En 
1741, il fut nommé conseiller intime, puis premier chirurgien 
et pourvu du litre de comte. Arrêté et envoyé en exil en 17A 
il s'en vit rappeler on 1702, et mourut en 1767, D'ailleurs, 



an 28 novembre 1741 , on renversait Munnich en 
même temps qu'on s'emparait de ses jouets, l'empe- 
retir et ses parents , condamnés dès lors à l'exil et à 
la captivité. Elisabeth fut proclamée impératrice. Ré- 
solue à ne pas se marier, elle désigna pour son suc- 
cesseur éventuel le fils de sa sœur, le jeune duc Pierre 
de Holstein ; et , peu de temps après son avènement , 
elle fit partir pour Kiel le major Nicolas de Korf avec 
son frère , envoyé de Russie à Copenhague , pour y 
déclarer la résolution qu'elle avait prise de recueillir 
a sa cour le prince , son neveu , et de lui faire termi- 
ner son éducation auprès d'elle. En conséquence , 
celui-ci partit très mystérieusement pour la Russie 
sous le nom de comte de Ducker, en compagnie du 
maréchal de la cour de Brœmmer, du chambellan de 
Bergholz et de l'intendant de la chambre Cramer. Ils 
arrivèrent à Saint-Pétersbourg au mois de janvier 
1748 , et y furent accueillis avec les marques du plus 
vif empressement. L'impératrice, quoiqu'elle eût 
d'ailleurs été médiocrement satisfaite de son physique 
et de son intelligence , accorda toute sa bienveillance 
an jeune duc , qui plus tard ne fit rien pour détruire 
cette première et fâcheuse impression. A son arrivée 
à Saint-Pétersbourg, c'était un enfant ex'traordinai- 
rement pâle , d'apparence chétive , et d'une santé évi- 
demment très faible. En outre, il portait ses cheveux 
à la mode espagnole , comme on disait alors , c'est-à- 
dire aplatis , pendants sur la nuque , et fortement 

Ustocq fut plutôt un instrument qu'un metteur eu œuvre. Le 
marquis de La Cbétardie , envoyé de France , prit une part 
importante à l'affaire dont le parti national russe fut la base, 
et 1b régiment des gardes Préobratzschenskol l'instrument 
militaire. 

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— m — 

poudrés. Il suivit l'impératrice à Moscou pour les 
fêtes du couronnement , et à cette occasion fut nom- 
mé lieutenant-colonel des gardes Preobratzschenskoî, 
et colonel du régiment des cuirassiers de la garde, 
dont le vieux feld-maréchal-général Lascy (1) était 
colonel. Après s'être fait présenter une fonle de plans 
pour l'éducation du prince héritier du trône , Elisa- 
beth se décida en faveur de celui du professeur Stasn- 
lin , lequel fut chargé de le mettre à exécution (8). 
Dès la première épreuve , le nouveau précepteur con- 
stata, à la grande surprise de l'impératrice, quête 
jeune prince était à tous égards d'une profonde igno- 
rance. Ge qu'il savait le moins mal , c'était le français. 
Il paraît que Stœhlin apporta beaucoup de zèle et 
d'intelligence dans l'accomplissement de sa mission; 
mais il ne pouvait pas s'en promettre de bien brillants 
résultats , en raison des continuelles distractions qui 
s'offraient à son élève , chez qui il y avait absence 
complète du moindre goût pour toute étude, tonte 
occupation un peu sérieuse ; et , comme l'impératrice 
ne tarda pas à ne plus s'occuper de la chose , Stœhlin 
ne trouva nulle part l'appui qui lui était si nécessaire- 
Un moine appelé Theodorsky, mort en 1758 arche- 
vêque de' Pleskof, fut chargé d'instruire le jeune 
prince dans la connaissance de la langue russe et de 

(1) Pierre, comte de Lascy, né en 167S aLimorick, enïr- 
lande, fut successivement au service de la France, de l'An- | 
triche , de la Pologne et de la Russie. Il conquit la Finlande, 
et mourut en 1751 à Riga. 11 fut le père du célèbre général 
autrichien Lascy. 

(1) II était originaire de Hemmingen , vint en 1 733 à Saint- 
Pétersbourg à la recommandation de liriihl, et mourut en \ 
1785. Pierre se montra toujours reconnaissant envers lui. 



a religion grecque. C'est pour ce qui se rapporte à 
état militaire, que Pierre montrait encore le plus de 
isposi tiens. 

Elisabeth ayant appris, vers la fin de 1742, qu'il 
tait question en Suède de régler l'ordre de succes- 
ion, et qu'on avait à cet effet jeté les yeux sur le 
rince Pierre, il devenait urgent pour elle de procéder 
l'exécution du plan qu'elle avait conçu relative- 
aent à la Russie. Le i8 novembre, le prince Pierre 
mbrassa donc la religion grecque, et reçut à cette 
•cession les noms de Pierre-Féodorowitch. Les fêtes 
tuxquelles donna lieu cette cérémonie ne durèrent 
pas moins de huit jours. Après quoi, parut un mani- 
feste ordonnant à la nation russe de prêter serment 
de fidélité au prince devenu maintenant grand-duc 
et héritier du trône. Les Suédois, qui deux jours 
avant sa nomination en Russie l'avaient élu pour 
successeur au trône de Suède, persistèrent a lui offrir 
la couronne de leur pays; mais il la refusa. 

Les soins persévérants apportés à l'instruction du 
jeune prince, notamment dans ce qui a trait aux in- 
térêts politiques de la Russie, commençaient pour- 
tant à donner quelques fruits, lorsqu'une ma\a ' 
des plus graves vint, en 1743, interrompre \c cou?* 



ses études. Après sa guérison, on s'occupa ûe\e ^ 
ttar, On s'adressa d'abord a la cour de I> resde ' ^ e _ 
jiemanda pour lui la main de la princesse ^^ 
Unne(l);maison s'y heurta aussitôt tolltr ^ n ^\a 
1 mutables scrupules de conscience. Fr&d erl 

, JlKarie-Aoûe-Sophie, fitle deFrédèric-Aug»**^ en viVÎ » 
\^VsM£!e««urdeSaxe,néeenVl28,ro»r» &n lT n, e 
lÏKtailien-loseph , Électeur de Bavière, venV 

\ tarte enfin, 8 

. r Coo^le 



-*-- ne — 
porte duquel on fr-a-™— 

Amélie (1), trouva »r, PPa en ^ iie -""" h '""^ 
sentait trop peu ae „* 81 que le trc-ne de Rnssie »t 
par les propos qu'a tir.» » rit *' et provoqua peu^ 
l'impératrice lui a n ce «le occasion la toute * 

preuves. Toutefois ell" 3 ' Plus lard de si *"* 
fit alors, en signalant * 8ré » >• proptwIiM qu'a 
Sophie-Auguste-p rérl ï *■ son attention la prince 
Stetlin, le 23 avril -I "2 ricke d'Anhalt-Zerbst (ne 
tage d'être la fille a-„ - 1 " Elle avait d'ailleurs l'ar 
la nièce de ce priri c ° e Princesse de Holstein (2) 
signé pour épouser* "K 1 . - e -^°' ste ' n 1 U ' av8it Èiè 
de sa jeunesse. A.u llls abeth elle-même à l'épo 
venir en Russie avec" 110 * 8 de ,éTrier inii ' m '' 
struite dans la relie,, Sa n >*re (8). EU e P lut ' ral 
9 juillet suivant sous l** 1 8re cque, qu'elle embrass 
et le lendemain \ <j e n wn de Catherine-Alexiew 
mariage fut différé ° * a fiança au grand-duc. 
l'éducation du flam^ ncore «'une année, afin 
minée : précaution Qv _. ï> u t être complètement 
par suite de la rép^r 1 "Ramena pas grands résuit 
du prince pour toute nanc e de plus en plus gra 
cause de ses fréqu e r-, t ,? CC ' 1 P>-tioii sérieuse , et aus 
duc fut déclaré maj e ea maladies. En "48. le F 1 
qu'on obtint pour lus ** en v erlu d'une dispense d 
(DAnne-Arfie a „ de -'Électeur de Saxe, agis 

(S)ji,n 8 -ÉBsab eth ta fl "eet devirt «bbess. d- [ 



(!) a. q.ittJ-f-r^-trrnl*" - ' ■ 7 *' Z S 

luthérien zélé, ne Vq , r 6 »-».;" "« * P-»- r,S M , 

negoci.lion, avec I» S'ait A* ■«crèten»"»»' -Tf "-"J '" 

» » Ua> 4 aucu n pri* <■»■»'•■-■ P»"' l 



ai — 



4 47 — 

qualité de ïieaire de l'Empire : acte qui f»* « 
ement publie le n juin. Il conBa Wminis»' 
les États allemands au frère de sa belle— ™. 
,ce Frédéric-Auguste de Holstein, qui ~~2. ' 
:0 évéque de Lubeck. Le mariage du S*"*" 
; la princesse Catherine-Alexie.ua .eut _^\^ 
embre 1748, et fut célébré par des * ô *-«~ 
uissances qui se prolongèrent jusqu «*- "* * 
n donna au jeune couple un état de ma.» 
brillante, et où la plupart des -plois 
iés à des Russes, tandis que le (ranci— «i-, 
rudence de montrer en -»» as « 
rence marquée pour les Holsteraoïs . X 
nencements, les relations des »>épo u 
Henles et on les voyait souvent jou.e r e 
llenies, m » „ an de-duchesso 

.nsfu^ "" Bestuc^ ^ 

, R„=itucheF, né à Mosco^ * 

Atois comte *f „ étail fils du» ho^ e„ 
evé en A**""?" r de Cour l,ude, mai a Je „ * Q 
•and rôle à la cour a me d , <J Uj H», , », 



s$ 



t animé pour la Prusse d'une haine 
mu à rendre le grand-duc et sa f e *oiTe y et 

ipératrice, dont les facultés fain-v* 1 * 1 * 5 . SUs P e 
.Legrand chancelierne laissait <!''• . lssa ^nt ai 
jper la moindre occasion de nlt* * Urs jam 
Le Danemark offrit à ce dern" sei " *e grar 
lenbourg et de Delmenhorst , s'il Gr * ea Cc >id 
i ses droits sur le Schles^ig ^°^lait ren, 
s d'accepter cette proposition -" estll chef è 

agissant aussi bien de sa p rOT> * ^ais l e g ra 
l'influence des conseils de s lIls P îration 
;ntourage holsteinois, demand enc *nae (1) et 
considérable , et l'affaire en r & UTle indeim 
il 1747, le grand veneur de S?* 11 là " Vers l a 
n de Ducker, l'intendant tï*. » re< *ahl ta l 
commissaire de courSchriev na Wxbre Cr 

rice l'ordre de s'éloigner imto^^^nt de^ 
e russe. Le princeAuguste de H 1ate »*ent du 
à Copenhague, sous le règ^e h **!—!& 

de cabinet, puis sous celui <Vi?, l,ilï »pér». - 
elier. Déposé en 1758 et e X ii^ ls& t>eth ^ ce Ahik 
IéenlTeaetnomméfeld-tt,^ ^an s ™* °"U e et g 
eu recours à ses services c "ial t „ ™Pres 

Elle ne pardonna jamais au ^i? l0u '"m ^ S <IUe Plus 
ecoramandéàson représen.^^iïlet rt„ ?, n *76e 
Rochus-Lynar, de la «UrîS* * Sa£ t S? 01 ***!* 
sous la direction de sa mè r u ler ex ete *"sbo 

rcesse la plus fausse de rg e U© jj cterï *ent ' 

arfaitcment celle apprécj-, T r°£>e , v ™ e,t a>t d*„ S" 
il à ce momenUàd'échoui ° n = L= lc » «n (£, °" 
»argé de suivre dans 1er, i Hati s °°n>te ven - qUi 
, et c'est surtout àlae-r»„, tér étsi j Ue Oés>^„. ait F 

voir menée à bonne fin "~ 6ra M ' es »s e „„...""" <lo 1 
de pouvoir lui dire q» e ,^°Ut anl ^Jheai"* «te, 

aV «t bu u n |'?»«ttuui 
8 b onne, 



' aossl '■»**■ quoique de la manière la plus 
«quitter la Russie. En fait de Holsteinois, il n< 
Plaque cem qui étaient avenus le5 créât» 
«rand chancelier. C'est aussi vers ce temps-là 
Wdecm anglais, appelé Blackwell, «"■ arl 
Soctholu,. et, dans une audience qu'il <*« 
'■opératrice, le comte deBarck, amtassad' 
° UMe ' "PP* » cette princesse que Von avait 
«ans les papiers de ce Blackwell des documen 
mnpromcttants pour le grand-duc. Cependan 
nombre de gens persistèrent à soutenir t™< 
mute cette intrigue Blackwell (1) n'avait jou* ' 

l'iîi U P "" !ès Bla °l™ell ne fut au tond q» '» * 
1 antasouaa» acharné des partis ejistant en Suède 
d » leur, partialement conduit. , „. 

JUcnndreBlackvvell.nIsd'un ecclésiastique 00 ** 
reçu une bonne éducation et on avait su profiter, *™ 
» ses beoreuses dispositions naturelles qu'à ''"f.î" 
«•«ttaWemp, il avait apportée au travail, il" 
ans, on I envoya suivre les cours de l'Université ot n. 
<H» quelque temps après il désertait secrèteme' 
comme tantd'autres, vers Londres par cette in flu ?[ 
tique dont plusieurs écrivains anglais nous ont Ç e 
fets d'une manière si saisissante ; force roystér"* 1 
sistible, qui fut la cause de la ruine de tant des J' 
heureusement doués par la nature, qui procura 
uns une gloire couronnée d'épines, et n'assura q" 
Petit nombre un bonheur durable. Lorsqu'il eut <*' 
modeste pécule sans avoir vu se réaliser aucune a< 
lances, Blackwell dut s'estimer heureus d'obtenir 
de correcteur dans l'imprimerie Wilkins. Dans celj 
Position il se fit d'utiles relations littéraires , en m* 
qu'il réussissait à toucher le cœur et à obtenir la » 
vertueuse jeune fille, qui lui apporta en mariage uni 
ronde. Dès qu'il eutdes sommes importantes a sa a 
Blackwell sentit se réveiller l'inquiétude native de s 

Google 



— 150 — 
rôle que celui d'instrument de la cour de Danemark 
et de Bestuchef. En outre, au mois d'avril 1748, le 
grand-duc découvrit que son valet de chambre était 
payé par Bestuchef pour l'espionner, et même pour 
voler ses lettres et papiers. Au reste, l'impératrice ne 
se laissa jamais amener à vouloir se débarrasser de 
l'héritier du trône. Pierre était même ou bons termes 
avec son véritable favori, le comte Rasoumofski, 
homme à qui elle ne laissait exercer aucune influence 

11 passa trois ans à parcourir sans but la France, la Hollande 
et l'Allemagne. Puis il s'en revint à Londres , où il fonda une 
imprimerie. Les autres imprimeurs de cette ville se liguèrent 
contre le nouveau venu, et le sommèrent d'avoir à justifier 
des années d'apprentissage exigées parles règlements. Black- 
well gagna son procès en première instance , le perdit en ap- 
pel, contracta des dettes, et finit par faire banqueroute (1734); 
par suite de quoi ses créanciers le mirent en prison. Il n'en 
sortit que grâce au dévouement et au talent de sa femme. 
Comme elle dessinait et peignait parfaitement, elle eut l'idée 
de peindre diverses plantes d'après nature. Les spécimens 
qu'elle en fit voir au célèbre John Sloane , au D r Head et au 
médecin allemand Andres, excitèrent leur admiration; el 
alors, avec l'assistance du directeur du jardin botanique Road, 
elle publia un grand ouvrage de botanique dont elle dessina, 
grava et enlumina toutes les planches , et dont le texte fut en 
partie rédigé par son mari. 11 est intitulé Curions Herbnl 
(Londres, 17Î7-1739. 2 vol. gr. in-fol.) , et une nouvelle édi- 
tion en fut ensuite faite en Allemagne, texte latin et allemand, 
par Eisenberger (Herbarium Blackwellianum , Nuremberg, 
1780-1773. 6vol. in-fol.)- Elle gagna beaucoup d'argent avec 
cette entreprise et put ainsi tirer son mari de prison. Celui-ci 
se consacra dès lors presque exclusivement h l'étude des 
sciences naturelles, écrivit un livre sur la mise en culture des 
laudes et terrains incultes (Londres, 1741), et fut nommé ad- 
ministrateur des domaines du marquis de Chandos. Un exem- 
plaire de l'ouvrage que nous venons de mentionner en dernier 
lieu tomba entre les mains du ministre de Suède à Londres, 



— 151 — 
sur la direction des affaires, et cela uniquement dans 
l'intérêt de sa santé. Le grand-duc et sa femme fail- 
lirent, le 6 juin 1748, perdre la vie à Gostilitz, maison 
de campagne appartenant an frère de Rasonmofski. 
Le bâtiment dans lequel ils couchaient s'écroula peu 
de temps après qu'ils l'eurent quitté aux cris d'alar- 
mes proférés par une sentinelle. Le 19 novembre 
1749, Pierre vint solennellement prendre séance au 
sénat. Mais le système d'espionnage organisé par l'im- 
pératrice autour de son neveu et de sa nièce, ses in- 
terventions fréquentes dans leurs affaires de mé- 
nage , ses remontrances incessantes , indiquaient 

qui l'envoya à Stockholm et lut alors chargé de déterminer 
l'auteur à venir s'établir en Suède. Blackwell accepta les of- 
fres qui lui étaient faites, et fut parfaitement accueilli à Stock- 
holm. Le roi de Suède ayant été atteint d'une dangereuse ma- 
ladie , se laissa persuader de faire appeler Blackwell , qui eut 
le bonheur de le rendre àla santé. Blackwell fut alors nommé 
premier médecin du roi , et il se disposait à faire venir sa 
femme et ses enfants à Stockholm , quand il fut arrêté , le 21 
mars 1747, et enveloppé dans un grand procès politique où 
se trouvèrent compromis le négociant Springer et le fabricant 
Hedman. On l'accusait d'avoir été en Suède l'un des agents 
de cette corruption à l'aide de laquelle les diverses puissances 
étrangères exploitaient àleur propre profit les luttes des par- 
tis, et il périt victime de la démoralisation des hommes po- 
litiques de l'époque : démoralisation dans laquelle il n'avait 
été que pour fort peu de chose , et dont la responsabilité eût 
dû plutôt retomber sur ceux qui se laissaient corrompre pour 
trahir les intérêts de leur pays , et à qui pourtant il ne fut 
rien fait. 11 eut la tête tranchée au mois d'août 1747. On pré- 
tendit dans le temps que c'était le parti français lui-même qui 
l'avait poussé à tenter quelques démarches compromettantes, 
afin de pouvoir l'accuser d'être l'instrument de la politique 



. r Coo^le 



assez combien étaient changées ses dispositions à leur 
égard. 

Malheureusement , l'impératrice avait de plus en 
plus lieu de se montrer mécontente. Pierre était de- 
venu boudeur et silencieux ; il témoignait sa mauvaise 
humeur à sa femme en la traitant avec une froideur 
choquante, et lui reprochait surtout de ne paslui avoir 
encore donné d'héri lier. Catherine eût peut-être étéune 
excellente femme si elle avait eu immari qui sût gagner 
son amour et son estime. Elle serait peut-être restée 
une épouse fidèle à ses devoirs si son époux ne lui avait 
pas donné de justes motifs de plainte , ou du moins 
s'il n'avait pas paru prendre plaisir à la blesser. C'est 
aux défauts de son esprit et à sa faiblesse de carac- 
tère , c'est aux perfides influences de son entourage, 
qu'il faut attribuer les fâcheuses dissensions qui écla- 
tèrent entre les deux jeunes époux; c'est là ce qui 
finit par faire de Catherine la plus dangereuse enne- 
mie de son mari , et par la rendre maîtresse consom- 
mée en tous ces artifices, toutes ces perfidies , alors 
nécessaires en Russie pour s'élever au pouvoir et s'y 
maintenir. En 1750, le grand-duc , toujours à court 
d'argent , était assez disposé à acquiescer à un projet 
de transaction proposé par le Danemark au sujet des 
affaires du Holstein ; il suflit que sa femme lui con- 
seillât d'accepter, pour l'en détourner. Sa manie de 
jouer au soldat , et les constructions qu'il faisait éle- 
ver à Oranienbaum, domaine ayant appartenu autre- 
fois au prince Mentchikof , lui coûtaient des sommes 
immenses , et il était toujours endetté. Parfois même 
sa gêne devenait telle , qu'il acceptait alors de l'ar- 
gentde cours étrangères, contre les intérêts desquelles 

i: ■ . .Google 



— 153. — 

il agissait ensuite comme.il avait fait auparavant. 
C'est ce qui arriva, par exemple, à l'Autriche et à la 
Saxe. Sa conduite dans l'affaire de la négociation 
entamée avec le Danemark déplut souverainement à 
l'impératrice et à Besluchef. A la mort du roi de 
Suède (1751), il exprima ouvertement le regret d'a- 
voir perdu pour la Russie le gouvernement d'une na- 
tion civilisée : expressions qui devaient, on le com- 
prend , blesser vivement cet amour-propre national 
que les Russes poussent à nn si haut degré. On trouva 
snr un officier holsteinois, arrêté àCronstadt, des 
lettres de la grande-duchesse contenant des plaintes 
amères sur sa position et celle de son mari. Lors d'une 
espèce de mutinerie de soldats, arrivée en septembre 
1751 à Oranienbaum , et dans laquelle on abusa du 
nom de Pierre , celui-ci se conduisit, il est vrai , avec 
beaucoup de prudence , et ne se compromit en aucune 
façon. On peut môme dire que sa conduite en cette 
circonstance fut moins Le résultat de sa prudence , 
car il n'en avait guère, que de sa loyauté, qualité 
qn'on ne saurait lui refuser, et qui était la meilleure 
garantie qu'il pût donner. Cependant , cet incident 
ne fit qu'accroître les méfiances de l'impératrice. 

Vers la fin de l'année 1753, il s'opéra entre la 
grande-duchesse et le grand chancelier, grâce à la mé- 
diation de l'impératrice, une réconciliation grosse de 
dangers pour le grand-duc. C'est aussi à la môme 
époque que la chronique scandaleuse fait naître et 
môme favoriser par la cour les relations intimes de la 
grande-duchesse avec le comte Sergius Soltikof , qui 
pourtant ne tarda pas à être envoyé ambassadeur à 
Stockholm, et qui mourut en Suède. Le 1" décembre 
1754, la grande-duchesse accoucha à Saint-Péters- 



bourg d'un héritier du tr^ne, qui plus tard devint 
l'empereur Paul, el par sa fantasque obstination et 
par sa destinée offrit tant de points de ressemblance 
avec son père. C'était l'événement le plus propre à 
permettre à la grande-duchesse d'espérer nne amélio- 
ration de sa position, tant à l'égard de la cour que 
vis-à-vis de son mari ; et pourtant il n'en fut rien. 
La disposition d'esprit de la princesse , qui se voyait 
si souvent déçue dans ses espérances , ne dnt que 
s'en aigrir encore davantage. 

Les époux se séparaient toujours de plus en plus , 
même extérieurement . Le grand-duc passait son temps 
à jouer au soldat, à construire à Oranienbaum une 
petite forteresse qui n'était aussi qu'un joujou , et à 
faire des orgies en société d'officiers holsteinois. Il 
perdit pourtant plus tard cette habitude de boire, 
qui , en raison de sa franchise , lui avait singulière- 
ment nui , même an point de vue politique. En 1755 
commença son commerce de lettres avec Frédéric II , 
prince pour lequel il éprouvait une admiration en- 
thousiaste , qui lui fait honneur sans doute , mais qui 
contribua aussi à son malheur. Frédéric lui donna 
d'ailleurs de bons conseils, et Pierre les suivit quel- 
quefois, — autant du moins que cela lui était pos- 
sible. Pendant ce temps-là, sa femme s'était fait 
construire et arranger à Oranienbaum, au milieu 
d'un jardin , un petit palais où elle se livrait à ses 
goûts particuliers. Le premier qui vint égayer pour 
elle cette solitude fut , en 1735, le comte. Stanislas- 
Auguste Poniatowski (né le 17 janvier 1732), dont 
elle put plus tard récompenser l'attachement par la 
couronne de Pologne, et qui lui avait été recommandé 
par l'ambassadeur d'Angleterre , sir Charles Hanbury 



— 155 — 

Williams , à la suite duquel il était venu à Saint-Pé- 
tersbourg. Poniatowski fut d'ailleurs pendant long- 
temps au mieux avec le grand-duc. À son arrivée en 
Russie , le grand-duc et la grande-duchesse le firent 
recommander par Bestuchef à la cour de Dresde, pour 
que celle-ci te nommât son représentant à Saint-Pé- 
tersbourg. 

Pierre , de son côté , avait une maîtresse, bonne et 
douce créature, sans prétentions d'aucune espèce, 
la comtesse Elisabeth Woronzof, tille du conseiller 
intime eomte Roman Woronzof, nièce du vice-chan- 
celier Michel Woronzof, sœur d'Alexandre et Simon 
Woronzof, qui jouèrent plus tard un rôle si brillant, 
de la belle comtesse Butturlin , et de cette audacieuse 
princesse Daschkof, qui desservit toute sa famille 
auprès de Catherine. La naissance de la grande-du- 
chesse Anne, arrivée en décembre 1757, ne changea 
rien à la situation. 

La guerre contre la Prusse ne pouvait que contra- 
rier les sympathies et les relations du grand-duc , et 
on n'ignorait pas que ses vœux étaient complètement 
pour Frédéric , devenu de sa part l'objet d'une si 
Yive admiration. On le soupçonna même un instant 
d'avoir déterminé , par des ordres secrets , la retraite 
du comte Apraxin après la bataille de Grossjaegern- 
dorf (30 août 1757). La vérité est cependant que 
cette retraite fut le fait de ses ennemis , et qu'elle 
avait surtout pour but de lui nuire. Bestuchef, le 
feld-maréchal Apraxin et le général de brigade de 
Weymarn avaient , en effet , projeté d'amener l'im- 
pératrice à dépouiller Pierre de son droit de succes- 
sion , pour en investir le jeune grand-duc Paul sous 
la tutelle de sa mère. Or, l'impératrice étant précisé- 



— 156 — 
ment tombée malade à ce moment-là , Bestuchef avait 
ordonné à Apraxin de ramener son armée en Russie, 
afin de l'avoir sous la main à tout événement. Un des 
subordonnés du chancelier, Wolkof , surprit le com- 
plot et en fit part au vice-chancelier Woronzof, 
lequel à son tour en instruisit le grand-duc. Ce der- 
nier, aussitôt que l'impératrice fut revenue à la santé, 
lui révéla la chose ; et cette révélation (1) eut pour 
suite la chute de Bestuchef (25 février 1 758) . Apraxin 
échappa au châtiment qu'il avait mérité en se don- 
nant lui-même la mort (81 août 1 788). Weymarn fut 
renvoyé de l'armée ; mais Catherine l'employa de 
nouveau plus tard , notamment contre le malheureux 
Iwan III. La complicité de la grande-duchesse dans 
ce complot était vraisemblable , quoiqu'elle n'ait pas 
été prouvée; mais Pierre se montra généreux, et 
Catherine en fut quitte pour une défense de paraître 
de deux mois à la cour. Ce fut son mari qui demanda 
lui-même pardon pour elle à l'impératrice ; et au 
mois d'avril 1758 eut lieu entre les deux époux, en 
vue surtout de la prochaine arrivée du prince Charles 
de Saxe .2), une bien inutile scène de réconciliatiou, 
dont l'effet ne dura pas longtemps. L'impératrice in- 
sistait auprès du roi de Pologne pour qu'il rappelât 
Poniatowski;maisàdeux reprises la grande-duchesse, 



(t) Il parait que les menées de l'ambassadeur de France 
aidèrent aussi à renverser Bestuchef; de même qu'en Suéde 
le parti français fut pour beaucoup dans le procès Blackwell. 

(2) Pierre et Catherine firent plus tard sentir à ce prince 
qu'il avait eu le tort, dans leurs démêlés intimes, de prendre 
parti pour l'impératrice, qui l'avait souvent cité pour modèle 
au grand-duc , et de n'avoir pas empêché le départ de Ponia- 
towski. 



. r Coo^le 



— 157 — 

en recourant à l'intervenu,™ a 
'a ,„ii„ i i -, „ ïeû «oB de son mari, et même 
Îevenl Th" ' "" S^W-c, réu ùit a faire 
leri? !"t ladfas » Prise. Cependant, pen aprè, 
re„,„ P . , F, " Ce Cl,ar,es "e Saxe, Ponialowski 
™„T? T ! °° ""«Wsemen. dans le jardin de 1 
„M /f '"' '"' ,rreté («■ l'ambassadeur se V 
tiond' ,'°" terlaIi " s S'e, et il fut même alors que 
enfermer h grande-duchesse dans un couven 
^ elle parvint, cette fois encore, à se réconcili 
tec so ° mari, grâce à la comtesse Woronzof , et 
^e soir Pierre se présenta à la porte de l'appai 
n tde sstemme pour lui demander excuse. Se jet 
Moïses pieds, elle lui exprima , en même tel 
h UMg repentir, sa vive reconnaissance. Ce ne 
9 llrlwt pas sans peine que Pierre obtint cette 
♦> l'impératrice qu'elle pardonnât, elle aussi, ; 
vWe-duchesse. « le connais Catherine, lui 
>te M „ion Elisabeth ; toi etla comtesse Woro 
N. vous repentirez un jour de ce que vous me 

lre la! » 

, «Wwitcela n'améliorait paslaposition deP 
k« taiépoux ne pouvaient plus désormais « 
»ua a „f un dans l'autre. En outre , le» «m , 
Sut, grand-duc devinrent s, pressant», c 
«tmUlcberde tirer parti de vieux titres d«c 
»«rerE w e, depuis longtempspenmé», 

„. . ., ...i fut conduit au corI> & 

Wi*. rapporte qu '1 devml , rB .n 

ft.*Ii, il a-™" ë 'f f 'i avoir adre.se q««»î 
C'lte s 4s'«»« llera l' rè9 '" , p , étend,™ ce» "> 
m,' ubioBrapn»»»' 16 „ ite Branicki le reo»»* 

«.«^.«cieté. et qu'ensuite 

^•igeBWinBubaot- 

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les faire valoir, il eut recours à la médiation de l'É- 
lecteur de Saxe (1). 

Les revers essuyés par l'armée prussienne , revers 
auxquels l'armée russe contribua pour une bonne 
part, affligèrent vivement Pierre ; on prétend même 
que ce fut à son instigation que l'habile comte de 
Fermor (3) donna alors sa démission. La position do 
grand-duc était devenue si pénible, qu'en 1759 il 
chargea un beau jour le comte Alexandre Schouvalof 
de faire savoir à l'impératrice qu'il était prêt à renon- 
cer pour toujours au brillant avenir qui lui était ré- 
servé en Russie , et qu'il la priait de lui permettre de 
s'en retourner en Holstein. En réponse à cette ou- 
verture , Elisabeth fit engager son neveu à ne pu 
perdre ainsi courage ; et, s'il persistait dans sa réso- 
lution , à la lui notifier par écrit. Dès lors elle le 
traita avec une froideur si voisine du mépris , que 
Pierre n'osa pas pousser l'affaire plus loin. 

La maison de Holstein-Plœn , une des branches 



(1) lis remontaient ans années 1336 et 1372, et provenait 
de services militaires accomplis en Flandre. Le 29 août iffl 
il était effectivement intervenu en faveur du Holstein , entn 
l'Autriche et l'Espagne, une convention par laquelle cetu 
dernière puissance s'engageait à payer à la ligne ducale & 
Holstein 1 00,000 florins par an jusqu'à la restitution du Schles 
wig. Hais l'Espagne n'en paya jamais un maravedi, ett 
grand-duc évaluait à environ 6,000,000 de francs les subside 
arriérés dus à ce titre par la cour de Madrid. La Saxe se mèl 
de cette négociation , parce que la reine d'Espagne d'alw 
était une princesse saxonne; et Pierre, lorsqu'il- fut deve» 
empereur, en voulut toujours à la Saxe de n'avoir pas réussi 

(2) Guillaume de Fermor, néà Pleskof en 1704, mort n Rie 
tau en 1771. 



. ,Gooqk 



— 159 - 

endettes de la ligne royale, vint à s'éteindre en 176i. 
Pierre n'avait rien à réclamer an sujet de cette suc- 
cession, qui d'ailleurs se trouvait grevée de dettes 
immenses. Néanmoins, avec d'autres collatéraux, il 
fiera des prétentions sur une bonne moitié du du- 
*tté de Schleswig. C'était là une telle folie, que le Da- 
•emark eût pu se contenter d'en rire ; mais l'impéra- 
feice Elisabeth , âgée de cinquante-deux ans seule- 
ment, mourut le 25 décembre 1761, et le duc de 
Bolslein devint alors empereur de Russie. 

Quoiquil n'eût rien fait pour se constitnerun parti, 
«a avènement au trône non-seulement s'effectua de 
Il manière la plus paisible , mais encore fut vu avec 
tee satisfaction non équivoque par le peuple, qui se 
tajouit d'avoir de nouveau un empereur à sa tête. 
Jour que cette favorable disposition de l'opinion du- 
ftt, il eût fallu que l'empereur fût vraiment homme. 
On ne peut, sans doute, nier que ses intentions 
liaient excellentes , et il ne manqua pas non plus de 
bons conseillers. Dans beaucoup d'autres pays son 
«êgue aurait donc pu être tranquille ; mais comme il 
be comprenait pas la Russie , il ne sut pas accommo- 
der ses réformes au génie russe, et commit les mêmes 
butes que plus tard Joseph II. Ce qu'il ignorait sur- 
tout, c'est la manière dont il fallait alors gouverner 
il user du pouvoir en Russie ; or c'est là ce qu'il eût 
lu savoir avant de se préoccuper de l'usage qu'il 
ferait de l'autorité. Certes, Elisabeth lui était infé- 
rieure sous le rapport moral , et ses facultés intellec- 
tuelles étaient tout aussi médiocres. Mais, de même 
que l'impératrice Anne avant elle , elle s'entendait 
bien mieux que lui à gouverner la Russie, ou plutôt 
à se maintenir sur le trône. Pour cela, en effet, il fal- 



— 160 — 

lait allier la rnse à la force, se faire craindre en trai- 
tant quelques individus avec une rigueur extrême, 
et en même temps se créer des dévouements absolus, 
d'une part en distribuant des récompenses excessives, 
de l'autre en fermant les yeux sur des délits et même 
des crimes prenant leur source soit dans l'esprit de 
rapacité, soit dans le génie de la luxure; il fallait sa- 
voir que le plus souvent des crimes laissés impunis 
sont des gages de soumission illimitée, que le gros 
de la nation se laisse toujours duper par des exhibi- 
tions théâtrales d'une bienveillance patriarcale poor 
les masses, et se bien garder d'ailleurs de vouloir at- 
ténuer en rien la lourde oppression que les hautes, 
classes exercent sur les classes inférieures comme 
pour se dédommager de leur propre servilité politi- 
que. En un mot , il fallait être autocrate, c'est-à-dire 
laisser les hommes d'État agir en beaucoup de cir- 
constances uniquement d'après leur bon plaisir, toul 
en les surveillant constamment, et se servir des uns 
pour tenir les autres en bride. A la différence de 
Pierre, Catherine II, qui, de même qu'Elisabeth, 
n'était pas dénuée de certaines qualités du cœur, 
mais dont l'esprit était beaucoup plus éclairé et avan- 
cé, apprit parfaitement l'art de se maintenir en Rus- 
sie ; art que son mari ignora toujours. Beaucoup trop 
pénétré des idées qu'on a en Allemagne sur le droit 
en général, il était franc, consciencieux, opiniâtre, 
incapable de plier, enthousiaste, manquant de tact, 
dépourvu du don d'observation, pédant, plein d'idées 
préconçues, de bizarreries et d'excentricités antinatio- 
nales. Ajoutons que si quelques Allemands doués d'une 
nature essentiellement cosmopolite ont pu réussir en 
Russie, le génie allemand ne convient qu'aux Aile- 



— 161 - 

nands, et est tout aussi antipathique aux Slaves 
qu'aux Italiens et aux Grecs. Ce fut une faute grave 
de la part de Pierre I" que de ne pas faire progresser 
la Russie à l'aide de moyens et de ressources fournis 
par son propre génie national, au lieu de lui imposer 
une civilisation d'emprunt. Mais, du moins, Pierre I" 
prit parti pour la civilisation en général, et était doué 
du génie du despotisme porté à sa plus haute puis- 
sance. Pierre III , au contraire , n'avait entrevu et 
saisi qu'une des nuances de la civilisation, et n'était 
d'aiileurs point assez despote pour continuer l'œuvre 
de son aieul à l'aide de moyens similaires, 

Pierre III signala les premiers jours de son règne 
jwr un grand acte de clémence. Sauf un petit nombre 
d'exceptions, dont la plus saillante était Bestuchef, 
qn'on se contenta d'exiler dans ses terres , tous les 
exilés furent rappelés , et la plupart même réintégrés 
dans leurs honneurs. De ce nombre étaient Biron, 
Jtunnich et Lestocq. Munnich surtout prouva à l'em- 
pereur sa reconnaissance par une courageuse fidélité 
et par de sages conseils, — qui ne furent pas suivis. 
Les portes de la Russie se rouvrirent pour plus de 
vingt mille individus qui avaient été victimes du 
despotisme des gouvernements précédents (1). Afin 
de couper le mal dans sa racine, le nouvel empereur 
ordonna la suppression de la chancellerie secrète (SI 
lévrier 1762), grande officine d'arbitraire, véritable 
Chambre Étoilèe de la Russie, et peut-être plus mal- 
faisante encore, qui fut rétablie sous le règne suivant 

il) Elisabeth , qui avait le cœur trop tendre pour signer un 
arrêt de mort, envoya, dil-on, plus de quatre-vingt mille 

individus en Sibérie I 



— m — 

avec ses plus essentielles attributions, et qui fonc- 
tionna sous le règne de l'empereur Paul avec une ac- 
tivité sans pareille. Un autre oukase interdit l'emploi 
de la torture. Des mesures furent prises pour accélé- 
rer la marche de la justice. On conçut aussi le projet de 
rédiger un Code civil ; mais il faut ajouter qu'on sem- 
bla vouloir lui donner pour base les principes delaloj 
prussienne : ce qui ne pouvait que le rendre odiem 
aux justiciables. Pierre acquitta toutes les dettes da 
sa femme sans rechercher quelle en pouvait être l'on» 
gine, augmenta son revenu, et, à l'occasion de l'aune 
versaire de sa naissance, lui fit don de plusienr» 
grands domaines. Il voulait même faire venir en Rus- 
sie le frère de Catherine ; mais celui-ci n'accepta point 
sa proposition (1). Le SI février, un oukase affran- 
chissait la noblesse de l'obligation du service militaire, 
et lui permettait de voyager ainsi que de prendre dij 
service à l'étranger. Les monopoles en matière de: 
commerce et d'industrie étaient supprimés, et diver-! 
ses mesures de sage administration venaient favoriser 1 
les développements du commerce, de l'industrie etdaj 
l'agriculture. Une banque de crédit agricole était foa- 1 
dèe , et le prix du sel réduit à 20 kopeks. Ces réfor- 
mes inattendues parurent si généreuses', que le Sénat 
envoya à l'empereur une députation chargée de solli- 
citer la permission de lui élever une statue d'or. 
Pierre III refusa ce témoignage de servile adulation. 
Mais la reconnaissance de la nation pour ces bienfaits 

(1) Ce sont là des faits en contradiction complète avec les 
assertions des écrivains qui prétendent que Catherine ne fit 
que prévenir son mari , lequel avait résolu de se débarrasser 
d'elle. Le Mémoire auquel nous puisons, et qui est loin d'être 
favorable à Pierre , ne dit pas un mot d'un tel projet. 



fat moins durable que la dangereuse irritation provo- 
quée par quelques fausses mesures et par des plans 
mal conçus. L'empereur méditait la confiscation et la 
vente des biens appartenant aux couvents. 11 voulait 
supprimer les jours déjeune, et dépouiller les églises 
de leurs innombrables images de saints; mais il est 
inexact de dire qu'il ail aussi voulu s'en prendre à la 
barbe des prêtres russes (1). L'archevêque de Nowgo- 
rod , Sertchin , qui essaya de faire des remontrances, 
reçut l'ordre de ne plus paraître devant les veux de 
l'empereur ; ordre révoqué cependant huit jours après, 
i cause de la vénération profonde dont cet homme 
Était l'objet de la part du peuple. Une autre circon- 
stance fâcheuse, c'est que les couvents, comme pour 
w dédommager des périls qui les menaçaient, élevè- 
rent le prix de fermage des terres qu'ils louaient aux 
paysans . Il en résulta des troubles , et l'empereur , 
sur qui on en fit retomber la responsabilité , s'aliéna 
ainsi l'esprit des classes inférieures. Des mesures ef- 
ficaces, mais sévères, furent d'ailleurs prises pour as- 
surer le service de la police intérieure. Une faute 
grave, ce fut la suppression ou du moins l'ajourne- 
ment de la cérémonie du couronnement. 

Les principaux amis et conseillers de l'empereur 
étaient les princes Georges et Pierre-Auguste de Hols- 
tein (2), le comte de Munnich, le comte Michel Wo- 

(1) Consultez : Anecdotes Russes, ou Lettres d'un officier 
allemand à un gentilhomme livonien, contenant les principaux 
événements de la vie de Pierre 111 , empereur de Russie, avec 
des détails sur la fin malheureuse de ce monarque (en alle- 
mand, Wandsbeck, 1763). Suivant l'auteur, ce bruit-là n'au- 
rait été qu'une mystification. 
, [ï) Georges-Louis de Holstein-Gottorp, né le 16 mars 1719, 

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— IfiJ — 

ronzof, le feld-maréchal-général prince Troubetzkoï, 
M. de Bredahl qui venait d'être rappelé, le conseiller 
d'État Wolkof, le lieutenant général de Korf, créé 
directeur général de la police à Saint-Pétersbourg, le 
procureur général Glebof, les adjudants généraux 
Goudowitch et prince Iwan Galizin. Le conseil de ca- 
binet fut remplacé par une commission où entrèrent 
successivement les princes deHolstein,"Munnich, Mi- 
chel Woronzof, le prince Troubetzkoï, Wolkonski, 
le grand maître de l'artillerie Villebois, le lieutenant 
général Melgounof et Wolkof. La plupart de ces per- 
sonnages étaient des hommes sensés et honnêtes , et 
de pareils choix ne peuvent, au total, que faire hon- 
neur à l'empereur ; mais ètaient-ce bien là les hom- 
mes capables de servir le mieux ses intérêts dans la 
Russie de lT62?Un autre Bestuchef, par exemple, 
ne lui aurait-il pas pu rendre des services bien plus 
efficaces? Etaient-ils en position de complètement 
identifier leur sort au sien? Et, d'ailleurs, ne lui ar- 
riva-t-il pas souvent de ne point suivre leurs avis sur 
les questions les plus graves? 

Les réformes militaires et la politique étrangère 
de Pierre III sont ce qui lui nuisit le plus , après ses 
dangereuses attaques contre le clergé. Ces réformes 
comprenaient l'organisation de l'armée et les unifor- 
mes. Il congédia la compagnie des gardes , qui avait 
été investie de très grands privilèges, cette même 



mort le 7 août 1763. C'est de lui que descendent les grands- 
ducs d'Ulderabourg actuels. 

Pierre -Auguste -Frédéric de Holstein-Beck, né le 7 décem- 
bre 1697, mort en mars 1773 feld-maréchal-général russe et 
gouverneur de l'Esthonie. 



. r Coo^le 



compagnie des gardes-Préobratzschenskoî (1), que 
Lestocq , Schwartz (2) et Grûnstein avaient achetée 
pour Elisabeth, et à l'aide de laquelle ils l'avaient pla- 
cée sur le trône. Pierre III transforma un régiment de 
cuirassiers holsteinois en gardes du corps à cheval : 
acte impolitique, assurément, si jamais il en fut. L'u- 
niforme de la garde fut abandonné pour les petites 
redingotes à la prussienne garnies de ganses en or: 
changement qui fit murmurer le soldat. L'empereur 
conçut même le projet de supprimer tout à fait la garde 
pour l'incorporer dans divers régiments de la ligne , 
en même temps qu'il chargeait le général Bauer d'ap- 
prendre aux troupes à faire l'exercice à la prussienne. 
Les régiments reçurent des uniformes différents (3) , 
et furent désignés d'après les noms de leurs chefs. 
Vingt-quatre généraux furent congédiés ; et la peine 
du knout, abolie pour les militaires , fut remplacée 
par la bastonnade et les coups de plat de sabre. Di- 
verses distinctions propres à exciter la jalousie des 



(1) Ce corps célèbre tire sa dénomination de ce qu'il pro- 
vient d'une compagnie que dans son enfance Pierre 1 er forma 
avec des fauconniers et des palefreniers de l'oisellerie etde la 
fauconnerie de Préobratzschensk. 

Une autre compagnie du même genre était casernée dans le 
village de Ssomenowsk ; d'où te nom de régimenl des gardes- 
Sflenenof. 

(î) Ce Schwartz était originaire de la Saxe. Entré d'abord 
au service de la princesse Elisabeth , en qualité de musicien , 
il avait ensuite accompagné une caravane en Chine , puis avait 
étéattaché au département graphique de l'Académie avec une 
petite pension. 

(3) Il est faux d'ailleurs qu'il ait introduit des uniformes à 
la prussienne dans toute l'armée , et substitué au vert, qui 
est la couleur des uniformes russes, le bleu des Prussiens. 



,k 



autres corps de l'armée furent accordées aux troupes 
holsteinoises, et on construisit à leur usage une église 
luthérienne à Oranienbaum. Pierre s'occupa aussi 
très activement de relever la marine ; et on ne sau- 
rait nier qu'effectivement dans tout cela il fit beau- 
coup en peu de temps, beaucoup trop même pour si 
peu de temps. Il parait, au reste, que vers la fin, à 
partir surtout du moment où il vint s'établir au palais 
d'hiver, son ardeur pour les affaires d'État avait beau- 
coup diminué. Cependant, de tous les changements 
qu'il opéra, celui qui blessa le plus l'opinion, c'estte 
changement intervenu aussitôt dans la direction de la 
politique étrangère: La Russie était alors en guerre 
avec la Prusse ; mais, comme le nouvel empereur 
comptait au nombre des plus fervents admirateurs 
de Frédéric II, le soir même de la mort de l'impéra- 
trice Elisabeth il fit partir son adjudant général 
Goudo wi tsch avec une lettre autographe pour le roi de 
Prusse. Bientôt après, non-seulement il concluait la 
paix avec la Prusse, mais encore il s'alliait avec elfe; 
et son armée abandonnait les troupes dont elle venait 
de partager les dangers, pour se placer dans les rangs 
de ceux qu'elle avait jusqu'alors traités en ennemis. 
L'empereur accepta le don d'un régiment que lui fit le 
roi de Prusse, et dès lors porta presque constamment 
l'uniforme prussien. Dans ses appartements on aperce- 
vait partout des portraits de Frédéric II ; et, malgré 
la pénurie du trésor, il songea en outre à venir en aide 
à son héros avec de l'argent. En agissant ainsi, l'em- 
pereur se fit naturellement des ennemis de tous les 
adversaires de la Prusse, dont les agents étaient pour 
la plupart plus influents en Russie et en connais- 
saient mieux le terrain que les agents de la Prusse, 



— 167 — 
puissance dont la diplomatie n'a jamais été le coté fort. 
surtout à l'époque de Frédéric II (i). Par ses sarcas- 
mes Pierre aggravait encore les choses ; aussi les en- 
voyés d'Autriche et de France , le comte de Mercy et 
te baron de Breteuil, ne se génaient-ils guère pour lui 
rendre la pareille. Toutefois , c'est encore à l'égard 
de la Saxe et du comte de Bruhl que l'empereur s'ex- 
primait avec le moins de retenue ; et il repoussa pé- 
remptoirement les diverses propositions quele chargé 
d'affaires saxon, le conseiller de légation Prasse , eut 
ordre de lui faire, comme, par exemple, de réunir un 
congrès à Leipzig pour y poser les bases de la paix, 
d'y comprendre la Saxe, etc. 

Ce qni préoccupait avant tout Pierre, c'était de ven- 
ger lui et sa maison du Danemark. Or, c'était là, de sa 
part, une guerre d'autant plus déraisonnable, que son 
nouvel allié, le roi de Prusse, ne pouvait ni nevoulait 
faire cause commune avec lui. 11 n'en décida pas moins 
la formation d'un corps expéditionnaire de quarante- 
mille hommes , dont il voulait prendre le commande- 
ment en personne. 

Pierre III avait encore conçu un autre projet bien 
plus grandiose, un remaniement général de l'Allema- 
gne; plan qui, à coté de quelques bonnes idées, en 
contenait une foule d'impraticables, qu'il chargea le 
conseiller d'État Wolkof d'élaborer d'après ses indi- 
cations, et auquel Frédéric II donna son approbation, 
peut-être parce qu'il savait parfaitement qu'il n'en 
pouvait jamais riensortir. D'après ce plan, Pierre s'ad- 

(1) Il faut reconnaître toutefois que le baron de Golz conve- 
nait parfaitement aux fonctions qu'il fut chargé de remplir à 
Saint-Pétersbourg , près de l'empereur. 

. r Coo^le 



— 168 — 
jugeait la totalité du Schleswig, et, à la mort de l'Elec- 
teur Maximi lien-Joseph (arrivée seulement quinze an- 
nées après) , la Bavière, afin de faire de la sorte con- 
trepoids aux puissances catholiques en Allemagne. 
La Prusse devait avoir pour sa part la Pologne pros- 
sienne, mais renoncer à la possession de Glatz et de 
Crossen en Silésie, et môme, si le duc de Mecklem- 
bourg-Schwerin venait à mourir sans postérité (l),à 
toute la Silésie en échange du Mecklembourg. Dans 
ce cas , la Silésie eût fait retour à l'Autriche. La 
Pologne devait être séparée de la Saxe, à laquelle on 
donnerait les enclaves prussiennes situées dans la 
basse Lusace, ainsi que Crossen et Mansfeld, avec 
une voix de plus à la diète de l'Empire. En outre, on 
donnait au prince Clément de Saxe l'expectative du 
premier éleclorat ecclésiastique qui viendrait à va- 
quer (2) . Le prince Henri de Prusse (3) devait devenir 
roi de Pologne, en même temps qu'un lambeau de la 
Pologne était adjugé à la Prusse, et un lambeau de la 
Lithuanie au duché de Courlande. Si le prince Henri 
venait à mourir sans laisser d'héritiers, ainsi qu'on 
pouvait s'y attendre, toute la Pologne était destinée : 
à grossir les Etats du roi de Prusse. La Courlande 
devait être érigée en grand-duché en faveur du prince 
Georges-Louis de Holstein , et le Danemark indem- 
nisé de la perte du Schleswig par la Frise-Orientale. 

(1) Leduc Frédéric (né en 171 7) mourut effectivement sans 
enfants, mais seulement le 24 avril 1788, époque où son ne- 
veu, devenu plus tard le grand-duc Frédéric-François, lui 
succéda. 

(2) Il devint en effet Électeur de Trêves en 1768. 

(3) Une circonstance bien remarquable , c'est la part im- 
portante que ce prince prit ensuite au partage de la Pologne. 



— 169 — 
Osnabruck était sécularisé et réuni an Hanovre avec 
Brème et Verden. On constituait un duché d'Hildes- 
heim en faveur du prince Ferdinand de Brunswick , 
et on se réservait de trouver sur les bords du Rhin des 
dédommagements à offrir aux princes de Mecklem- 
bourg. 

Quand même la révolution de 1762 ne serait pas 
arrivée, ce remaniement de la carte de l'Allemagne 
n'aurait jamais pu être opéré en entier. Cependant , 
plus d'une démarche aurait vraisemblablement été 
tentée pour en réaliser quelques détails, si cette révo- 
lution n'était pas venue mettre fin aux projets et aux 
entreprises de Pierre III. C'est le récit de cette révo- 
lution que nous allons maintenant placer sous les yeux 
des lecteurs, récit emprunté au Mémoire inédit dont 
nous avons déjà parlé, et que nous nous contentons 
d'accompagner de remarques dont le fond nous est 
fourni par des relations divergentes : remarques desti- 
nées quelquefois à rectifier des idées que l'auteur avait 
visiblement puisées dans ses entretiens avec le comte 
Panîn. 



Le mécontentement contre Pierre III était univer- 
sel. On regrettait déjà l'impératrice Elisabeth avant 
qu'elle fût morte ; on la regretta encore bien davan- 
tage après sa mort. 

La nature avait doué cette princesse de beaucoup 
d'esprit , mais cet esprit avait été si peu cultivé, que 
même parmi les femmes elle passait pour ignorante. 



— 170 — 
Elle avait beaucoup de sentiment religieux , de loyau- 
té et d'humanité. Elle eût voulu du bien à tout le 
monde, et elle fit autant de bien que le lui permettait 
son indolence native , jointe à la faible part que ses 
favoris la laissaient prendre aux affaires ; par consé- 
quent on l'aimait. 11 ne faut donc pas s'étonner que 
le public, voyant dans le nouvean souverain un 
homme sans mœurs (1) , inhumain (2) , non pas pré- 
cisément que ce sentiment fût inné chez lui , mais 
parce qu'il s'imaginait qu'un soldat doit être dur, qui 
d'ailleurs était un poltron, une tête à l'envers, un men- 
teur, un dissipateur; il ne faut pas s'étonner, disons- 
nous, que le public ait regretté la mort d'une prin- 
cesse aussi bonne qu'Elisabeth , et l'avènement d'un 
prince aussi peu fait que Pierre III pour régner (3). 
Le mécontentement public croissait de jour en 
jour. Pierre III maltraitait en fait et en paroles les 
gens qui le méritaient le moins. Il disait tout haut 
que tels et tels (tous individus autrefois attachés au 
cabinet d'Elisabeth) lui avaient aidé à tenir le roi de 

(1) Il est passablement bizarre de vouloir sous ce rapport 
opposer l'impératrice Elisabeth à Pierre III. Et puis, l'auteur 
oublie donc les festins de Pierre 1" ! 

(2) Il se peut qu'il ait effectivement eu quelque chose de 
rude dans les formes , et précisément par le motif qu'on allè- 
gue ici ; mais il n'était pas inhumain. Ce qui le prouve bien , 
ce sont ses lois, sa conduite vis-à-vis ses anciens adversaires, 
et la sympathie qu'il témoigna pour l'infortuné Iwan et sa 
famille. On pourrait citer de lui un grand nombre de traits 
qui prouvent bien qu'il n'était pas incapable de tout mouve- 
ment de sensibilité. 

(3) Les Anecdoctes Russes , précédemment citées , nous dé- 
peignent tout autrement la première impression produite sur 
les masses par le changement de règne. 



Prusse au courant des événements les plus secrets , 
tandis que les individus en question , loin d'avoir 
jamais eu 1 moindre pensée de se rendre coupables 
d'une telle trahison (1), s'étaient au contraire tou- 
jours montrés les partisans décidés du système oppo- 
sé au sien. Il s'attaqua d'abord au comte Panin (2), 
alors gouverneur du grand -duc qui lut r plus tard 
l'empereur Paul (3) , et voici de quelle façon. Vingt- 
quatre heures avant la mort de l'impératrice Elisa- 
beth , dont l'agonie avait commencé et qui avait déjà 
perdu toute connaissance, Pierre se rencontra au 
chevet de l'auguste moribonde avec son premier 
médecin et avec le comte Panin , qui s'était réservé 
l'accès des appartements intérieurs. Pierre dit au mé- 
decin : « Quand cette bonne princesse aura fermé les 
yeux , vous verrez comment je vous arrangerai les 
Danois de la belle façon! M. de Saint-Germain (4) 
aura trouvé son homme. Il me fera la guerre à la fran- 
çaise , et moi je la lui ferai a la prussienne , etc. » 
Puis, s'adressant au comte Panin : « Qu'en penses- 
tu? » ajouta til. « Monseigneur, répondit celui-ci, je 
n'ai pas entendu ce dont il était question. J'étais tout 
entier aux douloureuses réflexions que m'inspire le 

(1) Il est vraisemblable qu'ils nièrent plus tard le fait , et on 
ne voit guère pourquoi Pierre aurait menti si inutilement. En 
tout cas , c'était là de sa part un propos bien étourdi. 

(S) Voir à la fin de cet article la note relative à ce person- 
nage. 

(3) Pierre disait de lui : n C'est un garçon dont on pourra 
faire quelque chose. 11 faudra d'abord le laisser entre les mêmes 
mains; mais je prendrai ensuite d'autres arrangements pour 
son avenir. Au lieu de l'éducation efféminée qu'il a reçue 
jusqu'à ce jour, on lui en donnera une toute militaire. » 

(4) Alors ministre de la guerre en Danemark, 



— 172 - 
triste étatdel'impératrice. » — «Ah! ah! Attends un 
peu, reprit Pierre en montrant l'impératrice, et je 
ne tarderai pas à l'ouvrir les oreilles , afin que tu 
puisses mieux entendre ! > 

Pierre fatiguait et même martyrisait les soldats. 
Chaque jour d'exercice, on en voyait qui tombaient 
épuisés de fatigue ; et alors Pierre se bornait à dire 
froidement : « Qu'on m'enlève tout de suite ces gens- 
là , et qu'on me les remplace par d'autres ! » 

Ses favoris étaient ou des imbéciles ou des traî- 
tres (1). 11 se livrait avec eux aux plus crapuleuses 
orgies. Sa maîtresse, mademoiselle deWoronzof, était 
laide, bête, ennuyeuse et désagréable (2). Pierre 
croyait qu'il était de bon ton d'avoir une maîtresse. 
Il ne parlait jamais qu'allemand , et exigeait que tout 
le monde comprit cette langue. Il ne lui arrivait que 
très rarement d'employer la langue russe , et il la 
parlait mal (3). Il voulait tout changer, tout refondre. 

(1) La liste que nous en avons donnée plus haut do justifie 
pas cette appréciation. 

(2) Aussitôt après l'avènement de Pierre , elle reçut le litre 
de demoiselle d'honneur do l'impératrice. Elle demeurait au 
palais impérial , et pour que cela pût se faire décemment , 
Pierre n'eut pas de cesse que l'impératrice vint aussi l'habi- 
ter, (.'impératrice y consentit, quoiqu'elle fût souffrante etque 
cela l'éloignâl d'Orlof. Du reste , l'impératrice et les gens de 
son parti n'appelaient la demoiselle d'honneur que la grosse 
comtesse. Son influence sur Pierre était très grande; cepen- 
dant, elle n'en usa pas pour s'enrichir. Tout ce qu'elle en tira 
se borna à un petit domaine , à quelques diamans et à L'hô- 
tel Schépélof , situé près du Palais -d'Hiver, et dont elle ne 
jouit d'ailleurs pas longtemps. On assure que c'était un être 
inoffensif et sans prétentions. 

(3) Il se borna a substituer l'allemand au français. Un ordre 
portant qu'à l'avenir toutes les requêtes devraient être rédi- 



Quelque petit que soit le Holstein en comparaison 
de l'immense empire de Russie, il le trouvait bien 
plus grand , bien plus riche , bien plus digne de ses 
affections. Tous ceux qni n'étaient pas aussi abrutis 
que Pierre s'éloignaient de lui. Personne n'était sa- 
tisfait de ce prince; et il ne fat pas plus tdt devenu 
souverain , que chacun désira en avoir un autre. Le 
mécontentement avait surtout gagné les soldats. Les 
gardes s'exprimaient hautement contre lui. Quelques 
semaines avant la révolution , le comte Panin s'était 
tn obligé de leur parler et de leur promettre un pro- 
chain changement, afin que leur mécontentement ne 
se traduisit pas dès lors en révolte ouverte. 

Que Pierre ait eu ou non connaissance de cette 
disposition des esprits , il n'en persista pas moins à 
suivre les mômes errements. C'est ce qni , quatre se- 
maines avant la révolution, fit concevoir à M. de 
Panin la pensée de transférer la couronne sur une 
autre tête, sans effusion de sang et sans que beau- 
coup de personnes dussent en souffrir. 

En réfléchissant bien, M. de Panin comprit la né- 
cessité de déterminer deux autres personnes à con- 
courir à l'exécution de son plan , l'hetman comte Ra- 
soumofsky (I) et le général prince Wolkonsky. Le 
premier était constamment près de Pierre, chef d'un 
des régiments de la garde, et homme de résolution. 
L'autre* jouissait d'une grande considération dans 
l'année. 

M. de Panin voulait faire le coup, quand l'empe- 

gées en russe ou en allemand, mécontenta beaucoup... les 
Français. 

(1) Cyrille , comte Kasoumofsky, frère du favori de l'impé- 
ratrice Elisabeth. 

, "rcoosk 



— 174 — 
reur viendrait en ville assister au départ*des gardes 
pour l'armée. Ce départ avait été fixé à la fin de juil- 
let. Il fallait donc initier l'hetman an complot asseià 
temps pour qu'il pût fortifier Pierre dans la pensée 
de venir à Saint-Pétersbourg assister au départ des 
gardes. Panin redoutait en effet que Pierre, saisi 
d'un de ses accès habituels de lâcheté, se dispensa 
d'être présent à cette cérémonie (i). 

Donc , deux jours avant la révolution , le mercredi 
(7 juillet) , il fit des ouvertures à Rasonmofski et à 
Wolkonsky (2). Tous deux acceptèrent sa proposi- 

(1) D'après d'antres témoignages, quoique le courage phy- 
sique ne fût pas précisément son côté fort, Pierre, en pré- 
sence du danger qui le menaçait, aurait fait preuve de trop 
peu de crainte. Frédéric II lui fit très inutilement passer l'avis 
de prendre des précautions. Pierre lui répondit qu'il élail 
fermement convaincu de n'avoir rien à craindre. Les soldais 
l'appelaient leur père. Il se promenait tout seul dans les rues 
de Saint-Pétersbourg ; il ne faisait que du bien, et dès lors se 
confiait à. la protection de Dieu. 

Le colonel do Budberg ayant été sondé par l'un des conjurés, 
en instruisit l'empereur, qui ne fit que rire de sa crédulité et 
qui t'assura qu'il n'y avait pas de conspiration. Ce fut seule- 
ment tout à la fin, quand les indices s'accumulèrent, que 
l'empereur se décida à charger son aide de camp Persiliof de 
surveiller les Qrlofs. Mais la mission de Persiliof fut devinée: 
grâce au goût de cet officier pour le jeu et la bombance , on 
réussit à lui inspirer une complète sécurité , qu'il fit partager 
à l'empereur. 

(2) Voici quelles furent les premières personnes affiliées au 
complot : l'impératrice, la princesse Daschkof, Panin, les 
quatre frères Orlof (Grégoire, Iwan, Alexandre et Fedor), le 
Piémootaia Odart (secrétaire intime de l'impératrice , qui pa- 
rait avoir agi en vue surtout de l'argent qu'il y avait à ga- 
gner, et qui plug tard se retira à Nice, où il mourut vers 1772 
ou 1773, frappé, dit-on, d'un coup de foudre), un fonction- 

Google 



— 175 — 
tion , et l'exécution du complot fut fixée au départ 
des gardes. Quatre capitaines des gardes étaient déjà 
dans le secret, ainsi que les quatre compagnies pla- 
cées sous leurs ordres. C'étaient les mêmes soldats 
qui un mois auparavant s'étaient déjà hautement pro- 
noncés contre l'empereur. Un de ces capitaines (1) , 
Passek, fut arrêté par ordre de Pierre le soir du 
jeudi, par conséquent le lendemain même des ouver- 
tures faites parPaninà Rasoumofsky et à Wolkonsky. 
Grégoire Orloï (2), officier dans le régiment des 

naire inférieur de la cour appela Teplof, Iwan Schouvalof (le 
dernier favori d'Elisabeth, et que Pierre avait toujours très 
bien traité) , le capitaine d'artillerie Bibikof , le capitaine Pas- 
sek , le procureur général Glebof (un des traîtres de l'entou- 
rage de Pierre), le colonel Alsouflef, commandantdu régiment 
du prince de Holstein, de Rehbinder (celui qui avait soudé 
Budberg), etc. L'ambassadeur de France fournit de l'argent aux 
conjurés, mais partit pour Varsovie dès le 23 juin. Les conju- 
rés se réunissaient d'ordinaire la nuit sur le pont Vert. 

(4) 11 avait maintes fois offert d'assassiner l'empereur. Le 
7 juillet , dans un moment d'ivresse , il lui était échappé quel- 
ques mots au sujet de la conspiration, et il avait été dénoncé 
par un soldat auquel il avait infligé une punition. On reçut en 
même temps d'un capitaine des gardes appelé Ismailof des 
avis corroborant ces indices. En conséquence, l'empereur or- 
donna l'arrestation de Passek, mais remit l'instruction de 
l'affaire après la fête de saint Pierre et saint Paul. Dans les 
dernières années du règne de Catherine, ce Passek reçut le 
cordon bleu de Saint-André. 

(2) Grégoire , prince Orlof , petit-fils d'un strélitz , fils d'un 
général, né en 1734, favori de Catherine après le départ de 
Poniatowski , fut nommé quartier-maître- général et comte en 
176Ï, puis créé en 1772 prince du saint-empire par l'empe- 
reur Joseph 11. Sans Panin et Tschèrnitschof, Catherine l'au- 
rait épousé. Elle l'exila en 1771, puis se raccommoda avec 
lui. Plus tard, elle lui donna pour remplaçant Potemkin. 11 
mourut fou, au mois d'avril 1783. 

. r Coo^le 



— 176 — 

gardes, en fit instruire immédiatement Panin, qui se 
trouvait a ce moment chez la princesse Daschkof (1) ; 
et dans la soirée il lui confirma lui-même le fait, ajou- . 
tant que Passek avait été arrêté par suite des mur- 
mures qu'avaient Tait entendre les soldats de sa com- 
pagnie. La consternation de l'assistance fut profonde. 
Le secret semblait trahi , ou bien près de l'être aussi- 
tôt qne Passek serait mis à la torture. Il fallait donc 
enlever l'affaire ou s'exposer aux plus grands pé- 
rils. 

M. de Panin avaitenvoyéàPeterhof, oùse trouvait 
alors l'impératrice , un carrosse de louage attelé de 
six chevaux, parce qne le départ de l'impératrice de 
cette résidence aurait été trop remarqué si elle s'était 
servie d'un équipage de la cour. Il fit (2) appeler l'of- 
ficier des gardes Alexandre Orlof (3), qui était aussi 
du complot, lui dit de prévenir les quatre capitaines 
de son régiment gagnés aux intérêts de Catherine 
d'avoir à se tenir prêts avec leur monde pour le len- 



(i) Catherine Romanofna, néo comtesse Woronzof, naquît 
en 174-*. Adis-huitanj, elle devint veuve de son mari, qu'elle 
avait épousé contre son vœu et avec qui , dit-on , elle ne co- 
habita jamais. Pleine d'esprit et d'ambition, c'était une femme- 
homme. Elle ne tarda pas d'ailleurs à se brouiller avec l'im- 
pératrice, et passa alors plusieurs années à voyager. En 
1782, elle avait été appelée à diriger l'Académie des sciences 
de Saint-Pétersbourg. Elle mourut à Moscou , en 1810. 

(2) Suivant d'autres versions, M. de Panin aurait encore 
voulu remettre tout au lendemain, tandis que la Daschkof, 
ayant insisté au contraire pour qu'on risquât le coup immé- 
diatement , serait parvenue à faire prévaloir son avis. 

(3) Alexandre Orlof, créé en 1768 grand amiral, remporta 
en 1770, sur les Turcs, la victoire navale de Tschesmé, et 
mourut à Moscou en 1809. 



. r Coo^|i 



L_ 



— in — 

demain matin, dans le cas où il y aurait du bruit. 
Après avoir pris ces précautions, il se rendit avec 
toute la diligence possible à Peterhof pour apprendre 
i l'impératrice ce qui venait d'arriver à Passek et lui 
dire de quitter aussitôt Peterhof dans le carrosse que 
lai avait envoyé madame Tschoudin, sa femme de 
chambre et sa confidente. Une fois arrivée à Saint- 
Pétersbourg, elle devait se rendre à la caserne de son 
régiment des gardes pour y recevoir le serment de fi- 
délité de ses soldats. De là, elle aurait à aller dans le 
Même but aux casernes des régiments d'Ismaïlof, de 
PréobratzchenskoïetSsemenof; puis, après s'être mise 
àla tête de ces divers corps, elle devait marcher droit 
snr le palais, en faisant toutefois balte devant le pa- 
lais de Kasan pour y attendre le grand-duc, que M. de 
Panin se chargeait d'y amener aussitôt qu'il aurait 
appris qu'elle était à Saint-Pétersbourg et qu'elle avait 
été reconnue par les gardes. 

En même temps , il faisait prévenir Rasoumofsky 
et Wolkonsky de ce qui se passait , et il quitta enfin 
l'hôtel de la princesse Daschkof pour aller retrouver 
le grand-duc au Palais-d 'Hiver. 11 se coucha même 
suivant son usage dans son lit, placé à côté de celui 
du jeune prince, afin de ne pointéveiller les soupçons 
de la domesticité , car il avait toujours dans son en- 
tourage un officier d'ordonnance de l'empereur chargé 
évidemment de le surveiller (1). Mais en se couchant 
il donna à son valet de chambre l'ordre de le réveil- 

(1) 1] est permis de supposer que celte surveillance ne 
B'exeroapas tout à fait au détriment de M. de Panin, quand 
on voit que ce même officier obtint ensuite un emploi dans la 
maison du grand-duc. 

. r Coo^le 



— 178 — 

1er dès que quelqu'un viendrait le demander. Il avait 
calculé qu'Alexandre Orlof serait à Peterhof à quatre 
heures du matin , et que l'impératrice arriverait s 
Saint-Pétersbourg un peu après cinq heures. 

Tous les moments étaient précieux, et tous avaient 
été supputés avec soin. M. de Panin s'était bien mis 
au lit comme si de rien n'eût été, mais il était en proie . 
à la plus vive inquiétude. Chaque instant qui s'écou- 
lait pouvait décider si les conspirateurs atteindraient 
leur but ou tomberaient dans l'abîme. Cinq heures, 
sonnèrent, et il se trouvait encore sans la moindre 
nouvelle. À six heures, il était toujours dans la même 
ignorance. Alexandre Orlof avait perdu courage. Ai 
lieu de partir sur-le-champ pour Peterhof, il était en*, 
core allé trouver la princesse Daschkof à quatre heures^ 
du matin, pour lui demander si on n'avait pas change, 
de résolution, si l'affaire tenait toujours ; et il ne repar-. 
tit que lorsque cette dame lui eut dit de se mettre, 
immédiatement en route pour aller prévenir l'impé- 
ratrice. 

Arrivée en ville à six heures du matin (1} , Cathe- 
rine suivit ponctuellement le programme qui lui avait 
été tracé par M. de Panin. Elle reçut le serment de 
fidélité des gardes, (2), et se trouva à huit heures' 
du matin devant l'église de Kasan, suivie de qna- j 

(1) Elle avait auprès d'elle, dans sa voiture , sa femme (ta 
chambre Iwanoftia Tscherekofski. Derrière se tenait le valet 
de pied Schkourin, créé plus tard conseiller intime. Orlof fai- 
sait fonctions de cocher, et Bibikof suivait à cheval. 

(8) Elle s'était déjà occupée de les gagner à ses intérêts, et 
les harangua à ce moment. Les popes des régiments entrèrent 
avec empressement dans le complot. 

. r Coo^le 



— 179 — 

ie régiments complètement armés , mais à moitié 
iabillés seulement (1). M. de Panin y amena le 
rrand- duc dans un carrosse qu'on rencontra dans 
a rue, et l'impératrice se rendit alors au Palais-Neuf, 
"est là qu'on rédigea le premier manifeste. Les qua- 
tre régiments se massèrent autour de ce palais, et on 
leur fit alors prêter serment avec toutes les formalités 
l'usage. L'impératrice convoqua ensuite le saint Sy- 
node et le Sénat au Palais de Bois (2), où elle se ren- 
dit avec le grand-duc, et dans la chapelle duquel 
die reçut l'hommage du Sénat, du saint Synode et 
de tous les seigneurs présents. 

Cette cérémonie une fois accomplie, on s'occupa de 
pendre les autres dispositions nécessaires. On plaça 
le forts détachements en position sur les différentes 
routes conduisant à Saint-Pétersbourg. Le gouver- 
neur de Narwa fut instruit de ce qui se passait, et ga- 
gné. On renforça la garnison de cette ville avec l'un 
des quatre régiments qui se trouvaient alors dans le 
voisinage de la capitale, parce qu'ils étaient en route 
pour rejoindre l'armée. On fit aussi prêter serment à 
ces régiments. On convoqua au Palais de Bois tous 
les seigneurs qui se trouvaient alors en ville. On re- 
çut leurs serments, et on les créa sénateurs (3). D'ail- 
leurs, on continua à les retenir dans ce palais sous 

(1) Les soldats, dans leur exaltation , avaient mis en pièces 
les objets de leur fourniment où se trouvait le chiffre im- 
périal. 

(2) Petit et vieil édifice situé sur l'emplacement où a été 
construit depuis le Palais-d' Hiver, mais qui avait l'avantage 
de pouvoir être surveillé des quatre côtés a la fois. 

(3) De là , le si grand nombre de membres que compta alors 
le Sénat. 

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prétexte de leur faire signer les divers actes et ordon- 
nances qui allaient être rendus et publiés, et on leur 
donna pour président M. de Neplouyef. On conduisit 
le grand-duc près de la salle où le Sénat et les sei- 
gneurs étaient réunis. Mais il était déjà tard, lors- 
1 qu'on songea qu'il fallait s'assurer de Cronsladi, 
place que Pierre pouvait chosir,et choisit en effet, 
pour refuge. L'amiral Talyzin y fut envoyé dans l'a- 
près-midi, et eut mission de s'en rendre maître, son 
prétexte de venir inspecter les bâtiments de l'ami- 
rauté. 11 se fit précéder par un de ses aides de camp, 
qui, en débarquant, fut conduit auprès du général 
Diviers, envoyé à Cronstadt par Pierre 111 dans le 
même bat que Talyzin l'était par l'impératrice. Divien 
le fit entrer aussitôt et lui demanda pourquoi l'amiral 
allait venir, ce qui se passait à Saint-Pétersbourg, si 
une émeute venait d'éclater, etc. L'assurance avec la- 
quelle l'officier lui répondit, le trompa. Il crut qoe 
tout était tranquille dans la capitale, et que l'offi- 
cier qu'il avait devant lui , pas plus que l'amiral, 
ne savait rien de rien ; en attendant , cependant, 
il le fit arrêter. Quelques heures après, Talyzin arriYs 
dans une chaloupe. Il débarqua dans le port, où, con- 
formément aux usages, le commandant et les matelots 
ètaientréunis pour lui rendre les honneurs militaires. 
Il apprit tout de suite que son arrivée avait été pré- 
cédée par celle du général Diviers, deméme que lame- 
sure qui venait d'être prise à l'égard de son aide de 
camp, et, tandis qu'il causait de tout cela avec le com- 
mandant (appelé Nummers), il aperçut de loin Diviers 
qui venait à lui. Il avait à redouter qu'il ne lui en 
arrivât autant qu'à son aide de camp s'il ne prenait 
pas bien vite son parti. C'est aussi ce qu'il fit, et 



exhibant alors au commandant les ordres de l'impé- 
ratrice dont il était porteur, il lui enjoignit d'arrêter 
Diviers aussitôt qu'il se trouverait près d'eux. L'ar- 
restation eut lieu sans résistance de la part du géné- 
ral, la garnison reconnut Catherine; et lorsque enfin, 
vers deux heures du malin, Pierre parut devant Cron- 
stadl dans unechaloupe à rames, on lui signifia qu'on 
n'y connaissait pas d'autre souverain que l'impéra- 
trice, et que, si la chaloupe ne virait pas immédiate- 
ment de bord, on allait tirer dessus. 

Tandis que ceci se passait à Cronstadt, Pierre (! 
envoyait à Saint-Pétersbourg le chancelier comte 

1 de Woronzof, avec ordre d'exprimer à l'impératrice 
sa surprise au sujet de ce qui arrivait, et de la ra- 
mener au sentiment de ses devoirs envers elle-même 

■ et envers l'empereur. Woronzof s'acquitta de sa mis- 
sion en termes très dignes, et reçut une réponse 
négative. On ne voulut pas lui permettre de retourner 
à Peterhof, mais sur sa demande il lui fut du moins 

(i) Ce fut le conseiller d'État Bressan qui lui transmît le 
premier avis des événements dont Saint-Pétersbourg venait 
d'être le théâtre; la dépêche , consistant en quelques mots 
écrits en français , fut confiée à un domestique déguisé en 
paysan minois. Avant que ce billet lui fût remis, Pierre avait 
déjà conçu quelques soupçons en apprenant que l'impératrice 
avait disparu de Peterhof. Outre Woronzof, Troubetzkol et 
Schouvalof furent encore envoyés par l'empereur à Saint- 
Pétersbourg , mais ils n'en revinrent pas. Quant à Bressan 
l'aflaira n'eut pour lui d'autre suite que la perle d'une déco-I 
ration. Schouvalof reçut de Catherine l'ordre de s'éioigner de 
Saint-Pétersbourg, et elle lui fit cadeau du nègre qui servait 
de fou à Pierre III. Bressan , originaire de Monaco, était venu 
à Saint-Pétersbourg pour y travailler de son état de perru- 
quier. C'est Pierre III qui l'avait lancé dans la carrière de» 
honneurs et des emplois. 

«'• * , .«CooqIc 



permis d'écrire à Pierre pour lui rendre compte de 
ce qu'il avait fait. 11 montra sa lettre, qui était parfai- 
tement écrite, et qu'il terminaiten déclarant qu'après 
avoir ainsi rempli ses devoirs envers son souverain, 
il se conformait à la volonté du peuple en reconnais' 
sant celui qui maintenant occupait de fait le troue de 
Russie. 

Une fois cette lettre expédiée, Woronzof se rendit 
à la chapelle et y prêta serment à l'impératrice. Tout 
allait bien, mais il restait encore à s'assurer de la 
personne de Pierre. 11 était trop dangereux de le laisser 
libre. Ce prince avait encore à sa disposition mille 
moyens de s'échapper, et à sa place tout autre que 
lui n'eut pas manqué de s'en servir. 

Ces diverses dispositions absorbèrent l'impératrice 
pendant la journée du vendredi et la matinée du sa- 
medi. Enfin, dans l'après-midi du samedi, elle se mit 
à la tète de toutes les troupes par qui elle s'était fait 
acclamer, et dont les rangs se grossirent en route des 
divers régiments de ligne qui étaient en marche par 
ordre de l'empereur ; puis, elle quitta SaintPêters- ! 
bourg en se dirigeant sur Peterhof. M. de Panin dut 
l'accompagner. On laissa par conséquent le grand- 
duc sous la garde du Sénat, et plus spécialement sons 
cellede M. de Neplouyef, qui eut ordre de faire partir 
toutes les demi-heures pour Peterhof un courrier por- 
teur de dépêches relatives à l'état de la capitale. 
Tous les sénateurs étaient contraints de signer cette 
dépêche. C'était nn moyen de les tenir tous sous la 
main, et de les faire ainsi se compromettre de plus en 
plus dans les intérêts de Catherine. 

Sur la route de Saint-Pétersbourg à Peterhof, on 
rencontra à diverses reprises des hussards hoislei- 



uois(t), envoyés par Pierre en reconnaissance, car 
il avait été instruit de la marche de l'impératrice. 
On les fit prisonniers, de même que tons les indi- 
vidus qui avaient accompagné Pierre pendant son 
voyage de nuit à Cronstadt et qui ne se trouvaient 
plus avec lui (2). 

De ce nombre était le vice-chancelier prince Galit- 
îin, qui avait été envoyé avec une lettre où Pierre, 
alors à Oranienbaum, faisait sa soumission à l'impé- 
ratrice (3), et qui prêta aussitôt serment à Catherine 
en plein air. Arrivé à la moitié de la route, sur la- 

(1) Les officiers holsleinois alors à Saint-Pétersbourg 

avaient naturellement refusé le serment. Le prince Georges- 
Louis de Holstein avait voulu accourir auprès de l'empereur, 
mais il avait été mis en état d'arrestation. L'officier d'ordon- 
nance Rayer, le général de brigade de Tott, le colonel de Bud- 
berg, ainsi que les capitaines des gardes Scbépélof et Woy- 
ckof , se montrèrent fidèles à Pierre. Tous demeurèrent en état 
d'arrestation jusqu'au dénoûment de la crise. 

(2) 11 y avait eu une brillante soirée chez l'empereur, et les 
dames surtout y avaient été très nombreuses. Le 7 juillet, 
l'impératrice s'était de son coté rendue à Oranienbaum , ou 
elle avait été reçue avec tous les honneurs dus à son rang. 
Le 8 juillet , l'empereur et l'impératrice se virent pour la der- 
nière fois i une grande fête donnée à Gostilitx par le feld- 
maréchal-général comte Rasoumofsky. Pierre le fit arrêter 
pour lui servir d'otage. 

(3) Catherine portait l'uniforme des gardes à pied , celui 
même du comte Strogonof, la croix de Saint-André, et une 
branche de chêne à son chapeau. Ses cheveux flottaient sur 
ses épaules, retenus seulement par un nœud coulant. Elle 
montait un cheval gris-pommelé. Plus tard ,. elle se fit peindre 
sons ce costume. Wolkonsky et Villebois commandaient en 
second. Près d'elle venaient à cheval Rasoumofeky et Iwan 
Schouvalof. Elle avait avec elle quinze mille hommes et la 
Dascfakof. 

Google 



— m — 

quelle il avait fallu faire halte à diverses reprises, 
afin de donner à la troupe le temps de respirer, on 
courrier expédié par Pierre III apprit à Catherine 
qu'il se rendait à Cronstadt. On ne savait encore 
rien an sujet de l'entreprise de Talyzin, mais il était 
à craindre que, si Pierre avait trouvé les portes de 
Cronstadt fermées, il ne lui fût venu à l'idée de re- 
venir par eau dans la capitale, afin de s'y montrer an 
peuple. En conséquence, il fut résolu que M. de 
Panin, escorté par vingt-quatre gardes à cheval, se 
rendrait à Saint-Pétersbourg, en suivant autant que 
possible la rive gauche de la Néwa, pour observer 
toutes les embarcations qui viendraient à passer par 
là. Il en remarqua une non loin de la ville, mais qni 
serrait toujours la cote opposée. On héla cette embar- 
cation pour qu'elle eût à s'approcher de la rive 
gauche. Un homme ayant de loin l'apparence d'un 
officier se leva et répondit qu'il n'osait pas s'y aven- 
turer. Ceci augmenta les soupçons. Mais quand on 
put voir un peu mieux cet homme, on reconnut que 
c'était l'aide de camp de Talyzin, porteur de la nou- 
velle que Pierre avait effectivement essayé de se ré- 
fugier à Cronstadt, mais qu'on lui en avait refusé 
l'entrée, et que ie général Diviers était arrêté. 

M. de Panin n'en continua pas moins sa route vers 
Saint-Pétersbourg, où il trouva tout parfaitement 
tranquille. Pendant ce temps-là, Catherine était 
arrivée à Peterhof, et c'est de là qu'il avait été ré- 
pondu à la lettre que le vice chancelier Woronzof 
avait apportée de la part de Pierre III (1). Catherine 



(1) Dans cette lettre il offrait à l'impératrice de partager lo 
pouvoiravecclle.Munmch etGoudowitch l'en blâmèrent fort. 



— 185 — 
exigeait qu'il renonçât formellement à la couronne 
dans une déclaration entièrement écrite et signée de 
sa main, déclaration dont elle lui traçait les termes. 
Pierre se conforma à tout ce qu'on exigeait de lui, et 
fat alors amené en carrosse d'Oranienbaum à Peterhof 
avec sa maîtresse, mademoiselle de Woronzof, et 
deux autres personnes (1). 

H. de Panin y était déjà de retour avant l'arrivée 
de Pierre. La troupe était tellement irritée contre 
l'empereur et sa maîtresse, que M. de Panin dut lui- 
même choisir trois cents hommes pour en former un 
carré devant le pavillon où Pierre allait descendre. 
Cette précaution était nécessaire pour empêcher une 
soldatesque ivre' et harassée de se faire justice par 
elle-même (2). 



attendu que dans l'état actuel des choses une telle concession ne 
pouvait mener à rien. Ne recevant pas tout de suite une réponse, 
Pierre écrivit a (Catherine une troisième lettre, dans laquelle il 
se bornait à demander une pension et la liberté de se retirer 
en Holstein. 11 chargea de cette lettre Michel Ismallof, qu'on 
décida alors à engager son maître à se conformer aux désirs 
de Catherine. Pendant ce temps-là l'empereur faisait procéder 
au désarmement complet de son entourage , tandis que Mun- 
nich lui conseillait de mourir du moins en empereur, s'il ne 
savait pas vivre en empereur. Galitzin et Grégoire Orlof arri- 
vèrent à Oranienbaum avec Ismallof, qui , moitié à l'aide de 
promesses, moitié à l'aide de menaces, le détermina à signer 
l'acte de son abdication. 

(I) Goudowitcb et Ismallof. Potemkin se trouvait aussi 
parmi les gardes à cheval chargés d'accompagner le carrosse. 

(4) Suivant l'auteur de la Biographie de Pierre 111, cette 
mesure pourrait avoir on un tout autre motif. Il raconte que 
les Kosacks avaient eu pitié de l'empereur en le voyant ainsi 
prisonnier, et avaient plusieurs fois crié à haute voix : « Se 



— 186 — 

Pierre, qui avait déjà renoncé à la couronne, de- 
manda comme grâce unique qu'on lui laissât la com- 
tesse Woronzof . M. de Panin fut obligé de le voir à 
ce moment. Voici mot pour mot les termes dont il se 
servit pour me raconter cette entrevue : a Je compte 
« au nombre des malheurs de ma vie d'avoir été 
« obligé de le voir. Je le trouvai versant des larmes; 
« et tandis que Pierre me prenait la main pour la 
« baiser, sa maîtresse se jetait à mes pieds pour obte- 
« nir de moi la grâce de pouvoir rester auprès de lui. 
« Il ne me demanda pas non plus autre chose, pas 
« même à voir l'impératrice (i). » 

M. de Panin chercha à mettre fin aussitôt que pos- 
sible à cette scène pénible. Il promit à Pierre (2) une 
réponse de Catherine, mais la lui fit remettre par un 
autre. Cette réponse était négative. Pierre fut placé 
avec deux officiers dans un carrosse et conduit à 
Ropscha (3). 

laissera- t-il faire T » Puis, no recevant pas de réponse, ils 
auraient ajouté : « Laissez-le aller, il n'en vaut pas la peine ! i 
A sa descente de voiture, on lui arracha les insignes de l'ordre 
de Saint-André, et on lui ordonna de se déshabiller. Comme 
il ne se trouvait pas là, à ce moment, d'autres vêtements tout 
prêts , il dut attendre pendant quelque temps en chemise et 
pieds nus. On trouva dans ses poches quelques rouleaux d'or 
et plusieurs joyaux de prix. 

(1) D'après l'ouvrage précité, il aurait insisté auprès de 
Panin pour avoir un entretien avec l'impératrice; mais éÛB 
s'y serait refusée , et n'aurait consenti qu'à faire grâce à Gou- 
dowitch et à mademoiselle Woronzof. 

(2) Toujours suivant la même autorité , on lui aurait encore 
laissé espérer d'être renvoyé plus tard en Holstein. 

(3) Domaine impérial situé à peu de distance de Saint-Pé- 
tersbourg. 

. r Coo^le 



— t87 — 
Sa maîtresse fut mise dans une voiture fermée, où 
personne ne pouvait la voir, et conduite à Moscou. 
. Plus tard, elle se maria avec le brigadier Polianski. 



Ici s'arrête le Mémoire. 

Tandis que l'impératrice se mettait tranquillement 
en possession de la puissance souveraine, Pierre était 
réduit à la société de quelques sergentB et officiers 
choisis parmi les amis des Orlofs. Il demanda une 
Bible, un violon, quelques romans, son nègre (1) et 
son chien favori. Ces faveurs lui furent refusées, et 
on accompagna ce refus d'observations insultantes. 
Les Orlofs voulaient sa mort avant tout, d'abord pour 
leur sécurité personnelle, et ensuite parce que Gré- 
goire Orlof avait conçu le projet d'épouser l'impéra- 
trice. On chercha donc à prouver à Catherine que, 
tout bien considéré, il valait mieux qu'il mourût. Il 
aurait retrouvé en Holstein un corps d'armée russe, 
dont les dispositions étaient encore inconnues. Là 
les conseils du roi de Prusse lui seraient venus en 
aide. Il fallait aussi songer aux dispositions dans les- 
quelles se trouverait l'opinion publique, une fois que 
le premier mouvement de surprise serait passé. Ces 
considérations firent une vive impression sur Panin. 
Nous n'examinerons pas s'il est vrai, comme on l'a 
prétendu, qu'il ait été consulté sur le plan d'assas- 
sinat, et qu'il Tait approuvé (8). 

(i) Celui dont il fut bit plus tard cadeau & Schouvalof. - 

(ï) L'auteur de la Biographie de Pierre 111 {K. de Saldem), 



Pierre tomba malade, et Catherine lai envoya aus- 
sitôt no habile médecin allemand du nom de Luders. 
Il se peut que l'envoi de ce médecin ait eu un motif 
avouable, car ce fut un autre qui fournit le vin de 
Bourgogne empoisonné qu'emporta avec lui Alexan- 
dre Orlof lorsqu'il se rendit le 17 juillet à Ropscba. 
Il était accompagné de Grégoire Orlof, du plus jeune 
des princes Borjatinsky, de Teplof, du comédien 
Wolkof et d'un courrier de cabinet. A Ropscha, on 
mit encore dans la confidence l'aîné des Borjatinski, 
le sergent Engelhardt et deux soldats aux gardes. 
Teplof et Alexandre Orlof allèrent trouver Pierre, 
qui , à moitié déshabillé , était assis près d'une table 
sur laquelle il dessinait un plan de forteresse. Ils lai 
annoncèrent qu'on allait bientôt le remettre en li- 
berté, et lui demandèrent la permission de dîner 
avec lui en compagnie des autres Orlofs et du jeune 
Borjatinski. Il y consentit avec plaisir, et ce fut lui- 
même qui demanda à boire du vin de Bourgogne. H 
n'en eut pas plus tôt avalé un verre, qu'il s'aperçut 
qu'on venait de l'empoisonner, et il se répandit alors 
en plaintes amères. Il demanda du lait, qu'on lui 
donna effectivement , et qui provoqua aussitôt de co- 
pieux vomissements. Les meurtriers s'éloignèrent 
pendant quelques instants pour tenir conseil ; puis ils 
rentrèrent tous ensemble , et Alexandre Orlof saisit 
brusquement Pierre par le cou. Mais celui-ci se leva 
bien vite, et en se débattant lui égratigna le visage, 

en qui on ne saurait avoir une confiance absolue , affirme que 
Paniu se prononça hautement et constamment contre ce pro- 
jet. Hais c'est là ce que nous ne saurions garantir, en pré- 
sence du Mémoire qu'on vient de lire et des témoignages rap- 
portés par d'autres écrivains. 



« Qu'est-ce que je t'ai fait î » lui dit-il. Orlof le lâcha 
et se mit à se promener dans la chambre de l'air d'un 
homme qui ne sait plus où il en est. Entin les meur- 
triers se ruèrent tous à la fois sur Pierre III et l'en- 
traînèrent vers le lit pour l'étouffer sous des oreillers. 
Mais il avait la vie dure. On le jeta donc ensuite sur 
un fauteuil, puis par terre. Il poussait, dit-on, des 
cris affreux. Alors Borjatinski, faisant un nœud cou- 
lant avec une serviette, le lui passa autour du cou. 
Les assassins , qui l'avaient sous eux et qui lui te- 
naient les pieds et les mains , se mirent à genoux sur 
son corps et sur sa poitrine. Après quoi, Engel- 
hardl(l) tira le nœud coulant! Teplof (2), Borja- 
tinski jeune et Grégoire Orlof se bornèrent, dit-on , 
à demeurer simples spectateurs de cette horrible 
scène. On fit alors entrer le médecin Luders, qui 
était déjà accouru en entendant les cris que poussait 
Pierre, mais qui avait élé repoussé par les soldats (3); 
et on lui dit que l'empereur, qu'il voyait là gisant ina- 
nimé, venait de succombera une attaque d'apoplexie. 
Alexandre Orlof partit aussitôt à cheval pour Saint- 

(1) 11 mourut général et gouverneur de Viborg. 

(î) 11 rédigea le manifeste , et mourut secrétaire intime et 
sénateur. Borjatinski jeune fut nommé plus tard ambassadeur, 
et son frère aîné grand maréchal de la cour. Les bruits qui 
circulèrent aussitôt (voyez de Flassan , Histoire de la diplo- 
matie française , t. V, p. 338), désignèrent précisément Orlof 
et Teplof comme ceux qui s'étaient les premiers rués sur 
Pierre , et qui avaient ensuite appelé à leur aide Borjatinski , 
pois Potemkin. 11 est cependant permis de douter que Potem- 
kin ait directement pris part à l'assassinat. 

(3) Les deux soldats aux gardes obtinrent de l'argent et des 
épaulettes d'officiers ; mais comme on redoutait leurs indis- 
crétions , on ne tarda pas à les faire assassiner. <-,.., i . 
îu. H*?°S K 



— 190 — 
Pétersbourg, et demanda à parler à l'impératrice, 
chez Laquelle il y avait cercle. Elle tressaillit en l'a- 
percevant, et Orlof lui apprit alors en termes équi- 
voques que Pierre était mort naturellement. Elle se 
lamenta de ce qu'un pareil accident fût arrivé dans 
des circonstances qui pouvaient donner une si large 
prise aux soupçons, et Qt appeler Panin. Celui-ci fut 
d'avis qu'il fallait paraître ignorer encore la chose , 
et ne la publier que le lendemain. En conséquence, 
Catherine rentra dans le salon comme si de rien n'é- 
tait , et reprit tranquillement le fil de l'histoire qu'elle 
était en train de raconter quand on était venu la dé- 
ranger.... Le lendemain, au contraire, elle prit le 
grand deuil; et lorsqu'elle connut tous les détails de 
la mort de son mari , elle blâma l'excès de zèle qui 
l'exposait elle-même à de si fâcheux soupçons. On 
lança un manifeste dans lequel la mort de l'ex-empe- 
reur était attribuée à une colique hémorrhoïdale. Un 
médecin fui chargé de déclarer dans un procès-verbal 
que Pierre avait un polype dans le corps. Mais il n'y 
eut pas d'autopsie ; et quand on lui montra le cadavre, 
le médecin, à ce qu'on raconte, se contenta de dire 
sèchement : « J'ai connu l'empereur assez longtemps 
pour savoir qu'il ne pouvait pas vivre davantage, * 
Les indices de mort violente étaient évidents, no- 
tamment au cou, où on ne put les dissimuler qu'à 
l'aide d'une cravate d'une ampleur extraordinaire. 
Dans la nuit du 18 au 19 juillet, le cadavre fut trans- 
porté au couvent de SainuAlexandre-Newski , où 
chacun fut admis à le voir pendant la journée du len- 
demain. Quoique les funérailles ne fussent entourées 
d'aucune espèce de pompe , ce spectacle attira une 
affluence extraordinaire de spectateurs appartenant 




surtout aux classes popula> 
l'usage russe, pour baiser les 
vieux feld-maréchal Troubetzkt, 
de s'écrier : « Ah ! mon pauvre P. 
l'épaisse cravate qu'ils t'ont mise k 
mais porté de si serrée! » El il se di. 
cher, mais les gardes l'en empêchèrent, 
le cadavre, dont la face était devenue ce. ^ent 

noire, fut déposé dans le caveau sépulcral ^r quatre 
laquais de la cour. On oublia de faire célébrer pour 
, le repos de l'Ame du défunt les messes d'usage ; oubli 
qui autorisa plus tard les pseudo-Pierres à prétendre 
que Pierre III était encore en vie. 

Il n'y eut point, à proprement dire, de persécution 
eiercée contre les partisans de Pierre. Goudowitch 
fut exilé dans ses terres. Le colonel Bndberg donna 
sa démission. Les autres firent leur paix avec le gou- 
vernement. Le prince Georges de Holstein fut nommé 
gouverneur du duché de Holstein. On renvoya les 
soldats holsteinois dans leurs foyers; mais la plu- 
part périrent dans un naufrage aux approches de 
Cronstadl. 
Il n'y eut pas moins de sept pseudo-Pierres (1) qui 

[\] Ce furent : 1» En 1787, un cordonnier de Woroneach , 
qui fut immédiatement mis à mort. 3° Un fils de paysan ap- 
pelé Tcberaitchef, du nom d'un domaine appartenant à 
cette famille, et dont il dépendait. Dirigé par des moines, il 
provoqua en 1 770 une insurrection dans les contrées voisines 
de la Crimée, fut fait prisonnier par un colonel et décapité. 
3» En 1771, un médecin du nom de Stéphan , dans l'Archipel. 
Us Turcs eux-mêmes prirent les armes contre ses partisans. 
Mis en fuite, il disparut, et on ignore ce qu'il est devenu. 
4j En 1771, un paysan des terresappartenantauxWoronzof 
qui mourut sous le knout. 5° Un paysan des monts Ourals 
Gooof 



- 192 — 
essayèrent successivement d'arriver à la possession 
du pouvoir sous le nom de l'empereur mort assassiné. 
Trente-quatre ans plus tard, le 19 novembre 1796, 
le fils de la victime, l'empereur Paul, lit ouvrir le 
cercueil ; ensuite , il fit couronner solennellement le 
cadavre de son père. Après diverses autres cérémo- 
nies , ce cercueil fut placé , le 1 8 d écembre , à côté de 
celui de Catherine, dans l'église de la forteresse. 
Alexandre Orlof et l'aîné des princes Borjatinski fu- 
rent forcés de figurer dans toutes ces cérémonies. Le 
fidèle aide de camp de l'empereur Pierre III, le baron 
Ungern-Sternberg, fut nommé général; l'empereur 
l'embrassa publiquement et lui passa le ruban de 
grand-croix de l'ordre de Saint-Alexandre-Newsky. 
Quand Frédéric II apprit, par le général Tcherni- 
tchef le détrônement de Pierre, il dit (1) : « Je suis 
bien sûr que ce prince n'est plus en vie ; il aura dû 
mourir l'épée à la main. » 

A ce moment vivait encore en Russie un prétendant 
au trône, l'infortuné Iwan III , né le 23 août 1740, 
proclamé empereur le 28 août suivant, détrôné le 
S décembre 1741, et depuis lors retenu prisounier, 
d'abord à Iwanogrod près de Narwa, ensuite à Schlus- 
selbourg, puis pour quelque temps à Kœscholm, d'où 
on l'avait ramené à Scblusselbourg. Au mois d'avril 
1762, Pierre III, accompagné de Goudowitch, d'Un- 
gern-Sternberg, de Léon Narischkin, deKorf et de 

assez heureux pour s'échapper. 6° Un criminel évada d'Ir- 
koutsk , et qui mourut sous le knout. 7° Enfin, le fameux 
Pougatchef , qui, après avoir obtenu d'abord de grands suc- 
cès, fut exécuté à Moscou le 24 janvier 1774. 

(1) C'est ce que le comte Panin raconta à l'auteur du Mé- 
moire rapporté plus haut. 



Wolkof, était venu le visiter à Schlusselbourg. Il 
l'avait trouvé dans le plus affreux abandon. Le mal- 
heureux n'était pas sans quelque intelligence. De tous 
les officiers successivement chargés de le garder, il 
n'y en avait qu'un seul , disait-il , qui l'eût traité 
humainement; et l'empereur lui ayant demandé le 
nom de cet officier, il répondit que c'était Korf , qui,' 
à cette révélation, fondit en larmes. Pierre, lui aussi, 
pleura , puis pressa vivement la main du brave Korf. 
D laissa à Schlusselbourg Ungern-Sternberg, en le 
chargeant de la garde du prisonnier, qui , pour toute 
grâce, demandait qu'on lui donnât des vêtements 
propres et qu'on le laissât jouir de la lumière du 
jour, dont il était privé depuis si longtemps. Le ré- 
sultat de cette visite fut que, si Pierre crut que la po- 
litique faisait encore de la captivité d'Iwan une né- 
cessité, il résolut du moins qu'il serait mieux traité 
à l'avenir, et qu'on lui laisserait à Schlusselbourg 
autant de liberté que possible. Il fit donc commencer 
aussitôt la construction d'une maison destinée à ser- 
vir d'habitation au prince, mais qui resta inachevée. 
Apres la mort de Pierre III , Iwan parut bien plus 
dangereux à Catherine , qui n'avait aucune espèce de 
droit au trône. Un lieutenant, appelé Mirowitch et 
originaire de l'Ukraine , fit, le S décembre 1764, une 
tentative pour le délivrer ; et en raison de cette ten- 
tative, l'infortuné prince fut mis à mort par les offi- 
ciers commis à sa garde , conformément à des ordres 
donnés autrefois par l'impératrice Elisabeth pour pa- 
reille éventualité. Mirowitch eut la tête tranchée, 
et on envoya en Sibérie les soldats qui s'étaient laissé 
entraîner par lui. On prétend que Mirowitch ne fut, 
sans le savoir, qu'un instrument entre les mains du 
C,o<wk- 



— 19* — 

parti de Catherine, qui abus^ de son inexpérience et 
de sa crédulité. 

Le père du malheureux Iwan , le prince Antoine- 
Ulrich de Brunswick (né le 28 août 1714), vivait en- 
core. Catherine lui fit offrir sa liberté. 11 la refusa, 
dit-on, et passa le reste de ses jours, avec sa famille, 
à Scbolmongory, dans le gouvernement d'Archangel,' 
où il avait fini par devenir aveugle et où il mourut 
en 1780, toujours prisonnier. Suivant d'autres, il 
serait mort dès Tannée 1774 ou 1775 (1). Sa femme, 
la régente Anne de Mecklembourg, était morte le 18 
mars 1746. Dans leur captivité, ils avaient encore 
eu quatre autres enfants, qui se trouvèrent alors or- 
phelins et vécurent complètement isolés dans un coin 
éloigné et ignoré de l'empire. C'était une humble, 
douce et aimable famille , dont l'éducation n'avait 
point été dirigée de manière à ce qu'elle put jamais 
figurer dans le grand monde. Elle se composait de: 
1" Catherine , née au milieu des grandeurs humaines, 
le 26 juillet 1741, k Saint-Pétersbourg, et qui sur- 
vécut à ses frères ainsi qu'à sa sœur ; elle était de- 
venue sourde dès sa plus tendre enfance , et k cette 
infirmité se joignait chez elle une grande difficulté 
de faire usage de la parole; 2° Elisabeth, née le 
16 novembre 1743 à Dunamùnde , de toute la famille 
celle dont l'intelligence était la plus développée , et 
qui devint en quelque sorte la tutrice de ses frères 
et de sa sœur; 3° et 4° Pierre, né en 1745, et Alexis, 
né en 1746 àScholmongory. La naissance de ce der- 

(1) Ces dates sont celles qu'indiquent divers écrivains dignes 
de foi. Les almanachs généalogiques de l'époque font encore 
vivre ce prince en 1 780, ce qui pourrait à la rigueur s'expli- 
quer par l'ignorance de sa mort; mais une circonstance qui 



— 195 — 
BMrcoûtalaTieàsamèro (i).En 1780, l'impératrice 
Catherine se décida enfinàlaisservivreces infortunés 
sous un ciel moins inclément et dans un asile où ils 
pourraient jouir de quelque liberté (2) ; et, à cet effet, 
die s'adressa à la sœur de leur père, la reine douai- 
rière de Danemark, Juliane-Marie, si connue par le 
rtle odieux qu'elle joua dans l'affaire de Struensee. 
L'impératrice offrit à la reine de faire conduire ses 
■eveux et ses nièces, aui frais du trésor russe', dans 
*ielque port de Norwêge. Le cabinet de Copenha- 
gue accueillit volontiers cette proposition ; mais , m 
Sen de la Norvège , il obtint qu'on donnerait pour 
résidence aux enfants du prince Antoine-Ulrich de 
Brunswick, et de la régente Anne de Mecklembourg , 
la petite ville de Horsens , située tout au fond du 

lemble autoriser à croire que la vraie date est bienl 780, c'est 
qu'alors seulement Catherine songea à éloigner de Russie les 
«fonts de ce prince. 

(I) Suivant plusieurs historiens, elle sérail morte de chagrin 
au couvent de Solofli, après s'être vu séparer de son mari 
pour empêcher qu'elle eut d'autres enfants. 

(î) Afin qu'ils n'eussent aucun contact avec les autres ha- 
bitants de Scholmongory, il leur était sévèrement défendu de 
sortir de leur maison ou du petit jardin y attenant. Aussi de- 
mandèrent-ils un jour dans les termes les plus touchants la 
permission de pouvoir se promener dans une prairie voisine, 
"il ils avaient entendu dire qu'il existait des fleurs qui ne se 
trouvaient pas dans leur jardin. Ils imploraient encore comme 
une grâce d'être autorisés à recevoir la visite de quelques 
femmes d'officiers de la garnison, et aussi qu'on leur envoyât 
quelqu'un en état de leur apprendre de quelle façon ils de- 
vaient mettre les vêtements qui leur étaient expédiés de Saint- 
Pétersbourg ; enfin , qu'on donnât un peu plus de liberté à 
. leurs domestiques en même temps qu'on augmenterait leurs 
gag 88 - 

i: ■ . CoO^lc 



— 198 — 
Jutland. Le conseiller intime Malgounof Tôt chargé 
de présider à la translation de cette malheureuse fa- 
mille , au sujet de laquelle il a donné d'intéressants 
détails qui se trouvent dans les Actes de l'Académie 
impériale de Russie. L'impératrice assigna aux quatre 
frères et sœurs une pension de 33,000 roubles par 
an , réversibles sur la tête du dernier survivant, qui 
fut la princesse Catherine ; elle leur accorda en outre 
une somme de 40,000 roubles pour frais de premier 
établissement. À Bergen , le chargé d'affaires russe 
leur remit encore 2,000 ducats pour leurs menns 
plaisirs, somme sur laquelle ils employèrent aussitôt 
3,000 roubles en cadeaux faits à diverses personnes. Le 
10 septembre 1780, ils arrivèrent à bord de la frégate 
russe V Etoile, polaire, à Bergen, où les attendait le vais- 
seau de guerre danois Mars, qui les débarqua le 5 oc- 
tobre à Aalborg, d'où ils atteignirent Horsens le 17. 
Ils avaient été accompagnés dans leur voyage par le , 
colonel Ziegler, commandant de la forteresse de Schlus- 
selbourg, et par la veuve Lilienfeld avec ses deux ; 
filles. Ce fut pour eux un bien douloureux moment : 
que celui où tous les Russes , à l'exception des ecclé- ■ 
siastiques, les quittèrent pour s'en retourner en 
Russie. Ils se trouvaient maintenant seuls sur une 
terre étrangère , au milieu d'une population dont la 
langue et les usages leur étaient inconnus ; et leur 
position devint plus triste encore quand la mort vint 
rétrécir leur petit cercle. Elisabeth, qui servait de 
mère à ses frères et à sa sœur, mourut la première, 
dès le 20 octobre 1782. Le plus jeune des princes, 
Alexis, la suivit au tombeau cinq ans plus tard, le 
22 octobre 1787. Son aîné, Pierre, vécut jusqu'au 
30 janvier 1798 ; et Catherine , la sourde , dont le 



— 197 — 
langage n'était guère compris que par ses frères et 
sa sœur, mais qui savait très bien s'entretenir avec 
eoi, se trouva alors seule au milieu d'un entourage 
composé, à ce qu'il parait, d'individus anssi égoïstes 
que peu sympathiques. Elle aurait voulu retourner en 
Russie et s'y faire religieuse. Avant sa mort, elle 
écrivit encore à l'empereur Alexandre, et lui de- 
manda des pensions pour ses domestiques. Sa prière 
fut exaucée, et les pensions accordées passèrent même 
va veuves des titulaires. Elle mourut le9 avril 1801 , 
i l'âge de soixante-six ans , après avoir institué pour 
•Sentier le prince royal de Danemark, devenu en- 
Mite roi sous le nom de Frédéric VI. 

L'impératrice Catherine aurait pu aussi craindre 
ion propre fils, dont elle avait usurpé les droits, et 
qui devint effectivement plus tard l'objet de ses dé- 
fiances et de sa jalousie. Mais Panin (t) avait engagé 
ce prince à se conduire de manière à effacer dans 
l'esprit du peuple l'idée que la possession de la cou- 
ronne de Russie avait pu être le prix d'une nuit de 
révolte et de meurtre. Il lui avait représenté que, 
s'il nlarrivait que tard au trône, s'il n'y arrivait 
nême pas du tout, il n'en assurerait que mieux la 
tranquille possession à ses descendants. Ces exhor- 
tations produisirent sur l'esprit de Paul, — prince qui 
ressemblait tant à son père , Pierre III, par sa rigide 
loyauté, par sa facilité à se prendre d'enthousiasme 
pour quelqu'un on quelque chose, par son obstU 

(t) C'est à tort que M. de Saldem avance que Panin fut 
tansedu prétendu relus de Paul de renoncer au trône pendant 
tout le temps que vivrait encore sa mère , et qu'il veut marne 
rattacher à ce refus la mort de Panin. En effet , il n'eiiste 
aucune preuve que cette mort n'ait pas été naturelle. 



™ 198 — 

nation capricieuse et par la bizarrerie de son carac- 
tère, — une impression qui dura encore après la 
mort de Panin. 

Nikita de Panin, descendu d'une famille d'origine 
italienne, naquit en 1718 d'un père lieutenant gé- 
néral sous le règne de Pierre I er . Entré très jeuns 
dans la garde de l'impératrice Elisabeth, il fut nommé 
successivement chambellan, ambassadeur à Copen- 
hague en 1341, puis à Stockholm, et au mois de fé-« 
vrier 1760 gouverneur du grand-duc Paul, alors agi* 
de six ans. Après la révolution de 1762, il prit, no-» 
minalement d'abord, mais pins tard formellement, lxi 
direction du ministère des affaires étrangères, dont» 
le chancelier de l'empire comte Woronzof continua*, 
encore d'être le titulaire jusqu'en 1763. Ce qui le* 
détermina à prendre part à cette révolution, ce fut* 
surtout sa passion pour la princesse Daschkof. Il sa* 
peut cependant qu'elle lui ait paru être dans les nè*4 
cessités de la situation, encore bien qu'il ait désap-^ 
prouvé beaucoup de détails de son exécution. S'il nM 
fut pas exempt des vices de son temps, il faut da 1 
moins reconnaître que c'était un homme d'État ha- '■ 
bile, solide, et animé de sentiments patriotiques, 
d'ailleurs loyal et humain dans sa vie privée. On lui 
reprochait une certaine indolence, une certaine pa- 
russe, provenant peut-être bien soit de principes 
arrêtés (1), soit de son tempérament, ou encore de 

(1) Si nous ne nous trompons, c'est lui qui disait qu'il ne 
faut jamais faire aujourd'hui ce qu'on peut remettre au len- 
demain ; tandis que Munnich avait pour principe de ne jamais 
remettre au lendemain ce qu'on peut faire aujourd'hui. Tous 
doux attribuèrent leurs succès à l'exacte observation de ces 
>i opposées ; et il se peut qu'au fond ils aient eu rar 



son état valétudinaire. V je*^ » Ur, e v , 
lorsqu'il perdit, au moi» ^Chè fs ' 7 6 8 , ' 



comtesse Anne Pétrel ^araHi 01 **" 
petite vérole. Par tout ,oi> <L £**• « é'tau ta 
à jouer longtemps le T 6\e " „„ OP1 - « pouva 
en effet être Je sage et fideW> """«Mer de Bon 
'■sun, mais non le docile iastf™ 61 " de chacun 
caprices- Il protégea l'impèt alrice elle-même 
ses propres faiblesses, en àeçrt oes Oriofs et d 
temkin ; et si cette princesse lai en sut peutrêl 
plus tard au fond de son cœur, toujours est 
chacun de ces triomphes lui \alut de longue 
cunes de sa part, ot lui fit en tout cas de dan 
ennemis. JL.a position qu'il occupait auprès du 
duc Paul, dont il était et demeura le guide, fi 
lui une source de nombreux déboires et lai 
bien des soupçons. Dans de telles circonstam 
qui prouve la grande considération dont i 
entouré, c'est que jusqu'à sa mort jj conserv 
au moins nominalement, la possession de * 
et de ses dignités, et que pendant long lein - !es 
il continua de jouir delà plus Aanie ] mJ „ „ e 
si plus tard cette influence ne tutpi K 0e e. 

c'est sans doute parce qu'il y avait eu w °>*n 
«e front dans la politique russe. Ba erra n *ft 
lès l'origine partisan de l 'alliance pni SS ij av 6,j 
de la perte de Pierre III, quoiqu'il aut "•, * 
la cultivât avec plus de circonspection et du 1 * ^ 
Mais peu à peu la jRussie se rapprocha de l'a ^K^ 

Matous deux, l'un comme diplomate, l'autre ^ **S 
taie, bien qu'il oe faille entendre ces doua »>.« «tr^ 
nm salis, et que le vrai principe soit : Chaque e s * 
«p.. "^N 



- «00 — 
et Catherine devint plus indépendante dans sa poli- 
tique, à mesure qu'elle se sentit mieux consolidée et 
plus puissante. 

Cependant, lorsqu'à l'époque du premier mariage 
du grand-duc, en 1773, Panin résigna ses fonctions 
de gouverneur de ce prince, Catherine, qui dès 176T 
l'avait créé comte , s'empressa de lui donner d* 
preuves éclatantes de sa reconnaissance pour 1* 
soin qu'il avait pris de l'éducation de son Sis. Sa* 
son refus de la place de chancelier, elle ne lui en a»* 
corda pas moins tous les privilèges et honneurs atta* 
chés à ces fonctions. Elle lui fit en outre cadeau A| 
100,000 roubles en espèces et de propriétés foncier*! 
comprenant 9,500 paysans d'un revenu de 28 I 
29 roubles, plus un supplément de 30,000 roubMI 
aux 14,000 roubles d'appointements qu'il avait pi*! 
cédemment reçus; enfin, 20,000 roubles pour l'ac- 
quisition d'un service en vaisselle plate, avec unhûtd 
complètement meublé, à Saint-Pétersbourg, et pourri 
d'une année de provisions en tout genre. 

Parmi les 9500 paysans qui lui furent alors donnés, 
il s'en trouvait 4000 appartenant aux nouvelles ac- 
quisitions de territoire faites aux dépens de la Po- 
logne. Il les donna à trois employés supérieurs de 
ses bureaux, Bakounin, Oubril et Vauloisin , et cela 
parce qu'il avait été opposé au partage de la Pologne- 

Peu de temps auparavant, le conseiller intime de 
Salbern, qui lui était redevable de son élévation, 
bien que Pierre III l'eût déjà beaucoup avancé, avait! 
voulu le renverser, d'abord en le brouillant avec le 
grand-duc, puis en passant dans le parti des Orlofs, 
et en cherchant à le rendre suspect à l'impératrice. 
Quelque habilement ourdies que fussent les intrigues 



— 201 — 

el les trames de Salbeni, il ne fat pas difficile à 
Se les découvrir : aussi dès 1 774 le faisait-il in\ 
donner sa démission et à quitter la Russie. 

le 30 mars 1783, le comte Panin avait ei 
reçu du monde ; et, suivant son habitude, il s'étai 
tiré vers minuit dans sa chambre à coucher pour i 
Vers quatre heures du matin (31 mars), il sonna 
domestique, se fit déshabiller, s'approcha de son 
et j tomba sans connaissance. Son état léthargique 
prolongea jusqu'à onze heures du matin, et alors 
«pira. Son neveu, le comte Panin le jeune, cel 
qui fut plus tard ministre, et dont il est question dan 
l'article suivant, attribua cet accident à l'emploi d'ui 
moyen que le médecin Drost lui avait prescrit à l'effei 
délai rendre ses forces, qui diminuaient sensiblement 
«ec l'âge ; et il considéra toujours depuis cet homme- 
wte horreur. Le grand-duc accourut aussitôt au che- 
«t de son instituteur agonisant. Il ne le quitta que 
lorsqu'il eut rendu l'âme, et baisa alors ce cadavre 
en versant des larmes. 



. r Coo^le 



. r Coo^le 



LA RÉVOLUTION RUSSE DE 1801 



Le Mémoire sur la révolution russe du 12-24 mars 
1801, dont il nous a été donné de pouvoir communi- 
quer des extraits dans l'article qu'on va lire, fut écrit 
en décembre 1804 par un homme d'État qui pen- 
dant un séjour de treize années à la cour de Saint- 
Pétersbourg avait réuni les renseignements les plus 
exacts qu'il fût possible de se procurer sur l'évé- 
nement dont il s'agit. Depuis longtemps déjà ce 
Mémoire dormait dans son portefeuille, lorsqu'un heu- 
reux hasard mit à sa disposition de nouveaux maté- 
riaux dont il put enrichir son travail primitif, qu'alors 
il agrandit et compléta. Ces matériaux se composent : 
1° de la copie d'un rapport adressé en juin 1801 à sa 
cour par un envoyé étranger accrédité près le gou- 
vernement russe, et puisé surtout aux sources ouver- 
tes à ce diplomate par le général Benningsen ; 2" de 
notes prises par quelqu'un, vers la fin de la vie 
du général Benningsen, à la suite de divers entre- 
tiens intimes qu'il avait eus avec ce général , lequel 



— «04 — 

était alors parvenu à un fige très avancé, après s'être 
retiré depuis pins de vingt ans en Allemagne , où il 
est mort. L'auteur du Mémoire eut la satisfaction " 
voir que les matériaux en question ne contredisaient 
sur aucun point essentiel son travail primitif, qu'il 
avait rédigé en français. Nous le plaçons sous les jeui 
du lecteur. 



La catastrophe qui mit fin au règne-etàl'existend 
de l'empereur Paul I" fut accompagnée de circon- 
stances si extraordinaires, et plusieurs individus, au- 
jourd'hui (1804) encore en fonctions, s'y trouvent û 
gravement compromis, qu'on répugne à s'occuper 
détails d'un crime avéré, et qu'on redoute de blessa 
des hommes puissants en portant la lumière sur da 
faits restés jusqu'à présent fort mal connus à l'étran- 
ger. L'auteur de ce Mémoire, qui a séjourné pendant 
plusieurs années en Russie, ne saurait se flatter d'avoir 
recueilli tous les faits dignes d'être enregistrés par 
l'histoire ; mais il a du moins la conscience de n'en 
avoir pas rapporté un seul qui ne fût conforme 1 
l'exacte vérité, et il s'est efforcé d'apporter dans son 
travail tout le discernement et toute la critique dont 
il était capable. 

Paull™ (1) avait été très heureusement doué par ta 
nature, et quelque profonds qu'aient été les dissenti- 
ments survenus plus tard entre lui et sa mère, on doit 

(1) 1) était oé le 1" octobre 1743. 



rendre à l'impératrice Catherine II la justice de re- 
connaître qu'elle ne négligea rien pour développer 
par une bonne éducation ses dispositions naturelles. 
Le comte Nikita Panin (i) avait déjà été choisi, sous 
le règne de l'impératrice Elisabeth, pour présider avec 
le titre de gouverneur à l'éducation du jeune grand- 
duc. Ce ministre , si généralement estimé, put se flat- 
ter d'avoir réussi dans son œuvre , bonheur qu'ont 
rarement ceux à qui échoit la tache d'élever l'héritier 
d'une couronne. 

Lorsque l'éducation du grand-duc fut terminée, on 
trouva en lui un prince aimable et spirituel, riche en 
saillies, instruit, plein du sentiment de ses devoirs , 
généreux comme devrait l'être tout souverain, toujours 
prêt à réparer les fautes qu'avait pu lu faire commet- 
tre la vivacité de son tempérament, et à oublier les 
torts d 'autrui. Jusqu'à son avènement au trône, il fut 
bon mari et bon père. Quelle réunion d'admirables 
qualités ! Mais quelle étonnante transformation opé- 
rèrent dans ce monarque l'usage et surtout l'abus de 
la puissance souveraine (2) ! 

(1) Voyez plus haut, page 198. 

(S) Le prince de Solms , ambassadeur de Prusse à Saint- 
Pétersbourg , s'exprimait de la manière suivante au sujet de 
ce prince dans une dépêche écrite à l'occasion du premier 
mariage du grand-duc : » 11 n'est pas d'une stature élevée , 
mais il a de beaux traits. Il est parfaitement Tait, agréable 
dans sa conversation et ses manières, doux, extrêmement in- 
struit, prévenant et d'humeur avenante. Dans ce beau corps 
habite l'Ame la plus belle , la plus loyale , la plus humaine, la 
plus généreuse , et en même temps la plus pure et la plus in- 
nocente, qui ne connaît que le mauvais celé du mal, et qui 
ne le connaît qu'autant qu'il est nécessaire pour pouvoir pren- 
dre la résolution de l'éviter et de le blâmer chez autrui. En 
tu. « g le 



— M6 — 

Toutefois, on avait reconnu chez lui dès sa jeunesse 
deux défauts qui ne firent que croître avec l'âge : 
c'étaient une mobilité extrême dans ses goûts et ses 
inclinations, et la défiance des hommes la plus exces- 
sive. La vivacité de son esprit était peut-être la cause 
du premier de ces défauts ; l'autre avait vraisembla- 
blement été aggravé par l'expérience que l'élévation 
même desonranglui avait, plus qu'à tout autre, per- 
mis d'acquérir. Il semble aussi que la mésintelligence 
survenue entre l'empereur Paul, lorsqu'il était encore 
grand-duc, et l'impératrice Catherine, — mésintelli- 
gence qu'avait jusqu'alors empêchée d'éclater son 
gouverneur, le comte Panin, lequel avait réussi à ga- ! 
gner l'amitié de son élève et à conserver la confiance 
de la mère, — y ait beaucoup contribué. Il parai! 
qu'à partir de la mort de ce ministre, arrivée le 31 
mars 1783, le prince, qui se sentait dans toute la 
maturité de l'âge, déplora amèrement sa dépendance, ■ 
et que la complète nullité de son rôle en politique loi 
devint de plus en plus pénible. En outre, l'influence I 
prépondérante que l'impératrice exerça d'abord sur 
l'éducation de ses enfants, et ensuite sur leur établis- 
sèment, lui inspira un chagrin qui dégénéra en une 
mauvaise humeur habituelle, et provoqua chez loi 
une excessive irritabilité. Constamment surveillé par 
les agents de sa mère , le grand-duc avait cherché a 
se faire desamis, et n'avait rencontré que des dénon- 
ciateurs. Aussi en était-il venu à avoir le plus pro- 
fond mépris pour la nation qu'il était appelé à gou- 

un mot, on ne saurait dire trop de bien de ce prince, et puisse 
Dieu le maintenir dans les sentiments qui l'animent aujour- 
d'hui. Si j'en disais davantage, j'encourrais le soupçon de 



— 207 — 

renier un jour. C'est précisément ce mépris(l), joint 
à son goût inné pour le changement, qui fit que de 
tant de gens auxquels il prit le plus vif intérêt, on ne 
peut citer que le prince Alexandre Kourakin (2) et 
son valet de chambre, Paul Petrowitch, devenu plus 
lard comte Koutaizof, qui aient conservé sa con- 
fiance (3}. 

Le butet les limites que nous nous sommes fixés en 
rédigeant ce Mémoire ne nous permettent pas de nous 
étendre sur l'histoire de Paul I" de 1796 à 1801. 
Lïnfluence alternative des deux défauts particuliers 
à son caractère, de son inconstance et de sa défiance, 
peut expliquer jusqu'à un certain pointles faits extraor- 
dinaires quiseproduisirentdanssa politique intérieure 
et dans sa politique extérieure (4). En quatre ans et 

(1) C'est ainsi qu'en 1782 , à Venise, s'en [retenant avec la 
feue comtesse de Rosenberg , il lui dit ces mots remarqua- 
bles : » Je ne Bais si je parviendrai jamais au trône; mais si 
le sort m'y fait monter un jour, ne vous étonnez pas de ce que 
vous verrez alors et de ce que je ferai. Vous connaissez mon 
cœur, mais vous ne coufiaisse» pas ces gens-là (il voulait par- 
ler des Russes) , et je sais comment il faut les mener. » 

(î) Né en 1732, et élevé avec Paul , qu'il accompagna dans 
ses voyages. Après avoir rempli les fonctions de vice-chan- 
celier de l'empire sous le règne de Paul 1 er et sous celui 
d'Alexandre I" jusqu'en 1803 , il fut chargé en 1807 des né- 
gociations qui amenèrent la conclusion de la paix de Tilsitt , 
puisda 1808 à 1812 ambassadeur à Paris, d'où il alla à Vienne 
en la même qualité. 11 mourut en 1818 , dans un voyage à 
YVeimar. 

(3) Ces deux individus , qu'on ne saurait d'ailleurs compa- 
rer sous le rapport de leurs qualités respectives, sont les seuls 
du anciens serviteurs du malheureux monarque qui lui soient 
demeures inviolablement attaehés jusqu'à sa mort. 

(4) Kous-méme , dans notre Système politique de l'Europe 



— Î08 — 
demi, on a tu le cabinet de SaintPétersbonrg con- 
clure des alliances avec toutes les puissances de l'Eu- 
rope, puis leur déclarer la guerre. Dans cet espace de 
temps , la direction des affaires étrangères changea 
quatre fois , et on vit se succéder cinq procureurs 
généraux ou ministres de l'intérieur. 

Il n'y a pas de règne si court qui ait offert d'aussi 
nombreux changements de système et de hauts fonc- 
tionnaires que le règne de Paul I". Cette conduite 
enleva au gouvernement russe tout crédit à l'étran- 
ger, et à l'intérieur étouffa chez tout homme loyal le 
désir de participer à la direction des affaires. A partir 
de l'avènement de Paul I" au trône , le développe- 
ment de ses défauts prit une progression d'une ef- 
frayante rapidité. Toute expérience nouvelle qu'il 
avait lieu de faire de la dépravation des hommes 
accroissait sa sévérité. Au lieu de poursuivre le vice, 
il se mit à poursuivre les gens vicieux. Son entourage, 

(t. III , p. 3ÏÏ) , nous avons dit de l'empereur Paul : ■ 11 avait 
aussi des vertus qui lui étaient propres, tandis qu'il faut at- 
tribuer ses défauts à sa destinée, à son éducation, aux cir- 
constances au milieu desquelles il vécut. On ne saurait lui re- 
fuser de la loyauté et une générosité cheval ereaque. Il si 
comba parce que sa politique fut plus conforme à ses idées 
propres , quelque bien intentionnées qu'elles aient pu être 
d'ailleurs, qu'aux intérêts évidents de son empire; parce 
qu'il ne trouva pas le calme, la réflexion et la constance avec 
lesquels doivent être dirigées les affaires de tout grand Etat, 
et plus particulièrement celles de la Russie; parce que, 
dans le sentiment de sa puissance et de son autorité absolue, 
il vit trop les détails et se mêla de choses qui ne le regar- 
daient pas ; parce qu'il ne sut pas manier l'élément populaire, 
si puissant en Russie,— heureusement pour ce pays; enfin, 
parce qu'il eut trop de défiance et trop peu de prudence, 
comme il arrive si souvent. 

, . rcoo^ic 



— to» — 

qui se réjouissait de toute destitution dont il pouvait 
tirer profit , favorisait les éruptions de la bizarrerie 
| d'humeur de l'empereur. On aurait depuis longtemps 
! été tenté de croire & l'existence d'une maladie men- 
tale chez ce prince , si une pareille idée n'avait été 
tout aussitôt réprimée par les intervalles lucides où il 
déployait l'esprit le plus distingué et revenait à la 
justice , à l'équité. Ces bons moments devinrent rares 
dans la dernière année du régne de Paul. Il s'aban- 
donnait à des actes de sévérité qui, jusqu'alors, 
n'avaient pas été dans ses habitudes. Il était exclusi- 
vement entouré par un certain nombre d'individus 
D'avant d'antre loi que leur intérêt propre, et la bien- 
faisante influence de l'impératrice se trouva réduite 
à zéro. Le comte Rostopcbin (1), qui dirigeait les af- 
faires étrangères, n'obéissait pas à d'autre mobile 
que l'égoïsme le plus naïf. Abalyanof était procureur 
général ou ministre de l'intérieur, et sa cupidité , sa 
vénalité , l'avaient fait tomber au dernier degré du 
mépris dans un pays où , en général , on n'apprécie 
pas assez la délicatesse dans le choix des moyens. Le 
comte Eoutaizof , qui , de barbier de l'empereur, était 
devenu son grand écayer et cordon bleu, partageait 
avec le grand maréchal de la cour Narishkine le 
soin de pourvoir aux plaisirs de leur maitre ; et tous 
deux contribuèrent peut-être à troubler encore da- 

(1) Fedor, comte Fostopchin, né en 1760, fut successive- 
ment nommé par l'empereur, dans un court espace de temps, 
général , maréchal de la cour et ministre des affaires étran- 
gères, puis en 1799 créé comte. Gouverneur de Moscou en 
1813 , lors de l'entrée des Français dans cette ville, il passa 
les années 1814 à 1833 à l'étranger, et mourut en 1836. 
III. 12. 

. r Coo^le 



— 810 — 

vantage ses facultés intellectuelles , en l'entraînant 
dans des excès de tonte espèce. 

C'est l'époque où le comte Pahlen (1) parvint à 
exercer quelque influence sur les affaires. Promu du 
grade d'inspecteur général de la cavalerie aux fonc- 
tions de gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg, 
il acquit de plus en pins la confiance de Paul sans 
exciter la jalousie des autres favoris do ce prince. 
Cet homme habile, qui, sous les formes d'un frondeur 
disant tout ce qu'il pense, cachait l'esprit le plus 
astucieux, sut se rendre utile et même nécessaire, 
sans que jamais personne se soit délié de lui. 

Les gens sensuels et ambitieux placés à la tète 
des affaires avaient besoin d'un homme actif et ré- 
solu. Quand le comte Rostopchin eut remplacé le 
comte Panin (2), M. de Pahlen entra au ministère 
des affaires étrangères; et il succéda bientôt, dans la 
direction de ce ministère, à Rostopchin, victime de 
son astuce. L'empereur y adjoignit pendant quelque 
temps la direction générale des postes, fonctions 
d'une haute importance en tous pays , mais surtout 
dans ceux où le pouvoir fonde sa sécurité sur l'espion- 
nage. Enfin, à ce moment-là Pahlen cumula les fonc- 
tions de gouverneur général et d'inspecteur des divi- 

(1) Pierre-Louis comte de Pahlen, de la branche livonienne 
de cette famille, né en 1746, ambassadeur à Stockholm en 
1790, gouverneur de la Livonie en 1793, et gouverneur gé- 
néral de la même province en 1796, créé comte en 1799, 
nommé gouverneur de Saint-Pétersbourg en 1801, prit sa 
retraite en 1804, et mourut en Courlande en 1826. 

(!) Neveu de l'ancien grand maréchal de la cour et ministre 
des affaires étrangères. 

. r Coo^le 



- M* - 
mot militaires de Saint-Pétersbourg, de gouverneur 
général de l'Ingrie et de la Liyonie, de ministre diri- 
geant du département des affaires étrangères et de 
directeur général des postes. 

Jamais on n'avait encore tu en Russie nn sujet 
légalement investi d'un pouvoir aussi étendu que 
celai que posséda Pahlen dans les derniers mois qui 
précédèrent la révolution. Gomme il est impossible de 
ne pas voir en ce personnage le chef de la conspira- 
tion qui enleva à Paul le troue et la vie , il convient 
le donner ici quelques détails sur son origine et sur 
Je* développements de ses destinées. 

Pahlen descendait d'une ancienne famille noble de 
la Livonie , et entra très jeune encore avec le grade 
d'exempt dans la garde à cheval (1), d'où il passa en 

(1) On choisissait les plus vigoureux et les plus sûrs d'entre 
les exempts aux gardes pour en Taire des courriers de cabi- 
net ; et la noblesse pauvre trouvait dans ces voyages le moyen 
de visiter, aux frais de l'Etat, les pays étrangers. Pendant la 
mission du comte Ostermann en Suède, on fît un jour venir 
Pahlen , à qui on confia des dépêches importantes à porter en 
courrier à Stockholm, et no lui remit l'argent nécessaire pour 
faire le voyage. Pahlen joua toute la nuit, perdit la somme 
entière qu'il venait de recevoir, et, comme son crédit était 
épuisé, se crut perdu. 11 se promenait sur le port, réfléchis- 
sant aux suites fatales qu'allait avoir son étourderie , lorsqu'il 
aperçut un patron de navire de sa connaissance. 11 lui conta 
son embarras. Le hasard voulut que le navire de' cet homme fût 
précisément au moment de mettre à la voile pour la Suéde. 
Pahleny pritpassago; dès lors ilnes'agissaitplus que de savoir 
s'il arriverait en quatre jours ou en un mois. Favorisée par 
les vents , la traversée fut d'une telle rapidité qu'en recevant 
ses dépêches Ostermann crut qu'il devait y avoir erreur de 
date. La rapidité avec laquelle Pahlen avait exécuté son 
voyage , regardée comme une preuve de zèle , contribua à le 



— «12 — 

qualité de major dans un régiment de cavalerie de 
ligne. Pendant les deux guerres contre les Turcs, il 
avança jusqu'au grade de général-major (général de 
brigade). Il passait pour un officier brave, actif et 
résolu, mais très dissipateur. Sa passion pour le jeu, 
et des gains très considérables qu'il lui arriva de 
faire, donnèrent lien de douter de sa probité {!]. 
Pahlen n'aurait jamais songé à contribuer à une ré- 
volution , s'il n'avait pas trop souvent éprouvé par 
lui-même l'extrême mobilité du souverain auquel il 
était attaché pour ne pas redouter d'être à son tout 
tôt ou tard renversé du pouvoir, en raison même de 
l'élévation des fonctions qu'il remplissait , et s'il n'a- 
vait pas été plus que tout autre en position de remar- 
quer que l'empereur avait parfois des accès de fureur 
qui permettaient de penser qu'il perdait l'esprit. 
On peut affirmer que, d'accord avec l'amiral Rivas, le 
comte Panin , neveu de l'ancien ministre et alors vice- 
chancelier de l'empire, le lieutenant général Talyzin, 
commandant du régiment des gardes Preobratchens- 

mettre en crédit auprès de l'impératrice et du ministère. Ce 
fut le premier des coups de fortune extraordinaires qu'il eut 
pendant sa vie. 

(I) L'auteur du Mémoire ajoutait ici, en 1804, une note à son 
travail pour compléter ce portrait du comte de Pahlen. 

« Le comte de Pahlen est naturellement présomptueux et 
habitué à la puissance illimitée dont il a joui sous le règne 
précédent , et , comme son esprit impérieux se montre d'une 
manière souvent blessante pour le jeune souverain , on peut 
regarder sa retraite comme prochaine. Elle ne dépendra que 
de certains arrangements militaires destinés à contrebalancer 
la grande influence qu'il exerce sur les troupes de la gar- 
nison. X 

On voit que l'auteur était bien renseigné. En effet, Pahlen 
fut renvoyé dès cette même année 1804. 



— «13 — 
koy, il avait, dès l'automne de 1800, formé le plan 
de détrôner l'empereur et de lui donner pour succes- 
seur le grand - duc Alexandre. Il s'agissait donc d'in- 
téresser celui-ci au succès du complot. Nous croyons 
pouvoir affirmer que le comte Panin se chargea de 
cette négociation, et qu'il y réussit. 

Le caractère du jeune prince et celui du ministre 
Panin ne permettent pas de douter que jamais il ne fut 
question d'ôter la vie à Paul I". D ans celte entreprise 
le comte Panin fut guidé par un patriotisme aussi pur 
que désintéressé, qui craignait de voir la Russie pé- 
rir si le règne de Paul I" se prolongeait longtemps 
encore, et qui prévoyait que celui d'Alexandre ferait 
le bonheur et la gloire de son pays. S'il consentait à 
ce qu'on détrônât le père, ce n'était qu'à condition 
qu'on couronnerait lefils(l). 

Les qualités qu'Alexandre (2) déploya depuis son 
avènement au trône prouvent que ce ne fut qu'à re- 
gret qu'il s'associa à une si périlleuse entreprise. 11 
est certain aussi qu'il ne se détermina à y prendre 

(1) Ou lit dans une dépêche diplomatique écrite deux mois 
plus tard : « 11 faut en générât dire à la décharge de la plupart 
de ceux qui prirent part à l'affaire , et notamment de cet indi- 
vidu (Benningsen), que la catastrophe qui la termina n'entrait 
pas plus dans leurs plans qu'elle n'était prévue par eux. 
11 est en effet parfaitement certain que leurs projets n'allaient 
pas au delà des mesures à prendre uniquement pour exercer 
sur l'empereur une contrainte qui le forçat à transmettre le 
pouvoir, ou plutôt l'exercice du pouvoir, à son fils et à un 
conseil de régence. C'était là , d'ailleurs , un changement que 
les maux déjà existants et ceux qu'on pouvait encore attendre 
de sa capricieuse et sauvage tyrannie rendaient indispen- 
sable. 

(2) Hé le 23 décembre 1777, mort le 1« décembre 18Î3. 



— su - 

part que dans l'espoir de contribuer ainsi an bien 
général , et dans la crainte des actes de violence de 
son père. Son désespoir sincère en apprenant la mor 
de Paul I", le long et visible dépérissement de sa 
santé, provoqué par son chagrin au sujet d'une cata- 
strophe qui ne coûta peut-être des larmes qu'à lui 
seul dans tout l'empire, prouvent d'une manière in- 
dubitable qu'il fut étranger à l'acte sanglant de cette 
journée. 

La disgrâce du comte Panin vint mettre obsta- 
cle à l'exécution du complot, qui n'était pas en- 
core arrivé à complète maturité. Ce ministre fut exilé 
dans ses terres pour des motifs étrangers à la ques- - 
tion. Vraisemblablement, les autres chefs ne se cru- 
rent pas en état d'entreprendre quelque chose tout 
seuls ; et l'auteur de ce Mémoire ne mentionne ce fait 
que pour ne pas laisser le moindre doute sur l'im- 
portante question de savoir si l'empereur Alexandre 
eut on non connaissance des plats d'assassinat formés 
contre son père (1). 

(1) A cette époque , c'est-à-dire vers le mois de novembre 
1800 , le comte Panin avait souvent des entretiens sec-rets 
avec le grand-duc Alexandre. Pour les envelopper du plis 
profond mystère , ils se donnaient rendez-vous de nuit dais 
les galeries d'un passage souterrain du Palais-d' Hiver. In 
soir, comme le comte Panin sortait à pied de son hôtel, il se 
crut observé par un espion chargé de s'attacher à ses pas. 
Pour lui donner le change , il fit plusieurs détours dans la 
ville, et se glissa enfin dans l'une des entrées de ce passage 
souterrain. Il se hâtait de gagner le point où il devait ren- 
contrer le grand-duc, et que signalait assez imparfaitement 
la lumière douteuse de quelques réverbères , lorsqu'il recon- 
nut le grand-duc Alexandre , qui l'attendait déjà depuis quel- 
que temps. 

Ces détails ont été communiqués i l'auteur du Mémoire par 

CooqIc 



— «1* — 

Qaand te complot se trouva ainsi à peu près aban- 
donné par suite de la disgrâce de Panin, il fallut la 
coïncidence de diverses autres circonstances pour dé- 
cider les conjurés à en reprendre l'exécution. 

A a fin de 1800, l'empereur décréta que tons les 

employés congédiés ou exilés , tant de l'ordre civil 

que de l'ordre militaire, seraient autorisés à reve- 

r à Saint-Pétersbourg à l'effet de solliciter leur 

^intégration. De ce nombre était la famille Zoubof , 
que Paul avait très sévèrement traitée pendant son 

Ègne, et qui dés lors put revenir résider dans la 
capitale. 

Son retour parait avoir été le moment où on reprit 
les projets abandonnés depuis la retraite de Panin. Il 
manquait aux conspirateurs un caractère de la trempe 
ferme et courageuse de ce ministre. On crut avec rai- 
son l'avoir trouvé dans le comte Valérien Zoubof, le 
seul des trois frères (le prince Platon , le comte Nico- 
las et lui-même] qui à un jugement sain joignît de 
l'énergie et de l'esprit d'entreprise. C'était d'ailleurs 
an officier distingué , un homme d'esprit et de carac- 
tère, fort aimé dans l'armée. Le prince Platon Zoubof 
avait moins de capacité , mais exerçait une grande in- 
fluence , tant à cause de sa fortune que parce que , 
dans les dernières années du règne de l'impératrice 
Catherine, il avait été son favori officiel; circon- 
stance dont il avait osé pour peupler de ses créatures 
l'armée et la cour. La sœur des Zoubof, madame da 
Sehérebzof, obtint la permission d'aller voyager à 
l'étranger. Elle se rendit à Berlin , munie , dit-on , de 



le comte Panin lui-même , lequel mourut an commeuceneu 
de l'année 1837. 



— 216 — 

valeurs considérables en argent et en diamants, afin 
de s'assumer des ressources pour elle et ses frères dans 
le cas où l'entreprise viendrait à échouer, et où ils 
réussiraient à s'échapper (1). 

(1) La famille Zoubof , nom qu'on écrit aussi quelquefois 
Soubof, devait sa fortune et son élévation à l'aîné de ses 
membres, le prince Platon , don! l'intelligence était des plus 
médiocres. Celui-ci était né en 1758 ou 1759, et,. simple 
lieutenant aux gardes, avait bu se concilier les faveurs de 
Catherine , qui le fit prince et commandant supérieur de l'ar- 
tillerie. Exilé après la mort de Catherine, il alla voyager & 
l'étranger jusqu'au moment où il reçut l'autorisation de ren- 
trer en Russie. 11 n'obtint pas d'emploi sous Alexandre, et 
mourut en 18)7. Valé rien était né en 1760, et, dès 1784, il 
avait fait la campagne de Pologne avec le grade de lieutenant 
général. C'est à son frère qu'il était redevable de son rapide 
avancement ; mais il le justifia par son mérite et sa bravoure, 
Dans cette campagne de Pologne, un boulet luienlevaunejambe. 
Investi alors du commandement en chef de l'année envoyée 
contre la Perse, il prit Derbent (1796), s'empara de toute la 
côte occidentale de la mer Caspienne , traversa l'Araxe, et 
prit ses quartiers d'hiver dans la fameuse plaine de Chorval- : 
Hogam , d'où tout l'Aderbidjan se trouvait exposé à ses irrup- 
tions , pendant que ses derrières étaient couverts par l'armée 
de Géorgie et qu'arrivait d'Arstrakan un corps de troupes 
destiné à protéger son flanc gauche. Heureusement pour la 
Perse , Catherine vint à mourir sur ces entrefaites , et Paul 1" 
n'eut rien de plus pressé que de rappeler l'armée. Comme 
rappel eut lieu au moyen d'ordres particuliers adressés à 
chaque chef de régiment , sans. qu'une seule ligne fût envoya 
au général en chef, on peut présumer que Paul agit en cela 
par haine des Zoubofs. Grâce à la sévère discipline qu'il avait 
constamment fait observer à ses troupes , Zoubof laissa en 
Perse les souvenirs les plus honorables. 11 mourut à Sainl- 
Pétarsbourg en 1804. Nicolas Zoubof, le plus jeune des frères, 
fut nommé par l'impératrice Catherine général et grand écuyer, 
et naturellement tomba en disgrâce auprès de Paul. Lui aussi, 
après la révolution , il se retira dans ses terres , et mourut 



— 217 — 
Le général Benningsen (i) entra dans le complot. 
Ce gentilhomme du duché de Brunswick était venu 
en Russie pour tâcher d'être admis à entrer dans 
l'armée, et avait été recommandé au grand maréchal 
de la cour, Panin, par un de ses amis intimes. Après 
avoir servi avec distinction dans les deux guerresprè- 
cédentes contre les Turcs, il avait commandé en Perse 
nue division sous les ordres du comte Valérien Zou- 
bof. Il venait d'obtenir un commandement dans une 
Tille de province , espèce d'exil que l'empereur lui 
avait infligé parce qu'il le soupçonnait d'être favora- 
ble aux intérétsde l'Angleterre, alors en guerre avec la 

également dans cette même année 1804 , qui fut fatale à un si 
grand nombre des principaux acteurs du drame de 1801. 

(l)Levin- Auguste -Théophile de Benningsen, né àBrunswick 
le 10 février 1743, fils d'un colonel brunswickois , fut d'abord 
page, enseigne et lieutenant au service de Hanovre. Plus 
lard , il donna sa démission , se retira à Banteln , terre appar- 
tenant à son frère, dans le pays de Hanovre, et se maria. La 
ruine de sa fortune et la mort de sa femme , arrivée en 1 773, 
le décidèrent à entrer au service russe , après avoir préala- 
blement réussi à se faire donner en Hanovre le grade de 
lieutenant-colonel. 11 fit la guerre contre les Turcs , contre 
Pougatahef , en Pologne , en Perse , et se distingua surtout à 
l'assaut d'Oczakof, àWilna, à Olîta, à la prise de Derbent. 
Promu lieutenant général en 1798, il fut nommé sous Alexan- 
dre gouverneur général de la Lithuanie et général. Après 
avoir commandé en chef l'armée russe à Pouitousk en 1806, 
et àEylau en 1807, il se retira dans ses terres. Hais il reparut 
en 1813 sur les champs de bataille , combattit à la Hoskowa, 
a Wornowna, et en 1813 à Leipzig , où il fut nommé comte. 
Plus tard, il commanda en Bessarabie jusqu'en 1818. A cette 
époque, il so retira dans une terre qu'il possédait en Hanovre, 
où il devint complètement aveugle , et où il mourut le 3 octo- 
bre 1826. 

ni. 13 

■ , Google 



— 8i8 — 

Russie : soupçon uniquement fondé d'ailleurs sur ce 
que Benningsen avait autrefois habité le Hanovre. 

Le général Pahlen lui expédia par un courrier 
Tordre de venir à Saint-Pétersbourg, et à son arri- 
vée de se rendre droit chez lui avant d'avoir parié à 
personne. Benningsen fut reçu à bras ouverts par son 
vieil ami et camarade le comte Pahlen, qui l'initia 
au complot et le détermina à y prendre part. Il fat 
résolu entre eux qu'il aurait le commandement du 
détachement destiné à pénétrer dans l'intérieur du 
palais : mission dont le comte Pahlen avait voulu se 
charger lui-même, mais qu'il fut heureux de pouvoir 
conder à un homme dont la capacité, le sang-froid et 
le courage étaient si connus , et auquel les gardes 
étaient si dévoués , tandis que Pahlen pouvait Être 
plus utilement employé à prendre le commandement 
d'un fort corps d'infanterie qui cernerait le palais, 
dans le double but de s'opposer à la fuite de l'empe- 
reur et de comprimer toutmouvement en sa faveur que 
pourrait tenter le régiment des gardes à cheval, dont 
la plus grande partie avaient repoussé toutes les sé- 
ductions dont ils avaient pu être l'objet. Benningsen 
resta encore caché pendant trois ou quatre jours i 
Saint-Pétersbourg, c'est-à-dire jusqu'au moment de 
l'exécution du complot. 

Le nombre des personnes qu'on peut considérer 
comme ayant formé l'âme du complot se réduit par 
conséquent au comte Pahlen, au général Talyzin, au 
trois frères Zoubof et au général Benningsen. L'amiral 
Rivas était mort quelques semaines avant que le pro- 
jet fût arrivé à complète maturité. Quant aux qualités 
personnelles des conjurés, on ne saurait discourenir 

. r Coo^le 



que c'étaient, sauf le prince Platon Zonbof, les hom- 
mes les plus courageux qu'il y eût en Russie, se con- 
naissant tous bien, et pouvant tons se fier les uns aux 
antres. 

II s'agissait maintenant de se faire un parti parmi 
les officiers attachés aux gardes et au corps d'élite. 
Chacun des chefs chercha à recruter dans le nombre 
de ses amis des adhésions à la conspiration. Parmi 
ceux qui y entrèrent , il faut citer Tatarinof et Tchet- 
cherin, deux généraux congédiés; Mansourof, colo- 
nel du régiment des gardes d'Ismaïlof ; le colonel d'ar- 
tillerie Yeschwell ; Talbanof , commandant d'un ba- 
taillon des gardes Préobratschenskoï ; un lieutenant 
du même corps appelé Marin; enfin, une cinquan- 
taine de personnes dont nous ne nommerons que 
celles que quelque circonstance particulière de l'exé- 
cution du complot mit plus ou moins en relief. 

On assure positivement que le grand-duc Alexan- 
dre, devenu ensuite empereur, fut mis au courant de 
tous les détails du plan qu'on avait arrêté. Les frères 
Platon et Valérien Zoubof étaient devenus les confi- 
dents du grand-duc en remplacement du comte Pa- 
nin. Cependant, il s'en fallait qu'on eût encore orga- 
nisé toute la conspiration , quand les dispositions 
personnelles de Paul I" en hâtèrent l'explosion. 

La défiance de l'empereur ne faisait -que s'accroî- 
tre. Soit prévoyance, soit pressentiment, -il ne rêvait 
plus que de complots contre sa vie et sa personne. De 
simples soupçons motivaient à ses yeux des incarcé- 
rations et des condamnations à l'exil. Malgré cela , 
son fils hésitait encore ; et, sans son consentement, les 
conjurés n'osaient rien entreprendre. Pour détermi- 

. r Coo^le 



— 220 — 
lier le grand-duc, voici le moyen qu'employa Pahlen. 

Il attisa les soupçons que l'empereur avait contre 
son fils , et alla jusqu'à obtenir de Paul I" qu'il lui 
donnât par écrit , en sa qualité de gouverneur mili- 
taire de la capitale, l'ordre d'arrêter le grand-duc lui- 
même, sTl jugeait cette arrestation nécessaire à la sû- 
reté de sa sainte personne. Pahlen montra cet ordre 
à Alexandre, et lui arracha ainsi son consente- 
ment (1). 

On assure que l'empereur projetait encore de faire 
arrêter l'impératrice, de déclarer le troisième de ses 
fils, le grand-duc Nicolas (né le 7 juillet 1796), son 
successeur au trône, et de prendre lui-même la direc- 
tion de son éducation. C'est ainsi que ce malheureux 
monarque marchait à sa perte, et, par ses caprices 
inhumains, s'aliénait jusqu'à sa femme et ses en- 
fants. 

Tout se réunissait pour accélérer une catastrophe. 

(1) Le grand-duc Alexandre fut aussi instruit, d'un autre 
côté-, du sort que lui préparait son père. Le lieutenant général 
Ouvarof, encore chef du régiment des gardes à cheval au 
moment ou nous écrivons (1804), était l'amant de la princesse 
Lapouchin , mère de la princesse Gagarîn , alors maîtresse de 
l'empereur. Paul arriva un soir tout triste chez elle , lui dit 
qu'il n'était entouré que d'ennemis , que ses fils eux-mêmes 
conspiraient contre lui , et lui raconta , sous la promesse du 
secret, qu'il était résolu à les faire emprisonner. La princesse 
Gagarin communiqua ce périlleux secret à sa mère, qui en 
fit part à Ouvarof, lequel en donna avis à Pahlen. Pahlen lui 
conseilla d'en informer immédiatement le grand-duc; et 
quand ce prince en parla au gouverneur général , celui-ci 
convint que l'ordre en question était effectivement entre ses 
mains , et insista alors vivement pour que le grand-duc con- 
sentît à la déposition de l'empereur. 



— 221 — 
L'empereur apportait dans sa politique extérieure la 
même mobilité, ta même irritabilité, que dans sa po- 
litique intérieure. Il était maintenant en guerre avec 
l'Angleterre ; des manifestes hostiles allaient être lan- 
cés contre la Prusse et le Danemark ; déjà ses repré- 
sentants à Berlin et à Copenhague avaient reçu l'or- 
dre de quitter ces cours. L'empire, avec un crédit 
dont la décroissance était rapide, et privé des sources 
les plus abondantes de sa prospérité (1), allait se 
trouver en guerre avec des voisins inoffensifs, sans 
posséder un seul allié en Europe (2). Cependant il 
n'existait pas le moindre motif, le moindre prétexte 
de guerre , et l'empereur lui-même aurait été bien 
embarrassé de produire une raison quelconque de 
nature à justifier un tel fait. D'après tous les calculs de 
probabilité, l'Etat eût été bouleversé avant peu , si 
une circonstance en apparence fortuite ne fût pas ve- 
nue hâter le dénoûment de la crise. 

L'empereur avait eu précédemment pour gouver- 
neur général de sa capitale un général d'artillerie 
appelé Araktchéjef (3). A. ce moment, il jugeait cet 
homme propre à servir ses desseins ; et, soit, comme 

(1) C'était le résultat delà rupture avec l'Angleterre. 

(2) Pour lutter contre l'Angleterre, on avait, il est vrai, 
l'appui de la France ; mais cette puissance était en paix avec 
la Prusse et le Danemark. 

(3) 11 fut nommé 1 en 1807 ministre de la guerre; en 1803, 
chef du corps d'artillerie tenant garnison à Saint-Pétersbourg, 
et a joué depuis un grand rôle jusqu'à la fin du règne de l'em- 
pereur Alexandre. C'est à lui qu'on doit notamment la créa- 
tion des colonies militaires, dont il devint le chef. En I82S, 
il fut mis à la retraite , parce que sa sévérité l'avait rendu 
odieux aux soldats ; et il mourut en 1834 dans sa terre de 

. r Coo^le 



— 222 — 
on l'a supposé, qu'il eût conçu quelques soupçons au 
sujet de Pahlen (1), soit encore qu'il crût Araktché- 
jef plus propre que tout autre à exécuter les mesures 
sévères qu'il voulait prendre contre sa propre famille, 
il lui envoya un courrier pour le faire revenir à Saint- 
Pétersbourg. Pahlen commença par arrêter le cour- 
rier porteur de cet ordre, et ne le laissa repartir que 
lorsqu'il eut acquis la certitude que, lors même qu'on 
ne hâterait pas la marche des événements, Araktché- 
jef arriverait encore trop tard. C'est alors seulement 

Grusino , sur les bords du Wolkof. Par son testament , il 
chargea l'empereur Nicolas de disposer de ce domaine , et 
l'empereur en fit don au corps des cadets de Nowogorod. 

(1) Quelques jours avant la révolution , l'empereur demanda 
brusquement à Pahlen s'il se souvenait de la mort de Pierre III, 
et, sur sa réponse affirmative, s'il en connaissait bien les cir- 
constances. Pahlen répliqua que non. Alors l'empereur lui dit : 
« Je sais qu'on en veut à ma vie, et qu'on songe à se débarrasser 
de moi comme on a fait de mon père. » Pahlen , sacs se trou- 
bler le moins du monde , traita cette crainte de chimérique , 
ajoutant qu'il faudrait passer sur son corps avant de pouvoir 
arriver jusqu'à la personne de son maître. 

A l'époque où germait déjà la première idée de la conspi- 
ration , Pahlen entra un jour dans la chambre de l'empereur. 
Celui-ci l'ayant embrassé dans un accès de tendresse , enten- 
dit le froissement d'un papier dans la poche de son ministre. 
11 voulut savoir ce que contenait ce papier, et Pahlen répondit 
que c'était un rapport militaire insignifiant , tandis qu'en réa- 
lité c'était un plan pour la déposition de l'empereur. Le dan- 
ger que courut Pahlen à ce moment produisit néanmoins sur 
lui un tel effet , qu'il se trouva mal , et saisit ce prétexte pour 
se retirer. 

Nous tenons ces deux anecdotes si curieuses, et qui peignent 
si bien la trempe de caractère du chef du complot, de la source 
la plus sûre (le comte Panin). 

. r Coo^le 



— 223 — 
[ qu'il communiqua aux antres chefs de la conspiration 
: les renseignements qu'il avait au sujet de l'intention 
I où élait l'empereur de lui enlever les fonctions de 
| gouverneur général de la capitale. 11 leur représenta 
que son renvoi ne ferait pas seulement échouer le 
projet, mais vraisemblablement en amènerait en ou- 
tre la découverte. Entin , il leur fit comprendre que 
l'arrivée prochaine d'Araktchéjef ne leur permettrait 
pas plus de différer l'entreprise que d'y renoncer, 
et on fixa d'un commun accord la nuit du 23/11 an 
24/12mars pour l'exécution du complot. 

Avant de commencer le récit de la catastrophe qui 
mit un terme à la crise où se trouvait la Russie, il 
est nécessaire que nous fassions connaître les lieux 
qui furent le théâtre de cette tragédie , et la situation 
du château qu'habitait Paul I". 

Dans les premiers mois de son avènement au trône, 
l'empereur avait fait bâtir un nouveau palais destiné 
à lui servir de demeure. Soit qu'en construisant cet 
édifice Paul ait eu aussi un motif religieux, et qu'il 
voulût consacrer ainsi son arrivée au pouvoir, soit 
qu'il ait sérieusement cru à la vision qu'assurait 
avoir eue , dans l'été de 1197, une sentinelle placée 
dans les environs du Jardin-d'Été, il est certain qu'au 
même moment l'empereur donna l'ordre de bâtir, 
sur cet emplacement, une chapelle sous l'invocation 
de saint Michel , et qu'il y joignit le plan d'un château 
qui devait être appelé Palais Saint-Michel. 

Là, au fond du Jardin-d'Été, sur la rive droite du 
canal Fontancka , à l'endroit même où so trouvait 
autrefois l'ancien Palais-d'Été habité par l'impératrice 
Elisabeth , on vit s'élever, en moins de trois ans et 

. r Coo^le 



— 224 — 

demi , ce gigantesque édifice. Un fossé en maçonnerie 
et de légères fortifications garnies de canons en ren- 
daient l'approche assez difficile; mais l'hiver, qui 
remplissait les fossés de glace, rendait inutiles les 
ponts-levis placés aux principales entrées du châ- 
teau. 

La façade du palais Saint-Michel était de la couleur 
rose tendre des gants que la maîtresse de l'empereur, 
la princesse Gagarin, portait le jour où il fut ques- 
tion de ta couleur à donner à l'édifice. 

L'intérieur en était d'une richesse extrême, et, 
pour le luxe des marbres et des bronzes, dépassait 
tout ce qu'on avait encore vu en Russie. 

Ce prince fantasque y avait réuni le sacré et le 
profane. Il l'avait placé sous l'invocation d'un saint, 
en même temps qu'il lui donnait la couleur de sa 
maîtresse. Tandis qu'à l'extérieur il avait l'air d'une 
forteresse, à l'intérieur il réunissait tout le luxe, 
tout le comfort d'une résidence impériale, 

Paul I er vint habiter ce palais avec toute sa famille 
vers la fin de L'année 1800. Ce monarque avait mar- 
qué un extrême désir de s'établir dans l'édifice qui 
devait devenir son tombeau , et être en quelque sorte 
son mausolée : monument destiné à transmettre le 
souvenir d'un règne fécond en extravagances, en 
même temps que celui 4e la fin tragique du souverain 
qui le fit élever. - 

Les conjurés soupèrent dans la soirée du 23/H 
mars chez quelques-uns de leurs chefs, et, à cette 
occasion , on n'épargna pas les vins capiteux , afin de 
ranimer le courage de certains d'entre eux. Tous se 
réunirent ensuite chez le lieutenant général Talyzin, 

. r Coo^le 



— 225 — 

où Pahlen arriva le dernier et adressa à ses associés 
quelques paroles pleines de force et de conviction ; 
après quoi, on se sépara pour agir suivant qu'il avait 
été convenu. 

Le général Talyzin se rendit aux casernes des 
gardes Préobratschenskoï , et , sous prétexte de trou- 
bles qui venaient d'éclater en ville, y fit prendre les 
armes à un bataillon commandé par Talbanof. Ce 
bataillon marcha sans bruit du coté nord du champ 
de Mars, franchit le pont situé en face de l'hôtel 
Rivas, puis traversa le Jardin-d'Été pour entourer le 
palais Saint-Michel. Mais là, on put reconnaître 
comment le sort des empires dépend quelquefois des 
circonstances les plus insignifiantes. Les vieux tilleuls 
du Jardin-d'Ëté servaient la nuit d'asile à des milliers 
de corneilles. Quand la troupe s'avança à cette heure 
inaccoutumée, ces oiseaux de mauvais augure empli- 
rent l'air de leurs cris ; et le bruit ainsi produit fut si 
grand , que les officiers qui commandaient le déta- 
chement craignirent qu'il ne réveillât l'empereur. Le 
complot eût échoué, en effet , si l'étoile de Paul lui 
eût permis de se mettre en sûreté ; et les corneilles 
du Jardin-d'Été eussent alors acquis dans l'histoire la 
même célébrité que les oies du Capitole. Pendant ce 
temps-là, Pahlen avait pris ses dispositions au sujet 
des accès du palais du côté de la Perspective. Il y 
envoya quelques détachements de cavalerie, qui s'y 
réunirent au bataillon des gardes Préobratschenskoï 
dont nous venons de parler. Quant à lui , il n'arriva 
au palais que lorsque tout était déjà terminé. Les au- 
tres conjurés 1 accusèrent ensuite d'avoir tardé à 
dessein, pour profiter de l'instant si l'affaire réussis- 



sait , et, si elle manquait , pour pouvoir jouer auprès 
de Paul le rôle de libérateur (*). 

Le palais était gardé ce jour-là par un bataillon 
des gardes Ssemenofskoï , qui en occupait les parties 
extérieures et la grand'garde , tandis que la garde 
de l'intérieur el de la personne de l'empereur était con- 
fiée à un détachement de» gardes Préobratschenskoï 
commandé par un lieutenant du nom de Marin (2). 
Quand le bataillon de Talbanof arriva en vue du pa- 
lais, cet officier harangua sa troupe et lui demanda 
si elle vonlait l'accompagner dans une expédition 
dangereuse qu'il entreprenait pour le salut de l'em- 
pire et de la nation. Elle répondit affirmativement 
sans aucune hésitation. On traversa alors les fossés 
sur la glace, on désarma les sentinelles extérieures 
du bataillon de Ssemenofskoï sans qu'elles fissent de 
résistance , el la troupe destinée à pénétrer dans l'ap- 
partement de l'empereur y arriva par le petit escalier 
tournant a (3), ayant son entrée sur la façade don- 

(1) Au rapport de Benningsen, on était oonvenuque le géné- 
ral Pahlen , accompagné du général Ouvarof , s'avancerait à la 
tète d'un bataillon de la garde par le grand escalier du palais 
jusqu'à la chambre de l'empereur. Pahlen marchait si lente- 
ment, qu'Ouvarof dut insister pour qu'il hâtât le pas; cir- 
constance qui donne assez de vraisemblance è l'accusation 
élevée ensuite contre lui par les conjurés. 

(2) Ainsi qu'il a été dit plus haut , il était du nombre des 
conjurés. 

(3) Ce plan d'une partie du premier étage du château Saint- 
Uichel est fait d'après la planche X des quatorze planches 
publiées en 1800 par l'architecte Brenna. Les trois pièces in- 
diquées par le chiffre 6 étaient les appartements intérieurs de 

'empereur. Le n° S se rapporte aus appartements de l'impé- 



nant sur le jardin commtmément appelé Troisième 
Jardin (1). 



ratrico , et le n° 7 à une petite cuisine appartenant à l'en 
pereur. 




(1) C'est ici qu'il convient de rapporter que depuis plusieurs 



- 228 — 

Ce détachement se composait des trois frères Zou- 
bof , du général Benningsen , du général Tchitchérin 
et d'une foule d'hommes inconnus, comme Mansourof, 
Tatarinof, Yeschwell , qui pendant cette nuit terrible 
se distinguèrent par leur intrépidité. 

Le prince Platon Zoubof et le général Benningsen 
se rendirent à la chambre à coucher de l'empereur 
sans rencontrer aucun obstacle , en traversant l'anti- 
chambre située entre l'escalier tournant et cette 
chambre. Elle n'avait pas d'autre issue que la porte 
indiquée au plan par la lettre b. L'architecte Brenna, 

mois Paul était assiégé par la crainte de périr empoisonné , et 
qu'en conséquence il s'était adressé à un marchand établi de- 
puis longues années à Saint-Pétersbourg, el l'avait chargé do 
lui trouver et de lui recommander une bonne cuisinière bour- 
geoise anglaise. Cette femme lui préparait son dîner dans la 
petite cuisine attenant à ses appartements , et indiquée au 
plan par le n° 7. Elle fut effrayée du bruit que faisaient les 
conjurés , disparut au milieu de la bagarre, et s'en vint seule, 
nuitamment, à pied , retrouver ses anciens maîtres à Saint- 
Pétersbourg. 

On lit dans un rapport diplomatique envoyé deux mois après 
l'événement : 

« Les conjurés s'annoncèrent comme une troupe qui venait 
pour relever la garde à l'intérieur du palais , el , après avoir 
indiqué le mot d'ordre, passèrent sans difficulté devant les 
différents postes et sur les ponls-levis. Ils pénétrèrent, par 
une porte latérale, au pied d'un escalier secret conduisant 
dans l'appartement à l'extrémité duquel était la chambre à 
coucher de l'empereur. Us traversèrent cet appartement sans 
obstacle, jusqu'au seuil même de la chambre à coucher. Le 
hussard de la chambre qui s'y trouvait en faction essaya de 
leur opposer quelque résistance, et, avant qu'on eût pu ter- 
rasser et désarmer cet homme , ses cris d'alarme et ses efforts 
pour résister aux assaillants avaient déjà, réveillé l'empereur 
et appelé son attention. » 



— 249 — 
qui avait construit le palais Saint-Michel , avait fait 
pratiquer dans la chambre à coucher de l'empereur 
une porte de communication avec l'appartement de 
l'impératrice , marqué par la lettre c. À ce moment , 
la froideur de l'empereur pour sa femme était par- ■ 
venue à son point extrême. Paul ordonna donc à 
Breuna de condamner cette porte ; et Brenna, ayant 
différé de quelques heures d'exécuter l'ordre qu'il 
avait reçu , fut mis aux arrêts en punition de sa né- 
gligence. 

A l'entrée de la chambre à coucher, sur le seuil 
même de la porte y conduisant, à l'endroit indiqué 
au plan par la lettre b et où dormait le hussard de la 
chambre de l'empereur, ce fidèle serviteur essaya 
d'opposer quelque résistance. Il lui fallut céder à la 
force, et, après avoir reçu maints vigoureux horions, 
il s'enfuit pour appeler au secours [i). 

(1) L'impératrice-mère attacha plus tard ce hussard à sa 
personne en qualité de valet de chambre. Quand il entra, la 
tête tout ensanglantée , dans la salle ou se trouvait le déta- 
chement des gardes Préobratschenskol commandé par Marin, 
en criant qu'on allât au secours de l'empereur, ce détachement 
avait déjà été alarmé par un allumeur de poêles qui avait 
annoncé les mêmes faits , mais que Marin avait traité de fou 
et d'ivrogne eu le renvoyant bien vite. A cette seconde nou- 
velle, l'agitation sur l'escalier devint plus grave et plus gé- 
nérale, et un soldat demanda, au nom de ses camarades, 
qu'on les conduisit auprès de l'empereur. Marin lui mit la 
pointe de son épée sur la poitrine en le menaçant de le tuer 
s'il proférait un mot de plus ; puis il ordonna au détachement 
de présenter les armes. En Russie, cette attitude militaire 
implique un silence absolu. La troupe obéît et resta dans 
cette attitude jusqu'à ce qu'on eût appris que tout était con- 
sommé. On déclara alors à la troupe que Paul , devenu fou , 



— 230 — 
Un officier d'ordonnance de l'empereur, dont noos i 
ignorons le nom , guidait les assaillants et pénétra I 
avec eux dans la chambre à coucher. Le prince Zon- i 
bof et le général Benningsen étaient en grand uni- 1 
forme, le chapeau sur la tête et l'épêe à la main. Ils ( 
se présentèrent devant le lit de l'empereur, et lui di-| 
rent : « Sire, vous étés arrêté. » L'empereur se lev*-^ 
et leur demanda tout abasourdi ce qu'ils voulaient^ 
sur quoi ceux-ci répétèrent les mêmes paroles, en lui 
déclarant qu'il fallait qu'il abdiquât la couronne, et 
qu'il se tint d'ailleurs tranquille. Le prince Zouhotal 
l'officier d'ordonnance se dirigèrent alors vers la poi 
pour appeler les autres conjurés , et Benningsen 
tronva ainsi pendant quelques instants seul près 
l'empereur, qui gardait le silence , rougissant et pi- 
lissant tour à tour de fureur : « Sire, lui dit-il, il y 
de votre vie : il faut vous résigner à signer un ti 
d'abdication (1) ...» A ce moment divers officiers péné- 
trèrent dans la chambre à coucher. Benningsen leur 
enjoignit de garder l'empereur à vue, puis se dirigt 
vers la porte pour la fermer. Paul profita de ce ihcm 



avait été déposé , et elle acclama à l'unanimité Alexandre 1" 
en qualité d'empereur. 

Cette anecdote témoigne autant de la présence d'espritd», 
Harin que de la puissance du sentiment de la subordination 
chez le soldat russe. 

(1) On lit encore à ce sujet dans le rapport diplomatique 
précédemment cité : <x L'empereur fut arrêté par le général 
Benningsen, qui se plaça entrelui et une porte située en fat*. 
en lui disant en français : « Sire , vous êtes arrêté. » Il y eut 
alors un moment d'hésitation, et le général Benningsen est 
convaincu que si l'empereur avait à cet instant consenti à se 
rendre, on se serait abstenu de tous autres actes de no- 



- 231 — 
ttt pour sauter à bas de son lit. Un de ces officiers 
saisit alors à la gorge ; mais l'empereur, qui se dé- 
rrassa de son étreinte , courut se mettre derrière 
i grand écran placé devant un poêle , et tomba. 
«oingsen lui cria encore une fois : « Sire, n'essayez 
i de résister, il y va de votre vie ! u Mais l'empe- 
B, se relevant, se dirigea vers une table où étaient 
ijours à sa disposition plusieurs pistolets chargés, 
in moment où la masse des conjurés se précipita 
Hti, on entendit du bruit à la porte. C'était un 
fcw qui , suivi d'un détachement, venait prendre 
wdres de Benningsen , lequel lui ■enjoignit' de gar- 
r l'entrée et de la défendre. Pendant ce temps-là, 
wnjurés, osant porter leurs mains sacrilèges sur 
personne de leur souverain, avaient renversé Paul 
tre. On raconte que ce fut le nommé Yeschwell , 
kre d'origine, qui le premier leva son bras régi- 
fcsnr l'empereur, lequel, à la suite d'une assez* vi- 
treuse résistance, fut enfin terrassé, puis étranglé 
t l'écharpe d'un officier dn régiment des gardes 
œenowskoï , appelé Scariatin , qui commandait la 
île montante au palais Saint-Michel. On prétend 
îles conspirateurs ne s'étaient d'abord -munis de 
te écharpe que dans le but de lier les pieds de 
ipereur(i). 

I) H parait que l'empereur expira à l'endroit marqué au 
i par une croix. Pendant cette courte lutte, de dix minutes 
plus, on l'entendit demander ce qu'on lui voulait. A quoi 
tes assaillants répondit qu'il y avait déjà longtemps qu'on 
lit du se débarrasser de lui. La plupart des conjurés étaient 
*■ Il semble hors de doute que ce fut le grand écuyor 
olas Zoubof qui étrangla l'empereur de ses propres mains. 
*il un homme d'une taille élevée , avec d'assez beaux 
iti , mais d'une expression sinistre. U mourut jeune encore 



isi périt Paul I", à l'âge de quarante 61 * ans : 
pie mémorable d'un souverain qui né avec tous 
lents, était doué de toutes les -vertus» et ^ u ' * es 
|ua jusqu'à un âge où l'on croit que les hommes 
uvent désormais à l'abri de l'influence des pas " 
tandis que, arrivé à cet âge , n changea com P le - 
it de mœurs, d'habitudes et de caracl£ re ' et dé ~ 
a en un tyran extravagant. 

îst difficile, d'indiquer les notas de tousl esmeur_ 
, et do livrer à l'eiécration des siècles à TCnir 
.moire de tous ceux qui trempèrent lei» rs miins 
éges dans le sang de leur souverain t e nombre 
onjurés était grand, et, ainsi qu'il faut le re| M- 
j à la honte de l'époque , i a h .„„ portait 

.rince était si vive et la perversité ie ses enne- 
i profonde, qu'en 1801 on rencontrait un* <M 
dersqni se vantaient d'avoir trrW d»» 1 '»- 
lat, quoiqu'ils n , eussent pounantpris mame 

ratefois, les noms du grand «en™ „„ m te Ni»las 
,01, du général Tchi tohérl ® °»ï« "■"*£,, do 

rinol et d'Yeschwell, seront tra^."^ 

, possession de sa charge m rt , . „,, ire que 

s l'empereur Alexandre, n { ",?» il faut «**££& 
i la part directe prise à c „: lTn Pératrice - ffie wmU > 
»s. *• assassinat P" ' 

lit dans le rapport d 'Plora au ,„,,àéil *• 

l0 us , . Il n'est que trop ca^-'.IOe maintes *»• J cU! d , 
me fut commis par une p er *" tt que ce **" ,. «(.», 

soupe • l« table de r«.pe°' 8 »u w qm , » «* 
,st tout à fait comme il arrj v *? p - » nllesassaa- 

,e firent d'abord inviter p ap ■> à F- iePr ,„ , d»» Jjpl)l 
re. rapports, Valérie» Zoul^r 4 di »e" P " 'oôpi»»» 
;hez l'empereur. u °' avaii aus»' 6 



. r Coo^le 



— 234 — 

le l'adhésion donnée par lui au plan de détrônement ; 
i ce moment il regretta trop tard, et bien inutile- 
lient, de s'être lié avec une jeunesse effrénée etfé- 
*oce, qui avait déshonoré par un forfait une entre- 
prise indispensable peut-être au salut de l'État (1). 
L'impératrice Marie (2) , qui avait entendu du bruit 

(1) On lit dans le rapport diplomatique : a Les deux frères 
Alexandre et Constantin) étaient ensemble, et, comme il est 
acile de se l'imaginer, se montrèrent saisis d'horreur et 
l'épouvante. Mais le nouveau souverain, qui reconnut la 
îécessité de se conformer à tout ce qu'on exigeait de lui, et 
i qui naturellement on n'avait rien dit des moyens violents 
m'on avait employés pour ôter la vie à l'empereur défunt, 
nnsentit enfin à apposer sa signature au bas d'une proclama- 
ion où il était dit que ce souverain avait succombé dans la 
mit à une attaque d'apoplexie. Cette nouvelle fut annoncée le 
endemain 24 , au bruit du tambour, dans les mes de Saint- 
'étersbourg ; et dans l'après-midi, l'empereur Alexandre, 
mi après cet événement était allé s'établir au Palais-d 'Hiver, 
■eçut l'hommage et le serment de fidélité du Sénat, de la 
i obi es se , etc., de même que le serment de fidélité des troupes 
le la garnison, y compris le régiment des gardes à cheval, 
.orsqu'il se montra au peuple sur un balcon, il fut salué par 
es plus vives acclamations... » 

(8) C'était la seconde femme de l'empereur Paul l* r , lequel 
vait épousé en premières noces, le lu octobre 1773,1a 
Tincesse Wilhelmine de Hesse-Darmstadt (née le 23 juillet 
7S3), appelée comme grande-duchesse Nathalie-Âleiiefa, 
u'il avait passionnément aimée. Au décès de cette princesse, 
lorte en couohes le 26 avril 1778, se rattachèrent de ces 
ruits sinistres qui, en Russie, se répandent à propos de 
aute mort inattendue et importante, sans être toujours fon- 
és. Il ne restait pas d'enfants de ce mariage. La seconde 
pouse de l'empereur Paul fut la princesse Sophie-Dorothée- 
.uguste-Louise de Wurtemberg (née le 25 octobre 1759), 
Ile ainée du prince devenu, depuis 1703, duc Frédério- 
iugène de Wurtemberg , et de la princesse Frédéric*» de 



— 235 - 
K le chaleau, apprit qu'un mouvement avait lieu 
tire l'empereur son époux. Elle essaya de parvenir 
p'à lui ; mais, à toutes les portes de commanica- 
l, l'ordre avait été donné de lui dérendre , baïon- 
!e croisée, d'aller plus loin. Un officier, auquel 
ffiéralrice s'adressa, crut devoir envoyer deman- 
de nouveaux ordres au général Benningsen; mais 
frci lui fit défendre, sous peine de la vie, de lais- 
Pmpêratrice sortir de ses appartements. Elle ne 
(fit pas davantage dans une tentative qu'elle fit 

Ifcfourg-Sctiwedt. Comme grande-duchesse et impéra- 
lelle porta les noms de Mario Feodorowna. Elle épousa 
ffe 18 octobre 1776, et mourut le 5 novembre 1828. 
brailponr frère aîné le prince Frédéric, devenu plus 
Ifremier roi de Wurtemberg, père du roi aujourd'hui 
pt, lequel épousa en secondes noces une fille de sa 
), tandis que son fils a épousé une de ses petites-fil les , 
f de l'empereur actuel de Russie, la grande-duchesse 
i De ce mariage, l'empereur Paul eut quatre fils et six 
h i° le grand-duc devenu ensuite l'empereur Alexan- 
r; î° le grand-duc Constantin, né en 1790, qui, en 
I et 1825 , renonça à la couronne , et qui , après avoir 
Ré d'avec sa première femme, la princesse Juliane de 
'fobourg (la grande-duebesse Anne, née en 1781, morte 
KO), contracta , le 20 mai 1820 , un mariage morgana- 
l avec la princesse de Lowicz (la comtesse Jeanne Grud- 
b, née eu 1799, morte le 29 novembre 1831), et mourut 
'juin 1831 ; 3» la grande- duchesse Aiexandrine, née en 
t mariée en 1 799 au palatin de Hongrie , l'archiduc Jean 
IficLe, à qui elle ne donna qu'une fille, morte en nais- 
i et qui succomba aux suites de cette couche le 18 mars 
; 4° la grande-duchesse Hélène , née en 1 784 , mariée en 
eu prince héréditaire Louis de Mecklembourg-Schwerin, 
léu dernier grand-duc et grand'mère du grand-duc actuel 
lecklembourg-Schwerin ; S" la grande-duchesse Marie, 
TdTiui grande- duchesse de Saxe-Weimar, née en 1 796 ; 
■ grande-dachesM Catherine, née en 1788, mariée en 



n antre cdté pour parvenir jusqu'aux grands-ducs 
ixandrc et Constantin. 

Lorsque le grand-duc Alexandre eut été proclamé 
pereur par les gardes , les Zoubof et le général 
hlen quittèrent le palais pour aller prendre leurs 
; positions en ville. Benningsen resta au palais Saint- 
ichel, pour le garder ainsi que la famille impériale. 
reçut alors (vraisemblablement de l'empereiir 
lexandre) l'ordre d'aller trouver l'impératrice, et 
i la prier de rester tranquille. Quand Benningsen 
mil devant cette princesse , elle lui demanda à 
aintenant elle était libre. II lui répondit que non, 
irma la porte, et mit la clef dans sa poche. L'impéra- 
■icelui enjoignit alors d'ouvrir et de donner l'ordre 
e la laisser aller partout où elle voudrait se rendre. 
1 répondit qu'il n'y était pas autorisé, et ajouta aus- 
itôt : « L'empereur Alexandre. . . » A ces mots, fia- 
>èratrice, levant les mains au ciel, s'écria : * Aleian- 
lre!... Qui l'a fait empereur? — La nation, Madame, 
es gardes l'ont proclamé ! — Mais qui a formé cette 
conspiration ? — Tout le monde y a pris part, militai- 
res, bourgeois, gens de cour. — Laissez-moi aller 
rouver l'empereur Alexandre. — Non, Madame, cela 



premières noces au prince Georges d'Oldembourg (mort en 
1813), et en secondes noces au roi actuel de Wurtemberg, à 
jui elle a donné la comtesse Franciska de Neipperg et la 
reine actuelle des Pays-Bas , morte en 1810 ; 7° la grande-du- 
ihesse Olga, née en 1793, morte en 1795; 8° la graude-du- 
:hesse Anne, mariée en 1810 au prince d'Orange , devenu 
slus tard le roi Guillaume II des Pays-Bas, veuve depuis 
1849 ; 9" le grand-duc Nicolas , devenu empereur en 18S8, 
mort en 1886 ; 10" le grand-duc Michel, né en 1798, mort 
an 184». 



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. r Coo^le 



— 238 — 
ilheureux monarque. Entre diverses circonstances 
ii auraient dû faire découvrir la conspiration, on 
. cite deux qui sont trop remarquables pour que 
ius puissions les passer sous silence. Le matin du 
ur qui se termina par la révolution, un homme du 
:uple s'approcha de l'empereur, qui se promenait à 
levai, et lui remit un billet cacheté. L'empereur le 
issa au comte Koutaizof, son grand écuyer, qui ■ 
kccompagnait à la promenade, et celui-ci le garda 
ns l'ouvrir avant le lendemain matin. Or, il setrou- 
i que cette lettre contenait nne dénonciation for- 
elle du complot et les noms des conjurés. Le même 
ur, le général Talyzin s'était dit indisposé afin de 
mvoir mieux prendre les diverses dispositions en- 
>re nécessaires. L'empereur lui envoya son médecin, 
docteurGrive, Anglais de naissance, et aujourd'hui 
804) médecin de l'empereur Alexandre. Par ordre 
î Paul , Grive pénétra jusqu'à Talyzin au moment où 
^libérait chez lui un comité des conspirateurs. Leur 
■emière idée fut de tuer ce médecin, afin d'empêcher 
nsi toute révélation. Mais le général Talyzin se 
largea de lui faire promettre de garder le silence, 
le fit strictement surveiller pendant les quelques 
sures qui s'écoulèrent encore avant l'explosion de la 
aspiration. 

Des qu'on connut la mort de l'empereur Paul, les 
tupes qui entouraient le palais firent retentir l'air 
leurs hourahs et proclamèrent l'empereur Alexan- 
e. On envoya des aides de camp aux casernes des 
Tèrents- corps pour faire prêter à ces troupes ser- 
ait de fidélité au nouveau souverain. La famille 
pénale, alla avant la pointe du jour s'établir au Pa- 

i: ■ . .Google 



— 239 — 
lais-d'Hîver (1). De huit à neuf heures, IV 
avait déjà reçu l'hommage de toute la garnis 
cour et des principaux fonctionnaires civils 
taires. 

Il se présente involontairement à l'esprit 
marques qui donnent à cette révolution un 
tout différent de celui des autres révolutions m 
La première, c'est qu'elle fut accomplie i 
l'aide d'un ou deux bataillons d'infanterie 
peu de cavalerie ; que ces troupes ignoraien 
teuient ce qu'on allait leur faire faire, et qu' 
taine d'officiers, qui étaient dans le secret, t< 
et exécutèrent seuls cette révolution. Doi 
monarque avait pu s'échapper, tout eût mai 
il aurait infailliblement trouvé secours et aj 
mi ces mêmes soldats qui contribuaient à le ( 

La seconde remarque, c'est que, sauf l'un 
ception de l'auguste victime, ce rapide chan; 
vue dans le pouvoir suprême, à la suite d'i 
où l'autorité avait tant abusé de ce pouvoi : 
verné si arbitrairement, n'amena aucun act ■ 
geance, aucune persécution (2). 

(1) Le célèbre baron d'Armfeldt se trouvait al' : 
Pélersbourg, et l'empereur Paul lui avait assigné u 
pour le même jour, à six heures du matin. Quand 
palais Saint-Michel, où tout était parfaitement ti i 
demanda à être introduit auprès de l'empereur. 
dit qu'il se trouvait au Palais-d'Hiver. Il fut quelq i 
sans pouvoir comprendre ce brusque déménageai : 
ce qu'on lui eût appris ce qui venait de se passer 

(!) On peut encore faire une troisième rema ; 
que celte révolution , - tout au moins dans ses I 
diats, car il n'y a pas de révolution sans préjudii ; 

. r Coo^le 



Puisse l'historien philosophe réfléchir sur ces deux 
remarques ; il ne lui sera pas difficile de nous expli- 
quer pourquoi chez les nations éclairées les révolu- 
tions amènent toujours tant de maux'à leur suite, et 
pourquoi chez un peuple dont la civilisation date à 
peine d'un siècle , elles ont un caractère si diffé- 
rent (!}. 

Paul I"fut exposé sur un magnifique catafalque, le 
lendemain de sa mort. On avait placé sur sa tête un 
grand chapeau d'uniforme; sa main droite, toute 
mutilée de coups de sabre, était, contrairement aux 
usagesdupays, cachée parun gant. Son visage n'était 
pas très défiguré ; mais le chirurgien Wylie était oc- 
cupé à le farder d'heure en heure, et à aider à faire 
disparaître les traces de mort violente qui reparais- 
saient toujours. 

parce qu'elles exercent toutes une pernicieuse influence sur 
la moralité publique, — se borna à la cour; qu'il n'y eut 
point de bouleversement dans l'État, que les lois ne per- 
dirent pas de leur force un seul instant, et que l'événement 
n'eut pas plus d'effet sur le reste du pays que si l'empereur 
Paul était véritablement mort d'apoplexie. En outre, les 
meurtriers ne parvinrent point au pouvoir, et on ne vit pas 
des hommes nouveaux se hisser aux affaires à l'aide de ce 
crime. 

(1) Les nations vraiment puissantes au point de vue de 
l'esprit et de la moralité , vraiment civilisées au point de vue 
politique, ne font pas de révolutions. Ou bien, quand elles 
en font, ces révolutions n'entraînent avec elles aucun dom- 
mage , comme l'Angleterre nous en offre un exemple en 1688. 
Les excès et les horreurs des révolutions proviennent d'une 
demi-civilisation intellectuelle et politique, de l'absence, dans 
les masses , du sentiment moral et de celui du devoir, du 
vrai honneur et de la véritable humanité. 

. r Coo^le 



- 2*i — 

Au pied de ce catafalque on voyait un fils ei 
à la plus vive douleur, pleurant un père dont ii 
causé la mort, et cherchant à racheter par des 1 
sincères le crime de quelques-uns de ses nou 
sujets. 

Les obsèques de l'empereur eurent lieu le 28 
(9 avril) avec la plus grande pompe. Le cadavr 
déposé dans le caveau impérial de l'église de la 1 
resse de Saint-Pétersbourg,, où les restes de Pau 
reposent à coté de ceux de Pierre III. 



. Google 



. r Coo^le 



UNE PRÉDICTION 



Par une brillante matinée du printemps de l'an- 
née 1814, le vaisseau de ligne anglais The Vanguard 
entrait dans le port d'Alexandrie toutes voiles dehors, 
j jetait l'ancre , et bientôt il y était entouré de cet es- 
saim d'embarcations qui viennent offrir aux naviga- 
teurs de long cours les vivres frais dont ils ont été si 
longtemps privés. Quoique le séjour du bâtiment ne 
dût être que de courte durée , le capitaine accorda 
à ceux des officiers dont le concours ne lui était pas 
immédiatement nécessaire la permission de fouler le 
sol de l'Egypte, cette terre des merveilles, et de visi- 
ter ce qu'elle offre de plus curieux, tout au moins à 
Alexandrie et dans ses environs. Trois jours s'étaient 
déjà écoulés depuis l'arrivée du Van- ; uard , lorsque 
quelques-uns de ces officiers , après avoir consacré 
plusieurs heures à parcourir à cheval les rues de la 
"ville et ses environs, entrèrent dans un khan pour s'y 

U) D'aprëBBurke, Anecdote* ofthe aristocracy and épisodes 
M anceslral story, t. I", pages 134 et suivantes. 

Cookie 



— Ui — 

rafraîchir et y délibérer sur la manière dont ils em- 
ploieraient le peu d'heures que leur permission leur 
laissait encore de libres. Le drogman dont ils s'étaient 
munis, et que dans leurs courses continuelles ils 
avaient mis sur les dents , leur assura qu'ils avaient 
vu tout ce que la ville offrait de curieux . Cependant, il 
lui revint encore à l'esprit Maugrabin , le devin , qui 
leur dirait leur bonne aventure , et , à l'aide de son 
astrolabe , était capable de leur apprendre combien 
de temps devrait s'écouler pour que chacun d'eux 
devint amiral. La proposition fut acceptée à l'una- 
nimité. 

Ali s'en alla chercher le mage , et au bout d'une 
heure revint avec lui. Dans la compagnie de Mau- 
grabin se trouvait un jeune Copte de neuf à dix ans 
qui devait servir de médium à ses révélations ma- 
giques. Le sage égyptien déclara en effet que l'ave- 
nir ne pouvait se manifester qu'aux yeux de cet en- 
fant, dans le cœur duquel ne s'était encore élevée 
aucune pensée impure. Il se chargeait de son côté 
d'évoquer les esprits , et l'enfant donnerait ensuite 
anx différentes personnes de la société tous les ren- 
seignements qu'elles pourraient désirer au sujet des 
choses invisibles. 

Un bassin rempli de charbon embrasé fut apporté 
et placé sur le sol. Le mage prit du papier, une 
plume et de l'encre , et questionna la société sur ce 
qu'elle désirait qu'il demandât anx esprits. Sur la 
réponse que chacun lui Ht qu'il voulait savoir sa des- 
tinée , il se plaça devant le bassin de charbon em- 
brasé, ayant l'enfant en face de lui. Il déchira alors 
une feuille de papier en plusieurs morceaux; sur cha- 
cun desquels il traça des caractères arabes. Il prit 



— 2*3 — 

ensuite de l'encens , le jeta sur le charbon enflammé, 
et commença ses conjurations en prononçant quel- 
ques paroles inintelligibles. La fumée s'échappait du 
brasier en formant une série d'anneaux, d'abord 
épais , puis devenant diaphanes à mesure qu'ils s'é- 
largissaient, pour finir par se réduire à rien; et, 
pendant ce temps-là , le mage se démenait dans tous 
les sens, en répétant les mômes paroles aussi rapide- 
ment que cela lui était possible. Tout à coup il s'ar- 
rêta, puis il plia un morceau de papier en forme de 
cornet, le remplit à moitié d'encre, et ordonnai 
l'enfant de fixer constamment ses regards sur le 
liquide noir, et d'appeler quand il Terrait quelque 
chose. Les conjurations continuèrent ensuite avec un 
redoublement d'énergie, jusqu'à ce qu'un cri de 
l'enfant interrompit enfin l'opération du mage. 

* Je vois, dit l'enfant, deux individus avec des 
balais qui tournent la ruelle, et voilà maintenant un 
étranger, monté sur un cheval blanc, qui vient à 
eux. » — « Suffit! s'écria Maugrabin. A présent. 
Messieurs, faites-moi connaître vos vœux particu- 
liers. » Alors un jeune midshiprnan prit la parole 
d'un ton calme mais grave, et demanda à connaître 
ce qui excite plus ou moins la curiosité de chacun , et 
à savoir comment se terminerait son existence. Le 
mage s'inclina en signe d'assentiment. 

Une nouvelle dose d'encens fut jetée dans le foyer, 
et le mage y ajouta encore plus de morceaux de papier 
que la première fois. D'épais nuages de fumée se ré- 
pandirent autour de l'assistance , et parfois ils déro- 
baient complètement Maugrabin et l'enfant aux re- 
gards des spectateurs de cette scène. Avec quelques 
efforts d'imagination, et quand on prêtait l'oreille 



— 846 — 
aux conjurations auxquelles il continuait de se livrer 
d'une voix stridente , il était facile de transformer 
ces nuages de fumée en ligures surnaturelles sem- 
blant se presser autour de l'enchanteur . De nouveau 
le cri de l'eufant l'interrompit dans son opération, et 
le mage lui ordonna alors de dire ce qu'il voyait. 

« J'aperçois une île toute couverte d'arbres sem- 
blables à des palmiers. Je la vois maintenant très 
distinctement. C'est un bel endroit. Le sol est ver- 
doyant et couvert de fleurs , comme les plaines d'ici 
après que le Nil s'est retiré. Devant se trouve un port, 
et voilà un grand navire qui y entre. Les voiles sont 
très blanches , et tout à l'extrémité flotte un pavillon 
sur lequel se trouve une croix rouge. Sur la côte se 
tiennent des gens comme je n'en ai jamais vu. Ils sont 
grands et presque nus. Leurs maisons me semblent 
tout à fait étranges. Il me semble qu'elles sont con- 
struites avec des arbres. — L'image est passée... Je 
vois maintenant des gens semblables à ceux qui sont 
ici , mais ils ne sont pas tous vêtus de la mémo façon. 
Il n'y en a qu'un qui ait de l'or à ses habits. Les au- 
tres sont armés de fusils , tandis que lui n'a qu'une 
épée à la main. Ils sont dans une belle île , mais non 
pas sur la cote. Ils gravissent une montagne sur la- 
quelle il ne se trouve qu'un seul arbre. Les hommes 
sauvages les attaquent. Ils combattent bravement. 
Des masses d'insulaires tombent morts devant les 
fusils des hommes de mer; mais des masses plus con- 
sidérables encore se réunissent. Le marin qui a de 
l'or sur l'épaule est tué, et quelques-uns de ses hom- 
mes sont aussi tués à ses côtés. Les autres l'enterrent 
au pied de l'arbre qui est sur le sommet de la mon- 
tagne. — Je ne vois plus rien... » 

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kes autres n^. 

\a.mtae dréœoni e 
rail de teUe façon, 
ignorons combien □ 
mais quant à laprei 
point en point bien 
toute vraisemblance 



En effet, Wal ter Ci 
jeune midski pma „ „ 
Croker de Lineham 

tut mis a demi-solde, 
sèment de la paix J 
avait fait l0lls ses ef| 

Parce qu'il avait un goii 

lu'il avait embrassée 

sollicitations demeurai 

Poursuivre davantage 

ternel, situé à Usnabr'i, 

«nlrlande.se maria et 

ce qu'il croyait, — da 

gentlemen campagnards. 

■'âne, hospitalier, qui 

Weetserviable, s'était fi 

tand il lui arrivait d' 

aventures de mer, il „ ar 

;™°eMaugrabi„,,,»i 

'» grande impression c 

Mances au milieu desquel 



. ,'Goo^Ie 



placé , ne faisait que provoquer, de grands éclats de 
rire de sa part et de celle de ses auditeurs . 

La politique suivie par Louis-Philippe devait don- 
ner tout à coup une direction nouvelle et bien inat- 
tendue à la vie de Croker. Plus de vingt années s'é- 
taient écoulées , et Croker avait tout lieu de se croire 
complètement oublié des lords de l'Amirauté, lorsqu'il 
eut l'agréable surprise de recevoir une lettre où on le 
prévenait qu'on ne l'avait jamais perdu de vue, 
qu'une belle frégate toute neuve allait prendre là 
mer au premier jour, et que le commandement lui en 
était destiné. Il partit aussitôt pour Londres où on 
lui confirma la bonne nouvelle. Les intrigues de la 
France dans la mer du Sud , rendues manifestes pa, 

I occupât,™ de Tant, exigeaient qu'on y envovât 
quelques bâtiments commandés par des hommes d'ex 
pênence, au. auraient pour mission d'observer L 
mouvements de la puissance rivale ■ « r 1 

été choisi pour cette tache aussi difûrn. ™ erarai > 

II ne s'agissait que d'un petit ttom ?„ ',f h °"«able. 
parce qu'il ne fallait p as exciter 1 Mlim ents, 
capitaines avaient ordre d'évité & dén ance ; et les 
les navires de l'autre nation ro • * e collision avec 
s'attacher à conserver à l'A. nK w ,s en "héme temps de 
de prépondérance mariti me qui """ Cette re PWalion 
maintien de sa puissance. j2 i . "dispensante au 
valent parcourir l'océan Paciti„„ '? en,s "««« de- 

rZ;c™ste,lX S '^tr^ le ?- 
l'Augleterr. ceux d'en,?/^™ sous la p^,* - 
le désir ; en un mot , ' eu * qui e „ manifl ! âe 
véritables représentant J^i qn'u con^ntutTe 

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dans ces îles. La vie 

mise en péril pari csi 

mission toute pacitiq L 

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recueillir à son bord . 

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°» «lève son tombeau 

*"■». se trouva réalisée! 

« !•'»•• des Iles Tonga ou d 



. ,Coo^le 



. ,Coo^Ie 



CASTLEREAGH ET WELLINGTON 



En rapprochant ainsi les deux hommes célèbres 
dont nous allons parler, nous ne nous sommes point 
proposé de tracer un tableau complet de leur vie et 
de leurs actes, et pas davantage de pénétrer dans leur 
histoire privée. En ce qui est de cette dernière tâ- 
che, Castlereagh seul pourrait offrir des matériaux 
secrets de quelque intérêt pour l'histoire , tandis que 
la carrière de Wellington ne présente que des traits 
grandioses , clairs et patents. L'unique point de res- 
semblance qu'ils aient entre eux , c'est que , quoique 
appartenant l'un et l'autre au sol irlandais par leur 
origine immédiate et par les propriétés de leurs pères, 
ils consacrèrent tous deux leur existence entière au 
service de la Grande-Bretagne. Du reste, il n'y a ab- 
solument aucune analogie à établir entre le diplomate, 
l'homme d'État ambitieux, habile et profondément 
dissimulé, qui, pour échapper au fatal réseau qu'il 
avait tissé de ses propres mains, et qui l'élreignait cha- 
que jour plus fortement , ne trouva d'autre moyen 
que d'attenter lui-même à ses jours au moment ou il 
était parvenu à l'apogée de sa puissance et où il pa- 



— 2S2 — 
raissait comble des faveurs de la fortune ; el le capi- 
taine illustre qui , pour remplir sa mission, ne con- 
nut pendant toute sa vie d'autres moyens que l'ac- 
complissement du devoir et la ligne droite; qui, 
comme homme d'Etat et comme général , suivit tou- 
jours la même règle ; qui , en politique, partit, il est 
vrai, de la même base que son collègue, mais en sa- 
chant éviter les conflits auxquels l'autre succomba, 
parce qn'il comprit qu'il fallait subordonner les 
moyens et les principes de parti au grand but final; 
qui méprisa toujours la faveur publique , mais non 
pas le peuple, comme l'autre en fut justement accusé; 
qui, en conséquence, se vit entouré jusqu'au tombeau 
des respects de ce même peuple, qui quelquefois pour- 
tant avait été plus irrité contre lui que contre Castle- 
reagh ; eniin , qui eut le rare bonheur de conserver 
jusqu'aux dernières limites de la vieillesse toute son 
énergie morale el toute sa vigueur physique, et qui 
emporta dans la tombe les regrets sincères et univer- 
sels de sa nation. Nous le répétons , il ne s'agit ici ni 
d'un parallèle ni d'un essai biographique. Nous n'a- 
vons d'autre but que de mettre en saillie un épisode 
romanesque de la vie si positive, si anti-romanesque 
de Castlereagh, et de communiquer des détails gé- 
néalogiques généralement fort peu connus sur le con- 
tinent au sujet de Wellington, de cette grande figure 
militaire que le patriotisme anglais opposera toujours 
celle de Napoléon. 



. r Coo^le 



- 283 - 
Le nom de famille de l'homme d'Etat plus généra- 
lement connu sous le titre de lord Castlereagh était 
Stewart; et l'on trouve effectivement dans son arbre 
généalogique diverses traces de parenté avec la mal- 
heureuse race royale à laquelle les calamités des 
temps, en Ecosse, et ses propres fautes, en Angleterre, 
firent éprouver tant de tragiques catastrophes. Sir 
Walter Stewart, fils de sir James Stewart, de Bonkyll, 
petit-fils d'Alexandre, grand échanson d'Ecosse, dont 
l'arrière-petit-fils , issu de son second fils James, 
aonta en 1371 sur le trône d'Ecosse sous le nom de 
roi Robert II , vivait au commencement du quator- 
zième siècle , et reçut en fief la baronie de Garlies , en 
Ecosse, de John Randolf, comte de Moray, à qui le 
document relatif à cette inféodatioo donne la qualifi- 
cation d'oncfe du donataire. C'est de lui que descen- 
dait sir William Stewart, de Garlies et Dalswinden, 
qui, en 1429, obtint la seigneurie de Minto après de 
longues discussions avec ses précédents propriétaires, 
les Turnbulls. Les comtes actuels de Galloway (1) des- 
cendent d'Alexandre , second fils de ce dernier. De 
son troisième fils, Thomas, de Minto, descendait John 
Stewart, de Ballilawn-Castle ; le premier de la famille 
qui s'établit en Irlande , et qui , sous le règne de Jac- 
ques I", obtint par la protection du duc de Lennox 
une concession de terres dans le comté de Donegal, 

(1) Le 19 juillet 1607, sir Alexandre Stewart fut créé baron 
de Garlies en Ecosse, et, le 9 septembre 1623, comto de 
Galloway. Il était membre du conseil privé d'Ecosse. John, 
septième comte , fut créé pair de la Grande-Bretagne le 6 juin 
1796 , au titre de baron Stewart de Garlies, et mourut le 13 
novembre 1806. Le comte actuel de Galloway, Rodolphe 
Stewart (né le 10 septembre 1800), est son petit-fils. 



— 254 — 
Au nombre des descendants de celui-ci, on remarque 
Robert Stewart , de Baliylawn-Castle ef de Moanl- 
Stewart (dans le comté de Down) , qui , grâce à ses 
puissantes relations de famille, à l'attachement éner- 
gique dont il témoigna pour la cause du gouverne- 
ment, et plus tard encore grâce aux services rendus à 
l'Etal par son iils , parvint en Angleterre à l'apogée 
des honneurs et des dignités. Le 18 novembre 1790 
il était créé baron Stewart en Irlande ; le 6 octobre 

1795, vicomte Castlereagh en Irlande; le 10 août 

1796, comte de Londonderry, et le 22 janvier 1816 
marquis de Londonderry. Il mourut à un âge fort 
avancé , le 8 avril 1821, un an seulement avant son 
brillant et malheureux fils. Il avait été marié à deux 
reprises ; d'abord en 1761 avec Sara Frances, fille 
cadette du marquis d'Herlford , et en second lieu avec 
Frances, fille aînée du comte de Cambden. De son 
premier mariage était issu Robert, le puissant et cé- 
lèbre homme d'Etat objet de tant d'invectives et de 
malédictions sous le nom de Castlereagh, lequel , du 
mariage qu'il contracta en 1794 avec Emilie-Anne, 
la plus jeune des Biles de John Herbert , deuxième 
comte de Buckinghamshire, n'eut point d'enfant, 
C'est du second mariage de Robert Stewart qu'est issu 
l'ultra-lory si célèbre par son obstination et ses ex- 
centricités, caractère chevaleresque et bonhomme 
au fond , Charles-William Varie-Stewart , marquis de 
Londonderry, vicomte Castlereagh et baron Stewart 
en Irlande, comte deVane, vicomte Seaham et baron 
Stewart en Angleterre (1). 

(1) Né le 18 mai 1TT8, il fut créé, le W juillet 18U, baron 
Stewart en Angleterre , et le £8 mai 1833 vicomte Seaham et 



— 255 — 

Hais ce n'est pas de lui que nous venons parler, el 
nous n'avons à nous occuper que de son frère aîné et 
consanguin , à la mort duquel il hérita de tout ce qui 
lui appartenait. 

Robert Stewart {lord Castlereagh) était né le 
18 juin 1769 à Mount-Stewart , manoir héréditaire 
de sa tamille, et fut élevé de la manière en usage dans 
les grandes familles d'Angleterre. Après avoir terminé 
ses études à l'Université de Cambridge , il alla voya- 
ger sur le continent. Mais il parait qu'avant d'entrer 
dans la vie publique, où il apporta des idées si com- 
plètement positives et pratiques, il avait eu aussi son 
petit roman , tout comme un autre. Il était allé s'éta- 
blir sur les bords si pittoresque de la baie de Foyle ; 
et là, sous le simple costume des pécheurs de la loca- 
lité , il avait pendant assez longtemps partagé leur 
genre de vie , n'habitant que sa nacelle ; le jour, pé- 
chant, chassant, ou se livrant aux exercices du corps 
les plus rudes ; le soir, partageant la veillée des pé- 
cheurs , et se faisant raconter par eux les vieilles lé- 
gendes du pays. Pour prix du plaisir qu'il trouvait à 
entendre leur naïfs récits, il leur accorda, outre des 
présents plus matériels , un nouveau règlement pour 

comte de Vane en Angleterre. Il avait épousé, le 8 août 1804, 
Catherine , fille cadette de John, troisième et dernier comte 
de Darnley, morte en 1812 ; et en 1819 il se remaria avec 
Frances-Anna, fille unique et héritière de sir Harry Vane- 
Tongester et d' Anne-Catherine , dernière comtesse d'Antrim. 
C'est de là qu'il a ajouté ce nom de Vane à son nom de tamille. 
De son premier mariage, il a eu un fils, le vicomte Castlereagh 
actuel (né le 7 juillet 1805), lequel s'est marié , mais n'a point 
eu d'enfants ; du second mariage proviennent trois fils, parmi 
lesquels le vicomte Seaham (né le 21 avril 1831), et trois 
Biles, tous encore vivants aujourd'hui. 

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— 256 - 
la chasse et pour la pêche. Il prenait souvent aussi 
plaisir à traverser dans une frêle embarcation le dé- 
troit qui sépare l'Irlande de l'Angleterre, et il lui ar- 
riva une fois, dans l'une de ces excursions , défaire 
naufrage près de l'île de Man. Ce petit roman rusti- 
que et nautique serait resté incomplet sans amour. Le 
jeune Robert Stewarl aima donc la charmante Kelly, 
la fille d'un pécheur, dont le cœur lui fut disputé par 
un rival. De là un duel furieux, mais à coups de 
poings , et d'où il se tira complètement à son hon- 
neur. 

Il ne renonça à cette vie si champêtre que pour se 
jeter dans la carrière politique , où dès lors on le vit 
déployer toute la finesse, tous les froids calculs, toute 
la souplesse et la profonde habileté qui auraient pu 
être le propre d'un homme d'Etat vieilli dans les in- 
trigues de cour, de cabinet et de partis. 11 avait à 
peine vingt-quatre ans lorsque, grâce à l'influence de 
son père et à la suite d'une élection des plus vivement 
contestées (1), il fut envoyé au parlement irlandais 
par le comté de Down. Il alla s'asseoir sur les bancs 
de l'opposition, dont il devint bientôt un des orateurs 
les plus brillants ; mais tout en combattant le gouver- 
nement, il montrait assez de modération pour ne 
point se rendre impossible, et témoignait de ce sen- 
timent des nécessités du pouvoir que nient ceux-là 
seuls qui ne prétendent point à être admis quelque 
jour à l'exercer. En effet, lorsque au sein de l'oppo- 
sition éclatèrent des divisions au sujet de l'union lé- 
gislative de l'Irlande et de l'Angleterre , lorsque ce 
conflit amena des troubles populaires que les révolu- 

(1) Elle coûta, à ce qu'il parait, 30,000 liv. st. 

Google 



liminaires français ne manquèrent pas d'attiser, et 
qu'on le vit, à l'exemple de toute l'aristocratie an- 
glaise, et môme des whigs, prendre parti pour l'auto- 
rité centrale, il fut facile de prévoir qu'il ne tarderait 
pas à entrer au pouvoir. Le père de sa. belle-mère, 
lord Camden, ayant été nommé vice-roi d'Irlande, 
lord Castlereagh — c'est le titre qu'il portait depuis 
peu — fut appelé aux fonctions de premier secrétaire 
de l'administration irlandaise (1797). En cette qua- 
lité, il prit une part importante à la recherche et à la 
répression des menées irlando-françaises, de même 
qu'à l'organisation militante du parti orangiste , et 
contribua beaucoup aussi à assurer le succès de la 
fameuse mesure qui opéra l'union législative de l'Ir- 
lande et de l'Angleterre; mesure qui ne passa, du 
reste, qu'à l'aide des moyens les plus illégaux, et dont 
pins tard O'Connell réclama le retrait avec tant d'é- 
nergique obstination, mais si inutilement. Lord Corn- 
wallis (i) ayant remplacé lord Camden , et , après la 
complète répression de l'insurrection, le moment étant 
venu d'inaugurer une politique de mansuétude et de 
conciliation, lord Castlereagh quitta l'administration 

(l)Charles, lord Broome , marquis de Cornwallis, né le 31 
décembre 1735, aide de camp du marquis de Granb y a l'épo- 
que de la guerre de Sept ans, succéda à son père, en 1762, 
comme comte de Cornwallis, et passa général la même an- 
née. Envoyé en 1776 en Amérique, où il s'empara de Phi- 
ladelphie et battit Gates, il fut réduit à capituler en 1781 , 
mais non par sa faute. De 1788 à 1793, il remplit les fonctions 
de gouverneur général du Bengale. En 1793, il obtint le titre 
de marquis, et fut créé lord de l'amirauté, puis lord gouver- 
neur d'Irlande. L'un des négociateurs de la pais d'Amiens en 
1801, il fut de nouveau envoyé, en 1803, aux Grandes-Indes, 
ou il mourut le S octobre de la même année. Son frère, Wil- 



— 258 - 

de l'Irlande, mais seulement pour venir prendre place 
dans les rangs de l'administration anglaise. Il fut élu 
membre du parlement-uni, et placé à la tête de la Cour 
des Indes orientales. 

Vers celte époque, lord Castlereagh eut un jour 
occasion d'aller visiter un gentleman qui habitait le 
nord de l'Irlande. On lui assigna un antique et som- 
bre appartement , dont la boiserie déployait une ri- 
chesse extrême de sculptures. La cheminée était 
d'une ampleur et d'une élévation peu communes. Le 
long des murailles ce n'étaient que figures d'hommes 
et de femmes aux traits sinistres. D'épais et sombres 
rideaux cachaient les fenêtres et entouraient un lit 
d'un aspect rien moins qu'agréable. Après avoir exa- 
miné sa chambre bien en détail, et avoir fait connais- 
sance avec les portraits des anciens propriétaires du 
manoir, lord Castlereagh renvoya son domestique et 
se mit au lit. Il venait à peine d'éteindre sa bougie, 
lorsqu'il vit un rayon de lumière tomber sur les dra- 
peries du ciel de son lit. Sachant qu'il n'y avait plus 
de feu dans la cheminée, que les rideaux des fenêtres 
avaient été très exactement fermés , qu'il avait lui- 
même éteint les bougies, et certain que quelques mi- 
nutes auparavant l'obscurité la plus complète régnait 
dans la chambre, il supposa que, par un hasard qu'il 
ne pouvait d'ailleurs s'expliquer, quelque étranger 

liara , né en 1743 ou 1744, devint amiral du pavillon rouge , 
et mourut en 1819. — Le fils du marquis Charles mourut en 
1823 , et ne laissa que des filles. Le titre de marquis s'étei- 
gnit avec lui. Les autres dignités de la famille passèrent à son 
oncle, l'évèque de Sbeffield (mort le 28 janvier 1834), père du 
comte actuel , qui de sa mère a pris le nom de Mann- Corn - 
wallis. 



— 259 — 
s'y était introduit, et se tourna brusquement du côté 
d'où partait le rayon de lumière. Sa surprise fut sans 
bornes en apercevant la ligure d'un bel enfant qui se 
détachait du milieu des rayons d'une douce clarté , 
comparable à la lueur matte que projette la lune au 
moment de disparaître de l'horizon , et permettant 
d'entrevoir encore confusément les objets environ- 
nants. L'apparition se tenait à une faible distance du 
lit. Lord Casllereagh avait parfaitement la conscience 
de lui-même; il savait qu'il n'était pas dupe d'une 
hallucination, mais il soupçonna alors qu'un des nom- 
breux hôtes qui se trouvaient en môme temps que lui 
dans ce vieux manoir avait voulu s'amuser à ses dé- 
pens. Il marcha droit vers la figure, qui s'éloigna de 
lui. Gomme il n'avança plus alors que lentement , 
celle-ci recula tout aussi lentement pour entrer sous 
le sombre manteau de la cheminée, et disparaître 
tout à coup dans l'âtre. Lord Castlereagh regagna son 
lit, mais ne put retrouver le sommeil. 

Il résolut de ne pas dire le lendemain matin un mot 
de l'incident avant d'avoir pu examiner attentive- 
ment l'attitude de chacun des membres de la famille 
de son hôte. Il était convaincu que, s'il y avait là une 
plaisanterie , ceux qui l'avaient organisée seraient 
trop heureux de leur succès pour dissimuler leur 
triomphe. Mais lorsque tout le monde se trouva réu- 
ni autour de la table du déjeuner, c'est bien en vain 
qu'il espéra surprendre un de ces sourires mal com- 
primés , un de ces regards furtifs décelant la compli- 
cité, une de ces attitudes silencieuses et embarrassées, 
par lesquels se trahissent d'ordinaire les auteurs de 
ces petites conspirations domestiques ainsi que leurs 
aides et assistants. Or, tout se passa de la manière 



la plus régulière du monde. La conversation fut aussi 
libre et aussi naturelle qu'elle pouvait l'être, passant 
rapidement d'un sujet àun autre, suivant les questions 
à ce moment à l'ordre du jour. Personne ne semblait 
s'imposer la moindre contrainte , ni avoir un secret 
sur le bout de la langue, ou bien encore attendre de 
sa part la moindre ouverture, ainsi qu'il arrive tou- 
jours en pareil cas ; personne non plus ne jetait sur 
lui à la dérobée des regards scrutateurs. 

Enfin, force lui fut bien de raconter lui-même la 
chose, après une longue introduction pendant laquelle 
il examina attentivement tous les visages. Les per- 
sonnes de la société, qui étaient comme lui des étran- 
gers recevant momentanément l'hospitalité du pro 
priétaire de ce vieux manoir, furent unanimes à dé- 
clarer qu'il y avait là une fraude quelconque. Mais le 
gentleman leur hôte interrompit enfin les explications 
aussi diverses que confuses que chacun essayait de 
donner , et , s'adressant à lord Castlereagh , lui dit : 
a Ce que vous venez de nous raconter là doit naturel- 
lement paraître très étrange à ceux de vous, Messieurs, 
que je n'ai pas encore eu l'honneur de recevoir chez 
moi auparavant, et qui dès lors ne sont pas au cou- 
rant des vieilles traditions de ma famille. Les autres 
n'y verront que la confirmation d'une antique légende 
qui a rapport à la chambre dans laquelle vous avez 
passé la nuit. Vous avez aperçu l'enfant lumineux. 
Ne le regrettez pas, c'est le présage d'une heureuse 
destinée. Mais je tiens beaucoup à ce qu'il n'en soit 
pas davantage question (1). » 

(1) Burke, Bomantic records of distinguished familus, 
1. 1«, p. 103 et suivantes. 

. r Coo^le 



— Î6t — 

Nous ne chercherons pas plus à savoir si le gentle- 
man ne montra que le bon- coté du présage et en dis- 
simula le mauvais côté, que nous n'essayerons de nous 
livrer à des conjectures plus oumoins plausibles pour 
en tirer une explication toute naturelle du fait en lui- 
même. Les destinées ultérieures de lord Castlereagh 
permettent en tout cas de penser que l'apparition 
n'avait en vue que le bonheur extérieur, et non le 
calme intérieur avec une fin douce et paisible. 

Après la retraite de Pitt, rendue nécessaire par le 
désir qu'on avait en Angleterre de faire la paix avec 
la France, lord Castlereagh resta encore dans le ca- 
binet, et après la rentrée de Pitt aux affaires (1 805) , 
il fut nommé ministre de la guerre et des colonies. 
En 1806, il quitta le ministère et entra dans l'oppo- 
sition ; mais dès l'année suivante il était appelé à re- 
prendre le portefeuille de la guerre. Il n'était pas 
l'homme qu'il fallait pour un tel poste, et la malen- 
contreuse expédition de Walcheren, notamment, ne 
lit guère honneur à son administration. Elle donna 
Ueu entre lui et son collègue Ganning, alors ministre 
des affaires étrangères, à des discussions d'une telle 
gravité qu'elles amenèrent un duel au pistolet (21 
septembre 1809) à la suite duquel les deux adversai- 
res donnèrent leur démission (1). Mais dès la même 
année lord Castlereagh rentrait au cabinet en quali- 
té de ministre des affaires étrangères ; et, dès lors , 
il fut vraiment l'âme du ministère , surtout après 

(1) On a accusé Canning d'avoir, par jalousie contre Cast- 
lereagh , prévenu en dessous mains Fouché de ce qui se tra- 
mait. Ce qu'il y a d'avéré , c'est qu'il travaillait à éloigner 
Castlereagh du cabinet. Dans ce duel , Canning fut assez griè- 
vement blessé. 



— 262 — 
l'assassinat de Perceval (1812). Il prit une part essen- 
tielle a la formation et à l'actif développement de la 
dernière grande coalition qui amena la chute finale 
de Napoléon ; et le rôle important qu'il remplit dans ■ 
ces circonstances le rendit naturellement l'objet de la 
haine toute particulière des ennemis de l'empereur. 
Il assista au congrès de Châtillon, à la première paix 
de Paris, au congrès de Vienne , à la seconde paix de 
Paris ; et quoique dans la réglementation des grands 
intérêts qui y furent débattus, l'Angleterre ait obtenu 
bien plus que toute autre puissance, il était inévita- 
ble que dans la foule de questions et d'affaires qu'on 
eut à y traiter, il fût pris plus d'unerésolution donnant 
à tort ou à raison prise à la critique. A ce moment, de 
même que dans la période qu'on désigne comme celle 
de la Sainte-Alliance, il ne convint pas à lord Castle- 
reagh d'adopter la politique inaugurée ensuite par 
ses successeurs au pouvoir , et de se déclarer le protec- 
teur de tous les conspirateurs et de tous les révolu- 
tionnaires, tant en Europe qu'eu Amérique. Cepen- 
dant, lorsque les intérêts de l'Angleterre le deman- 
dèrent, il s'entendit tout aussi bien à ■ favoriser les 
mouvements et l'agitation, queles libéraux ses suc- 
cesseurs surent les comprimer s'il y allait aussi de 
l'intérêt du pays ; ou bien ce fut en adoptant un rôle 
complètement passif qu'il indiqua clairement la diffé- 
rence existant entre la politique de l'Angleterre et 
celle des puissances continentales. Mais il s'attira de 
la sorte sur tous les points de la terre les invectives 
et les malédictions du parti libéral, alors encore dans 
l'enfance, et qui, par conséquent, aimait à jouer avec 
le feu et sympathisait avec tout ce qui de loin s'apue- 
lait révolution. Il résista aussi, à l'intérieur, avec au- 



— 263 — 
tant d'énergie que de sécurité, à l'agitation des classes 
inférieures quand elle prit des formes illégales, et, le 
danger un fois passé, il se vit l'objet des attaques des 
mêmes classes moyennes qu'il venait de proléger. 
Toutefois, ce qui souleva le plus de blâme contre lui 
et le ministère dont il était le chef, c'est la servilité 
eu même temps que le manque de tact dont il lit preuve 
dans le fameux procès intenté par Georges IV à son 
épouse, la reine Caroline. Cependant, il était encore 
personnellement au comble de la puissance et dans 
lout l'éclat des honneurs dont les différents souve- 
rains de l'Europe s'étaient en quelque sorte plu à l'ac- 
cabler. S'il se sentait fatigué du poids des affaires, il 
avait dans sa récente promotion à la pairie un pré- 
texte fort naturel pour se retirer. Mais il semble qu'il 
lui était tout aussi impossible de renoncer au pouvoir 
et aux principes qui l'avaient dirigé dans toute sa 
carrière politique , que de savoir prendre son parti à 
l'égard de la répulsion toujours plus prononcée du 
peuple anglais pour son administration. Il s'irritait à 
la vue des progrès incessants que les idées du libéra- 
lisme continental faisaient même en Angleterre, pays 
resté jusqu'alors la terre classique de la vraie liberté 
et de la sagesse politique. Les embarras et les com- 
plications de plus en plus graves de la politique con- 
tinentale, l'influence toujours croissante de son an- 
cien adversaire Canning, le pressentiment de l'impos- 
sibilitéoùsetrouveraitbientôtson parti de conserver 
plus longtemps le pouvoir à moins de profondément 
modifier son système, étaient pour lui autant de 
poignants chagrins. 11 parla d'un voyage à faire sur 
le continent, d'aller assiter an congrès de Vérone, ne 
fût-ce que pour y voir les souverains et les hommes 



— i&i — 

d'État qui allaient y être réunis. Canningespèraitdéjà 
qu'une fois parti, on trouverait bien moyen de se dé- 
barrasser tout à fait de lui ; mais il ne dut pas même 
attendre jusque-là. Tout à coup, en effet, on put re- 
marquer chez le marquis de Londonderry une grande 
surexcitation nerveuse ; dans tout ce qu'il disait, il y 
avait une expression de profonde tristesse qui frappa 
vivement le roi Georges IV lui-même. Il se plaignait 
d'une accablante lourdeur de iéte, parlait peu, d'une 
voix saccadée, et non sans donner de fréquentes preu- 
ves d'impatience et de mauvaise humeur. Il lui arri- 
vait souvent aussi de rappeler les misères de la vie et 
la vanité des choses d'ici-bas. On le surveillait donc 
avec anxiété; mais dans la matinée du 12 août 1822, 
son médecin, M. Bankead, étant entré dans son ca- 
binet de toilette, le marquis lui dit : « Docteur, re- 
cevez-moi dans vos bras, tout est fini maintenant ! a 
Et en prononçant ces paroles il tombait à terre avec 
la raideur d'un cadavre, tandis que le sang coulait à 
flots d'une profonde blessure qu'il venait de se faire 
à la jugulaire à l'aide d'un petit canif renfermé dans 
un portefeuille- 



Son compatriote Wellington , incontestablement 
plus célèbre, fut aussi plus heureux ; mais sur le con- 
tinent bien peu de gens savent que le véritable nom 
de sa famille n'était pas Wellesley, et par quelle suite 
d'heureux hasards elle fut appelée à en changer. 

Les ancêtres paternels de Wellington s'appelaient 



Cowley on Colley, et descendaient de W a ] tef Cow} 
qui, en 1537, était sollicitor-general, et en ijfig ft( * 
appelé à remplir en Irlande les f° n ction s de sur- 
veyor-general. Ses descendants, hommes dérobe com- 
me lui, occupèrent diverses positions judiciaires et 
administratives. Le fils aîné de Henry Colley, de 
Castle-Crokçry, appelé Dudley-Colley, eut huit flls et 
dix filles. L'une d'elles, Elisabeth, épousa Garrelt- 
Wesley (1), écuyer, de Dangan-Castle, auquel elle 
donna un fils qui portale même nom, n'eutpoint d'en- 
fants, se trouva sans proches parents, et put dès lors 
librement disposer de ses immenses propriétés. 

Verscetemps-lavivaità Epworth, dansleLincoIn- 
shire, du revenu d'un modeste bénéfice, un ecclésias- 
tique du nom de Samuel Wesley ou Wessley, homme 
pieux et instruit, marié à Suzanne, fille du docteur 
Annesley. Il éleva trois fils, Samuel, John et Charles, 
et les envoya l'un après l'autre à l'Université d'Oxford. 
Quand le plus jeune des trois, Charles, était encore 
à l'école de Westminster, John y était déjà attaché 
en qualité de sous-maître. Un jour, ce Garrett-"Wes- 
ley écrivit d'Irlande à leur père pour lui demander 
s'il avait par hasard un fils ayant pour prénom Char- 
les, cas auquel son intention était de l'instituer son 
héritier; et effectivement l'homonyme pava pendant 
plusieurs années les frais d'étude du jeune Charles, 
qui finit par obtenir une place au Christ'* Ch«™i 
Collège, à Oxford. Vers cette époque arriva a Oxford 
un inconnu, qu'on suppose n'avoir été autre ofi- 

(l)lesWesleys,donton trouve le nom écrit aus&i^f 3 ^ 
etWellesley, descendaient d'un porte-bannière du r 01 n ' 
ri II , qui en 11 72 obtint de ce prince de grandes concessio 
de terres ea Irlande. 



M. Garretl-Wesley , qui s'entretint longtemps avec 
Charles, et qui lui demanda tout à coup s'il serait 
disposé a l'accompagner en Irlande. Le jeune homme 
répondit qu'il lui faudrait en écrire d'abord à son père ; 
mais celui-ci le laissa libre d'agir comme bon lui sem- 
blerait. Sur quoi , le jeune Charles , prenant en con- 
sidération la position qu'il occupait déjà au C.hrist's 
Church Collège, se décida à rester en Angleterre. 
Cette détermination du jeune étudiant devait avoir à 
tous égards de grandes conséquences. Demeuré à Ox- 
ford , il s'y associa à plusieurs gradués inférieurs de 
l'Université pour se livrer à diverses pratiques de 
piété, pour lire la Bible en commun, pour mener une 
vie régulière et communier exactement toutes les se- 
maines ; de sorte qu'on les affubla bientôt de divers . 
sobriquets, tous ayant pour but de les tourner en 
ridicule , tels que ceux de sacramenlaires, de mites 
de Bible, d&biUistes, de saints du club pieux, et enfin 
de méthodistes, à cause de leur vie méthodique. 
Quand le frère cadet de Charles, .!ohn, qui pendant 
ce temps-là s'était rendu à Lincoln, revint à Oxford, 
lespieux congréganistes se placèrent sous sa direction, 
adoptèrent des règles encore plus sévères, et ne firent 
plus que croître en nombre. — Telle est l'origine de 
ta secte des Méthodistes (i), aujourd'hui répandue 
dans toutes les parties du monde. 

L'inconnu s'en était retourné en Irlande : et à peu 
de temps de là M. Garrett-Wesley instituait par tes- 
tament son cousin Richard Cowlcy, petit-fils du Dud- 

(1) John Wesley était né le 17 juin 1703, mais passa en 
1735 en Amérique avec son frère Charles, qui était né en 
1708. Tous deux, en revinrent en 1738. Charles mourut en 
1788, et John le 2 mars 1791. 



ley dont il a été question plus haut, héritier de toute 
sa fortune, à condition de prendre son nom de fa- 
mille, qui s'écrivait Wesley ou Wellesley. Ce Richard 
Wellesley fut créé, le 9 juillet 1746, baron de Mor- 
nington en Irlande, et mourut le 31 janvier 1758. 
Son fils, Garrett, ainsi appelé en mémoire du bien- 
faiteur de la famille, né le 19 juillet 1735 , fut créé, 
le 20 octobre 1760, vicomte Wellesley et comte Mor- 
nington, et épousa (6 février 1759) Anna, fille aînée 
d'Arthur Hill, premier vicomte de Dungannon. Il mou- 
rut dès te 22 mai 1786; mais sa femme, qui lui sur- 
vécut d'un demi-siècleet parvint à l'âge le plus avancé, 
fut témoin de la gloire et des grandeurs de ses fils. 
Elle ne mourut que le 10 septembre 1831. 

Son fils aîné fut ce Richard, vicomte Wellesley (1), 
né le 20 juin 1 760 , qui , gouverneur général du Ben- 
gale de 1797 à 1805, renversa Tippoo-Saïb, s'empara 
de Seringapatnam, vainquit les Mahrattes, conquit 
tout le territoire qui s'étend entre le Gange et le 
Djoumna, envoya des Grandes-Indes un corps de 
troupes destiné à agir contre les Français en Egypte, 
fut ensuite (1809) adjoint en qualité de commissaire 
britannique à la Junte centrale espagnole, et, de la fin 
de 1809 à 1812, fut ministre de l'intérieur en Angle- 
terre. Après avoir été à deux reprises, de 1821 à 
1828, et de 1833 à 1835, lord-gouverneur d'Irlande, 
où son administration a laissé les plus honorables sou- 
venirs (2), il se retira dans ses terres, où il mourut le 

(t) Il fut successivement créé baron Wellesley de Wellesley, 
dans le comté de Somerset, en Angleterre, et marquis de 
Wellesley en Irlande. 

[i) Quoique tory, il avait été, à deux reprises, envoyé en 
Irlande par des ministères wliigs. 



— 268 — 
u 26 septembre 1842, sans laisser d'enfants de deux 
mariages. 

Leseconddesfrères,WilliamWeIlesley (néleSOmai 
1760), créé, le 27 juillet 1821, lord Maryborough en 
Angleterre, devint, à la mort de son frère , comte de 
Mornington. Il mourut en 1845, et c'est de lui que 
descend William-Pole-Tillney-Long Wellesley, comte 
de Mornington, vicomte Wellesley, lord Maryborough, 
dans le Queen's County, né le 22 juin 1788, marié 
d'abord, le 14 mars 1812, à Catherine, fille ainée 
et héritière de sir James-Tillney-Long (1), baronet, 
(morte le 12 septembre 1825), et ensuite avec Hélène 
Patterson, veuve Bligh. Ii n'a eu d'enfants que de son 
premier mariage, deux fils : William-Richard-Arthur, 
vicomte Wellesley (né le 2 octobre 1813), et James- 
Fitzroy-Henry-William Wellesley (né le 12aoûtl815); 
et une fille. 

Le troisième frère fut Arthur Wellesley, né à la fin 
d'avril 1769. Élevé à Ëton et à Angers, il servit en 
i 794 en Hollande avec le grade de colonel , prit part, 
de 1797 à 1805, aux diverses guerres dont les Gran- 
des-Indes furent le théâtre , battit les Mahrattes à 
l'affaire d'Assye, fut nommé en 1807 secrétaire d'Etat 
en Irlande, puis alla prendre part à l'expédition de 
Copenhague. Envoyé, en 1808, en Portugal, comme 
lieutenant général, il remporta à partir de cette épo- 
que, jusqu'en 1815, une suite de triomphes tant dans 
des batailles rangées que dans des opérations de siè- 
ges , et ce fut lui qui eut la haute direction de toutes 
les opérations stratégiques contre les Français. Créé 
vicomte Wellesley de Talavera, marquis de Tor- 

(1) Dont il ajouta le nom au sien propre. 



— 269 — 
rès-Vedras , duc de Ciudad-Rodrigo et grand d'Espa- 
ce de 1™ classe; puis, en 1812, marquis deWel- 
lesley ; en 1813, feld -maréchal britannique; il fut 
,ilevé, le 3 mai 1814, à la dignité de duc de Welling- 
ton et marquis de Douro. Chargé, la même année, de 
.représenter l'Angleterre au congrès de Vienne, il 
remporta en 1815, sur Napoléon en personne, et 
grâce à l'arrivée inespérée de Blucher, la fameuse 
victoire de Waterloo, qui lui valut , de la part du roi 
.des Pays-Bas , le titre de duc de Waterloo ,; et delà 
.fiait des souverains de l'Autriche , de la Prusse et de 
(i Russie , celui de feld-maréchal dans leurs armées 
respectives, avec la grand'eroix de tous les ordres de 
l'Europe. Envoyé au congrès de Vérone, il occupa, de 
1828 à 1 830, le poste de premier lord de la trésorerie, 
et, de 1834 à 1835, celui de ministredes affaires étran- 
gères. Commandant en chef de l'armée anglaise, gou- 
verneur de Londres, gardien des Cinq-Ports, chance- 
jlier de l'Université d'Oxford, surnommé par le peuple 
le duc de Fer, consulté en chaque occasion impor- 
tante par son souverain et par les ministres de toutes 
les couleurs, il mourut le 14 septembre 1852. Du 
mariage qu'il avait contracté, en 1 806, avec miss Pac- 
kenham, allé de lord Longford, il avait eu deux fils : 
l" Arthur, né le 3 février 1801, marié le 2 avril 1839 
avec lady Elizabeth Hay, fille du marquis de Tweed- 
dale; 2° Charles, né le 16 janvier 1808, marié le 
9 juillet 1834 à Augusta-Sophie-Anne, fille unique de 
sir Henry-Mawers Pierrepoint , qui lui a donné deux 
fils (Henry, né le 5 avril 1846 ; Arthur-Charles, né le 
18 mars 1849), et deux filles. 

Le quatrième frère , Gerald-Vaîérien , né le 7 dé- 
cembre 17*70, prit les ordres, épousa une fille du pre- 

C(K,0k- 



— 270 — 

I 
mier comte de Cadagan , et a en une très nombreuse ; 
famille. i 

Le cinquième frère, Henry, né le 30 janvier ^ 773, ; 
est le 'seul qui ait conservé le nom primitif de la fa- 
mille. Entré de bonne heure dans la carrière diplo- 
matique, il remplit les fonctions de secrétaire de son 
frère dans les Indes, et devint ensuite vice-gouver- 
neur d'Oude ; en 1807, secrétaire de la trésorerie, el 
en 1809, commissaire diplomatique en Espagne, où, 
après la restauration de Ferdinand , il resta en qua- 
lité d'ambassadeur d'Angleterre jusqu'en 1822. A 
cette époque, il échangea cette ambassade contre celle 
de Vienne, qu'il garda jusqu'en 1831. Créé pair 
d'Angleterre en 1838, sous le titre de lord Cowley, i 
il remplit, de 1841 à 1846, les fonctions d'ambassa- 
deur à Paris, où il mourut le 27 avril 1847. Il avait 
épousé Charlotte, seconde fille dn comte de Cadagan, 
avec la sœur de laquelle son frère l'ecclésiastique vi- 
vait si heureux : mais, en 1810, il fit prononcer son j 
divorce d'avec elle, en se fondant, avec assez de i 
son, sur ce que sa volagemoitié s'était fait enlever l'an- i 
née précédente par lord Paget ; et il se remaria alors 
avec une fille du marquis de Salisbury. C'est du pre- 
■ mier lit qu'est issu lord Cowley, né le 12 juin 1804, 
qui remplit aujourd'hui les fonctions d'ambassadeur 
de S. M. la reine de la Grande-Bretagne et d'Irlande 
près S. M. l'Empereur des Français. 

Leur sœur, Anna, mourut le 16 décembre 1844, 
après avoir été deux fois mariée : t° avec Henry Fiti- 
roy ; 2° avec Charles-Billing Smith. 



UN PRÉTENDANT 

AU XIX' SIÈCLE 



Il existe deux classes de prétendants. 

A l'égard des uns, il n'y a pas la moindre difficulté, 
b moindre doute à élever pour ce qui conslitueleur 
ndividualité. Ils sont très réellement ceux qu'ils di- 
rait être. Ce qu'on nie, ce qu'on discute, c'est leur 
froit. Que si , aux yeux de certaines gens, ce droit 
st indiscutable, toujours est-il qu'ils ne peuvent pas 
'exercer ; état de choses qui, en droit public, a encore 
lien plus d'importance qu'en droit privé. Dans notre 
iècle il n'a pas manqué de ces prétendants , disons 
■ieux, de ces souverains de jure qui ne Tétaient pas 
k facto. 

L'autre classede prétendants se compose d'individus 
,oi se font passer pour une personne qu'on regarde 
énéralement comme morte ou bien ayant depuis 
mgtemps disparu au milieu de circonstances restées 
nveloppées de beaucoup de mystère et d'obscurité. 

Google 



— 272 — 

De nos jours, où la publicité joue en toutes choses un 
rôle si important, avec nos formalités judiciaires si 
multipliées, mais si précises, et par d'autres motifs en- 
core, ces individus sont devenus extrêmement rares 
dans nos États civilisés. Toutefois, on a vu, il n'y a 
pas longtemps encore, toute une série d'hommes sor- 
tis des classes les plus humbles de la société réclamer 
l'un des trônes les plus brillants delà terre et vouloir 
chacun se faire passerpour l'héritier de ce trône, tenu 
pour mort depuis des années. Un trait caractéristique 
de notre époque, c'est, d'une part, qu'aucun deces in- 
dividus n'a réussi à baser sur ces prétendus droits une 
possession môme temporaire, comme avait pu faire au- 
trefois le plus énigmatique de tous, le pseudo-Walde- 
mar, ou bien encore le pseudo-Démétrius ; et, d'autre 
part, qu'il n'en est aucun à l'égard duquel on ait jugé 
à propos d'employer des moyens extrêmes ainsi qu'on 
fit autrefois pour les pseudo-Sébastiens, les pseudo- 
Warwicks ou les pseudo-Pierres. Ou on les a laissés 
tranquilles, ou on s'est borné à les traduire en police 
correctionnelle, en cherchant visiblement dans la ma- 
nière dédaigneuse et avilissante dont on les traitait, 
le meilleur moyen d'en finir avec leurs prétentions et 
leurs réclamations. En cela, nous croyons qu'on a pris 
le parti le plus sage. 

Si de tels faits ont pu se produire de nos jours , et 
dans de telles circonstances, cela n'a pu arriver qu'en 
raison du caractère exceptionnel du temps où a réel- 
lement eu lieu la mort de la personne dont il s'agit. 
Il n'a, en effet, fallu rien moins que la direction ter- 
rible prise parla révolution française, et le boulever- 
sement universel qu'amenèrent ses phases successi- 
ves, pour qu'il devînt un jour possible d'élever des 



— 273 — 
doutes sur la question de savoir si le fils unique d'un roi 
de France était mort, on n'était pas mort, à un mo- 
ment donné, en plein Paris, dans la capitale de l'an- 
cien royaume de ses pères. La plupart des historiens, 
ceux dont la parole a le plus de poids, n'hésitent pas 
à regarder ces doutes comme parfaitement ridicules, 
comme manquant de toute espèce de base. En cela, 
nous croyons qu'ils vont trop loin, non pas que nous 
soyons nous-méme le moins du monde disposé à ex- 
primer des doutes semblables ; mais force nous est 
bien d'avouer qu'il n'est pas parfaitement démontré 
que la mort de Louis XVII soit chose indiscutable (1), 
ou du moins qu'elle soit arrivée àParis, le 8 juin 1795, 
au Temple. 

(!) Louis-Charles , fils de Louis XVI et de Marie- Antoinette, 
naquit le 27 mars 1 788 à Versailles , et porta d'abord le titre 
de duc de Normandie. Son frère aine étant mort le 4 juin 
1789, il devint Dauphin. On le représente comme un enfant 
d'une santé florissante , d'un caractère plein de vivacité et de 
l'humeur la plus enjouée , qui faisait concevoir les plus belles 
espérances , même pendant sa captivité , tant qu'il no fut pas 
séparé de ses parents , et dont le jugement et la force d'âme 
avaient été singulièrement développés par les circonstances, 
Il suivit sa famille aux Tuileries, à Varennes et au Temple. 
En juin 1 793 , on le sépara de sa mère pour le remettre aux 
mains d'un brutal savetier appelé Simon. La fin du règne de 
la Terreur (juillet 1794) le délivra des tortures que lui faisait 
endurer ce misérable. Mais il était trop tard; et, suivant 
l'opinion généralement admise, il mourut, le 8 juin 1793, 
d'épuisement physique et moral. Sod cadavre fui, dit-on, 
inhumé dans le cimetière de la paroisse Sainte -Marguerite , 
et déposé dans la fosse commune, où on eut soin de le couvrir 
de chaux. Aussi, lorsqu'en 1813 on voulut procéder à une 
exhumation, ne trouva-t-on rien. Voyez Eckakd , Mémoire» 
historiques sur Louis XVII (Paris, 1813) et ie Journal de 
Cléry. 

CoOQk 



- 274 — 
On sait que ce malheureux prince se trouva livré 
au plus cruel abandon, surtout à partir du 8 juin 1793, 
époque où on le sépara de sa mère. Quelques rares 
amis de sa famille s'intéressaient seuls à son sort, 
mais sans pouvoir l'approcher, car l'entrée de sa-pri- 
son était sévèrement interdite à tous, sauf quelques 
individus appartenant à la classe la plus abjecte etla 
plus brutale, qui le tourmentaient et le maltraitaient 
à l'envi. Près de deux années s'écoulèrent ainsi, 
soit qu'au milieu des tempêtes qui assaillaient de 
toutes parts le nouveau gouvernement, on eût oublié 
le royal enfant, soit que les républicains missent une . 
certaine ostentation à en agir avec le plus jeune des 
rejetons d'une dynastie qui pendant mille années 
avait gouverné la France, comme avec quelque or- 
phelin appartenant à la lie du peuple. Peut-être bien 
aussi les Jacobins, alors au pouvoir, on les instiga- 
teurs secrets dont ils n'étaient, sans le savoir, que les 
instruments, avaient-ils conçu le plan machiavéliqne 
de se débarrasser du jeune prince en l'énervant peu 
à peu physiquement et intellectuellement, au lieu de 
recourir directement à l'assassinat. Toutefois, quand 
les hommes de la Terreur eurent été renversés, les 
mauvais traitements cessèrent; et même, à la suite 
d'une visite faite au Temple par quelques membres 
de ta Convention, dont Barras faisait partie, on amé- 
liora un peu la position du malheureux captif. Cha- 
que jour il était l'objet de la visite d'un commissaire 
civil, désigné alternativement sur une liste de deux- 
cent-quarante-huit individus. Condamné à un isole- 
ment où il manquait de tous moyens de distraction 
ou d'instruction , n'ayant presque pas de contact 
avec d'autres êtres humains, et privé à peu près de 



— 278 — 
1 toutes espèces de soins, le Dauphin, dit-on, finit par 
tomber dans un complet étiolement, au physique 
comme au moral. Ses forces étaient déjà arrivées au 
dernier degré d'épuisement, lorsque, dans le courant 
de février 1795, on fit connaître son état à la Com- 
mune de Paris, qui chargea le célèbre médecin De- 
sault de l'aller voir ; mais celui-ci déclara (1 ) qu'on 
s'y était pris trop tard pour invoquer les secours de 
l'art. 

Or, ici se présente tout d'abord un fait qui a été 
Simplement commenté par ceux qui doutaient de la 
'maladie et de la mort du prince. Desault mourut le 
1" (suivant d'autres le 2, et même le 4) juin de la 
même année ; et autant en arriva le 9 à son ami inti- 
me, l'apothicaire Choppard .Tous deux moururent su- 
bitement, et dans des circonstances qui excitèrent des 
soupçons d'empoisonnement. Beaucoup d'écrivains 
soutiennent que ces soupçons n'ont aucun rapport 
arec la question du prétendant; et on ajoute qne 
l'autopsie des cadavres pratiquée par les hommes de 
l'art ne les confirma en rien. Ceci, dans la supposition 
où l'empoisonnement aurait été commis à l'instigation 
des hommes alors au pouvoir, ne signifierait pas grand'- 
chose; mais cela prouve du moins ce que ces deux 
cas successifs de mort semblent avoir eu de snspect, 

(1) Suivant le rapport adressé au nom du Comité de sûreté 
générale à la Convention par Sevestre, cette visite n'aurait eu 
lieu que postérieurement au 30 avril 1 793. On y lit : « Depuis 
a quelque temps le fils de Capet était devenu incommodé par 
« une enflure au genou droit et au poignet ; le 13 floréal (30 
«avril), les douleurs augmentèrent, le malade perdit J'ap- 
« petit, et la fièvre survint. Le fameux Desault, officier de 
a santé, fut envoyé pour le voir et pour le traiter, etc » 

Google 



_ 276 — 
Bon nombre d'écrivains légitimistes ont profité de 
l'existence incontestée de ces soupçons pour dire que 
Desault avait été empoisonné pour s'être refusé à em- 
poisonner le prince, ou bien qu'on s'était débarrassé 
de lui une fois qu'il l'avait eu empoisonné, ou encore 
parce qu'il avait exprimé trop hautement son indi- 
gnation au sujet des mauvais traitements dont le Dau- 
phin était l'objet. Suivant une autre version, Desault 
aurait dit à son ami Choppard que l'enfant qu'on lui 
avait fait voir comme étant le Dauphin n'était pas ce 
prince, mais un enfant qu'on lui avait substitué , et 
tous deux auraient dû payer de leur vie une telle ré- 
vélation. Un certain M. Estier, qui habitait autrefois 
New-York, aurait, dit-on, fait à Londres, le 22 mai 
1843 (1), une déclaration de laquelle il résulterait 
qu'un médecin de New-York, le docteur Abeille, lui 
aurait dit avoir été l'un des élèves de Desault, et sa- 
voir pertinemment que son maître n'avait point re- 
connu le Dauphin (2) dans l'enfant qu'on lui avait 
présenté, qu'il avait fait part de ses soupçons à un ami , 
et qu'à cause de cela il avait été empoisonné. En con- 
séquence de quoi, lui, Abeille, aurait jugé prudent 
d'aller s'établir en Amérique. 

Les docteurs Pelletan et Dumangin furent alors 

(I)Gruau de la Barre, Intrigues dévoilées, ou Louis XVII, 
dernier roi légitime de France (Rotterdam, 4 vol, in-8*, 1846- 
1848), 1. 1"-, p. 327 et 328. 

(2) Dans la déclaration du sieur Estier, le jeune prince est 
désigné sous le nom de duc de Normandie , qu'il portait avant 
de devenir Dauphin , par suite de la mort de son frère. Dans 
cette petite inexactitude , nous voyons un motif pour croire à 
la véracité de la déclaration. Si elle avait été purement d'in- 
vention , on aurait eu soin d'éviter cette faute. 



— 977 — 
désignés (5 juin^ pour donner les secours de leur arl 
au prisonnier, mais il mourut le 8. Aucun de ces 
deux médecins n'avait jamais tu le Dauphin aupara- 
vant. Le 9 juin, Séveslre, au nom du Comité de sû- 
reté générale, annonça à la Convention la maladie et 
la mort « du fils de Capet ». Après les détails que 
nous avons déjà cités plus haut dans une note, il parle 
delà nomination des deux médecins et ajoute : « Leurs 
bulletins en date d'hier onze heures du matin an- 
nonçaient des symptômes qui faisaient craindre pour 
la vie du malade ; et cet après-midi, à deux heures 
un quart, nous avons reçu la nouvelle de la mort du 
fils de Capet. Le Comité de sûreté générale nous a 
chargé de vous en informer. Tout a été constaté. Les 
procès-verbaux seront déposés aux archives. » On 
aperçoit ici une légère contradiction : la mort , sui- 
vant le procès-verbal d'autopsie, a dû avoir lieu vers 
les trois heures de Vaprès-midi, et cependant l'on voit, 
par le rapport de Sévestre, que le Comité de sûreté au- 
rait eu connaissance du fait dès deux heures un quart 
de f après-midi, quoique les Tuileries, où setrouvaitle 
local de ses séances, soient assez éloignées du Temple. 
L'examen du cadavre fut fait par MM. Dumangin , 
Pelletan, Jeanroy et Lassus, médecins ou chirurgiens 
parfaitement honorables sans doute, tous chargés de 
la direction du service médical dans des hôpitaux, ou 
professeurs, mais dont aucun n'avait encore jamais 
vu le prince auparavant. Dans leur procès-verbal, ils 
disent expressément , et d'une manière certes très 
frappante : qu'ils ont trouvé sur un lit le cadavre d'un 
enfant qui leur a paru âgé d'environ dix ans, que les 
commissaires leur ont déclaré être le cadavre du fils 
de feu Louis Capet , et dans lequel deux (Tentre eux 



— Ï78 — 
ont reconnu l'enfant qu'Us soignaient depuis quelques 
jours. Mais tout cela pourtant ne constitue pas encore 
une preuve certaine que ce cadavre était bien vérita- 
blement celui de Louis XVII. Le procès-verbal s'étend 
d'ailleurs sur l'état du corps ; et parmi les détails où 
il entre à cet égard, nous signalerons plus particuliè- 
rement le passage où il est dit que le cerveau et les 
divers organes qui s'y rapportent se trouvaient dans 
un état parfaitement sain (i) ; il se termine en con- 
cluant que les accidents signalés en détail sont évi- 
demment le résultat d'une maladie scrofuleuse exis- 
tant depuis longtemps, et à laquelle il faut attribuer ; 
la mort de l'enfant. Cette dernière assertion parait 
quelque peu étrange : car, d'une part, tous les ren- 
seignements qu'on possède sur les jeunes et heureuses 
années du prince le représentent comme un enfant 
vigoureusement constitué et d'une florissante saule 1 , 
dont il n'a pas cessé de jouir pendant tout le temps 
qu'il est resté avec ses parents ; et, d'autre part, les 
rapports datant d'une époque postérieure ne font en- 
core aucune mention d'une maladie que pourtant l'on 
nous dit ici avoir dû dater de loin. Après la mort de 
Robespierre, des membres de la Convention vinrent 
visiter le Temple , et il est bien dit dans leur rap- 
port qu'ils eurent pitié de l'état de négligence et d'a- 
bandon où se trouvait le Dauphin, et qu'ils recom- 

(t) Cette partie du rapport contredirait jusqu'à tin certain 
point les données suivant lesquelles l'enfant, par suite des 
mauvais traitements et des sévices exercés sur sa personne 
par Simon et sa femme , ainsi que des habitudes vicieuses 
qu'ils lui avaient fait contracter, serait tombé dans un tel 
état de consomption , qu'il finit par en perdre l'intelligence et 
même l'usage de la parole. 

i: ■ . CoO^lc 



_ 279 — 
mandèrent de le mieux traiter à l'avenir; mais on n'y 
toit pas un seul mot de son état de maladie (i). Le 
19 décembre 1794, les membres du Comité de sûreté 
générale, ainsi que les députés à la Convention, Har- 
mand (de la Meuse), Mathieu et Reverchon, vinrent 
encore visiter le Temple, dans le but exprès de s'as- 
surer de la situation véritable du jeune prisonnier. 
Ce qui avait provoqué cette visite, comme ils le lui 
déclarèrent eux-mêmes, c'est que le gouvernement 
avait été instruit trop tard du mauvais état de sa 
santé , de même que de son refus de prendre quelque 
exercice et de répondre aux questions qu'on lui adres- 
sait. Ils le trouvèrent (ou du moins ils trouvèrent 
l'enfant qu'un leur dit être le Dauphin) bien vêtu, et 
jouant avec des cartes dans une chambre propre et 
claire. Leur entrée ne produisit pas sur lui la moindre 
impression. Il ne lit pas la moindre réponse, soit ver- 
bale, soit par signes, aux questions les plus amicales, 
pas pins qu'à rémunération de tous les objets qui 
pouvaient intéresser cet enfant, se bornant à fixer 
les regards les plus attentifs sur ses questionneurs. 
Ce ne fut que lorsqu'on s'approcha tout à fait de lui 
et qu'on lui ordonna d'un ton plus ferme et plus im- 
pératif de montrer ses mains et ses pieds, ainsi que 
de marcher, qu'il obéit. On constata aux coudes, aux 
poignets et aux genoux la présence de tumeurs, mais 
ne paraissant pas accompagnées de douleurs. Il avait 
toute l'apparence rachitique ; les cuisses et les jambes 
étaient longues et grêles, de même que les bras, le 
tronc court, la poitrine élevée, les épaules minces et 
rapprochées, la tête très belle , le teint clair mais 

(1) GnuAD de la Barre , 1. 1«, p. 321-593. 



— 280 — 
pâle, les cheveux longs et beaux, bien tenus et châ- 
tain clair. On n'obtint d'ailleurs pas de lui d'autre 
réponse ou signe indiquant qu'il comprenait ce qu'où 
lui disait ; et on ne songea pas le moins du monde 
alors à attribuer ce mutisme à quelque infirmité phy- 
sique ou intellectuelle, ou encore à une impuissance 
quelconque. On n'y vit qu'une détermination ferme- 
ment prise par le prince depuis le jour où Hébert et 
Simon l'avaient contraint de signer une accusation 
déshonorante contre sa mère (5 octobre 1793). Or, le 
signalement qu'on donne là de lui ne s'accorde au- 
cunement, dit-on, avec ce qu'on sait de l'extérieur du 
Dauphin. Le président de cette commission, qui se 
montra assez bienveillant pour le jeune prisonnier, 
fut envoyé quelques jours après en mission à Brest, 
et ne revint à Paris que lorsque le Dauphin était déjà 
mort depuis longtemps (i). Il est impossible d'ailleurs 
qu'à ce moment la maladie du prince eût encore fait 
de grands progrès, puisque c'est seulement quatre 
mois plus tard qu'on lui envoya un médecin, à la 
suite d'une visite qu'un fonctionnaire lui rendit le 16 
mars 4793. Dans cette circonstance, il se comporta 
d'une façon toute différente. Il ne regarda personne, 
parut tout engourdi, mais du moins répondit quel- 
quefois par des oui. Il but et mangea avec appétit, 
joua avec le petit chien de son visiteur, se tint long- 
temps à la fenêtre, et parut d'ailleurs extrêmement 
flegmatique, abattu et découragé. 

L'acte de déclaration de décès ne prouve non plus 
rien par lui-même. Il repose sur le témoignage du 
concierge du Temple, Etienne Lasne , et d'un employé 

(I)Giuad de la Barre, 1. 1", p . SOJ-309. 

Cookie 



— 281 — 
appelé Remy Bigot : le premier se qualifie de voisin, 
et le second d'ami du défunt. L'acte porte la date du 
12 juin; il est par conséquent postérieur de quatre 
jours à la mort présumée du prince , et de trois jours 
a l'autopsie du cadavre. Qui est-ce qui nous garantit 
que ce Bigot, dont il n'avait jamais été parlé aupara- 
vant, et dont il n'est plus question ensuite, ait réelle- 
ment vu et connu le prince ? Quant à Lasne, qui vivait 
encore en 1834, qui figura comme témoin dans le 
procès fait à l'un des prétendants (le baron de Riche- 
mont) , et qui déclara que le prince était mort dans 
ses bras, les fidèles de Louis XVII répondent qu'il 
est entré au Temple pour la première fois quinze 
jours avant la mort du prisonnier (1), et que jusqu'a- 
lors il n'avait encore aperçu qu'une fois le Dauphin 
jouant dans le jardin. Ce Lasne affirma aussi, dit-on, 
qu'à son arrivée au Temple l'enfant se portait parfai- 
tement bien; tandis qu'on prétend, d'un autre côté, 
qu'il est de notoriété publique que depuis plusieurs 
mois il se trouvait dans un état de complet dépéris- 
sement , à tel point qu'il avait fallu invoquer pour 
lui les secours de la médecine en avril, et que depuis 
iors sa maladie n'avait fait qu'empirer. Voilà les la- 
canes et les contradictions qu'on remarque dans les 
témoignages invoqués au sujet d'un cas de mort dont 
la constatation régulière était pourtant d'une si haute 
importance en raison des négociations entamées alors 
par la république , tant avec la Vendée qu'avec l'é- 
tranger. 
Un fait bien certain , en outre , c'est que tout de 



(1)En tout cas, ce ne put pas être avant le 23 mars 1793. 
Consulte. Gruau de la Barre, 1. 1", p. 480 et 513-B1B. 



— 282 — 

suite après le prétendu décès du prince , le bruit se 
répandit qu'il n'était pas mort , mais qu'il avait dis- 
paru ; et, en admettant même que ces bruits provins- 
sent de quelques partisans dévoués deladynastiedé- 
chue, il semble que les mesures prises par le gouver- 
nement républicain n'aient pu que leur donner de la 
consistance. Un certain Morin de la Guérivière, figé 
alors d'une dizaine d'années , voyageait à ce moment 
sous la conduite d'un M. Jenais-Ojardias. Arrivé à 
Thiers, cet Ojardias, qui pour affaires personnelles de- 
vait encore pousser plus loin son excursion, et qui ne 
voulait point emmener l'enfant avec lui , le confia à 
un de ses amis, appelé Barge-Réal. Les gendarmes, qui 
avaient entouré l'enfant à sa descente de voitureet l'a- 
vaient suivi jusqu'à la maison où il devait demeurer, 
entendirent Barge-Réal dire qu'il regardait l'enfant 
comme un dépôt sacré. Tout aussitôt le fait est signalé 
aux autorités : on dresse un procès-verbal , et un ar- 
rêté municipal fait savoir à Barge-Réal qu'il répond 
désormais à la nation de l'enfant qui vient de lui être 
remis. Cependant Ojardias ne fut pas plus tût de re- 
tour , qu'il obtint l'annulation de cet arrêté par un 
ordre portant la date du 10 juillet 1795, et dont 
l'original existe encore. Il y est dit textuellement: 
« Je vous autorise à lever les ordres qui retenaient 
l'enfant dans la maison Barge-Réal , ainsi que ceux 
qu'on aurait pu donner contre la liberté d'Ojardias ; » 
ce qui prouve bien que l'ordre s'appliquait avant tout 
à l'enfant. Ce môme Morin delà Guérivière, soit dit 
en passant, devint plus tard partisan fanatique de 
l'un des faux Dauphins, du baron de Richemont; et 

H) Ghumj de la [Sarre, t. I ,r , p- b33. 

Cookie 



*-%** cette voSà ^ M ^ 

rf «(0 oa . 1 C '* n Prétendu sign; 
°°*l7 tGmh , r t * 8 °°* le désign/ca 

^lk e U1SSedr ° ite Un tat ouage représ 
4e* w" 110111668 d ' une couronne roi 
^Meures initiales de ses noms, de c 
"e m mère et de sa tante Elisabeth 
q« nn individu , appelé Jéon-I.ouis 
vivait encore en 1840, fut arrêté, 
sumée du Dauphin et par ordre du ( 
générale, parce qu'on l'avait -*>ris p 
existe en outre , clit— on , au greffe à 
goulême,le dossier d'une affaire oui , 
nal, longtemps après le 8 juin 1795. 
gissement d'un enfant, attendu que c 
résulleque c'est à tort qu'on l'a pris/ | 

Nous ne mentionnerons que pour: 
y attacher d'ailleurs autrement d'imr 
proclamations et manifestes des cht 
eurent encore lieu pendant assez to 
de Louis XVII, comme si ces chefs i 
mort et qu'ils l'eussent au contraire 
vivant. 
Parmi les individus qui voulurei 

(1) Gruau de la Barbe, t. I", p. 336. 
Hais ne serait-ce pas aussi quelque 
Hervagaull ? car c'est de cette époque à £ ] 

, les menées de celui-là. 

Google 



povï 1omsX\li,V horloger Naundorff est assurément 
celui à l'égard duquel la fraude a été le moins juridi- 
quement constatée , si tant est même qu'elle l'ait ja- 
mais été, et sur l'individualité duquel force est d'a- 
vouer qu'il continue à régner encore aujourd'hui le 
plus d'obscurité et de mystère. Il parait certain qu'en 
dépit de toutes les recherches faites à diverses repri- 
ses, et avec le plus grand soin, à l'effet de savoir "qui 
il était réellement, il a été impossible de remonter 
dans l'histoire de sa vie antérieure pins haut que 
l'année 4812(l).Acette époque, il quitta Berlin pour 
venir s'établir à Spandau , où il obtint le droit â_ ^ 
bourgeoisie, sans qu'il eût été, à ce qu'il parait, pré^_-___ 
lablement procédé , ainsi que la loi le prescrivait , ^^_ 
une enquête sur son origine et sur ce qu'il avait p> -^^^ ^ 
faire avant ce temps-là. Que si les organes du g<so, 
vernement français ont à deux reprises avancé 
l'origine des plus humbles de Naundortt suV" 
parfaitement constatée en Prusse cft ia.\\,\c\\w(^' 
cisément à l'avantage de ses àVr fe * B * Al , /^/T 5 ?!^ 
En effet, par les contradiction,' **&*$> ^ BS ' 
présentent, les assertions SlXc Ua &^ïyV^ * i% eftftS 
française se trouvent virtuell,*»» 6 ^'^ iu A Police 

hilées. Ainsi, on nous appr-J^tt ïfc .J^ * ià *bbh 
Guillaume Naundorff était «, ^^Ot^»!^ 

Naundorff,etnéetH786 alNr Uls d\i * ^ /*/=**». 

apprit de bonne heure 1» * tt *tft|»*** ï *ttM i/f'^^ 

W Du moins on n'a Du **»C Q * l 6& v?««-, A — 

— •■ "-i^e^rz/ïî 




V 



*<52?. 



"°* ■ 



— 28S — 
organisé (i) ; qu'il aurait alors fait la connaissance 
d'un officier appelé Uaressin , qui avait essayé de se 
donner à lui pour le Dauphin , ou tout au moins de 
lai faire accroire qu'il avait très intimement connu ce 
prince ; qu'en 1810, il serait revenu avec ce Mares- 
siu à Spandau , où il aurait repris l'exercice de sa 
profession ; que Maressin lui persuada alors de se 
donner lui-môme pour Louis XVII , lui fournit, rela- 
tivement aux localités , les renseignements néces- 
saires , pais partit pour la France afin de lui frayer 
les voies ; et que Naundorff néanmoins resta à Span- 
daa, où , en 1812, il obtint le droit de bourgeoisie. 
Puis , d'après une autre version présentée également . 
comme authentique, on nous dit que Naundorff ap- 
partenait à une famille juive de la Prusse polonaise, 
qu'il vint à Berlin en 1810, et qu'il y séjourna pen- 
dant deux ans ; qu'il se fit alors colporteur d'horloges 
de bois, et donna faussement pour sa femme la veuve 
d'un soldat, Christine Harfert ; qu'en 1812 il arriva 
à Spandau, où il obtint les droits de bourgeois ; en- 
fin, qu'à l'époque de son mariage, en 1818, il avait 
déclaré appartenir à la Confession d'Augsbourg, et être 
âgé de quarante-trois ans, par conséquent né en 1775, 
Ces deux histoires (2) offrent de nombreuses contra- 
dictions. Dans l'une et l'antre, on trouve sur la nais- 
sance de Naundorff des détails dont le gouvernement 
prussien n'eût pas eu la moindre difficulté à prouver 
l'exactitude, ce qui aurait tout d'abord réduit à néant 
les prétentions de Naundorff et désillusionné ses 

(1) Il n'est pas resté la moindre trace de la prétendue créa- 
tion de ce corps. 
(î) Gruau de la Barre , t. 111, p. S89 et 883. 

Google 



— 286 — 
fidèles. La seconde de ces versions est contredite au 
contraire par une lettre officielle du ministre de Ro- 
chow, qui, à la date'du 27 août 1840, déclare que le 
gouvernement prussien n'a jamais avancé queNaun- 
dorff fût d'origine israélite, et qu'il n'a connaissance 
d'aucun fait qui ait pu servir de base à une pareille 
assertion. Ce qu'il y a d'avéré, c'est uniquement que 
Naundorff, après avoir habité Berlin de 18)0 à 1812 
environ, est venu se fixer à Spandau en 1812, qu'il y 
a acquis le droit de bourgeoisie , qu'il y exerçait la 
profession d'horloger, et que tant qu'il a résidé dans 
cette ville, il y a été connu comme un artisan estime 
de ses concitoyens, et même bien vu des classes su- 
périeures (1). Mais alors sa parfaite connaissance de 
la langue française , son habileté à la parler et à l'é- 
crire (2), son éducation évidemment supérieure à la 
classe dans laquelle il est né et a toujours vécu, et 
qui lui a permis de se familiariser avec les moindres 
détails de la révolution française, n'en restent pas 
moins des faits aussi remarquables que difficiles à 
expliquer. Quoi qu'il en puisse être, laissons-le plutôt 
raconter lui-même son histoire par l'entremise de son 
historiographe, M. Gruau de la Barre. 

Nous commencerons par son nom. Il se nomme lui- 
même Charles-Louis, tandis que le prince pour le- 
quel il veut se faire passer est généralement désigné 
sous les noms de Louis-Charles. Il prétend, pour ex- 
pliquer cette contradiction , avoir été baptisé sous les 

(1) Gruau de la Barre , t. II , p. 173 et suivantes. 

(2) Une circonstance qu'il eût été très important de tirer au 
clair, c'est la manière dont il parlait l'allemand quand on l'a 
vu venir s'établir à Berlin et à Spandau. 

Google 



— 287 — 
noms de Charles-Louis ; mais qu'à la mort de son 
frère aîné, le roi, pour atténuer les regrets de la reine, 
a (Ut: « Le Dauphin sera toujours Louis. » De là l'in- 
terversion effectuée dans l'ordre de ses prénoms ; et 
ce n'est qu'après en avoir écrit de Prusse au* diffé- 
rents membres de sa famille qu'il les a rétablis 
dans leur ordre primitif. Il attache un grand poids 
à la connaissance qu'il a eue de ce menu détail in- 
time de famille , tandis que ses divers concurrents se 
sont tons laissé induire en erreur par les alma- 
nachs , etc... C'est là effectivement un point qui ne 
laisse pas que d'avoir une certaine gravité. Si le prince 
a réellement reçu sur les fonts de baptême et porté 
les noms de Ckarles-I.ouis, il est évident que par cela 
même le prétendant prouve avoir parfaitement con- 
nu les petits détails intimes de la famille de Bourbon. 
Toutefois, ce n'était pas là un secret de famille; et 
dès lors on ne voit pas trop pourquoi il s'est départi 
plus tard d'une disposition arrêtée par son père (il 
est vrai qu'elle était désormais sans objet) . Si son as- 
sertion est inexacte, elle a tout l'air d'un malheureux 
expédient employé pour couvrir, à l'aide d'un men- 
songe nécessaire, une faute commise par inadvertance, 
et, par suite , elle détruit tout d'abord la foi qu'on 
serait tenté d'avoir en ses autres déclarations. Nous 
ne nous dissimulons point qu'un fait bien grave , qui 
vient à l'appui de cette réflexion , c'est que dans tous 
les almanachs et livres généalogiques publiés de 
1783 à 1789, qui ont pu nous tomber sous la main , 
nous avons toujours trouvé les noms écrits dans cet 
ordre : Louis-Charles. Il se pourrait, il est vrai , que 
le prétendant — qui, en tout cas, ne pouvait savoir 
la chose que par ouï-dire, — se fût lui-même trompé 



Mail, ou encore que Vetreur fût le tait ri- 
te, iussi bien on ne voit p as t rop comment?! 
TC nir à l'idée qu'il put être de son intérêt VI 

e temps si aisée à éviter, ou de ditterer ™ 
i l'opinion généralement reçue 
invenirs qu'il. conservés des nremi)».. 
, 8 „„ enlance sont Psycologiqu^t^f ^ 
te s» ratuchent à divers 6v£SS££*\, co , r - 
bien connus sans doute , maU™ 1Sto " 

re à produire sur lui la pl us , " *» étaient 
mple, l'instant où Louis "X.VI i i mpressi ™ : 
,du 10 août, vint chercher mt. ?, UUe de la 
«séances de l'Assemblée nali „ aslle dans le 
un; l'entretien secret 4 e la - * * a ' uite a 

lont il fut l'unique témoin- n ™ e aVec Mira " 
rconstances sans importance YS qïlel< ! ues ai- 
le nature à se graver ™-„r ? our l'histoire , 
re d'un enfant, aV ?," > , ton i <ifeltt ent dans la 
tant devait se trouver sure*\ ?^ qU<! Ve sprit de 
mplissaient autour de tal o Par les fa "s qui 
, événements , a Se "-Or, au milieu de ces 
,ropr. à frapper u n S" ^«sèment ee qui 
rçoit nulle part l a pt .|™"£- î" 13 Sea **<>«», on 
,„,il ««"''"'T.rM^^Uou de savoir des cho- 
,,emr, et ces diftér-e»,, qu U e <" pu (tarder 

11. façon, que , s ,f «ms récits sont tous ourdis 
. oigé une .4,, 1 » sont inventés, Vinvenuon 
slligence qu'on n „ SSe et dénote m(W , , on 
,nts du prétend^ trouve pas dan?,» 
omme instruit e"« ' ° u Von re-™ -. ralSm " 
pportdel'intelu * e ^%é , tS?"*?"»»- 
rs de 1. capti vi \« e ftce et de ? ° OTdmaire >™> 
é au f de , la «agacitè. Les son- 
œple «ont plus précis, 



. 2«9 — 



\ 



■ e iw° re! " i 
plnssmm.nw 3 iC J, ta dans 1» 
JrJitranentà des *»» se3 paren 
I,i-méine employé P» c -« 

bien remarquable a" ., dé cr.t d 
nière frappante do» po»«» " 
««..etcomiie seo^.ps den«. 
sonne, avant ^O^g 
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„ famille rojale **" t de 
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de «s tristes lie»* P° de leurs f 
ses à la connaissance ♦"«"", ci , 
l'avocat dévoue «""" t ero»J, ,C V 
hit que nousrappor CH 

pas difficile de le^^rf^ 
Millier de Ml e»*V a u * Jd 
renlreliel des '""Pf/aeS «*/J p 

vésausujetdelanw^àPa" 5 

di séjour du P^^V-^jL 

le prince el P*«»° e . é F»"^? 

d'un républicain aPP eI ° aV«''- 

soupçonner avec qui il s" , ot se. 

«rsationsurleTemple- ffl ai 

1er ses souvenirs porsoni an ,i 

Me qu'il commit, le P™ djres 

grande surprise, rectin» eï8C(e 

eription si minutieuse ets 

. existait» ni», et en rappor 

m. 

. r Coo^le 



— 2SO 

si grand nombrede circonstances tontes particulières, 
que les yeux du vieillard s'emplirent de larmes, el 
que, tombant à genoux , a / tTii e n sanglotant : 
•*«•«- y* e tre h „ de !« XVI! . 
L histoire csmlle vraie? 0u bien est-ce dans ses en- 
tretiens a™ ee Bulot qile le Dl< ^ aallt , acquis 1. 
connaissance s, mfrae clo m £«° ^ell'éprd 

rapporte à l'époque o^i" glisse sur <»"< »/» » 
M Simon, ce qui s^t" ÏUt "mis à la garde dulra- 
vue psychologique, D 3 ll< l ue facilen»<»t an point d« 
seulement douloureuse que celte eP ol !" e De ™ tK 
lui , et qu'elle appartisT ' IOai8 encore aïi,i!Sanle f ™' 
le souvenir lui pesait , * a ces temps d'infortune dont 
reau : « Ce! hom,ni B plus ; et " dit de son b0 " r " 

maie il fut moins or ** r ' tyss ier m'a fait bien du mat, 
autre fait que nous &■**' r * ue beaucoup d'autres. s Un 
une certaine imp 0ï . t 1 ^ na lerons encore comme ayant 
conservé de cette & nce psychologique, c'est qu'il n'a 
gnant pour tout es^^^e qu'un seul souvenir repu- 
avoir vu Simon et yrit délicat, quand il nous raconte 
sou père, aux pl e( j Sa *emme coucher dans le lit u« 
pre grabat. La f ^ *Uq ue l se trouvait placé son pro- 
nous dit-il , fnt s „ *™° Qe Simon favorisa sa fuite, qui, 
harnais, de ft D r > »t l'œuvre de Joséphine Beau- 
principal matru 'a, Qe Pich et de ïrollé u 
successeur de Si^»* employé poar l'accomplir M le 

(!) Gruau d«, , ' U Crtole I ' ,lure, "' à & ** 

ampiBte.etqu^, ^a»,,. 

^Or^. Q 't qu'il était, lui aussi, mécanicien- 
ne sobriquet de COnele. 

Google 



"2Ï 

phine avait fait obtenir ce 

de Barras. 
Ainsi présentée , l'évasio 

toutàfaitinvraisemnlaole ; > 
passagesdu récit, sorviennei 
soiresqui rendent l'histoire 
Iée, dételle sorte que nous n 
comment on veut que les ont 
commence par nous dire qu< 
œ h firent pas échapper tout 
qu'ils se bornèrent à le cach 
située sous les toits de cette 
corepiusieursœois, |»n. étaj 
au gouvernement qu i> 
hommes alors au P 01 "' ", * a 
l'évasion secrète ; et à cet 
gitif un enfant muet , qu 
procure à Barras. ^ e i u i c 

Cet enfant-là serait ceiu s 
la Convention virent en 

Désormais on » -a *"'^„| 

prison que des P ersonn fl an t 
LJvidus ne connaisse 

Mais, en **»?££? J „ 
,.nd,uelevraipri 

Alors, pour pouvoir 

ropeqnele Dauphin e(M 

mourir l'enfant atancesd( 

ses aliments ae ~ _„oison ett 
ministre du cent- ^^ 

à son ami Cn °^ x vl. Bèsl 
pa»lelllsdet.ou ^^ 

et son ami mem 

. r Coo^le 



— 292 — 
dont les inquiétudes augmentent (1), substitue au pe- 
tit muet, qui n'en finit pas de mourir, un autre en- 
fant tiré tout bonnement cette fois des hôpitaux de 
Paris , et dont l'état de maladie était déjà très avancé 
quand il entra au Temple. Enfin , d'un autre côté, 
lorsque les amis du jeune Dauphin eurent réussi à le 
faire disparaître et à le cacher sous les toits , ils le 
remplacèrent également dans la prison par un autre 
enfant dressé à jouer son rôle. Le coffre qui avait 
servi a faire entrer celui-ci servit ensuite à rempor- 
ter l'enfant muet que, moyennant de fortes sommes, 
des personnages influents firent remettre à des amis 
du jeune Dauphin, qui, ne l'ayant jamais vu, 
crurent être dépositaires de l'héritier du trône (2). 
L'individu chargé de faire cette livraison, un nommé 
Jean Paulin, conduisit l'enfant muet à Joséphine 
Beauharnais , dont l'effroi fut extrême en reconnais- 
sant l'erreur qui venait d'être commise. 

(1) Mais que pouvaient avoir à redouter, de la part d'un 
enfant de dix ans, ou même de ses partisans, des hommes qui 
n'avaient pas hésité à couper la t6te.au père , à la mère et à 
la tante de l'enfant î Craignaient-ils par hasard que la France, 
à la vue du royal orphelin , ne se soulevât tout entière pour 
les renverser du pouvoir et rétablir l'ancien ordre de choses? 
Hais c'est là une supposition absurde. Ne savaient-ils pas fort 
bien que, dans l'ancien droit monarchique, il ne pouvait y 
avoir vacance du trône, et que, Louis XVil une fois mort 
ses agnats se trouvaient ipso facto investis par ordre de pri- 
mogéniture de tous ses droits î 

(£} Nous élucidons de notre mieux le récit fort obscur et 
fort embrouillé de Gruau de la Barre (t. Il, p. 187 et suivantes- 
t. 111 , p. 363 et suivantes) ; mais nous avouons ne pas com- 
prendre dans quel bat pouvait être faite cette substitutioa-là 
et aussi ne pas savoir ce qu'a pu devenir l'enfant substitué de 
la sorte au Dauphin, sans doute comme en cas. 

. , Cookie 



— Î93 — 

Ce n'est pas tout : le troisième enfant , le petit ma- 
lade de l'Hô tel-Dieu , qu'on avait jugé à propos de 
substituer à ce petit muet qui n'en finissait pas de 
mourir, etdonl la mère était jardinière à Versailles (1), 
ne pouvait pas disparaître comme cela sans qu'on s'in- 
formât de ce qu'il avait pu devenir. On le remplaça 
donc,, lui aussi , à l'Hotel-Dieu , par un enfant bien 
portant et pris aux Enfants-Trouvés. Les journaux du 
temps, s'il faut en croire notre auteur, mentionnèrent 
même alors comme une espèce de prodige qu'un en- 
fant qui se trouvait dans un état désespéré à l'Hotel- 
Dieu, avait complètement recouvré la santé en qua- 
rante-deux heures. Cependant, l'enfant vraiment 
malade et tiré de l'Hotel-Dieu pour remplacer le petit 
muet , lils de la jardinière de Versailles, celui qu'on 
faisait passer pour le prince dont on savait la dispa- 
rition, mais qui restait toujours caché sous les toits du 
Temple ; cet enfant-là mourut réellement le 8 juin, et 
c'est sur lui que fut pratiquée l'autopsie dont on en- 
voya le procès-verbal à la Convention. Au jour fixé 
pour l'inhumation , de grand matin , les personnes 
engagées dans le complot d'évasion retirèrent son 
cadavre du cercueil et y mirent le véritable prince. 
Quant au cadavre, on l'enterra secrètement dans le 
jardin du Temple ; et Napoléon , nous dit-on , qui 
plus tard le fit exhumer, s'assura par l'accord com- 
plet remarqué entre les restes trouvés en cet endroit 
et le procès-verbal d'autopsie , que les choses s'étaient 
effectivement passées comme Joséphine les lui avait 
racontées. Alors , lé cercueil que les agents de l'auto- 

(1) Cette jardinière, dit encore notre auteur, jugea prudent 
après cela de se réfugier en Amérique ; et il n'y a pas long- 
temps que sa fille vivait encore à la Martinique. 



- 294 - 
rite croyaient contenir le cadavre fut conduit au 
cimetière Sainte-Marguerite. Mais les amis du prince 
avaient caché dans la voiture employée à cet effet un 
coffre rempli de maculatures. Chemin faisant, ils reti- 
rèrent le jeune prince de ce cercueil et l'y rempla- 
cèrent par les maculatures contenues dans leur coffre, 
où ils placèrent le Dauphin. C'est ce cercueil, rempli 
de maculatures, qu'on plaça dans la fosse, tandis qu'on 
remportait le coffre contenant le prince. Celui-ci fut 
travesti en jeune fille, et conduit dans une autre voi- 
ture à un asile sur. 

Ne croyez pas que nous en ayons fini avec ce ter- 
rible imbroglio... Non. Il est encore question de plu- 
sieurs autres enfants expédiés en même temps en 
province dans différentes directions, afin de pouvoir 
mieux dépister les persécuteurs du royal orphelin. 
C'est à l'emploi de ces divers instruments de dupe- 
ries et contre-duperies que les partisans du préten- 
dant attribuent en partie le grand nombre de con- 
currents qui ont cherché ensuite , et peut-être de 
bonne foi, à se faire passer pour lui. 

Quoique toutes ces complications paraissent bien 
obscures et bien embrouillées, quoiqu'on n'en voie pas 
le butet qu'elles soientdès lors de nature à faire forte- 
ment douter delà vérité de toute celte histoire, force 
est cependant de convenir qu'il n'était pas nécessaire 
d'accumuler tant d'invraisemblances pour servir de 
base à une fraude ; qu'avec le parti une foispris détrom- 
per, il était facile de donner à l'invention des appa- 
rences autrement plausibles ; et, enfin, que ce qui est 
invraisemblable n'est pas par cela même impossible. 
C'était là, en effet, une affaire dans laquelle tous, 
pour mieux en assurer le succès , devaient chercher 



— 295 — 
à se tromper annuellement, et sur laquelle devait ré- 
gner toujours le plus profond mystère. Dès lors, on 
pouvait bien employer des voies et moyens fort 
étranges, et qui dans d'autres circonstances paraî- 
traient tout à fait invraisemblables. 

C'est encore ainsi que la vie du prétendant, sur- 
tout à partir du moment où il quitte la Vendée jus- 
qu'à son arrivée en Prusse, présente beaucoup d'épi- 
sodes tenant du roman et entremêlés d'une foule de 
détails obscurs et fort peu vraisemblables. Mais il faut 
ajouter qu'à la rigueur, rien de tout cela n'est radi- 
calement impossible, et que la fausseté n'en a pas 
non plus été absolument démontrée. 

Une fois évadé du Temple, le prétendant dit être . 
resté quelque temps encore à Paris, caché chez une 
dame suisse. Il gagna ensuite la Vendée, et fut re- 
cueilli au château de M. Thor de la Sonde , où il es- 
suya une longue maladie. Quand il s'en trouva guéri, 
le moment favorable était passé. Les souvenirs qa'il 
a conservés de sa vie solitaire, et au total calme et 
heureuse, en Vendée, sont très insuffisants, très obs- 
curs ; mais cette circonstance peut encore s'expliquer 
psychologiquement. Gharette vint le voir une fois, et 
plus tard il fut confié au général de Frotté. Le mar- 
quis de Brizes prit aussi de lui un soin tout particu- 
lier. C'est chez ce gentilhomme qu'il rencontra une 
jeune fille appelée Marie, et un prétendu garde fores- 
tier, qui n'était autre quele comte de Montmorin, de- 
venu dès lors son plus fidèle garde etprotecteur. Delà 
Vendée, ils se rendirent tous ensemble à Venise, puis à 
Trieste et à Rome , où le pape Pie VI les prit sous sa 
protection. Ils ne pouvaient pas alors accepter d'autre 
protection, parce que, d'une part, les oncles de 



Louis XVII regardaient ses amis comme leurs adver- 
saires les plus déterminés, et, de l'autre, qu'il était 
à craindre que les autres puissances de l'Europe, 
sauf peut-être la Russie, ne fussent disposées àsacritier 
le prince à des considérations politiques ; enfin, parce 
qu'on eût infailliblement fait assassiner le prince , si 
on avait su où il se trouvait. A Rome, il prétend être 
resté d'abord caché dans un couvent, puis être ensuite 
allé s'établir avec ses protecteurs dans une maison de 
campagne isolée. Ils y furent rejoints par la dame 
suisse qui avait recueilli le prince a sa sortie du Tem- 
ple, et qui dans l'intervalle s'était mariée avec an 
horloger. C'est de cette façon que le prétendant ap- 
prit l'allemand et acquit les premières notions de 
l'horlogerie. Une fois le pape prisonnier { 1 798), ils se 
trouvèrent en butte de tous côtés à la trahison étala 
persécution. Le feu prit à leur maison: la dame suisse 
et son mari moururent subitement le même jour, 
le marquis de Brizes et la jeune Marie furent empoi- 
sonnés, — mais on ne nous apprend pas clairement où 
ni comment ; — le prince, embarqué pour l'Angle- 
terre, fut pris en mer (1), conduit en France et incar- 
céré. Il ne nia point son origine, mais repoussa tontes 
les tentatives faites pour lui arracher les noms de ses 

(1) Toutes les circonstances de cet épisode sont entourés 
de bien plus d'obscurité encore , car l'auteur des InlritjW 
dévoilées, ou Louis X VII dernier roi légitime de France, en 
faisant défiler les uns après les autres devant nous les verres 
de sa curieuse lanterne magique, et en nous racontant kl 
scènes qu'ils représentent , n'a oublié qu'une chose : c'est de 
placer le moindre bout de chandelle dans l'intérieur de sou 
instrument. Ainsi , il ne nous apprend pas par qui son prince 
était accompagné dans cette malencontreuse traversée, ci 
comment H, de Montmorin parvint à se sauver. 



protecteurs. Transféré dans une autre prison, il pré- 
tend y avoir été traité d'une manière que la cruauté 
la plus raffinée et la ruse la plus infernale pouvaient 
seules imaginer. On lui transperça le visage à l'aide 
d'instruments semblables à des boîtes d'aiguilles; 
puis, lorsqu'il se trouva tout couvert de sang, on le 
lava avec un corps spongieux imprégné d'un liquide 
particulier. Le résultat de cette opération fut, outre 
d'atroces douleurs, de lui faire enfler le visage, qui 
demeura dès lors d'une teinte bronzée; et pendant 
longues années encore notre homme conserva l'appa- 
rence d'un individu qui vient d'avoir la petite vé- 
role (J). 

Enfin, en 1803, M. deMontmorin obtint, par l'in- 
termédiaire de Joséphine, devenue dans l'intervalle 
M"°° Bonaparte , et de Fouché, ministre de la police, 
la mise en liberté de son prince ; et il fut résolu alors 
qu'il irait rejoindre le duc d'Enghien à Eltenbeim. 
Préalablement, pour le remettre un peu de ses fati- 
gues et de ses souffrances , on le cacha dans un asile 
sûr (où?) ; mais l'oncle Louis, qui avait pris le nom 
de Louis XVIII et le titre de roi de France , ayant 
découvert cet asile, il leur fallut de nouveau prendre 
la fuite. Aux environs de Strasbourg , le prétendant 
fut encore une fois arrêté , conduit à la citadelle, et 
de là transféré à Vincennes, où on le plongea dans 
un sombre et humide cachot. On l'y laissa langnir 

(I) Notons que les seules personnes au monde qui pussent 
avoir intérêt a Faire commettre un attentat pareil étaient les 
deux princes , frères de Louis XVI , eux-mêmes alors fugitifs, 
et qui néanmoins trouvaient chez certains fonctionnaires ré- 
publicains dé commodes et discrets instruments de leur ma- 
chiavélisme. Comme tout cela est vraisemblable ! ! ! 

m. w1 W£ k 



— 298 — 

jusqu'en i 809 environ ; alors le fidèle et dévoué Mont- 
morin réussit à le faire évader une fois de plus et à le 
conduire en Heu sûr (où??). L'individu qui lui avait 
servi de geôlier à Vincennes passa plus tard à l'é- 
tranger; et M. Appert, un autre fidèle du prétendant, 
apprit ensuite en Suisse que cet individu , ayant en 
maille à partir avec la justice , et sommé de déclarer 
où il avait passé les années 1 804 à i 808, répondit qu'il 
avait été pendant tout ce temps-là employé à garder 
le fils de Louis XVI à Vincennes. Le fameux réfugié 
politique allemand Stromeyer, si connu par ses nom- 
breux démêlés avec les diverses polices de son pays, 
prétendait aussi avoir connu cet individu et lui avoir 
entendu tenir les mêmes propos (1). 

A. peine eut-il recouvré sa liberté, quele prétendant 
essuya une longue et dangereuse maladie , pendant 
que la police lançait en Allemagne tous ses limiers à 
la recherche de ses traces. Quand il eut enfin recou- 
' vré la santé, dans le courant du printemps de 1809, 
il partit pour Francfort-sur-Ie-Mein avec Montmorin, 
qui lui raconta que Joséphine avait consenti à la cap- 
tivité qu'il venait de subir, parce que Napoléon lui 
avait toujours fait espérer que son fils Eugène héri- 
terait de l'empire ; mais qu'aussitôt qu'elle avait ac- 
quis la certitude que l'Empereur songeait à un divorce, 
elle avait aidé à le faire remettre en liberté. Ils se 
dirigèrent alors de conserve vers la Bohême, et, après 
de longs détours, ils rencontrèrent dans une petite 
ville de la vallée de l'Elbe nn homme qui les intro- 

(1) Gruau de la Barre , t. III , p. 279. L'auteur oublie de 

nous dire où et à qui ce geôlier et ce Stromeyer ont fait ces 
déclarations. Cela en eût cependant bien valu la peine. 



— 299 — 
duisit auprès du duc de Brunswick. Ce prince leur 
donna des lettres de recommandation pour la cour de 
Prusse. Après avoir séjourné quelque temps dans une 
petite ville située sur la frontière d'Autriche , et ap- 
pelée Semnicht (Sebnitz?), puis n'ayant pas pu 
obtenir de permis de séjour à Dresde, ils arrivèrent 
enfin, et non sans peine ni détours, en Prusse, où ils 
tombèrent au milieu du corps de Scliill. Ils y demeu- 
rèrent jusqu'au moment où Schill, plus vivement 
poursuivi que jamais par les Français , les fit partir 
avec une escorte commandée par un comte Veptel, 
Vedel ou Wedel. Surpris et assaillis en route par un 
détachement de troupes françaises , Montmorin fut 
tué au milieu de la bagarre, pendant que le prince, 
grièvement blessé, perdait connaissance et restait 
lui aussi sur le carreau. Quand il revint à lui , il se 
trouva dans un hôpital d'où, malgré son. état d'ex- 
trême faiblesse, on le transféraàWesel. Là il sévit, 
avec d'autres individus ayant appartenu au corps 
de Scliill, condamné aux travaux forcés ; et peu de 
temps après il était en route pour Toulon. A moitié 
chemin , on fut encore forcé de l'envoyer à l'hôpital 
par suite d'une grave maladie, résultat de tant de 
traverses et de fatigues. Dans cet hôpital, il rencon- 
tra un certain Friedrich qui avait fait partie des hus- 
sards de Scliill, et tous deux parvinrent à s'évader. 
Après avoir traversé sans encombre une grande partie 
de la France, ils atteignirent le territoire de la West- 
phalie. Là, son fidèle compagnon d'infortune fut ar- 
rêté par les gendarmes; quant à lui, secondé par un 
berger qui le prit en pitié, il réussit à arriver jusqu'en 
Saxe. Un jour que, à bout de ressources et épuisé 
de fatigues, il se reposait sur la grande route, près 



d'un petit monument élevé à la mémoire de Luther, 
vint à passer devant lui une voiture attelée de che- 
vaux de poste. La personne qui s'y trouvait lui per- 
mit d'y monter, et l'engagea à vérifier ce que pouvait 
contenir le havre-sac de son compagnon Friedrich ; 
il y trouva 4,600 francs en or (1) ! 

L'individu à la voiture de poste prétendait être de 
Weimar, — mais, ajoute notre auteur, les autorités 
de Weimar elles-mêmes ont déclaré plus tard que 
c'était faux (2), — et s'appeler Naundorff. C'est dans 
sa voiture et avec son passeport que le prétendant 
arriva à Berlin , où naturellement, avant de lui ac- 
corder un permis de séjour, la police lui fit deman- 
der toutes les pièces justificatives que comporte un 
état de civilisation avancée comme le nôtre. Alors il 
prétend qu'une certaine madame Sonnenfeld (3), à 
laquelle l'avait recommandé cet énigmàtique Naun- 
dorff dont on n'a jamais pu depuis lors retrouver la 
moindre trace, et qui continua maintenant de tenir 
son ménage tant qu'elle vécut, lui conseilla de s'en 
aller tout bonnement trouver le préfet de police de 
Berlin à ce moment en fonctions , et appelé Lecoq , et 
de se confier à lui. Le prétendant remit en consé- 
quence à ce magistrat , comme pièces probantes , les 
divers papiers et documents qu'à travers tant de pé- 



(1) Ici, évidemment, H. Gruau de la Barre s'exagère la 

portée de la crédulité et de la stupidité humaines , en noua 
débitant de pareilles niaiseries. 

(2. Comment , avec des renseignements aussi vagues , pou- 
vaient-elles nier ou affirmer î 

(3) Ce n'est peut-être autre que la soi-disant veuve d'un 
militaire, la dame Harfert, dont parle la version française 
que nous avons rapportée plus haut. 



„ 3 lc 



— 301 — 

rils et d'aventures il avait pu conserver jusqu'alors 
bien soigneusement cousus dans le collet de sa redin- 
gote (!!). Le préfet de police reconnut aussitôt l'écri- 
ture de Louis XVI et celle de Marie-Antoinette (!!!); 
il emporta avec lui la lettre de la reine pour la mon- 
trer au prince de Uardenberg, et, depuis lors, le pré- 
tendant n'a plus jamais pu la ravoir (1). M. Lecoq, 
vu l'impossibilité de lui conférer à Berlin les droits 
de bourgeois s'il ne fournissait pas les pièces justifica- 
tives exigées, lui conseilla alors d'aller s'établir dans 
quelque petite ville du voisinage de la capitale, et de 
conserver le nom indiqué sur le passeport qu'on lui 
avait prêté. Il lui lit délivrer une patente d'horloger 
à ce nom , lui donna même de l'argent, et lui recom- 
manda, dans le cas où les autorités de l'endroit où il 
allait se fixer lui demanderaient ses papiers , de se 
borner à leur répondre qu'il les avait déposés chez 
lui. 

Il demeura fort tranquille à Berlin jusqu'en 1812, 
époque où il alla s'établir à Spandau ; et là , en effet , 
sur un simple certificat de M. Lecoq , attestant l'ir- 
réprochabilité de sa conduite , il fut admis le 8 dé- 
cembre au nombre des bourgeois de la ville. Les pièces 
citées à l'appui de ce fait sont réellement curieuses , 
si tant est cependant qu'elles soient authentiques (2). 

(1) En 1810, ce Lecoq n'était point encore préfet de police 
i Berlin; en 1810, il ne pouvait qualifier de prince M. de 
Hardenberg , qui n'obtint ce titre qu'en 1813... Ce ne sont là 
peut-être que de simples fautes de mémoire de H. Gruau 
de la Barre ; mais elles ne laissent pas que de faire singuliè- 
rement tort à son récit. 

(2] H. Gruau de la Carre les rapporte textuellement dans 
ton tome 11, p. 123. 



— 302 — 
Au reste , les autorités de Spandau écrivent son nom 
Nawndorff, et non pas Naundorff. Dans cette ville, i 
il put facilement subvenir à tous ses besoins par ■ 
l'exercice de son industrie, particulièrement bien 
vu par le bourgmestre Kattfus et d'autres person- 
nés de distinction (1). Ses espérances se réveillèrent i 
alors à la suite de la direction prise par les événe- . 
ments politiques. En conséquence, il écrivit à Le-* 
coqetàHardenberg,mais n'en obtint pas de réponse. 1 
Après la reprise de Spandau , il écrivit au roi de | 
Prusse, aux empereurs d'Autriche et de Russie, pois-É 
encore une fois à Hardenberg et à Lecoq, et toujours 4 
aussi inutilement. Il prétend que , dès 1809 et 1811, 
ces souverains avaient été mis au courant de ce qui j 
le concernait, soit par M. de Montmorin, soit par j 
M. Tlior de la Sonde, le Vendéen. En 1815 arriva à ( 
Spandau un officier français du nom de Marsin ou \ 
Marassin, et qui s'en revenait en France après avoir | 
été prisonnier en Russie. Gomme Naundorff avait en < 
occasion de lui rendre service en 1812, ce Marassin | 
alla le voir et fut parfaitement accueilli. Son hôte i 
lui ayant confié son secret, Marassin se dévoua corn- ! 
plétement à sa cause ; et Naundorff prit le parti de le i 
charger de préparer les voies à son propre retour en i 
France. Il lui remit de l'argent et lui confia les pa- j 
piers qui pouvaient être utiles à sa mission, en même i 
temps qu'il mandait à la duchesse d'Angouléme la i 
prochaine arrivée de son émissaire. Mais on n'a plus l 
revu Marassin depuis lors. A en croire M. Gruau de | 
la Barre, la police, après l'avoir fait arrêter à Rouen, 
se serait mystérieusement débarrassée de lui, et lui 

(1) Gruau de la Bahhe, t. u, p. 178 et suivantes. 



M,,rinBr»neaU. » on cle s con r. 

-»'»" i4 ' S, Ssdroit s * , eS duc 
tatderenoncerà se c0 «s.n s ' es0 enda 
de ses ondes et de se le „rs a ,„é a 

„d,B«rr,,»ir.sia*« ° rry . le *£ B co<" 
H.».rtduducde B^s le « a soa ver. 
mtràigt-cmq ans- dr ol*» - t 3.^°™* 
semitreiercice des ^ a^ar* 0S der 
iouroisonpetit-c°" c es 
«Ane armée. T°" teS eJ ,„ e M 

réponse. „,j et» 11 * „cei" * . 

il ,rit alors le P^Ves P "^ ol» s ^f d 
tas les hautes sP 11 ® ,. d»» s or*'" ^ 

^ oU „*ursco"U oljr de ttn fl 
Mp o»sa,l«»8 ° no „o^ t \ e ooc»« 

d«proitti™»^ t r e d - a ss^ e „ „vel 

seréverllaen»» a é cri^o,ai da 
laflndelSW. » e»'^ rèP»« 
d- Ang 0»Wme^ o s e»l 
tend queceï"t> „ e de^ \ «êrifi, 

^Stlefaltest^er^r»»-»»* 
trace à Spandau • p e » 
I ») Maispour^ 
l ment si imvo rtaïl 



— 3t)4 — 

à Hardenberg, il continua a garder avec lui \etnfei 
silence que par le passé. 

Vers cette époque , il prit \e parti 4'alleT se i« 
Brandenbourg, e t cela par suitede petite dénv»esq 
avait eus mec quelques bourgeois deSpandau»! 
eaaiondela candidature d'un certain M. Bâte 
aux fonction» d e bourgmestre ; candidature ujîï 

parce que , dl\*T COnfl ™*S asV ™ l °>™ sunfcri 
contre le systèLÎ'^ M ' D "*«'l^ Vaurait pi 
maintenant oVo*? de P er *utions qu'on avait 1 
se faisait recev„? ï*™ Conlre lai -Bonc , en t( 
Alors recoran, bour B«>is a Brandenbourg 
bulationset de ™* P«" lui une longue suite 
donne pour cau *« rsé ™tions nouvelles , auxau 
cesse pas *•«,£££»*. ta *ta»C, 
quelque invrai. . la tan »lle régnant» a„, 
les petites et a * s <»"Mables d'aftw^ ^ 
vulgaires .«'>% tatrlguê, a"T- q ™ »* 
achète une ^ U *o„ a r e !ôvtt Ma "1»eVa 
lacé dans u n ^ a *« n ; et *™ w » «mtre lui. 1 



achète une ^e»» on a retZ. " W6Vtt 
lacé dans u n ^ a *« n ; et *™ w » «mtre lui. 1 
mais qui ie"^»* fait ^J™**"* ft se' 
Prusse, ÎUe ,, l »e M enchaîn» PO "" e 4 '>"ie 

ipable J^a^S**»»* ,■**»*•*. 






blissemenl, qui lui accorda toute sa sympathie, el 
continua encore plus tard à lui en donner des preuves 
non équivoques (1). Ce prolecteur obtint pour lui la 
remise de ce qui lui restait encore de temps de déten- 
tioaà^faire , et il fut remis en liberté en 1898 , mais 
avec interdiction de séjour à Brandenbourg ou dans 
les environs de Berlin. Pendant ce temps-là, comme 
on peut bien le penser, son petit avoir avait été com- 
plètement anéanti, et sa famille se trouvait réduite au 
dernier degré de la misère. 

Ensuite il perd une petite place que Seckendorf lui 
avait procurée à Gassen, et il va s'établir à Krossen. 
Dans cette ville , le syndic et commissaire de justice 
Pelzold s'intéresse d'abord à lui , puis épouse com- 
plètement sa cause. Ce fonctionnaire écrit aux princes, 
aux ambassadeurs, sollicite une révision de l'instruc- 
tion criminelle dont Naundorff a été l'objet , sans se 
laisser intimider par les menaces personnelles d'un 
prince Carolath, tant il a l'intime conviction de l'in- 
nocence et du droit de son client. Mais ce protecteur 
meurt en 1832, à la suite de coliques et de vomisse- 
ments violents dont il est pris tout à coup après avoir 
avalé une tasse de bouillon 

On voit à ce moment apparaître dans les affaires 
du prétendant un certain M. Lauriscus, qui déjà long- 
temps auparavant avait travaillé chez lui , et qui 

(1) Gruau de la Barre, à cette occasion, cite diverses lettres 
écrites en 1836 par ce baron de Seckendorf à sa sœur, ma- 
dame de Weissenbach, à Dresde, où il la prie de s'entre- 
mettre à l'effet d'obtenir, par sa belle-sœur, madame de 
Weissenbach de Frauenheim , née princesse d'Escligoac, et 
amie de la duchesse d'Angoulème , que cette princesse con- 
seute à recevoir son client. 



— 307 — 

promet de se vouer complètement à 
cannait les moindres détails ; mai 
meurt quatre semaines après , et êf 
subite. Les scellés sont mis sur tous 
se trouvent chez lui, et dont il est e: 
à Naundorff d'obtenir la restitution 
trouve donc réduit à un complet abi 
un avis anonyme le prévient qu'on 
tenant à l'enfermer par voie de mt 
live dans quelque forteresse , il se à 
de 1832, à se rendre en France. 

Le prétendant arrive à Dresde ] 
sources aucunes. Les démarches qu 
tenir des audiences de divers mem' 
royale lui attirent de la part de 
d'avoir à quitter immédiatement le 
il attribue ce résultat aux intrigues 
confesseur du roi ; mais il avoue li 
passeport n'avait été délivré que 
homme que le hasard lui fait renc 
alors par ruse un passeport signé \ 
France à Berlin. La bienfaisance d 
deFreiberg (2), qu'un autre hasard 
contrer en route , lui fournit les rm 
pour continuer son voyage en cou 

(l)CesoDtlà, est-il besoin de le dire, 
par Gruau de la Carre, mais au sujet de: 
da Fournir la moindre preuve. 

[2) Qu'il appelle Kishauer, et qu'il dit : 
horloger. Or, il résulte qu'on n'a jamais c 
de ce nom à Freiberg. Mais il y a eu da- 
teur Kies , dont le fils effectivement étai 

. r Coo^le 



-i- une foule d'à— 
nombre d'émigrés polonais ; et, après u eCr(1 ti ns» 
ventures, d'accidents et de prétendues P e . u i eil se» 
auxquels il échappe toujours d'une façon jjais 

ilarriveenfinenFranee.Onnousappre D °\ qu'A "y 
d'une manière aussi obscure qu'embrou» ' ce »it *■ 
était déjà attendu, et notamment qu'on ^^erry* 
lui ménager une entrevue avec la ducbess to «.tes 

qui à ce moment se trouvait en Bretagne- - eft t ** e 
ces menées échouèrent ; aussi jugea- 1 " 1 * a v° ir ea 
passer provisoirement en Suisse, d'o* 1 a '* i e $6 ***** 
soin de changer de nom , il arriva a * ar h-ad * 1 e * 
1833. 11 y vécut d'abord dans un ®^. f«* e par ? a 
une profonde misère , dont \\ ne î ot l * T m ° e l**-' 1 ! 
belle-sœur d'un M. Albou^s qui, £*£>*****«*■ 
avait lu dans les journaux s'était ^^tfc^^^ws 
pondante avec le syndic p'etzrffl U ^l^* 14, qui 
par celte dame à une certaine^ &\Sp** S« 

;;rr ao r™ D ^f^ «<£ » ar* 

i • . Puis k iw°>« M8T* d Son 

laire, qui avait aussi 



enfance. M"" de Ram^ c °Qnu ce prinCÔ UW1: ^ 
beaucoup d'incrédule* f -0 -^ avait d'abord témoins 
signes dont elle seule * ï3txaL ^ s % ^ * a y ae de «' #jte 
réponses faites par i e Va -U connaissance, etapr^L,- 
lui sont adressées av ï * ri «.ce à diverses question* ^ 
est entièrement cotvj^ ** plusgr* 01 * 6 daMri '* , - *Ç 
de ses plus ferve aia Z^^cue et P aSSB dans les ^ « 
aussi , avant de Se ^ a, *Ua a n, wa Satat-BïlfcB. a 
précautions innui„* ^nar^ «t* V***^^ -o 

(1) D'un autre cô| ^ * - l\ QO flS _ J - 

dans tout cela qiT u „ » <w , P» x '*!:>«'**' *> 



— 309 — 
sible de rapporter ici toutes les P«£«" 
à peu le firent reconnaître par un e foui 
pour le véritable fils du »»-™^JSi 
anciens compagnons d * en i an t ^ llie d'au 
s'étaient rattachés à la fo "*~: re _ aV ec 
ments, l'évitèrent au contr^ i£ S iiimi 
soin; et la fraction du pa ^ stima it la 
escient ou sans le savoir, n^ ^^ pro pr 
comme un moyen de servi ^ parler 
voulut à aucun prix enteD loUS cïterc 
ceux qui le reconnurent , tn0tl t , a;»* 
particulièrement M- de Br ^ vI de pui; 
taire particulier de Louis don t o»_ »; 
jusqu'au 10 août 1792 , . dio ia ire ( ' 
tellement la déposition ■? eS de I*" 1 
loly, un des derniers rsxitilS . e . Je» n 
ce vieux maçon du Tena ?; lu s * cti *? S r 
notoirement uue part des P- ft f»»**" 
efforts tentés en faveur d** ^o , eon«^ 
le témoignage, nons assnr€ 7 & l'histoire 
circonstances importantes .* r e !>&& uCoa J 
H faut aussi dire que V eXlV ~ AeS motifs d 
se rattachèrent alors par rt dan'> de ' 
sonnel à la cause du P r . e rtèrent p§ \ 
que beaucoup d'autres la " & 

„_» qu'ils m 
do,Jt que comme d'un totru""»^ % 

mêmes soit comme un fripon , st" " f, 

de monomanie. 

(i) Gruau de la Barre cite diverses <%w 
unes par-devant notaires et en présence deu "t ! 

au lit de la mort , et qui seraient très /flj«. \ 
si on pouvait en garantir la véracité et 



(2) Gruaï; de la Barre, t. /;/ 






— 310 — 
intérêt personnel n'y trouvait pas son compte ({). 

Le prétendant et ses partisans se- remuèrent bean- 
coup à diverses reprises pour gagner la duchesse d'An- 
goulême à sa cause. Si l'on admet, — ce qui d'ailleurs 
est formellement nié par le prétendant , — qu'elle le 
tenait pour un imposteur, son insistance à vouloir 
avoir un entretien avec elle a dû lui être extrême- 
ment pénible; et on comprend facilement le dédain 
avec lequel cette princesse repoussa toutes les tenta- 
tives de ce genre. Mais s'il est vrai que pour procé- 
der à l'épreuve des révélations qu'il s'était réservé de 
lui faire personnellement, la duchesse lui ait fait pro- 
poser une conférence à Prague, tandis qu'il demandait 
qu'elle eût lieu à Dresde, on ne voit pas trop pourquoi 
elle n'y consentit point. Elle ne risquait rien à venir 
à Dresde, tandis que pour lui il y avait péril à se ren- 
dre à Prague. En 1834 elle vint bien à Dresde, mais 
elle en repartit subitement dès qu'elle eut appris que 
le prétendant allait y arriver. 

La situation de la famille du prince s'améliora une 
fois qu'il eut trouvé des partisans. Une nièce de ma- 
dame de Rambaud, la baronne de Générés, se décida, 
en 1834, àfaire elle-même le voyage de Krossen pour 
s'y vouer à l'éducation de ses enfants. Au mois d'a- 
vril de celte même année , elle conduisit la famille 
de Naundorff à Dresde , où elle passa avec elle plu- 
sieurs années, et où la ressemblance des enfants avec 
les membres de la famille de Bourbon leur valut de 

(1) Gruau delà Barre,!. III, p. 995.— Sans doute ces gens- 
là ne manqueront pas de dire, pour s'excuser, qu'ils n'ont 
ainsi déserté la cause du prétendant que parce qu'ils avaient 
acquis la certitude de la complète inanité de ses préten- 
tions. 

i: ■ . CoO^lc 



— 311 — 
nombreuses sympathies (1). Le docteur de Caro, en- 
tre autres, le célèbre médecin des eaux de Carlsbad , 
prit un vif intérêt à eux et à leur cause. On cite en- 
core parmi les croyants les généraux de Gablentz et 
de Leyser, le chambellan de Schorlemer, et un M. de 
Langerke. Ce dernier assure même que M. de Linde- 
nau (2) était aussi un vrai croyant. C'est peut-être grâce 
t ces hantes influences qu'nn des Dis de Naundorff 
fat admis au nombre des élèves de l'École militaire de 
Dresde. On ajoute encore que le gouvernement saxon 
repoussa péremptoirement toutes les réclamations et 
remontrances qui lui furent adressées à ce propos 
par le gouvernement français. Il ne lui fut pas aussi 
facile de repousser les réclamations du gouvernement 
prussien , quoiqu'on ne comprenne pas trop à quel 
titre ni dans quel intérêt la Prusse pouvait exiger 
l'extradition de cette femme et de ces enfants à titre 
de sujets prussiens , puisqu'en 1838 le père (qui se 
trouvait alors en Suisse) avait formellement répudié 
cette qualification. Le gouvernement saxon n'accorda 
donc pas l'extradition demandée , et se borna à refu- 
ser à la famille Naundorff une prolongation de permis 
de séjour, la laissant d'ailleurs libre d'aller ultérieure- 
ment résider où bon lui semblerait, — si tantest qu'on 
nous reproduise exactement les termes de cette déci- 
sion ministérielle, contresignée D' Meerback, et 
adressée « à l'épouse et aux enfants de Louis-Charles, 
« duc de Normandie, se nommant Naundorff, hoiio- 
« ger de Crossen (3). » Les membres de la famille de 

(1) On dît que l'une de ses filles ressemble beaucoup à 

Varie- Antoinette. 

(3) Ancien ministre de l'intérieur en Saxe. 

[3) Il est très vraisemblable que celte décision , rédigée 

Google 



— 312 — 
Naundorff gagnèrent alors la Suisse, d'où ils a\\fetM\l 
rejoindre leur chef en Angleterre. 

L'historiographe du prétendant nous apprend que, 
déjà pendant son séjour à Paris, son prince avait été 
l'objet de diverses tentatives d'assassinat, et entre à ce 
sujet dans des détails très étendus sans, qu'ils soient 
explicites ni fort intéressants. Naundorff eut en ou- 
tre à soutenir plusieurs procès au civil; et, à ce propos, 
il convient de faire remarquer que tandis que le gou- 
vernement français s'était empressé de déférer tous 
les autres prétendants en police correctionnelle sons 
la prévention de vagabondage , d'escroquerie et d'u- 
surpation de nom, celui-ci , alors même qu'il se fat 
adressé aux chambres et qu'il eut fondé on journal 
dans l'intérêt de sa cause, ne fut l'objet d'aucune me- 
sure de répression judiciaire ; qu'on semble, au con- 
traire, avoir voulu éviter de le traduire devant les 
tribunaux, quand tous ses efforts tendaient à pouvoir 
se faire un piédestal d'un procès politique ; enfin, 
qu'en 1836, lorsqu'il ne put plus recaler davantage, 
le pouvoir se tira d'affaire en se débarrassant de 
Naundorff par voie de justice administrative, et en le 
faisant reconduire à la frontière. Alors seulement on 
commença contre ses fauteurs et adhérents un procès 

primitivement en allemand, fut mal traduite en français, et 
contenait un contre-sens. 
Le texte allemand devait être « à l'épouse et aux enfants de 

« l'horloger Naundorff, se disant Louis-Charles , duc de Nor- 
« mandie. » Le contre-sens provenait de ce qu'on avait litté- 
ralement traduit une phrase renfermant une inversion con- 
forme au génie de la langue allemande , mais qui , reproduite 
textuellement en français , dénaturait complètement la pensée 
du rédacteur de l'acte en question. 

■ 



— 313 — 
qu'on laissa ensuite tomber dans l'eau. Le rédacteur 
en chef de son journal déposa contre lui une plainte 
en police correctionnelle, mais il fut acquitté. 

A Londres, où il se retira alors, il fut encore l'ob- 
jet de divers attentats (1) , ne rencontra pas de pro- 
tecteurs influents, et tomba peu à peu dans de grands 
embarras d'argent, d'abord parce qu'il y avait an état 
de maison en rapport avec la nature de ses relations 
sociales , et ensuite parce qu'il dépensait beaucoup en 
expériences de mécanique. Il prétendait notamment 
■voir inventé un canon qui rendrait désormais toutes 
les guerres impossibles, parce qu'il n'y avait pas de 
résistance à lui opposer. En dernier lieu, il alla s'é- 
tablir à Delft , en Hollande, où il mourut le 40 août 
1845 (2). Sur le registre mortuaire de la ville, il 
figure avec les noms et titres qu'il prétendait avoir 
le droit de prendre. 

A. en juger par un portrait gravé sur acier qu'on a 
de lui, sa figure avait le type bourbonnien (3). On 
loue beaucoup son caractère, et il parait avoir été ex- 
trêmement bienfaisant et serviable. Quant à ses fa- 
cultés intellectuelles , nous ne saurions nous ranger 

(t) Ses adversaires avancèrent dans les journaux que c'é- 
taient là de pures mystifications dont M était lui-même l'au- 
teur. Les détails très étendus dans lesquels Gruau de la Barre 
entre à cet égard , s'ils sont exacts , ne s'accorderaient guère 
avec une pareille assertion. 

(2; Ses fidèles n'ont pas manqué de signaler la coïncidence 
existant entre la date de sa mort et celle de la journée de la 
révolution française , où le trdne de. Louis XVI fut définitive- 
ment brisé en éclats. 

(3) On trouvera dans Gruau de la Barre divers détails très 
circonstanciés sur les autres signes caractéristiques qu'il por- 
tait sur le corps. 

m. «Google 



- m - 

complètement à l'avis de ses adhérents, car nous n'a- 
vons jamais lu de lui une seule phrase s'élevant au- 
dessus de la médiocrité et de la banalité, et n'appar- 
tenant pas a ces lieux-communs stéréotypés à l'u- 
sage de ce qu'on appelle « de bons rois, de braves 
gens. » Admettant qn'il n'y ait pas fraude de sa part, 
on doit reconnaître que dans la plus grande partie de i 
sa vie son maintien et sa tenue furent sans prétention, j 
réunissant la dignité à la simplicité et à la mesure. Ce 
n'est que vers la fin de sa vie, lorsqne- toutes ses illu- 
sions s'évanouissent successivement, qu'on v oit poin- 
dre en lui quelque chose de l'aventurier; et une cir- 
constance curieuse à noter, c'est qu'il ne commença 
que fort tard à parler de grandes sommes d'argent 
qui auraient été déposées pour lui (1), et qu'on loi 
aurait retenues ; jusqu'alors il n'en avait jamais dit ; 
un mot. Peut-être cela tient-il à ce qu'il n'en fui 
instruit que tard, et seulement par ce M. Brémonl, 
l'ancien secrétaire de Louis XVI. Tout an contraireit 
annonce de bonne heure le plus grand goût pour les 
inventions mécaniques (2). 

Nous n'attacherons aucune importance à l'explica- . 
tion qu'il donne de divers secrets de l'histoire de i 
France contemporaine, dont, suivant lui, une grande ! 
partie des événements l'ont eu pour mobile et cause j 
première. Beaucoup de choses qu'il raconte à cet 
égard sont si invraisemblables, qu'en les rapportant 
lui et ses défenseurs ont fait à sa cause plus de mal 
que de bien. Toutefois, ces assertions diverses sontde 
nature telle qu'à la rigueur elles pourraient être vraies, 



(t) Gbwah de 


LA BARBE , 


t. m, p. «a, 




(2) Gruau de 


la Barre , 


t. Il, p. 336. 








c< 


,o 8 I. 



— 315 — 
sans qu'il dut nécessairement en résulter que Naun- 
dorff fût Louis XVII, ni qu'il pût l'être ; que tout cela 
soit d'ailleurs le produit de son imagination ou bien 
ait été inventé par ses défenseurs. Nous n'en citerons 
donc quelques-unes qu'à titre de curiosités. 

Il attribue toute la révolution française, partie aux 
rancunes de l'Angleterre, e; partie aux menées secrè- 
tes de Louis XVIII. C'est ce prince qui trahit et fait 
échouer tous les plans formés dans l'intérêt de la fa- 
mille royale; il ne recule devant l'emploi d'aucun 
moyen pour pouvoir atteindre le but de son ambition. 
U est constamment en rapport avec Robespierre, avec 
Barras, avec Napoléon , les dupe et est dupé par eux; 
mais toujours il agit contre son frère et son neveu. 
C'est lui qui marie Madame Royale au duc d'Angou- 
léme , pour séparer les intérêts de cette princesse de 
ceux de son frère. C'est en vue du prince , et le plus 
souvent par suite des menées de son oncle , comme 
tantôt on l'avance positivement et tantôt on se borne 
aie donner à entendre , qu'ont eu lieu le massacre de 
Quiberon , la mort de Hoche et celle de Frotté , que 
Pichegru a été étranglé dans sa prison et le ducd'En- 
ghien fusillé dans les fossés du château de Vincennes, 
qu'est arrivée la mort de l'impératrice Joséphine et 
même l'assassinat du duc de Berry. C'est encore 
Louis XVIII qui a été l'instigateur secret de la mort 
de Mirabeau. Lui seul a fait échouer la fuite du roi et 
de la famille royale à Varennes. C'est lui qui a ren- 
versé Robespierre, avec qui il a été longtemps en re- 
lations, dès qu'il s'est aperçu que celui-ci travaillait 
pour son propre compte et avait l'intention de se his- 
ser sur le trône en épousant la princesse Marie-Thé- 
rèse. Madame Elisabeth est montée sur l'échafaud, 

Google 



— 316 — 

tarce qu'elle avait promis à son frère de révéler un 
our à son tils toutes les atrocités du comte de Pro- 
vence. Le fatal couperet de la guillotine a tranché la 
vénérable tête de Malesherbes, parce que c'est à lui 
qu'avait été confié le codicile secret du roi. C'est en 
produisant une fausse lettre de Louis XVI que son 
frère a obten u l'évacuation du territoire français en- 
vahi par l'armée prussienne. Si, au retour d'Egypte, 
Napoléon a pix s i facilement traverser la flotte an- 
glaise, il n'en est pas redevable à son étoile, mais à 
1'inflnence de Louis XVIII, qni espérait trouver en hii 
un autre Monk (i). Dans beaucoup de mémoires du 
temps il est question d'une mystérieuse scène d'as- 
sassinat, dont la commune deVitry, près Paris, fut le 
théâtre au commencement de l'année 1795. Une 
bande d individus, demeurés toujours inconnus de- 
puis pénétra nuitamment dans le château de Vitry, 
habile alors j> a f un sieur Du Petitval et sa famille, et 
massacra tout ce q „j s> trouvait en t(mt onze 
sonnes, sans -y dér-nï.*».. , * « . _i 

m <,,= u « r ODer aucunes valeurs ni effets pré- 

"papr~ ent - à ce ""'" semMe ' pouren - 

se rattachait e^ r ' m à P °ri a, " S - Ce fait, nous dit-on, 
rès se maintint %?ZÏ l é ™ 01> dU PrmC6 ' Cam1 ""*" 
par» qu'il Possédai. I? NlP ° lé ° n " de L0UU XVUI ' 
lait s'en servir „, ameu * secrel el « a ' u neTOU - 

Fouché et T a li e ^ J™. c ° mme d'une a ™e défensive. 
Il n'y a pas iusqu'A i ent dans la méme position, 

àl'ênigmatique conrl mïStérieilSe affaire Fualdès, et 
ne prétende no us aui,e de madame Manson, dont on 
„ .. ,. a °naer la clef, en disant que tout 

[1) Du reste , b eau 
tour d'Egypte ne s'est nff de personnea prétendent que le re- 
l' Angleterre. nectué que grâce à la connivence de 



317 

cela se rattache à. l'histoire du Da 
prises, Duroc et Fouchc avaient aie 
remettre Louis XVII eu liberté , e 
nantee grand secret politique avaie 
corruptible loyauté de M. Fualdès 
de Louis XVIII tenait à ravoir ces 
l'assassinat auquel il se détermina 
but, il ne réussit pas dans cette. 
tien. C'est de même encore que Lo 
jet des mystérieux entretiens que 
1816, mec Martin , *~V~T~»££V 
Tout cela se trouve g^STSTÏ, 
dans le livre de M. »*» ouvrage ( 
avons maintes fois cl . form e qo 
de son étendue (1), aB ... , ét 

e. de cette circonstance J » fe 
le décès de l'individu <I u ^ erait im 
rut dans l'indigence, nlation , 

n'être qu'une s 1D *P e j ui -méme 

par conséquent »" u e nis ,oi, 

énigmes de cette «J"« de pièce 

foule de lettres ; de foit „,„„„„ 

dont nous n avon „, I 4 r i-autheniicii 
en pouvait démontrer ais ^ ^ 

tout au moins «j. certain po/, 

Temple, et J^J^ff B - 6U U antre 
probable que Nron ntjt ,. 311( „ e „, J . 

Mais qui nou ;î toujours dans quel 
.««demande "^^ aprfs fc 

SaXoTn. tes enfants on. encore , 

„,„ ne fait pas moin, de 3300 paeesi, 



318 — .. 

ivenir qu'il n'a pu en avoir, on aurait ^ \^ 
a mensonges , fabriqué toutes ces pie« ! " \ ! 
Au reste, il y a encore aujourd'hui en Eur°r *»,*» 
«personnes qui doivent être à mémederêP »B,to 
une manière précise aux principales questions 4* 
s'agit dans cette affaire. On devrait penser que. \es 
insidérations diverses qui ont pu autrefois les pjor- 
sr à garder le silence ont maintenant dispara; « 
îalgré l'insignifiance poutiqlie dont peut être cette 
tfairedans les circonstances actuelles, toujours se- 
ait-il à souhaiter, dans l'intérêt de la vérité uistori- 
iue, qu'on la scrutât à tond et qu'en publiât sans r<5- 
erve tout ce que les recherches à faire pourraient 
uoduire. Avec chaque année de plus qui s'écoule, 
;es recherches deviennent naturellement plus ditnci- 
'"■ D allleurs ■ si les données du livre de M. Gruau 
de la Barre sont exactes il devrait exister dans te 
archives secrètes de l'Angleterre, de. ÉUts de ««juse, 
de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse, beaucoup 
îSêrV. 1 " 3 Précieux sur cette affaire. 
Aussi bien, ,1 ne s'agit Ms seulement de ce lNaun- 
dorft et de ses PrôtentfêJTe " «»'« aurait été m 
ncCf i ns^.^ 1 Jusqu'à un^point^m. 
nomane, h ne s ensuivrai! n»« nécessairement qw 
tout ce que racontent lui « 8 L adbS fût da pure 
invennonetpar con«» «» et ses adhereu. * 

rait avoir été oon^Sx.?" 6 " 1 ^ 51 ^ '"?™™" 
,re sa fraude, par Y" à sa monomanie, ouàcommet- 
vrais qu'il aurait „* enseignements particuliers e 
choses demeurées en v ,"° Procurer sur beaucoup de 
rite. Les personnJ5 Velo PPéesdemvstèreetdobscu- 
d'instrumentpeuver.t CIUi se servirent de lui comme 
et quand bien ménit avoîr été initiées aces secrets, 
e le fait principal seraitfaux,.! 



319 

pourrait encore y avoir beaucoup de vi 
tails rapportés à l'appui. L'ouvrage d< 
la Barre peut en tout cas servir commt 
de commentaire pour toute une série 
apocryphes ou suspects , au sujet desqi 
vain nous apprend que leurs auteurs uV 
vérité, ou ne l'ont pas sue tout entière, o\ 
n'ont pas voulu la dire; mémoires dont h 
contradictions , réticences et invraisentf 
veront parfois de fort naturelles expii 
son livre, pour peu qu'on n'nésitepas à 
ter à ses déclarations- 

II s'occupe longuement aussi des coi 
son héros. Nous rapporterons en pen de 
dit de ces concurrents l'opinion généra: 
jusqu'à présent , puis nous eiteronslaver 
tendant oh de M. Gruau de la Barre. 

Le premier qu'il met en scène est 
Hbrvacault, fils d'un tailleur de Bass ( 
dans ce bourg le 20 septembre 1781. 
êchappéen 179e de la maison paternell e 
pour le fils et héritier de quelque gr aj 
tantôt de l'une et tantôt de l'autre, e( i 
Louis XVII Bon nombre de gentilsboft,, 
rince acceptèrent ses déclarations po Up . 
firent le plus excellent accueil. Arrêté , 
diverses reprises sous la prévention de Vî 
puis relâché sur les réclamations de sou j 
par être condamné, en *802 à Reims, , 
de prison pour escroquerie. II ne se m é 
politique ; mais Napoléon ne 1 en fit p as 
fermer à Bicêtre, où il mourut en 181*.. 
Brukeau était né , dit-on , en 1 1 84 , a V( 

. r Coo^le 



— 320 — 
d'un sabotier. Lui aussi, il s'enfuit en n s5 ^ 
maison paternelle , et, après avoir longtemps 
droite et de gauche , fat arrêté en i 803 comm e ™ e( 

bond. Entré dans l'artillerie de marine, il déser _„ ie 
i m fi mats 
passa en Amérique. Il n'en revint qu en i" 1 ' ^ 
muni d'un passeport où il était désigné sous le ^ 
de Charles de Navarre. Il se donna alors p ^ 
Louis XVII , persista & joner ce rôle devant la P° de3 
correctionnelle et en prison , et trouva lui aussl ,: 0O - 
partisans. En 1818, le tribunal de police ""T, 60 - pr i- 
nelle de Rouen le condamna à. sept an° èes e Rc nii s 
sonnement, qu'il subit au mont Sain l '^ iche \ ssi» 11 
plus tard en liberté, il reprit, diton, 1>P°" plus 
de son père. — Celui de tous nui •""** < 0' c ""~ 
hautes prétentions fut Be n ri. Bt ?M er t-l°'>'* sr l> «- 
HÉBBnt, natif des environs de «„,e», 4 «o»* »î>- 
ployé à la préfecture de Rouen ?» 4° e > w *a 
prennent les notes fournie» c»* „e ^ & 

police, puis propriétaire rt.„^ Ur """m*" ,,f li 
Lesuire. Il se faisait appe^»* ^V-jW» 
ron de Richemoht, duc de N «-ouH-BetW' '"/ { 
chambres en 1828 et lsj^ ori nandie, etadreSSU^ 
mait la reconnaissance cl ** es Pétitions où il réc / 
Suivant ses dires, il au c * se s titres et de ses droit*' 
quel il aurait servi <v a rj' été élevé par Kléber, ,< r 
en 1808 enAmériq ue> *^«o d e camp, et serait ^ 
Bien accueilli par Lo U j °4 U sera itrevenuenlï)<- 
poussé par la duche s . ** X\i,, « s» «mit „ y 
arrête en 1881 sur , "« *Xn"W°- « »-»«<• *t 
nut partagé la -P«ï>rite!">*'*l*- 
de Dœring. Unecir Co "* ^«e »» l i e ft to * U^ 
quabie, c'est que ><>„ S W bi W° V»ei*>K w »< 
bert, dit 6oro» A „ a «t 6 '^e assl lt 6 je î™»»-!*" 

Xi, p<?' 



dernière asse J ls & -étai 
rMIédecetw dation- llic o fa 

Mises, .1 W« „ s-ê c f a Jê S orio»; se8 , 
ton. Cependant; Técï t * «^rnt 
,, Londres, Pf £, l'< » ï» "' 
,i.d, maison il» 4 843) éte 

queNaondorK. V,,, „,og cOJjl p »r rQJS 

Naundorlf, o" al0 eï> c» s coi 

prouver par •» u „s P r 1« 8er ffl 
des déclaration 8 ^ i S : s < „, m 

, ers esautresc.rcO» „•■»» , e Pj fs ni , 
„, Hébert P'oa *« '£ **?£i* ±%op*> h 



Paulin auraient iu- rt ri" jAc"" ,. Ç 
pour jouer le rôle du £ * àfi „„/*„ 

oe «loi-ci, »»" eod JêrV a ^r S «""f 4 * 
, a prisoa.Lmanss,B t ,1« ,„„«,(„ ç 

a»""'"" .daO'^-fjX 
ramait tait passer pe° j»""" „„, re ;. < » , < 

'cf Plus tard , il sera.' » fa i< «Al V | 

vernemenl, qui ™/ u . r » S " rW «" U ««h*«k\ 
lice secrète. C'est delà 8 «tvy 

i III, P>Wi, V ' 

Google 



- 322 — 
servi Fouché, Louis XVIII et Louis-Philippe ; tous 
trois ayant parfaitement compris combien il leur se- 
rait utile d'avoir toujours à leur disposition un faux 
Dauphin à opposer au véritable. C'est ainsi qu'ils le 
firent survenir toutes les fois qu'ils eurent besoin de 
lui , puis disparaître quand la farce était jouée , sauf 
à lui faire prendre un autre masque à l'occasion, 
quand le premier se trouverait usé. Mais ïïervagault 
mentait aussi pour son propre compte. En tout cas , 
il existe une lettre bien remarquable , si elle est au- 
thentique, car il en résulterait qu'en 1808, à une 
époque où on prétend qu'il était un des hôtes de Bi- 
cétre, Hervagault fut embarqué à bord de la frégate 
Calypso pour l'Amérique, d'où Ton sait que Bruneau 
revint en 1816. L'arrivée de Bruneau coïncide avec 
l'êpoqueoù, de Spandau, Naundorff commençait ses 
démarches pour faire reconnaître son individualité et 
ses droits ; et ce Bruneau fut d'abord employé pour 
faire échouer les démarches faites au nom de Naun- 
dorff par Marassin, son mandataire. En produisant 
ces deux faux-Dauphins', en qui la fraude était si fa- 
cile à reconnaître , on voulait discréditer par avance 
le véritable. Au besoin, on les faisait condamner; 
mais on avait toujours soin de les faire évader. Telle 
est du moins l'explication donnée par M. Gruau de la 
Barre au sujet de la coexistence de ces deux faux- 
Dauphins. 



. r Coo^le 



LA CAPITULATION DE PARIS ' 



La perte de Paris devait décider du sort de Napo- 
léon, une fois qu'il eut pris le parti de se rapprocher 
de ses places fortes du Rhin pour y attirer les coali- 
sés , et que ceux-ci eurent résolu de laisser ce fleuve 
derrière eux pour se porter sur la capitale de la France 
par une marche rapide. Que la France appartienne 
désormais à celui qui est maître de Paris, c'est là un 
de ces résultats de la révolution française qui prou- 
vent bien que les révolutions se font au profit des 
dominateurs, quels qu'ils soient, et non au profit du 
peuple. 

Le 29 mars 1814, l'avant-garde russe, commandée 
par le général Rajefskii , occupa la forêt de Bondy , 
et le grand quartier général de l'empereur de Russie 
s'établit au village du même nom. Le 30, à la pointe 
du jour, la suite de l'empereur était réunie dans la 
cour du château , attendant le moment où ce prince 
prendrait le commandement supérieur pour la lutte 

(1) D'après les Mémoires du comLe Orlof. 



— 3S4 — 
décisive qui allait s'engager. Déjà lacanonnadesefai- 
sait entendre, déjà les colonnes se mettaient enmou- 
vemenl, quand on amena un officier français qui se dit 
être envoyé en parlementaire, et qui fut conduit à 
l'empereur. Pendant ce temps-là , l'adjudant général 
Ouvarof dit au colonel Orlof (1) que le comte de Nes- 
selrode avait donné ordre d'accueillir immédiatement 
toute ouverture faite pour entrer en négociation. Orlof 
représenta que, dans ce cas-là , il serait peut-être bon 
d'adjoindre au comte un militaire , qui serait autorisé 
à faire cesser le feu partout où il le jugerait conve- 
nable. Ouvarof en référa à l'empereur; et quelques 
minutes après , Orlof était mandé au cabinet im- 
périal. Alexandre lui communiqua rapidement tons 
les renseignements qui lui étaient parvenus sur la 
position.de l'ennemi , et termina en disant : « Je vous 
donne pleins pouvoirs pour faire cesser le feu partout 
où vous le jugerez à propos , et même pour différer 
les attaques les plus décisives et les plus nécessaires. 
Paris, dépourvu de ses défenseurs et de son grand 
homme, est hors d'état , j'en ai la ferme conviction, 
de nous résister. Dieu, qui m'a donné la force et la 
victoire, veut que je n'en use que pour rétablir la 
paix et la tranquillité en Europe. Si nous pouvons 
obtenir cette paix sans lutte , tant mieux. Si non , 

(t) Michel Feodorowitch , fils naturel du comte Feodor 
Orlof, l'un des frères du favori de l'impératrice Catherine, et 
en dernier lieu lieutenant général. Ondit qu'il engagea Alexan- 
dre à donner à ses peuples une constitution qui , pour con- 
venir & la Russie , aurait dû être une constitution d'un genre 
tout particulier. En 1823, il fut exilé dans ses terres. Son 
frère , le comte Alexis Orlof, est le célèbre général comman- 
dant supérieur de la gendarmerie sous l'empereur Nicolas. 



— 313 — 
cédons à la „ ecessué el combat(<)M 
de force, en combattant sardes mi 

lourd tuu même rEurope enlr / à p . 

avec v„m m 7 mé de deu * tr ™ 

toutes , es colonnes Maient en mm 

la fnTii J™ 1 aTam -Postes, « Ht ans 
'a fusill.de des Russes, et ordonna 

procr; rEnmêmetem i»-™ f "= 

C.* 5 '™. « fit également 
Z"" *°«Ha* ne furent plus qu'à 
^ pas des Français, le prétendu t 
«la dans leurs rangs et disparut. 1 
•WA»« K ,e firent entendre; et q 
»1TO, une décharge générale, par 
ennemi, annonça la reprise des hos 
•mips qu'une vingtaine de chasseurs 
«Pilèrent sur Orlof et sur le colonel 1 
Mmpagnait. Ces deux officiers parvii 
' échapper ; quant aux chasseurs qui 
a leur poursuite, et qu'on reconnutêtn 
faits prisonniers. Les mêmes faits se 
Peu près sur toute la ligne , et il fut 
terrompre la lutte. 

Enfin , après huit heures de corn! 
heures de l'après-midi , on réussit 
village de Belleville et des hauteur: 
mont. C'est à ce moment seulemei 
véritable parlementaire, chargé de ] 
des négociations. L'empereur Alexa 
Goook 



— 336 — , „_ . 

«..Mr. <J" =m,m 3^ l 
!i ordonna, de parler à cet """loirs^^L ' 
i n'était pas porteur de pleins P° jés ^^*» 
ùssion se toornait a demander aux ^ »<• 

S »^rmes,i, lui fut repond» .«g ^ » 
•H.. Ox-lof fut chargé **• «J* ^ ^ 
deRagnse. Ils partirent 1 un i» ^ (^V^ 
iesabattues, par une grêle de nane ^^-Jan/a 

au grand risque d'être tous deux ^ ™* 

rs amis soit par leurs ennemis. ^ 

La première personne qu'Orlof »P e { ^/fenfrt 
tè de la ligne des tirailleurs frança'»' e Aamt 
al Marmont. Il avait l'èpêe i la m »m. e l du geste 
ns i que de la -voix il excitait son artillerie, rtsSsiî*. 
un minime effectif, fa opposer une résistance déses- 
Êrèe. Son extérieur était grave et martial. Ses traits 
•ahissaient le sentiment d'une grande responsabilité 
ssumée pour une cause perdue sans ressource. On 
sot dit qu'il avait déjà le pressentiment qu'avant peu 
,1 serait le point de mire de toutes les attaques des 
partis, et que l'orgueil national blessé ferait de loi 
son b»uc émissaire. Quand il aperçut (Mot, il s'ap- 
procba de lui , en disant • « Je suis le dut de Raguse, 

ouiétes-vous? Le colonel Orlof, °< fideI ' d '°rdon- 

nance de S. M. l'empereur de Russie, qui •>«« » 
M r»er Paris & la Prance e , M m „nde.-T^ «*•«* 
notre désir, mon unique espoir ; sans «u J . ™°T 
reste plusa nous autres qu'à mourir i'^Zt 

"" ™!r ière le » «artère. taS* < «f? 
nomme immédiatement ^^gteto 

tU l'-^éeCVo^rtuatarr:: ^^ 



Donc, faisons tout de suite cesser- le / 
lignes. Adieu. » Orlof s'éloigna, mais 
suite sur ses pas pour lui dire ; « Il fan 
troupes françaises évacuent la initie M 
Après quelques instants «le réflexion, 
répondit : « C'est juste ; la butte est eu 
batteries fortifiées. » Quand l'ordredegj,, 
hostilités parvint aux. troupes fr-aneaises, ^ 
nétiques de « Vive l'Empereur- ! vive K 
Grand ! » y répondirent sur- toute la licn e 
mèrent bien l'ardeur de combattre et j 
dévouement des soldats. 

Les Eusses étaient tout au plus à deiu , 
la. Les tambours retentissaient. Des offi c; 
rurent leurs rangs en toute hâte, et que), 
plus opiniâtres que les autres , contint 
p^dantquelque temps à envoyer encore, 
Ll au* Français. Orlof, V**?*"™* 
mes russes, intima a un grenadier 1 ordt, 
rTdavLta'geet de rejoindre » sa » cornn^ 
soldat le regarda d'un air de . «P™™ . 
montrant un bailleur francs ,lmd, . 



montrant un »'»""" le ~ permettez-moi , 
nel , je vous en supp ne ,J> UraI 

encore ce gaularà-ia t » 
lui fut refusée. auelao6 distance 

ortof rencontra * ^» m8S6 . T 
reur ^^t^e trouvaient sur „, 
nus pied a terre w . B(m e une , 

rempereur ^1^^ rem ercia les „' 
garde. Le roi de V du ^ 

pour la ï>ri"ante a h 0aDCS „ 

fis avaient «*?£££■»•»•• TouS «« 
des buttes Saint- 



328 — K ^rv 

« les nouvelles dont Orlof d "^^V*SS _ 
eine eut-il fini son rapport, 1 d^ r^f^t, 
l hatè de taire appeler le cota àjr é<>'\ «■* 
mit à ce ministre , chargé de 1» ,„,#?/*• W 
ions qui allaient s'ouvrir, uneins 1 ' if>^w 
es de laquelle l'empereur s'était déjà&a. "%^^ 
roi de Prusse et avec le prince de Sctr^ -^ 
..Celui-ci désigna encore pour faire PW^^jjj, 
mission son aide de camp le colonel c 01 ^*^.^ 
t Nesselrode s'adjoignit en outre le car>^ laJM 
3Q. Les eommissaires partirent alors ai» ^^ 
ibarrière Pantin , oùilstrouvèrentlcduc «a. es», 
ntourède son état-major. Les troupes tnrxK^aim 
t déjà entrées dans la ville; et elles avaient t n S 
5 n derrière les palissades élevées des denr^^u, 
tte barrière , qne couvrait une baUerie. L -^, le 
vait cessé; mais du coté de Blucher, où la cas- 
™ d '°" e ™ s Pensi on d'armes n'était paser^core 
ue ' °"! e "~, n<la -ît toujours gronder le canon». . 
' iM , ï ,„ ise n'étant point encore arriv- «5 , le 
6c hal Marmont proposa d'aller an devant dotai. 
""™, «° des Palissades jusqu'ils bar-litre 
wlfmes ft? ne voyait presque personne. der- 
eleslienes françaises, on n'entendait aura» eri; 
'"» „,", ^^ernents ni préparatifs extra-ordi- 

fSvi^sa" le P-H.-.P— '»*»/«, 
"les autorités èlan révolutionnaire imprimé 

jtlabarrière d** î ■- . ^ 

,Trévise. Après la v «lette, ils rencontrèrent le due 
, ar échaux, ils e n ,^™ court coll <"l ue en,re ,K * eOX 
ù les négociation èrenl aaDS une es P èce deal> * rat 
os s'ouvrirent immédiatement- Le 



— 329 — 

duc de Raguse porta seul la parole, Je ir 
tier se bornant à indiquer par des signt 
points sur lesquels il y avait de sa part a< 
dissentiment. 

Le comte de Nesselrode ouvrit la c< 
proposant que la ville se rendît à discrète 
la garnison. Les deux maréchaux, repou 
proposition avec indignation. Ils rappe 
anciens exploits, énumérèrent les bataillt 
taient couverts de gloire, et déclarèrent 
raient mieux s'ensevelir sons les ruines d 
desouscrire une pareille capitulation - Tou 
moment où la discussion était des plus vii 
de la canonnade devint beaucoup plus foi 
mité de l'aile droite des alliés, et fut suivi 
de mousqueterie des plus vifs. Puis, il se 
fond silence, et on ne tarda pas à apprei 
comte de Langeron, avant d'avoir reçu 
conclusion d'une suspension d'armes, avai 
buttes Montmartre; mais que tout auss 
suspendu les hostilités, et s'était empressé 
les Français de l'état des choses. Commi 
chaux persistaient opiniâtrement dans 
d'accéder aux conditions posées par M - 
rode, celui-ci résolut de se rendre auprès 
ques alliés aflnde leur demander de nouvel 
tions. Du coté des Français , on lui adjo. 
néral Lapointe (i), pour rapporter 1 uiu 
alliés. 

(1) Orlof avoue qu'il n'est pas blen»J r *J * 
général Dejean qui apporta la lettre <*°»V" R 
On dit que cet ofScier avait été envoyé par «* 

Cookie 



iT S; Napolé o- pour leprincede Sdmrte»- 

sonbl-père ; „?.\ reote * avec l'empereur d Autnch. 
point», eique ^ ™ ^tait déjà accordé sur tous les 
pendre rattaq tt '^. &s lor = . il *■« convenable de * 
cilement la suW,-!:? ,ltre Paris ' Le priMe *"' 
ques alliés. Les !L Herle . e,remit la leltK ""■ T , 
heures du soi * ^°^missaires étaient de retour âs»P 

nouvelles, maL la Villelle . aTec des i " tmamS 
complètement »„ ne répondant pourtant pas encore 
férence avec ]«,„ demandes des Français; et lacon- 

local. "'««•échani fut reprise dans le même 

Aprèsdebref u 

la générosité d ' » r èliminaires,aanslesguelsile»n« 
selrode déclara. „ "Monarques alliés, le eomm de »- 
dats des différenV*" 11 consentait bien a ce que les sol- 
de la ville évac, , C<>T P' ayant pris part à la défense 
de déterminer iJt ass «mt Paris, mais en se réservau 
rejoindre les a J? B r o ute . ils aur aient à suivre pour 
deui marécb.a Ux res troupes françaises. Après que» 
pièce et y eu,- e s e Turent retirés dans un coin » 
»er,erque P ai .j' c °nr é rê entre eux, MamontjHoD- 

pas non plus W. n *«tait point bloqué et ne P° 
restant ouvertet 1 ^ ! que , dès lors , tontes es «g 
le droit de clloi »»x troupes françaises, eUes™« 
conviendrait ; ^«r, ponr " se retlre r, celle qui W_ 
rode à indiitt^terois, „ invita le comte de Nfe f 
Celui-ci ayant r, !» route qu'il comptait des 8 
Par lé delaroutedeBretagn». lea 

de Schwartzenlj^ 

a», e- «v. nt „ to , ,, 0lirertn „ de. »*«*- 

Google 



de Raguse déclara qu'à de pareilles conditions il n'y 
avait pas lieu de négocier plus longtemps ; qn'en dé- 
fendant Paris pied à pied , il pouvait être rejeté sur 
la route conduisant au faubourg Saint-Germain , qui, 
avec la Seine , le séparerait des troupes alliées pen- 
dant qu'il battrait en retraite par la route de Fontai- 
nebleau ; or, qu'on ne pouvait pas avoir la prétention 
de lui faire perdre par une négociation ce qu'on ne 
pouvait pas lui enlever par la force des armes. Il ter- 
mina en ces termes: * Messieurs, la fortune des 
armes vous a favorisés. Il est indubitable que la vic- 
toire est à vous , et je comprends que les suites de 
cette victoire sont incalculables. Mais soyez à la fois 
généreux et sages. Ne poussez pas trop loin vos exi- 
gences. Les conseils de la générosité sont quelquefois 
meilleurs à suivre que ceux de la force. » Les com- 
missaires , conformément au texte et à l'esprit de 
leurs instructions, ne pouvaient pas encore céder ; 
on voulait scinder l'armée de Paris, et surtout l'em- 
pêcher de rejoindre Napoléon. La discussion devint 
de plus en pins animée. C'était une suite incessante 
de propositions et de contre-propositions, d'argu- 
ments et d'objections. Aussi, le maréchal Mortier 
finit-il par s'éloigner en disant qne son devoir lui 
ordonnait de rejoindre les troupes placées sous son 
commandement , et de prendre les dispositions néces- 
saires pour la défense de Paris. Il laissait au maréchal 
Mannont le soin de conduire seul les négociations 
ultérieures, et approuvait d'avance le parti qu'il 
croirait devoir prendre. 

Marmont se montra digne de la confiance que lui 
témoignait son collègue. Quoique depuis une heure 

. r Coo^le 



de l'après-midi il fttt autorisé par le roi Joseph à 
consentir a ce que la garnison de Paris se rendit pri- 
sonnière de guerre (1) , il persistait opiniâtrement 
dans ses idées , et la négociation n'avançait toujours 
pas. Il était huit heures du soir, et il se faisait nuit, 
Ii n'y avait pas à songer à une attaque de nuit contre 
Paris ; mais il fallait ne pas oublier que les Français 
pouvaient encore , pendant la nuit , déloger par la 
route qui leur conviendrait, et il était à craindre que 
le maréchal Mortier ne se fût éloigné que pour pren- 
dre les dispositions à ce nécessaires. Le comte de Nes- 
selrode suspendit donc les négociations en disant 
qu'il allait en référer à l'empereur, et laissa Orlof , 
qui s'était offert à rester comme otage , en donnant 
sa parole d'honneur qu'une seconde attaque contre 
Paris n'aurait point lieu tant qu'Orlof ne serait pas 
revenu aux avant-postes russes. 

Orlof accompagna alors Marmont à Paris. Leurs 
chevaux et ceux de leur escorte allaient au pas. Le 
silence et l'obscurité régnaient partout autour d'em. 
On n'entendait que les pas de leurs montures , et ra- 
rement on apercevait sur leur passage quelques vi- 
sages inquiets et alarmés àdes fenêtres qui s'ouvraient 

(t) C'est Orlof qui prétend que les pouvoirs donnés à Sur- 
mont par le roi Joseph allaient jusque-là. A l'instant delà 
journée qu'on indique , le roi venait de rédiger des pleins pou- 
voirs en vue d'une capitulation, quand on apprit, parai 
officier français appelé Peyre , qui avait été fait prisonnier et 
que Schwarizenberg avait renvoyé à Paris , que c'était I» 
grande armée des coalisés qui se trouvait sous les murs de la 
capitale. Ce même officier était aussi porteur d'une proclama- 
tion adressée aux habitants de Paris, et où leur cause était 
soigneusement séparée de celle de Napoléon, 

i: ■:-.-. .Google 



et se refermaient rapidement. Les rues étaient comme 
mortes. Chacun des deux cavaliers ayant de son côté 
lieu de faire de profondes réflexions , c'est à peine 
s'ils échangèrent entre eux quelques paroles. Une 
fois Marmont appela auprès de lui un de ses aides de 
camp , et lui donna des ordres à voix basse. L'aide de 
camp s'éloigna ; et , quelques instants après , on en- 
tendit dans une rue adjacente le bruit d'un détache- 
ment qui passait par là avec des pièces de canon. Ce 
brait continua pendant tout le reste de leur route , 
et confirma Orlof dans l'idée que les deux maréchaux 
avaient résolu d'évacuer la ville pour rentrer dans leur 
ligne de défense. Enfin, on arriva à l'hôtel du duc 
de Raguse. Il était brillamment éclairé du haut en 
bas, et il s'y trouvait une foule d'individus qui, à 
l'entrée du maréchal dans son salon, accoururent 
au devant de lui , mais qui bientôt se divisèrent en 
divers groupes , dans lesquels on se livra aux conver- 
sations les plus animées. Le maréchal chargea l'un de 
ses aides de camp de prendre soin d 'Orlof , et passa 
dans son cabinet avec quelques personnes. 

Orlof, en comparant la situation actuelle avec le 
temps passé , trouva l'orgueil national des Français 
beaucoup plus irritable , beaucoup plus sensible , leur 
politesse plus froide et moins commun icativc. Il eut 
plus d'une épigramme à supporter, plus d'une lutte a 
soutenir, plus d'une rodomontade à rabattre, plus 
d'une illusion à détruire : mission dont il s'acquitta 
avec tact et dignité. Puis , ses adversaires ayant fini 
par s'apercevoir qu'il n'y avait rien d'hostile dans 
ses pensées non plus que dans ses sentiments , rien 
qui pût blesser leur amour-propre , l'entretien devint 

in. 19. 

COOQIC 



— 334 — 

ilas amical ; et , au bout d'une heure , on causa si 

ranchement el si amicalement, que tous parurent 

éciproquement contents les uns des antres. Du reste, 

ss Français étaient bien mieux disposés en général \ 

mur les Russes que pour toute autre nation. A cette 

cession , on regretta l'abandon de ce qu'on appelait 

n France la politique d'Erfurt. « Si les deux empe- 

eurs étaient restés amis , ajoutait-on , ils se seraient 

artagé le monde. — Mais, ajoutèrent quelques-uns 

voix basse , et ce fut là le mot le plus hardi qu'en- 

îndit Orlof, le monde tout entier était encore trop 

troit pour Napoléon. » 

Les salons du maréchal ne se vidaient toujours 
oint. A chaque instant arrivaient de nouveaux 
rands personnages désireux de prendre vent ; mais 
eu de personnes s'approchaient d'Orlof. La plupart 
laient uniquement préoccupés des dangers que leur 
lisait k situation actuelle, et de l'incertitude de 
ur avenir. Quelques-uns paraissaient accablé* tffl* 

sentiment de l'énorme responsabilité qui \mr W 
•mbait. Ils entraient et sortaient rn-i • ■ * 

acun d'eux n'essayait de se mêler P Î W ^" SHBÛ * B *' 
inqnille qui avait lieu dans l 6 * e ^&vaA«V- w 
isait partie. Tout le monde a* S°*W fa«t\ (u^M> 
«approuver plus ou moins l es i* U «*n ^*>« 

iréchal. Les autorités muni ci ^ e su res » ^X^^^iM 
Sféré que la garnison , on tom e * ^e t?^**to,< 
•lie de la garnison, demeu Pfl ^ 1 ** t», T **U tLÉ?/* 
ssurer le maintien de I a tp at 4^ fc T^n* ^ % * fa 
imandantde Paris, te g é ***<ÏUiU • **" ^fcM. **W/** 
t: «Comment diable 1?*^ SS^/T 



33» 

i„ •» -Vous oubliez q.u' 
rotrc jarde nationale t * reproches 

m'accablerait des P">» ' t ram enable ! 
imams pas tout ce **" ors a aussi le 

Lepriice 1»»°^". H demeura 
m air calme »« ^ B * u "maréchal. ^ 
temps dans le "f^es '^"""^Z 
arrêta P»»*^* *™ et ê*»"^^ 
encombrait ^a.»."-^*!! a 
certaines personne sav ° ir ^f autour 

Mmon traiteu»e^ . eœp . lt au o 

et, en oonséçi^ rte r : ce qui To 

,ai« ' 6Dal '*ueVl da ? S D p r Ôener de 1 
momeat P res *înt pour s aPP ro , Mo ns. 
■»«• CBt o^rtutne' jeteur votre , . 
,» ec une ce» >■ a VEOP, „ r ioce de ' 

^^Kôndit.orlo^voij ^. 

S. »■ I- les lèvres 4» »* , a ai"° 
P-^couTp^ * det— er 

voir été 9e . fit „„ m?» d(! « 

^el^omeot, *£» d'«» ^«e / 

na^-^C^-C^^ 
se * e ° T 



— 336 — 
àmang ° r nZ f * e " n! > *■ soir, et on P»»*--- 
tarife, CT '„M, We - 0rl0 ' se «">«« pi** ' <, / 
» à comb» t , " connaissait depuis Wilo»- -V> 
es assertion, h- * leS "'usions «le»l«V # 
ion des ar^it" 11 h °>ame aigri par la f^X " 
letdeaa p'^' *° »ême ,ue par >*^£ 
I d'enfler ie P ™ .™ ,ss 'on; d'un nomme «VV„? 
éon avait eno chlffre des forées effecli''^^,,™ 

desallies t ,_ reà sadisposition,e«do<ii^% „, 
1 était à ce ri™ 8 * 6 ' ° rl ofa(lirmegiJ8M^ -^i/ Wer 
apoléon, <j.j™° men t porteur de l'ordre. ttee/, 
iree, l'exenjoi I' lOTs qne tout serait p6J> rt V «W 
cou, et ae r^ r % ° on né par les Russes eu, ""ffw 
• *"-op h ^*« sauter la poudrière £^ 

sesu.o nuia *u. en détruisant complet^ 

"ursZ\ et «^ i r I r m T p r ,foa ^ 

ursavatt rer US( , „ . - " «oute que le col „„. 
'• """ «»e celai Positi ™meot d'obéir à M. d eaf 
le la main n,/" 11 »» lui remettrait pas un ordre 
«tdôrt fort^ 6 ''empereur Napoléon "" 
Sdefati eu «rd quand on se leva de table 

n du salon, e.^^'endi, sur un sopha ££ 
■leaceq.u ne ,'°mba bientôt dans une espècede 

••■ yt* «Al? r^ e ;>^ 

uis le dêp ai .j ^utre. ei dd & 

f avec le Rr . a **®s Cûm 

emcesse?^ I^^TïT'' ^ ,*P POtts 
llconuuenç'/, 1 »e sa™ jf ntal «««£ *° m - 
xheures d*,?" <*°Oc 4 "" >*» «eu «,,£>»• ta 

"lui annonça i'^^e du 



— 337 — 
comte de Paar, qui lui apportait cette ' 
«"comte de Nesselrode. 

o A. M. LE COLOHEL OkLQ ! 

« Monsieur, 

* Sa Majesté l'Empereur, d'accord 
réchal P"nce de Schwartzenberg, a tr 
tageux pour l'armée alliée de ne pa 
condition mise d'abord à Vévacuàtior 
tefois, les alliés se réservent le droi 
l'armée française sur la route qu'elle 
conséquence, vous êtes autorisé par ! 
gner, conjointement avec le colonel c 
convention relative a la reddition et i 
Paris, d'après les conditions sur lesqu 
tombés d'accord avec les maréchaux d 
deRaguse avant que je ne quittasse 1* 
* Veuillez , Monsieur, recevoir l'a 
considération particulière, 

« Comte 

■ Bondj, le «s 0*0) man isit. ■ 



Cette lettre levait toutes les diffle 
communiqua le contenu au comte de - 
avec lui sur ce qui restait à faire, pi 

(i) 11 faudrait en conclure que oe qu'Orli 
tout à l'heure n'était pas complet, et que 
s'étaient chargés de transmettre les propi 
les maréchaux à leurs souverains, dont la 
réservée. 

. r Coo^le 



338 



338 . 

arecoalMarmout qu'ils étaient pr<»».\ 
aer la capitulation de Paris. Le «<. \V« 
et on se mit aussitôt a lœurre <£• .)« 
» enpr se» ce de tous ceux *«/*«*^C? 

if écrivit le tra.it* «a», - .> -a i*/fffi n *' 

II, que le 00^^ W** M " fi-^SW», 
ait de l'œil Tes »**"' penché """^ U, 
mit. «.11 e\ rl ^°" Ve A œe '' ts 1 d ;, 1 ''> >1 ™'^ i; 
, était Uni, et Ort . u boul d un •""* «m 
lia teneur s « lt ? rXot rem " "» «•r*** 1 *«« 

** I " rtJL A-TlON DE PARIS. 

irt. 4*. Les. trow 

rêchaux dtxcs. a Ç es françaises sous les o rc » res4K 
ris le 19 (31.) m l révise et de Raguse tou=zaamat 
Art. 2. Elles e ars ' *■ sept heures dumatin^ 



~__^ » «■ oejn usure; 



rie et tous le^ neroirt a 

Art. 3. Les fc.o « T* aga e es - 
e deux beurra l ** te s &e pourront recomjcaiencer 
re pas avant n.«*!? r ^ s l'évacuation de la vill» ., tfest- 
Art. 4. Tous \ heures du matin, le 19 (31 ) mars, 
steront dan s i*- a a t*senaux et magasins miHitaires 
îature de la p ré a>t où ils se trouvaient ava». *• la si- 
Art. S. La g^ r ^ eilt e capitulatioD. 
.mplétemeat sè e nationale à pied et à chev&J sera 
i réservent ^ e J^ ré « des troupes de ligne ;l«!f,*£fcfr 
ien de la disso, * Coi »senrer et de la désarmer, ou 
Art. 6. La g ^e. 

ïardslesort de i rmerie de Paris P"*"» fc tons 
Art. 7. Le s faj ** garde nationale, 
ontrera encore e Ssé ^ et toi maraudeurs qu'on ren- 
** Tille après trois heures de 1* après 



339 — 

midi seront considérés comme [«"""*, 

Art. 8. La ville de Paris est re» " 11 
nérosité des puissances alliées. 

Marmont prit le papier et le parcour * - 
liuet. Mais sa physionomie prit bi™ 1 * 1 
sionplusgaie. II lut les articles à baute e* 
voix, et d'un air- qui voulait dire qu'il * 
observations et les conseils des nombreuse 
cette scène. Tous se turent. Il rendit alor 
a Orlof en déclarant qu'il n'avait aucune 
faire quant au contenu ou la forme, et qu. 4 
acquiesçait complètement au projet de es 
Il chargea les colonels Fabvier et Duci« 
l'acte avec Orlof et Paar. Cette formalité 
sur l'original même , et copie du to ut -. 
Marmont. *^ 

On nomma alors une députât/on Cj - y . 
se rendre au grand quartier général o) e ^ * 
se composait du comte Cnabrol, prer et S «j 
ment de la Seine, du baron Pasouier,p « 
et d'un certain nombre de memoreij,^, 
cipal. Le jour commençait déjà à par af( a ** s 
députation se mit en marche. ori °ff 'ac Co '*> J_ 
qu'àBondy, a travers les mvouacs r„ S8 «aj^, «= 
quartier général, il l'introduisit dans | 6 s. .< 
du château, et la lit annoncer au comte de?T«*> * 
qui parut quelques instants après. Q» a „ ^o^J 
alla trouver l'empereur , qui était e« c « o„ 
. Quelles nouvelles m'apportez-vous t, ai f «„ 
dre. ,Sire, voici la capitulation de P ar , s 4j Q 
Orlof. L'empereur prit la feuille de papj ' *W 
le contenu. Ensuite il la plia, la plaça s „ ' e„ 



— 340 — 
1er et dit : « Embrassez-moi. Je vous félicite d'avoir 
pu attacher votre nom à ce grand événement. » Orlof 
dut alors lui raconter avec les plus minutieux détails 
tout ce qui s'était passé dans la soirée et dans la nuit. 
La surprise de l'empereur fut extrême en apprenant 
l'incident relatif a Talleyrand. « Ce n'est encore 
qu'une anecdote, ajouta-t-il, mais il se peut qu'elle 
devienne de l'histoire. » Alexandre congédia alors 
Orlof pour aller recevoir la députation de Paris. 

Une fois la capitulation signée, les commissaires 
des alliés convinrent avec les colonels Fabvier et 
Ducis de se rencontrer à huit heures du matin à la 
barrière de Pantin , pour rendre la ville aux années 
alliées. Tous furent exacts au rendez-vous pris; mais 
dans leur fébrile impatience d'en finir avec la domi- 
nation de Napoléon, les Parisiens ne leur laissèrent 
pas le temps d'accomplir régulièrement cette for- 
malité. 



. r Coo^le 



LE PEUPLE-ROI (l) 

SCÈNES CONTEMPORAINES 



Tu las voulu, Georges Pandin ! 
(Molière.) 

Nous laissons à nos lecteurs le soin de faire l'ap- 
plication de cette épigraphe. 

S'il n'y avait pas quelque chose de pitoyable dans 
la manie de moraliser qu'ont toujours les prophètes 
des temps passés , quelque chose de stupide et en même 
temps de peu généreux dans leur exclamation : « l'a- 
vais toujours prédit que cela finirait ainsi ! » qui suit 

(1) Le récit de la Révolution de Février, qu'on va lire ici , 
a paru le 25 mars 1848, dans l'une des nombreuses Revues 
qui se publient à Londres. 

L'auteur est une dame anglaise qui se trouvait à ce moment 
i Paris. Elle s'est moins attachée i nous donner l'histoire et 
l'appréciation des causes morales et politiques du grand évé- 
nement qui s'accomplissait sous ses yeux, qu'à en retracer lu 
partie pittoresque. A cet égard, on peut voir qu'elle était 
Google 



— 3« — 

inévitablement l'annonce de quelque malheur après 
qu'il est consommé, nous nous laisserions peut-être 
aller à la tentation de nous livrer à une série de fort 
sages réflexions sur l'aveuglement et l'obstination qui 
ont provoqué les événements malheureux dont nous 
venons d'être témoin ces jours-ci , et à la suite des- 
quels a disparu la dynastie de Juillet. Hais nous nous 
en abstiendrons avec soin. Le malheur a un carac- 
tère si sacré à nos yeux , qu'alors même qu'il a été 
accéléré par l'opiniâtreté et Terreur, nous nous gar- 
dons de toutes réflexions sur ses causes pour ne son- 
ger qu'à ses résultats. Dans la circonstance actuelle, 
nous nous sommes représenté le malheureux exilé, 
chassé ignominieusement dans sa vieillesse, pou 
aller mourir sur la terre étrangère; et nons avons 
oublié les fautes du roi , pour ne plus voir que les 
douleurs de l'homme. Dans ses jours de prospérité, 
nous ne comptions pas au nombre des admirateurs 
du roi-citoyen ; quand sonne pour lui l'heure de l'ad- 
versité, nous ne voulons nous rappeler que le bon 
côté de Louis-Philippe d'Orléans , et nous ne rougi- 
rons pas d'avouer que nous nous sommes surpris ver- 
sant quelques larmes sur sa chute. 
Mais ce n'est pas pour vous parler de l'ex-roi qne 

placée aux premières loges , puisqu'elle habitait le boulevard 
Poissonnière et qu'il lui fut ainsi donné de voir, des fenêtres 
de Bon salon, s'accomplir l'une des plus étonnantes révolutions 
que l'histoire puisse jamais avoir à enregistrer. 

Nous n'avons garde de modifier en rien l'expression de ses 
impressions, non plus que ses jugements sur les hommes et 
les choses. 

Les faits n'ont pas tardé à confirmer ses prévisions sur 11 
courte durée que devait avoir la popularité si peu mériio* 
dont jouissaient les idoles du jour. 

Google 



343 



™»*pri,lapl ttme . n sV 
«f«"«r. -Le roi est mort ! ' 

le „ ' e ? eS: ' a ày™**™ de Jui 
|e Peuple-roi < P<mr cette fois n. 
«San, noas ^penserons donc c 
"un, etnmu ne parlerons que 
<j est chose curieuse , mais bi. 
« réab le,que de suivre de la Ter 
progrès et les actes de l'anarchi 
notre demeure sur l'un des boule 
permis de voir de nos propres yc 
Plus frappants épisodes de la rée 
Journaux ont déjà donné au pul 
principaux faits qui ont signalé le 
et 24 février 4848 . Mais eertaï ni 
ferattachantàl'ensemble des évi 
Jugés indignes de lier l'attention 
Ses de rédiger les grands articl 
feuilles publiques, qui sont suscej 
lis et conservés si on les présent* 
solennelle, etqui acquièrent peut- 
Particulier du moment où ils sor 
•emoin oculaire. 

Chacun connaît les événements 
catastrophe ; mais les plus clairvo 
ue semblent pas avoir prévu dans l 
actuelle les résultats accablants qu 
Eu «1, quoique la déterminant 
P™e et soutenue par le derniergou 
Peint reurer la censure flétrissant. 
«usMKdutrdne contre les banque 
(* «ait comprise dans les e *P re ? s, 1 ' 
«*««Lto, et fut suivie de 1 

i: ■ . .Google 



— su — 

banquet qui avait êtê annoncé pour le 22 février), 
eut provoqué beaucoup d'inquiétudes dans le public, 
on croyait fermement que cela n'irait pas an delà de 
quelque échauffourée aboutissant à la chute du mi- 
nistère Guizot. Mais le cabinet était décidé à ne point 
succomber sans lutte , et en conséquence une impo- 
sante force militaire de 75,000 hommes , regardée 
comme plus que suffisante pour le maintien de l'or- 
dre , avait été réunie à Paris ou dans ses environs. 
« Il y aura peut-être bien quelques carreaux cassés, 
mais alors Guizot s'en ira et Mole entrera au minis- 
tère ; » telle était la réponse qu'on faisait générale- 
ment à toutes les questions trahissant quelque in- 
quiétude au sujet de l'avenir, et la journée s'éconla 
dan s cette rassurante persuasion. 

Mais les chefs de l'opposition , après avoir excité 
les passions populaires, s'apercevant qu'ils avaient 
réveillé des idées qu'il leur serait impossible de diri- 
ger, déclinèrent à ce moment la responsabilité de ce 
qui pouvait arriver s'ils persévéraient dans leur dé- 
termination ; et, à onze heures, ils renonçaient à leur 
projet de banquet. 

Cette concession de leur part venait trop tard. 

Déjà l'annonce des préparatifs avait retenti de 
toutes parts. Les boulevards et les principales artères 
de la circulation étaient encombrés d'ouvriers en 
blouse et de gamins en guenilles, rôdant ça et là; et 
sur toutes ces physionomies on lisait les plus ef- 
frayantes menaces. Quelques groupes qui s'étaient 
formés sur la place de la Madeleine et autour de lu 
Chambre des députés, en criant Vive la réforme! ta- 
rent dissipés par la garde municipale et par des déta- 
chements de soldats de la ligne. Plusieurs charrettes 



3iS — 

chargées de bois furent pillées etl 
aussitôt leurcourse le long desbo« 
sant les bûches qu'ils menaient de 
çant à l'occasion contre les fenét 
Ils furent suivis par un détacheme 
le commandant ordonnait à haute 
dos deuï rangées de maisons bor 
que de fermer leurs demeures ; et 
après, toutes les boutiques furent 
appelait la garde nationale aux a 
c'est là un service volontaire , on i 
sourd à toutes les exhortations; pr* 
que la milice citoyenne ne symp 
avec la cause qu'elle était appelé' 
circonstance ouvrit en partie les y 
complète impopularité de la ligne j 
adoptée, mais ne put le détermin 
Peut-être se sentait-il maintenant 
pouvoir reculer avec dignité; et 
fit perdre un instant la rectitude t 
ivait tant vantée en lui- En effet 
qu'on lui fit que la garde nationale 
à l'appel aux armes, on affirme qu' 
patience : Eh bien ! nous nous en pi 
Ce soir-là, il y eutdans les rues al 
de bien sinistre augure, du bruit in 
parisienne; on n'y entendit que le loi 
la tempête qui approchait. L'infatig 
incessamment, retentissant tantôt à 
quelques pas de nous. Quelques r. 
Lent encore de loin en oit >e au 
saire des équipages celui de la m, 
adencée des patrouilles répondit s 

. ,Coo^le 



3-46 

de Paris au chœur des Girondins : Mourir pour la 
patrie! chanté par tes voix de Stentor du peuple. Dans 
le courant de la nuit, quelques barricades furent éle- 
Tées anx abords des halles, et il y éclata quelques lut- 
tes avec la garde municipale. 

Mais le mercredi matin , les affaires prirent un as- 
pect plus sérieux. Les rangs de la foule assemblée 
étaient plus denses, son attitude plus déterminée, ses 
mouvements plus menaçants. Le déploiement des 
forces militaires aira.it pris une extension considé- 
rable. La place Loui s X.V elle Carrousel étaient en- 
combrés de troupes ; des palroumes sillonnaient les 
rues dans toutes les directions, et la population fuyait 
.leur approche, m ai s seulement pour aller se réunir 
denouveausurun autre point ie i avoie Dli „ M . la 
garde nationale an xt par nte . un ^ consi . 

^tZ^liti 3 - 11 évid ént que la crainte seule de 

™ \Ï,T la J* G la ville sérieusement compte- 
mise avait pu la. i1a,„_ 

., non l'intention 4^™"» » P«™»™ >» •"»• 
sentiment avec le„°* c ° m Prtaner l'expression 3 a» 
sympathiser. Toutes,® eUe sem ° lail complélemMl 
nale étaient suivies ~ P atro »«les de la garde ml»- 
cité, et criant à tue *I deS masses ie pe " P ' e T, 
Vive la réforme I ^ /. e : Viv " '° garde rwtwidt! 
lement parlant elles e** Gu »*o( ! Et quoique génén- 
tolèré ces cris, de tem Ussem jusqu'alors passivement 
cho dans leurs rangs *** ^ autre ils trouvaient de Vé- 
que disposée à e mp ec . reI » il était évident gue, ou<"- 
nale ne l'était point à. le désordre, la garde natio- 

vait le produire . Cona Primer l'impulsion qai de- 

Ce fut dans ces Co 
midi, les colonels u es I ^ 0nctUTe s que, sur le Ma» 4 ' 
0| >'« légions de la gardenatie 



- — a*T 

nale se rendirent aux Ti*ii » 
dience du roi à l'effet <i e i u 
semble de leurs efforts poli- 
cés sous leurs ordres à. a c 
ajoutant que, quoique pon-vs 
attaques dont ils seraient l'o 
à les Toir à chaque instant fr-; 
Leurs représentations eurent 
le roi à céder, et il autorisa M 
Chambre, alors en séance , q 
été chargé de composer un no 
«ne preuve de plus à ajout. 
avait déjà de la puissance si 
corps tel que \a garde nations 
inimperio. tin corps placé d 
ditions d'existence, appelez-le 
nissaires, mameloucks, ou gar 
jours par subir la même trans 
nirun corps délibérant avec de 
un pouvoir devant lequel ti 
devront s'incliner I 

L'annonce du changement 
dit comme la flamme de l'inc 
etparutproduire une satisfac 
les officiers chargés de semei 
dans les différents quartiers 
cheval sur le boulevard , ils 
que pas par des groupes de 
qui accueillaient leurs répoi 
ments prolongés et aux cris 
nemis du Gouvernement éta 
de leurs adversaires politiqi 
sent que la subst.tution de 

. r Coo^le 



fut pas de nature a «■»"'*" »«• 1" fî i^' 
dans la politique du P» 0, ° t ' ainsi qn« coBlr»»" 
porté; et le Gouverne»» 111 ' n de se « ^ed»'' 1 ' 
avaient la profond e lu»» 1 rrog ante et s' de c éder 
d'abandonner l'attitude « * ioS an'aI or5 ' i^jjkilj 
avaient toujours conserve 6 ' morne»'' *» 
aux exigences de l a pressi » mécon"" ■ u 

avait de quoi faire 16 bonVieM ' el plus ser» ' 

Tout prit à ce œoI „eot f. Tmati^ *'"L, 
peuple, qui dans le wu rant de » ., (m t P»" 
valu les boutiqu es d'arnwrie»- ° ge8l es »»» 
d'armes de toute espèce, *■* * f 1 ri«B»' M Z 
çants en sourires, et au lieu de «es ' du en »* 
rations, répéta. l es attife h*™ 01 ", *, |„r»a »*« 
Girondins. A l a Qlll tombante, il w „, boalfr 

U °J mm TLi° rté «« »"° é(iui pi "T Alors »»«* 
vards précédé de torches enflâmes- **» , 

pour la dernière , ois „, m» de W»» fc 

en de teliroj , _ "m de ce»»" 



illuminèrent, etlL a ° °"^ inoS»** 88 " 
bientôt en #roi^ s e-fld «■« * 
gu.it donc la UesTe nC r PUb Ta» ««*»«■ 
slance, qu'on s-^f. e d ™ e B0M ' T„ „ htsiri. 
amena la terri bl _ ÎSt accordé à **»»f",, 

JuiUetet l'enterra e *W«*>« 1>" re " eM ,' liil 
avait été élevé a? 8 "^ les barricades surlesgneliesu 

U cortège Qoi ~~ s ept années auparavant 

l'hôtel des Affaire n ° us avons parlé se dirigea «n 

tablementde for c S ét rangèresenseproposalll*"" 

neur de sa Prapr* 5 *" ai - Guizot a illuminer en Vhon- 

l'hotel un fort p^ c hute. 11 trouva dans la W * 

ligne rangé dev arit st e Biihiaire et ut pelolM »' ' 

* s irieboule\ard^vecualW* 



JKH1 iBjrfl ment (le garde mvnicipalfl a 

] etW |SaBr effrayer, la foule continua a 

attifli* meurs, exigeant à. toute fore» 

ifiMrwri" et se montrant décidée, en < 

ertsiafen** et aie saccager- Ace roo/me: 

. ^M entendre (personne ne peut 

aaLli#l commandant, croyant a une 

'•* homme» de faire» feu- Une d 

?U duisitleplus meurtrier résu 

EmJ malheureux soldats furent 

•SJ populace «aapérée ; et au ft 

Zê» eombaient, elle approchait d, 

"Si* moustaches et de leurs, unifoi 

>*?1 mées, pour bleu s'assurer qu 

! "!I* le ter, soit par le feu- 

"5 Onsuppose que le fatal cou 

tS rr^r^êùVrneuteea» 

»î moment, résolut de faire dur 

'3 aveugles instruments d™ 

P*«ï menteonçu. Le P artl „lf*ôu™ 

Ù-Ï ponr utiliser tout cejmP»» 

«"£ s'aperçut qu'une occasaon 

»«»2 allait encore une fox» » méc 

n*»2 queles dèmonstrauoo» ^ 

a»'**" réussi à proïoqnM lR satisfI 

m* „ dans l'expression istère od 

1*"™J par la chute d un «- c<m stitu 

iP t<a pli. jusqu'ici, 1"f a S sa tion de. 

tl**2 avant vers la ré f' éloigna 

,m**2 restaient encore _ bie oint i< 

,«« dnparti, sacnantaq 

,,,«»<* m. 



tonral 




=»"*»!«» 

=s »°s espé- 
ra mort de 
3r» natu rel 

11 avait 



:£&.£;$§$».* 

«°1 0T * ',„»»' réussir si P ~ ,e "°" 
VLis»relsiî ea leŒ P» et si oompié» 

V «nMlf ■ C-eSt """ révolution <t la ». 

f>«<V> ment. Oe ï ?«"„»« a f 4 „o' w 

naeiBDWtade 



3SS _ 

nos fenêtres cette lutmK^ 
avait cessé ou était ^™ 1 ? r0Ces! ""'' 1 » nl »» ,rebn » 1 
il]nmin«tions8•ête^Kn^ apléteme, " él ° Ul "- W °' ,ta 
épouvantée s'enfuit "X^** ™" pri ' 1 '*"" il " W ' 
immense danger e t l me à ''»PP r » e » e "« «"*!» 
coup plongée dans ,, grande cité se trouva tout à 
mort. "*iie obscurité et un silence de 

C'étaient le calnx e ~* ,, 
cèdent le retenti asetn " x * obscurité sinistres qui pré- 
du soir jusqu'à uxi e h*** ** e laf °ndre. De onie heures 
bruit ne vint l'inter Ure ** u matin ' P 88 ,e moindre 
roues d'une seule voit° mpre ' 0n n ' entendait P Mte 
d'un seul passant att ure * on ne percevait pas le bmil 
prochait pour notât ar< * e - Aucune patrouille ne s'ap- 
force publique était 1 P ï " ouver qu'en cas de besoin la 
Jamais de ma vie i G , Prête à nous donner son appui, 
de ces deux heures o 0,1 blierai la terrible incertitude 
ger à se retirer Ponjf*"* 18 fln - N était impossible de son- 
même tout habillé o ï >re n<lre un peu de repos, fût-ce 
sommeil bien autre-oa G sile nce contre-nature rendaitie 
les plus bruyantes , - ent difficilequen'eussentputaire 
tions. Nous étions là** 8 P' us lum ultueuses manifesta- 
la plus mortelle a 0xi ' as sise dans le salon, en proies 
vantés autour de u é * a *ec nos domestiques épou- 
toutàcoupnos 0l - e jj S ' quand un bruit étrange frappa 
veines. Nous co,, 'es et glaça notre sang dans nos 
les eûmes ouvertes s au * fenêtres, et quand nous 

terreurs. Des ba 0(] » Oo us aperçûmes la cause de nos 
silencieusement r eu „. ^'ouvriers en blouse s'étaient 
ches; alors, anime "es arméM de lordies e , depi0 . 
nous les vîmes se Me l a ,„ ^^e résoluU „ n , 
et à en abattre , ^'«r e à ôé „ Tole paMlqn , 

gué» les réY0l BHon «r*r H , ^J^ qn , mamttp ^ 

es de 1830 étaient des ornes 



Immédiatement, »„„„„ , eatoes d 

"■«table, barricades qui aient Bgu 

lMion:Iune en travers du boulevar 

elle» deux autres à la jonction de la 

et du faubourg Montmartre avec le 

bruit des pavés qu'on arrachait du se 

mutait en les Jetant les uns sur les ai 

ment produit par les arbres en tombai 

redoublés de la hache, les voix retei 

solues des constructeurs de barricad 

de leurs travaux à cette heure indue : i 

en soi la plus étrange fascination de 

eussions donné tout au monde pour ne 

ces effrayantes clameurs, et cependani 

vions nous déterminer à quitter nos fe 

l'œuvre de destruction fut achevée, on 

verbères qui brûlaient encore, puis 

dans l'obscurité et la solitude pour al 

cer la même besogne quelques centair 

loin sur le boulevard. Ainsi se passa 

credi. 

Un silence de mort régna jusque e 
heures du matin . Mais à ce moment V 
mousqueterie a la barricade voisine i 
mencement des hostilités et nous ran 
blante à nos fenêtres pour voir arnvt 
litaire imposante placée sous les ort 
Bedeau, et consirtam en un régtmen. 
un régiment de chasseurs à cheval, 

MME. 

. ,Coo^le 



— 3U — 
igné et une fc>a.t.terie d'artillerie. Les <- — r, ftS 
nilles qui avaient été laissés sur les barri , uQ 
ir les garder prirent la fuite avant m&ne ^ u 
oton fll fexx ; et les soldats de la ligne < iémom ™ 
moins d'un quart d'heure les formidables b ** n t 
iavaient été construites pendant la nuit, l ajsf ] 
passage libre & la. cavalerie et à •' arViUen ^ n ,„ r ' 
ecVinlanterie, prirent immédiatement P 05 '" V, le 
boulevard, non loin de notre demeure- *P 
•rrible abandon dans lequel nous étions «*<• e 
i nuit, cette apparence de protection «*• J""^ 
hose de consolant. Mais quelles que IW 8 "" 
■ances excitées par l'arrivée de troupes si no- ™~ ' 
Biles s'évanouirent bientôt quand on vit W* 5 ™™ 
la nuit, après avoir été dispersés par la ti— *»1Ç\ f 
venir en pins erand nombre et recommeno-«3t im* 
ment la construction de leurs barricades peu Wf» 
les troupes les regardaient tranquillement »/ 
cent pas an p IUS de 1 , (mdroU e „ M se fesfef 

jusqu'à dix heurt. ""Prequemeot sur la d«" B iM 
Tuileries un aiov * !' "' A œ """a™"'"''! 1 *<» 

avait nommé un „ cam P 1 ui annonja que le -jel 

se trouvaient M:»t " veau ministère, à la tête i] "*.f>s 
de Wwf» «/<>,-„" T Wers et Odilon Barrot. D es ,-/s 
*"' accueillirent cette nouvelle i ct 



— sas — 

duraient encore l n ^. 

«arde nationale dè^oucn^ '? k^ 1 

suivi d'une imme nse ? A ! ? B ïaUb ° ar « 

de la réforme , et ?VL£Z2T t ^ 

cris de Vive la. r «!*L? ntrem «ant ses voc 

prendr, 3*- 9 " z *^ rfe nationale ! Le dét* 

ESLTî " M milie » ^s troupes < 

M Od Ion r Pai " Ut ^^rniser. Su? ce 

nait SS BaTT ?' et le S**** Lamori 

Mnlt appelé * eu remplacement du 

Weaunot, au commandement de la gar. 

accompagnés p ar M . Horace Vernît, 

cheval et donnèrent aux troupes l'ordre 

Us adressèrent de belles paroles à la 

nom du roi, qui, disaient-ils, ne voulail 

de lui d'autres défenseurs que /es brav, 

tionaux et le brave peuple de Paris. V 

| conférence fut tenue entre les officiers 

I la troupe de ligne et la garde nationale 

I mina par l'ordre donné aux troupes de 

positions. Elles le firent en toute hât< 

leurs fusils et mettant la crosse en l'air, t 

de leur résolution de ne point agir. La pc 

donnait des poignées de main avec la pi 

cordialité au fur et a mesure qu'elles défila 

ses barricades, et les saluait des cris de Vi 

La cavalerie et l'artillerie suivirent, et dél 

les boulevards dans l'ordre le plus parfait, 

pettes sonnant une retraite. Mais elles 

pas plutôt parvenues à la hauteur du bouli 

Italiens, que la populace, désireuse d'ess 

quelque démonstration pratique la puissanc 

venait de conquérir si récemment, se mit à < 

les soldats ; et, à notre grande épouvante, no 



une pièce «ïe canon qui venait justement de passer 
sous no» fenêtres dans toute la pompe d'une ïambe 
militaire, enlevée de force aux artilleurs charges^ 
la servir et. de la défendre, et ramenSe à la namcaàe 
par une populace frénétique et poussant de confuses 
clameurs. r»e pareilles scènes se passèrent sut te 
autres points où se trouvaient des postes militaires, 
et en quelques minutes Paris se trouva ainsi aban- 
donné au peuple sons prétexte qu'on Je plaçait sous 
la protection de la garde nationale, tonte»)*»"'»/» 
régulières ayant évacué la villeàlWrt"»*** 
" /"!», at le> «hâte.,, des Tuilerie» et le corps de 
garde de la place da p alïi ,. Hoja 
h„^™- <5Ue leur offrait M tttprised8 possession 

E^CL^L ^olutionnairas. LMuîuce passa- 

frcoi^iu^ftt Mr - Lm ™t r :rti^- 

tieux témoignèrent "T?'"™'' <* «<>* u âéà * 
nouveau ministère "f . la h "">« qu'inspir*f . f fr 
/îcaiiotu ci» *»«,-£<, ," ? *« ™er«, oui fo* * "J" w 
de seplemore / Telle, .a. ''*«imm ou. u fc»* ...„ 
tions qui «mpus^f 3 «WentmamtenaMleS «*' 
sitapa, plus lo n8l ^' l».r. A la fin, top****^ 
on de 4 »«s to^»' Proclamer .a voit» _7' rf- 
ltorl de toi. A *'W«' fut répété par >^ 

C'est alors q Ue , ^ 

portions. Des m asa {; °<™Plot prit de plus vas^jfdire.1 
des faubourgs d » épaisses dépeuple desce?*^ 

armés comme ils » la ville. G es hommes <»<*%»« 
qu'ils avaient eo , e «« Pu, les uns avec le»./» 
celles qu ils av ai v ées. à la K ^ J^T m 
mûriers, ou e ncore Pillées dans les boutique, V» 
an ' les magasins des tliéa*-' 



— SST . 

Tont cela Tint comme un irrësist 
sur les boulevards, s'augment-nx* 
nouvelles recrues, à mesure que o. 
ques patriotes, furieux d'être enco 
traient sans plus de façon dans lt 
ticulières, et d'un ton qui n'adme 
demandaient qu'on leur livrât & 1 
armes qui pouvaient s'v trouver. 
personne qui écrit ces lignes fut en 
une rude épreuve par une -visite do 
gèrent à propos de nous rendre r 
mine rébarbative, auxquels il n'y a-* 
refuser notre porte , et que nous dûi 
toute la politesse et tout le sang-froid 
nous armer. Pour être juste , force 
qu'ils se conduisirent avec neaucouj 
que, reconnaissant l'inutilité de leu 
que lé cabinet de toilette d'une fernr. 
pistolets, ni fusils, ni saores , i « » 
tranquillement, après nous avoir den 
nous avoir dérangée. t de 

Le terrible aspect de ce ^ 

lait à l'esprit tout ce qui ^^ 

d'armes des '^"^f.i gardes n: 
mière rtvolttUon . u"™' Bsan t poi 
deurs, juste en nombre ètaien t épa 
couleur au mouvemen , cojnpos ai 
Mais la grande ™"" «.troussées 
blouse, avec les »£*£. nus des c 
brandissant *« V"^. mousquets, * 



arquebuses, *«^» boa. a««« W 
branches d arnr 

. r Coo^le 




Lion' 
LÏ Vai« 

«.e ôei 

urse ^ 
que 
Le poi 
çne oc 
lais-R 
% de lLr 
nxieW-"'" 

crés 

de tX&a* 9 



'ayal. L'officier 
rer ses armes, 

s,etsesbray® 
^ journée &tet* 
in même temps 

fonde 




s \a p\»a complète 
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triomphe de la force n,/'" 06 " «" '" 

twmôme,etiIétaiÉ convaincu qu'avec , 
à sa disposition il n'avait rien à redou 
qu'il était encore au sein de cette sécuri 
que M. Thiers entra tout à coup chez Ji 
noncer que la partie était perdue, que I 
nale venait de faire cause commune a 
que les troupes n'agissaient pas, que 
ruait de toutes parts à l'attaque des Ti 
toute tentative de résistance ne pouva: 
une inutile effusion de sang. Ses p; 
■ Sire, vous n'avez pas d'option, il fan 
Le duc de Montpensier appuya le com 
le ministre; mais la reine, qui était 
tourêe de ses petits-enfants, le pressa a 
d'une mère et d'une épouse de ne riei 
sanctionneraient ni sa raison, ni ses c 
ici, lui dit-elle, si tu crois devoir le 
comme je t'aime, je suis prête à mourir ; 
Toutefois, les hésitations du roi furent 
les instances pressantes de M. TMers; 
déjà on entendait distinctement les clan 
par la foule qui approchait de la dei 
Louis-Philippe signa un acte d'abdical 
de son petiUlls, le comte de Paris , w 
de la duchesse d'Orléans. 

« Et maintenant, partez, Sire, vtras 
moment à perdre! » 

Le royal couple descendit dan» *- e J ai 
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ries, qu'il traver.» dans, la. direction i* Tont-îa"- 
«mf, précède par le 4 ttc de Montpe nsier, qui >° m ; 
çait d'empêcher la toxrte de se ' er avec trop « 
force contre son père. Vin petit nombre de gardes na- 
tional et an ou deu.x députés les accompagnaient. 
L'an d'eus, mdl 8ne 4e ^ [a M( „.„«, pu 

ses chapeaux à la v « Mess ieurs, 

découvre^o-UB en ™ ™4. îd! - D rt • F* 

^-taf 8 --Pecte,aumoins,e m a,heur !: 

«rime donc»... ^£\° tt «* «■» ad " e '/,: ^ 
républicain. fVlt tout ce qu'on obtint de l enté» 

. -ÎSCiiSS^* -„ paiais, avait l'intention* 
ques personnes „ ^"Miro des députés ; mais le. quel 
sûreté, forcèrent Ul t'escortaient, craignant pour sa 
la place Louis -jrjv OS tu 8>UIs à prendre le chemin ne 
à un cheval, p * » °ù. les attendaient quelques nacre 
s'arrêter un irts, Une étrange fatalité, le groupe dut 
sor, a l'endroit £*** tout près de l'obélisque deLouq- 
paravant, la _ ""-ôttie où, cinquante-cinq années au- 
France avan ".Juaiere victime royale de la liberté en 
venue à une èr»* 1 * 1 * par son sang le malheur djl» 
pour comp reï .rt Q, ïvi e a . , le Savait ni assez de **»• 
dominer. O tt ««"e, a j ">»£ ^ IorM do «WKaWP™ 
en ce morues. 1t s» Lmter quelles dorent tire, 
01. son cha^.*' lea '^SÎ* T Louis-Philippe. U 
peuple qui iTf a U rt» Se ns»"°" lèu .,et,s'ateBs.nts« 



peuple qui l- e T*0- a» °" nsa "" vète.et.s'atessanti 

qui m'avej r^tt^ u eau» «,„, 4iUl, c'est V 

faites desc 6o *»t ^ £„ :.H^«*ni,#l* 

h ». K. Qt er au tr ,,\ » L'instant d'apn 

*n s ^ïe, hercule »»> "!'! , 

°«is>'>"' fleurs, et,—" 1 »" 



— 361 — 
arrivé autrefois à notre roi Richard, pas une voix ne 
s'écria : « Que Dieu le bénisse ! » 

La nouvelle de l'abdication fut immédiatement 
portée à la place du Palais-Royal, où la lutte conti- 
nuait entre le peuple et la troupe. Le maréchal Gé- 
rard parut à cheval, portant une branche de verdure 
a la main, dans l'espoir que celte nouvelle calmerait 
toutes les passions haineuses et amènerait la cessa- 
tion des hostilités. Mais l'esprit de sédition qui avait 
été excité acquérait de la force à mesure qu'il osait 
davantage ; et le peuple , qui la veille eût accepté 
avec reconnaissance un changement de ministère 
comme une faveur, et un changement dans la poli- 
tique comme une concession à l'opinion publique, 
rejetait maintenant avec indignation l'abdication du 
souverain comme n'étant pas un hommage suffisant 
rendu à sa toute-puissance de si fratche date ; et la 
nouvelle de l'abdication ne fut accueillie que par un 
redoublement des cris : Aux Tuileries ! A bas Louis- 
Philippe! 

A cet instant, quelques-uns des chefs les plus mo- 
dérés de la populace , prévoyant l'horrible carnage 
qui aurait lieu si une collision éclatait entre elle et 
l'Immense corps de troupes stationné dans la cour du 
Carrousel et dans le jardin du château , se présentè- 
rent à la grille en fer ouvrant sur la rue de Rivoli , et 
demandèrent à être admis auprès du duc de Nemours, 
qui était toujours aux Tuileries, où il continuait à 
commander les troupes. Il est inutile de raconter ce 
qui se passa dans celte entrevue ; mais son effet pra- 
tique fut que le duc donna aux troupes l'ordre de se 
retirer , et , en môme temps qu'elles défilaient le long 
m. « 

Google 



— 362 — 
desquais et par le jardin, le peuple se précipitait dam 
le palais et en prenait possession. 

Il y a quelque chose d'ignoble dans la fuite préci- 
pitée de la famille royale , qui partit avec une telle 
hâte et tant de désordre , que l'instinct du sauve qui 
peut sembla lui avoir enlevé momentanément tout 
autre sentiment. Les jeunes princesses furent aban- 
données par leurs maris au moment de la bagarre, 
et durent s'en tirer comme elles pourraient. Les 
Parisiens ont déjà comparé la fuite du dernier 
souverain de la branche aînée de la maison de 
Bourbon en 1830, avec celle du roi des Français 
en 1848 ; et les termes de cette comparaison sont 
cruels. « Nous avons renvoyé Charles X à coups de 
canon, mais nous avons chassé Louis-Philippe à coups 
de pieds 1 » Il n'y eut qu'un membre de la dynastie 
qui montra quelque velléité de résister et de défendre 
les droits de son enfant. Tandis que le roi et la reine 
gagnaient en toute hâte le fiacre qui devait les emme- 
ner loin de Paris , la duchesse d'Orléans , accompa- 
gnée par le duc de Nemours , se rendait à pied avec 
ses deux fils"* la Chambre des députés dans le but de 
demander au Corps législatif son appui pour le comte 
de Paris, en faveur de qui son grand-père venait d'ab- 
diquer. Mais il était trop tard... La scène de violence 
qui se passa alor3 rappelle à l'esprit les plus orageux 
épisodes de la première révolution ; la duchesse eut à 
endurer des épreuves non moins cruelles que celles 
qu'avait subies Marie-Antoinette à la néfaste journée 
du 10 août 1792. L'influence morale des députés 
s'était évanouie ; et ceux-là même qui auraient été 
disposés à répondre au pathétique appel de la du- 

Google 



— 363 — 

chesse ne purent point se faire entendre , parce que 
la Chambre n'était pas seulement désorganisée au 
moral , mais encore sous l'influence de la terreur 
produite par la force brutale et la violence. Non-seu- 
lement les galeries consacrées & l'admission du public, 
mais même l'intérieur de la Chambre , furent envahis 
par une populace furieuse et armée , contre laquelle 
la duchesse et ses enfants durent aller chercher un 
refuge sur les bancs les plus élevés de l'enceinte ré- 
servée aux députés. Et quand M. Odilon Barrot, h 
son éternel honneur, essaya de défendre la cause de 
la mère et du fils, et déclara énergiquement qu'il ne 
ferait partie d'aucun gouvernement qui ne reconnaî- 
trait pas des droits si sacrés , tous les fusils aux mains 
de la populace furent aussitôt dirigés contre lui au 
milieu d'étourdissantes vociférations en faveur de la 
République. 

C'est alors que la duchesse se leva, se disposant à 
parler ; mais sa voix se perdit au milieu de cet hor- 
rible tumulte. Le duc de Nemours l'ayant contrainte 
de se rasseoir, elle confia au papier les paroles qu'elle 
aurait prononcées si on l'eût laissée faire. Ce morceau 
de papier fut fixé au bout d'une baïonnette et passé 
aux députés. Voici en substance ce qui y était dit : 
« Messieurs , c'est de la nation et non de la Chambre 
que doivent émaner les droits de mon fils orphelin , 
et c'est là seulement ce que sa mère est venue vous 
demander. » 

Pendant un quart d'heure, le tumulte qui suivit 
cet acte ne peut être comparé qu'au Pandémonium. 
La populace couehait en joue les députés , prête à 
faire feu à la première parole qui lai déplairait. Voilà 
ce que fut la libre discussion qui décida du sort de 



— 364 — 

la monarchie ! Sans l'irruption de celle force brutale 
dans le local des séances , on ne doute pas que les 
membres les plus exagérés de l'opposition eux-mêmes 
n'eussent regardé la déclaration de la régence de la 
duchesse d'Orléans comme une grande victoire poli- 
tique remportée par leur pays. Mais M. Ledru-Rollin, 
profitant de la panique , déclara , dès qu'il fut pos- 
sible d'entendre une voix quelconque, que la Chambre 
n'avait pas le pouvoir d'accepter une régence , et que 
c'était au peuple qu'il fallait en appeler. Vint en- 
suite M. de Lamartine, qui demanda la formation 
d'un gouvernement provisoire basé sur les suffrages 
du peuple , et un ou deux autres membres s'exprimè- 
rent encore dans le même sens. 

A ce moment , les portes de la Chambre furent bri- 
sées par un second flot de populace , plus terrible 
encore, s'il est possible , que le premier. Les députés 
évacuèrent en toute hâte la Chambre, et se donnèrent 
rendez-vous à l'Holel-de-Ville à l'effet d'y instituer 
un gouvernement provisoire. 

Quelques individus charitables, saisissant les jeunes 
princes dans leurs bras , empochèrent qu'ils ne péris- 
sent étouffés dans la foule : la duchesse, à moitié 
évanouie , fut conduite , non sans peine , aux Inva- 
lides. Quant au duc de Nemours, il se jeta par une 
fenêtre ouverte qu'on lui montra , et se sauva par le 
jardin de la Chambre des députés. 

La nouvelle de ce qui venait de se passer nous fut 
bientôt apportée sur les boulevards par la terrible 
vox populi. Le cri qui maintenant étouffait tous les 
autres était celui de Vive la République 1 et nous ne 
tardâmes pas à voir passer devant nos yeux une 
preuve sans réplique que c'en était fait désormais de 



— 365 — 

la royauté. L'innombrable multitude qui, deux heures 
auparavant , avait couru avec une si irrésistible force 
à l'attaque du château des Tuileries, s'en revenait 
maintenant du sac de cette rojale résidence, portant 
avec elle le trône de Louis-Philippe , dépouillé de sa 
couronne royale et de son chiffre, et se dirigeait 
avec son trophée vers la place de la Bastille , où plus 
tard elle en fit poétiquement justice en le brûlant au 
pied de la colonne de Juillet, et en en jetant les 
cendres au vent. Une foule sans fin suivait, frénétique 
de joie ; chacun de ceux qui la composaient portait , 
fixé à la pointe d'une baïonnette , quelque débris 
provenant de cette scène de dévastation. Certains de 
ces trophées parlaient éloquerament de l'horrible 
lutte qui venait d'avoir lieu. C'étaient des casques 
tout défoncés et tout souillés du sang des malheureux 
gardes municipaux massacrés par la populace. On les 
portait au bout des piques , et sur leur passage on les 
saluait avec de dérisoires bravos et battements de 
mains. Venaient ensuite des figures à la fois si ef- 
frayantes et si grotesques, qu'au milieu de cette scène 
d'horreur nous ne pouvions nous empêcher de sou- 
rire et de nous demander si nous n'assistions pas à 
quelques saturnales de carnaval dirigées par la déesse 
de la folie , au lieu d'avoir sous les yeux les preuves 
d'une lutte sanglante et impitoyable , qui n'avait fini 
que par le renversement de l'une des plus grandes 
monarchies de la terre. 

C'est bien à tort que certaines gens vont disant que 
l'on ne pilla pas ce jour-là aux Tuileries. Il n'y avait 
pas dans cette foule ivre de fureur et de joie un seul 
individu qui n'eût quelque part des dépouilles , vi- 
sible, soit sur sa personne, soit à son bras. Un gamin. 



— 366 — 
avec la moitié d'un habit de grande livrée sur le dos, 
s'en venait en cabriolant et en criant : « Où est le 
tailleur du roi! Envoyez-moi donc le tailleur de 
Louis-Philippe ! » D'autres portaient les chapeaux à 
trois cornes des cochers du roi , surmontés de magni- 
fiques bouquets de fleurs artificielles, qui, sans aucun 
doute, avaient appartenu aux princesses. Quelques- 
uns s'étaient drapés dans les tapis de table en drap 
d'or ou cramoisi qu'ils avaient pris dans les grands 
appartements du château. L'un portait un manchon 
d'hermine au bout de sa pique ; l'autre un coussin de 
velours ; un troisième une magnifique coupe en écaille 
de tortue (vraisemblablement quelque royal caprice) ; 
celui-ci, une cuisse de venaison embrochée au bout 
de sa baïonnette ; celui-là , un quartier de chevreuil 
piqué. Bref, tout le menu de la table royale , pour ce 
jour-là , figurait au bout des piques ; et pendant que 
cette multitude en haillons défilait devant nous , ivre 
de sa victoire , l'étourdissant tapage produit par le 
retentissement de ces milliers de voix, chantant la 
Marseillaise , combiné avec le bruit de ces milliers 
de pieds mis en mouvement par les plus ardentes 
passions , frappait nos oreilles comme le glas funèbre 
de l'ordre et de la sécurité. 

11 me fut impossible de me soumettre à rester plus 
longtemps à une fenêtre , tranquille spectatrice de 
ces scènes émouvantes, et, prenant le bras d'un ami, 
je me dirigeai vers les Tuileries; expédition qui n'é- 
tait exempte ni de fatigue ni de danger, car, indé- 
pendamment des masses épaisses et frénétiques qui 
obstruaient la voie publique , on entendait une fusil- 
lade perpétuelle entretenue par la populace ivre de 
son succès , et qui , dans sa joie , tirait incessamment 

Google 



— 367 — ' 
des coups de feu dans toutes les directions. Aussi 
eut-on, à cette occasion, à enregistrer une foule 
d'accidents fâcheux. Ce fut avec une extrême diffi- 
culté que nous arrivâmes aux Tuileries par les bou- 
levards et par la rue de la Paix ; mais alors , quelle 
scène de désolation nous offrit le palais ! Le peuple- 
roi , tout enorgueilli de son triomphe , trônait sur les 
ruines de ia monarchie qu'il venait de renverser ; et 
c'était les pieds appuyés sur le cou de la défunte dy- 
nastie que l'usurpateur tenait , dans ces beaux salons 
dorés , son premier lever ! 

Toutes les parties de ce superbe édifice , depuis le 
rez-de-chaussée jusqu'aux combles , était remplies , 
jusqu'à déborder, par la majestueuse présence du 
peuple souverain. On jetait pêle-mêle par les fenêtres 
(dont toutes les glaces avaient été brisées) les meubles, 
les vêtements, les papiers ; et ces objets ne touchaient 
pas plus tôt le sol , qu'on les mettait en tas pour en 
faire des feux de joie. Toutefois, par une bizarre 
anomalie , il régnait une espèce d'ordre dans ce dé- 
sordre , et le pillage sous forme de vol n'était point 
permis. On ne tolérait pas seulement , on encourageait 
la destruction et la dévastation ; mais une fois la pre- 
mière ivresse passée , et quand on avait eu enlevé les 
trophées que nous avions vus sur le boulevard , une 
police très sévère avait été établie par les destruc- 
leurs. Elle était déjà en voie de rigoureuse exécution 
au moment où nous arrivâmes sur le théâtre de ces 
saturnales ; des sentinelles avaient été placées à toutes 
les issues du palais et du jardin, et quiconque en 
sortait était fouillé pour qu'on s'assurAt s'il n'empor- 
tait rien. «Brûlez tant que vous voudrez, mais n'em- 
portez rien ! » Tel était le mot d'ordre ; et dans plus 
GooqIc 



— 368 — 
d'un cas où les délinquants avaient essayé de l'en- 
freindre, on' les avait fait mettre à genonx et on les 
avait fusillés sur place pour encourager les autres. 
Très certainement, il n'y avait rien de burlesque à 
voir comme cette nouvelle garde du palais , tant sons 
le rapport du costume que sous celui de l'équipement. 
Les blouses déguenillées dominaient, et les lions de 
granit, aux proportions colossales, qui se trouvent 
placés à la porte du pavillon de l'Horloge, étaient mon- 
tés par des patriotes ainsi accoutrés; le visage noir de 
poudre , des pistolets h la ceinture, avec les bufQete- 
ries de quelque soldat dévalisé sur les épaules, et des 
sabresnusétincelantsdansleursmains; — en un mot, 
le beau idéal des gardes du corps de la République ! 
Toutes espèces d'armes et d'accoutrements avaient 
été mis en réquisition pour ce service ; et nous remar- 
quâmes , entre autres , un patriote enthousiaste, non 
pas seulement armé d'un fusil de chasse, mais encore 
escorté de son fidèle chien d'arrêt. Il est évident que 
le pauvre animal s'imaginait que le fusil n'avait pas 
le droit de faire feu sans qu'il fût de la partie. 

Pour nous rendre des Tuileries au Palais-Royal, 
nous traversâmes la scène du plus grand carnage qui 
eût eu lieu pendant la lutte , et passâmes devant le 
poste du Ghâteau-d'Eau , où la troupe s'était souvenue 
de ses devoirs et avait péri en les remplissant. Le 
corps de garde avait été complètement brûlé , et il 
n'en restait plus que la façade en pierres toutes noires, 
aussi criblées de traces de balles qu'un visage forte- 
ment marqué de petite vérole. La galerie d'Orléans 
du Palais-Royal avait été convertie en ambulance ou 
hôpital temporaire pour les blessés , dont bon nombre 
y étaient amenés sur des brancards fabriqués avec 



des débris de portes et de fenêtres. Le palais lui- 
même présentait un tableau de dévastation analogue 
à celui des Tuileries, toute espèce de destruction 
étant considérée là comme un acte non-seulement lé- 
gal, mais encore méritoire. Quatorze voitures royales 
avaient été brûlées dans la cour d'honneur, aux ac- 
clamations de la populace ; et , sur leurs débris fu- 
mants , on lançait des fenêtres du palais des pianos , 
des lits, des fauteuils, et les armoiries effacées et mu- 
tilées de la maison d'Orléans, qu'on arrachait des 
murailles et qu'on précipitait dans la boue pour com- 
pléter l'édifice funéraire de la royauté. 

La ville avait l'aspect le plus morne et le plus si- 
nistre. Toutes les boutiques étaient fermées , tous les 
réverbères brisés. On ne voyait de voitures d'aucune 
espèce , toute circulation étant empêchée par les bar- 
ricades qui s'élevaient à l'extrémité de chaque rue , 
hérissées de baïonnettes et surmontées du drapeau 
rouge. Les pavés avaient été arrachés, les arbres 
coupés; la garde nationale, vaincue et humiliée, 
avait été désarmée , et une épaisse population de hé- 
ros du jour, en guenilles, parcourait la voie publique 
en masses profondes , armée jusqu'aux dents et tirant 
des coups de feu en manière de divertissement. 

Ainsi fiait cette mémorable journée du jeudi, dont 
les angoisses ne pouvaient avoir d'égales que celles 
qu'on prévoyait pour la nuit qui approchait. La 
pensée que nous nous trouvions complètement à la 
discrétion du peuple, que toutes tes troupes avaient 
évacué la ville , que toute espèce de police y était dé- 
sorganisée, et que la garde municipale (jusque-là 
chargée de la protection des citoyens) avait été ou 
massacrée ou dispersée ; celte pensée, dis-je, nous 



remplissait de frayeur. Chose merveilleuse à dire, 
toutefois , il n'y eut pas une seule violence commise. 
Le peuple-roi , si terrible dans sa fureur, se montra 
bon prince à l'heure de son succès , et Ût preuve d'une 
modération et d'un calme qu'il y aurait plus que de 
la mauvaise foi a prétendre nier. Des patrouilles 
d'hommes ayant tout l'air de vrais brigands circu- 
lèrent incessamment dans les rues pendant la nuit , 
et les barricades restèrent exactement gardées pour 
le cas où quelque essai de contre-révolutiou viendrait 
à être tenté contre la ville. Bref, un merveilleux 
système d'ordre sortit tout à coup du désordre qui 
avait régné quelques heures auparavant ; et il est 
difficile de refuser sou assentiment à l'observation 
que nous faisait an gentleman français (je me trompe, 
j'aurais du dire un citoyen), qui, tandis que nous 
nous lamentions sur les événements qui venaient 
d'arriver, s'écria : « Il faut avouer qu'en France tout 
sentiment d'honneur s'est réfugié chez le peuple I » 
Dix jours se sont écoulés maintenant depuis la vic- 
toire remportée par le peuple. L'ordre a été rétabli , 
mais la confiance ne revient pas, et on n'entrevoit 
l'avenir qu'à travers les plus sinistres éventualités. 
Le gouvernement pKovisoire a fait et fait encore des 
efforts presque surhumains pour s'acquitter des oné- 
reux devoirs que le dévouement de ses membres leur 
a fait accepter. Le plus difficile de tous est d'opposer 
une digue au débordement des passions du moment, 
et de modérer les sauvages théories , ainsi que les 
extravagantes espérances qu'on s'efforce d'accréditer. 
Chacun a commencé par se récrier contre la possibi- 
lité qu'un pays comme la France fût gouverné dans 
une telle crise par une poignée d'hommes dont les 



— 37i — 
noms (à une ou deux exceptions près) étaient incon- 
nus , et dont toutes les habitudes précédentes étaient 
étrangères aux obligations qu'ils se sont imposées. 
Un poète et un astronome , se demandait-on , sont- 
ils bien les gens propres à retenir les roues de la ma- 
chine détraquée ï Comment les calculs de l'un et leB 
rêveries de l'autre pourront-ils se plier aux exigences 
pratiques du moment? Gomment pourront-ils être 
bons à refaire une Constitution et à réformer les 
forces vives de l'État? Nous avons constamment douté 
que la France pût être à toujours gouvernée par des 
institutions républicaines, et nous doutons encore 
qu'une République , si démocratique qu'on la fasse , 
comme celle qu'on vient de proclamer, puisse durer. 
Trop d'intérêts ennemis ne vont pas tarder à se trou- 
ver en jeu. Il est impossible , en effet , que la classe 
supérieure et la classe moyenne, quoique forcées 
maintenant de subir, dans l'intérêt de leur sûreté, 
ce qui leur a été imposé, puissent demeurer satis- 
faites d'un état de choses si antipathique à leurs sen- 
timents, à leurs habitudes, à leurs aspirations et à 
leurs traditions. En même temps, tout ce que peuvent 
faire l'énergie et l'honnêteté humaines est tenté en 
ce moment pour résoudre heureusement ce problème. 
Les passions extravagantes qui s'associent aux souve- 
nirs des excès et des succès des guerres de propa- 
gande de la première République ont été comprimées; 
et , quoiqu'on crût que le premier acte du gouverne- 
ment provisoire serait de flatter le goût national pour 
la gloire militaire et les agrandissements territoriaux 
en lançant une armée sur le Rhin pour révolutionner 
les provinces rhénanes, aucune mesure de ce genre 
n'a été adoptée. La doctrine proclamée est celledela 



— 372 — 
non-agression , et la nouvelle République semble 
avoir pris pour devise qu'une guerre légitime est un 
grand malheur, et une guerre illégitime un grand 
crime. 

Voilà où en sont aujourd'hui les choses. Le grand 
sujet d'anxiété , la préoccupation qui l'emporte sur 
toutes les autres , c'est l'approche des élections pour 
l'assemblée nationale , dont l'ouverture est axée au 
9 avril prochain. Des utopies en fait de théories et 
d'espérances commencent & être mises en circulation. 
De brûlantes questions relatives à la réglementation 
du travail et à la fixation des salaires sont agitées ; et 
une sombre tristesse , comme nous n'en avons jamais 
vu dans ce pays, enveloppe Paris d'une atmosphère de 
doute et de terreur. Sans doute la grande masse de 
l'opinion publique soutient le gouvernement , rend 
hommage au dévouement, à l'intelligence et à- la 
loyauté de M. de Lamartine , l'illustration de ce gon- ■ 
vernement. Le courage dont il a fait preuve tout ré- 
cemment en repoussant la demande qu'adressaient 
les combattants des barricades pour qu'on eût à 
changer le drapeau national et à substituer le drapeau 
rouge de la révolte, adopté par eux tout dernière- 
ment, au drapeau tricolore consacré par tant et de si 
glorieux souvenirs, a été vraiment sublime. Son 
attitude , ses paroles et ses gestes , quand les baïon- 
nettes de cette députation de misérables se sont 
croisées contre sa poitrine, ont été caractérisés par 
un noble calme , digne des pins grands héros de l'an- 
tiquité. Dieu veuille qu'à l'avenir ses efforts pour re- 
pousser des exigences déraisonnables soient toujours 
couronnés d'autant de succès qu'ils l'ont été dans 
cette occasion, et que les convictions éloquentes d'un 



— 373 — 
esprit de cette trempe réussissent toujours à trouver 
de l'écho dans les esprits âpres et incultes de la mul- 
titude. Hais le doute est bien permis à une Époque 
comme celle où nous nous trouvons ; et il nous est 
impossible, en réfléchissant à tout ce que les soixante 
dernières années ont fait surgir dans ce pays si agité 
pendant la grande marche de sa régénérescence po- 
litique , d'oublier quel a été le sort de ses plus purs 
patriotes. Dans la France moderne, comme dans 
l'ancienne Rome, il n'y a pas loin, en effet , du Capi- 
tale à la roche Tarpéienne ! 



. r Coo^le 



. r Coo^le 



LE MIROIR MAGIQUE '" 



A Edimbourg vivait encore, vers la fin de la pre- 
mière moitié du dix-huitième siècle, lady Eléonore 
Campbell, fille du second comte de Louclon, petite- 
fille du chancelier. Elle avait épousé en premières 
noces James, vicomte de Primrose (2), homme de 
mœurs dissolues et de passions désordonnées, dont 
l'amour, si tant est qu'il en ait jamais eu pour elle, 
se transforma bientôt en une haine profonde. C'était 
une femme extrêmement respectable ; mais ses plus 
précieuses qualités, son esprit, son courage, la gra- 
vité de ses mœurs, n'étaient guère propres à rendre 
ses relations agréables à un tel mari. Plus elle con- 

(i) D'après durké's Anecdotes oflhe arûtocracy nnd épisodes 
in ancestral slory, t. 1", p. 124 et suiv. 

(2) Fils aîné de sir William Primrose de Carrington. Élu 
en 1703 membre de la Chambre des communes par la ville 
d'Edimbourg, il fut promu la même année à la pairie sous le 
titre de lord Primrose de Castlofield et vicomte Primrose, et 
mourut en 1708. Sa pairie s'éteignit en 1716 en la personne 
de son second ois, mort sans laisser de postérité. 



— 376 — 
nul son véritable caractère, et plus il lui parut mépri- 
sable. Les fréquentes observations qu'elle lui adres- 
sait sur l'indignité de sa conduite ne pouvaient qu'en- 
gager lord Primrose à ne pas dissimuler la répugnance 
toujours croissante qu'il éprouvait pour elle et qui 
bientôt dégénéra en une espèce de monomanie. Jour 
et nuit elle occupait ses pensées, mais au lieu de pen- 
sées d'amour, c'étaient d'affreux cauchemars que rien 
ne pouvait dissiper ; et il en vint enfin à prendre la 
terrible résolution de se débarrasser d'elle à tout prix. 
Puis, au moment d'exécuter son projet, survenait 
toujours quelque empêchement. Tantôt c'était le cœur 
qui lui manquait, et tantôt quelque incident imprévu 
qui se plaçait entre lui et sa victime. 

Vers ce temps-là, lord James prit l'habitude de pas- 
ser ses nuits à boire ; et pour compagnons d'orgie 
il choisissait d'ordinaire des individus que la plus 
vulgaire prudence lui eût ordonné d'éviter. Aussi 
l'ivresse était-elle bien rarement la seule folie qu'a- 
menassent ces réunions ; le plus souvent les convives, 
devenus furieux, dégainaient, ou, à défaut d'épées, 
se jetaient à la tête les verres, les bouteilles, les 
sièges, les pelles et pincettes, etc. Une de ces scènes 
s'était une fois prolongée non-seulement toute la nuit, 
mais encore une partie de la matinée. La plupart des 
ivrognes gisaient sous la table, incapables de se re- 
lever ; d'autres dormaient la tète appuyée sur la table, 
ou bien le corps à moitié tombé de leur chaise. Seuls 
lord James et un vieux buveur émérite qui avait servi 
dans l'armée de terre et dans la marine, et sur qui le 
vin le plus capiteux ne produisait guère plus d'effet 
que sur le vase qui avait servi à le contenir, restaient 
encore debout. Au contraire, le vin avait agi sur lord 



- 377 — 
James comme le feu sur le bois vert, qui, loin de 
donner une flamme claire et bienfaisante, ne prodait 
que de la fumée et des tisons carbonisés. Il était de- 
venu sombre et grondeur; mais il avait conservé ses 
facultés pensantes et agissantes, et son intelligence 
n'était que très faiblement obscurcie. On peut dire 
qu'il se trouvait dans l'état d'un maniaque,' qui con- 
serve toute sa sagacité pour le choix des moyens à 
employer afin d'atteindre un but insensé. Celte dés- 
agréable disposition d'esprit n'accommodait pas son 
compagnon. La conversation tourna donc sur ce qui 
avait pu la produire, mais sans provoquer de la part 
de lord James autre chose que quelques exclamations 
incohérentes par suite desquelles l'autre buveur tint 
divers propos qui amenèrent tout à coup à complète 
maturité les noirs projets que le lord nourrissait de- 
puis longtemps. Il interrompit l'entretien, avala une 
bouteille de vin de plus, et sortit plein de cette réso- 
lution obstinée qu'on pouvait attendre dans de telles 
circonstances d'un homme de son espèce. 

Lady Eléonore, à moitié habillée, se trouvait en 
ce moment dans son cabinet de toilette : grande pièce 
tout à l'extrémité de laquelle était placé un guéridon, 
en face de la porte , sous une fenêtre restée toute 
grande ouverte pour laisser pénétrer l'air pur du 
matin. Tout à coup elle aperçoit dans son miroir les 
traits de lord James. Il tenait à la main une épéo nue, 
et telle était la violence des affreuses pensées qui le 
dominaient , que son visage en était devenu presque 
noir. Il était entré si doucement qu'elle ne l'avait pas 
entendu, et la manière lente et silencieuse dont il 
continuait d'avancer indiquait qu'il ne se doutait pas 
que sa femme vit dans son miroir chacun de ses mou- 
Google 



— 378 — 
remente. Toujours prompte à prendre son parti, lad; * 
Elêonore n'hésita pas dans cette circonstance à re- * 
courir an seul moyen de salut qui loi restât. Quelque ' 
élevée que fut la fenêtre au-dessus du sol, elle n'avait ' 
pas d'autre issue pour échapper au péril qui la me- ' 
naçait. Elle se jeta donc en bas de cette fenêtre avec ' 
le courage que donne le désespoir, fut assez heureuse \ 
pour tomber sur la plante des pieds sans se faire * 
grand mal, et courut aussitôt se réfugier chez la pro- J 
pre mère de lord James, où elle était sûre de trouver * 
non-seulement un asile, mais encore un abri contre 1 
tout soupçon déshonorant. Elle renonça dès lors à ' 
avoir rien de commun avec son mari, et bientôt ce- fl 
lui-ci quitta le pays. On fut très longtemps sans en- 1 
tendre parler de lui : les uns te croyaient mort; ' 
d'autres supposaient qu'il avait tout simplement ' 
changé de nom. ' 

Plusieurs années s'étaient déjà écoulées depuis 
cette scène terrible, lorsque vint s'établir dans Ca- * 
nongale(l) un étranger qui ne tarda pas à se faire, 
parmi les bons habitants d'Edimbourg, une grande j 
réputation comme nécromancien. On racontait qu'il ' 
possédait surtout le don particulier de faire voir aui 
gens ce que faisaient leurs amis absents. S'il était 
rarement disposé à faire usage de cette merveilleuse 
faculté, disait-on, en revanche la vérité de ses repré- 
sentations avait toujours été démontrée par des faits 
irrécusables. Malgré la force de son intelligence, lady 
Eléonore n'était pas moins curieuse que supersti- 
lieuse ; d'ailleurs elle ne pouvait se dissimuler qu'elle 

(l)Nom d'un quartier d'Edimbourg, que Waltar- Scott » 
rendu célébra. 

Google 



- 379 — 
eût été fort aise de savoir si elle était encore en puis- 
sance de mari ou bien veuve. Un soir donc, stir la 
brune, elle s'achemina vers la demeure du nécro- 
mancien, en ayant la précaution de se faire accompa- 
gner d'une amie, atïn d'oter aux mauvaises langues 
tout prétexte de s'exercer sur son compte. Quoique 
persuadées que cet homme était capable de leur faire 
voir des hommes et des objets situés à plusieurs cen- 
taines de milles de là , ces deux dames essayèrent de 
lui donner le change sur leur propre individualité, et 
pour cela s'enveloppèrent dans les tartans et les plaids 
de leurs femmes de chambre. Le temps était froid et 
orageux; il n'y avait presque pas de monde dans les 
rues, et elles étaient parvenues sans accident jusqu'à 
une impasse où elles supposaient que devait se trou- 
ver la demeure de l'adepte, quand une voix caver- 
neuse, partie de derrière elles, leur fit entendre tout 
à coup ces paroles : « Vous vous trompe?, myladies, 
ce n'est pas par là! » et les força de s'arrêter court. 

Toutes deux se retournèrent involontairement 
pour voir l'indiYidû qui leur parlait ainsi. C'était un 
homme d'une haute stature, d'une complexion mus- 
culeuse, dont les vêtements complètement noirs 
avaient une coupe étrange, et la figure sévère quel- 
que chose de repoussant. Cependant, il n'y avait dans 
son extérieur rien de bas ni de vulgaire; tout au con- 
traire, ses manières étaient pleines de dignité, et son 
iront élevé, ainsi que ses traits de.fer, décelaient 
l'habitude du commandement. Son teinlétaitd'un brun 
foncé' et une paire de grands yeux noirs brillaient 
comme des charbons ardents sous les sourcils épais 
au i les recouvraient à moitié. Plusieurs fois ce sin- 
gulier personnage leur répéta : « Vous vous trompez, 
1 



myladies ! » _ « En quoi nous trompons-nous? » se 

décida enfin ù. i ui ,ji re i a dy Éléonore. — • Vousrais 
trompez de chemin, reprit l'inconnu, car c'est parla 
qu'il vous faut prendre. Vous vous trompez sur votre 
dèguisenaen t , car a ne yms cacne p 0int alB JeuI de 
celui qui peut ™ir à travers le voile de l'avenir. 
tàtr " 1S donc qi'onno voie pas bien plut* 
. a_v "«ï*s ces tartans qu'à travers le rideau qui 
"hîéde a*" < * TI "«onde des Esprits? .-«QueDien.il 
nore- ce n >US ' sécria lad y >"""< '» compagne d'Élto- 

celui'que -^oSt™ V™ autre q ° e le mage ! "~* '"' 

ger et ma. <a cherchez, reprit avec orgueil retrafl- 

tagé supèi-i e enaonr< = est située là, aux fenêtres de ït- 

— «Vous r» U *~* °n vous voyez briller de la lumière.» 

suffisant, r -i ** s donnez là un renseignement bien in- 

une doui airi P ! ™ dit M I Éléonore, car on aperçoit 

indiquez. » lumières à l'endroit que vous nous 

regardez enco~ ** E " vérité? lad y É 'eonore; eh bien! 

connaît! » s . e re _ «ne foisduméniecoté! .—«liras 

répliqua rade^ 1 "'* lady Jane ' ~~ " Je vous CODnais, 

coté, puis a ite 1 ** 6 * et ^ e vous ré P ète ; Regardez dece 

n'en aperce-ve s ~ rno ' Sl parmi toutes ces lumières vous 

troublés, paraj Pas une qui ' m ême à vos yeux loul 

que les aut res J" P lus vive, plus brillante, plus pure 

dans la dir-ecti * EIIeS P° rterent al °rs leurs regards 

n'eurent Pas a ° n qu'il leur indiquait de la main, et 

tien, cap l a j^^Peirie à découvrir la fenêtre en ques- 

ment quelq Ue ~** ère qui en jaillissait avait eltetliie- 

remarquable i,j "°se de particulier. Elle était d'uni 

à l'éclairage ft , a ' nc heur, sans avoir rien de semblatl 

était si vire <j u ui 'e ou à la bougie, et pourtant ell 

pu la prena> e J* «ans d'autres circonstances on eu 

Ut ~ les feux d'un phare. « Eh lien: 



«tes-vora convaincues n 
*><» parte, » répo r ^\ 

comment saurons-nous 
« veux dire le savant 
M dont tout le monde t> 
Pondit l'adepte, qui ^ 
« lui dit bas a l'oreilli 
Pagne ne put pas entei 
e < poussa un cri à moit 
■urprise qui n'était pas 
Vous satisfaite mainte] 
°Ui! se hâta de répond 
l'homme que nous chei 
« Eh bienï alors, ! 
fait ton devoir l » Et ce 
la flamme qu'on aperc 
gnit aussitôt. « Mainte 

Lady Jane, dont U 
mente par suite de ce 
volontiers renoncé a 
mais ces mots pronc 
«Taisez-vous et suive 
sitations. Le local où 
visiteuses était situé 
mais au fond se trou 
Évidemment a commur 
avaient aperçue de la i 
avec une distinction 
qu'elles ne pouvaient 
chez un individu appa 
sociale, et les pria de 



— 382 — 
disait-il, continuer à tout mettre en état pour l'opéra- 
tion projetée: « Au nom du ciel! dit lad y Jane à lad y 
Ëléonore, dès qu'elle eut vu que notre homme avait 
fermé derrière lui la porte donnant dans la pièce voi- 
sine, apprenez-moi Jonc ce que ce monstre a pu vous 
soufflera l'oreille, quand nous étions dans la rue.» — 
« C'est quelque chose, ma chère Jane, que je ne sau- 
rais répéter même à vous; par conséquent, ne me 
questionnez pas davantage. Je me croyais parfaite- 
ment sûre qu'il n'y avait, outre moi, qu'une seule 
personne au monde sachant la moindre chose de ce 
dont il s'agit; or, et c'est la ce qui me confond de 
surprise, l'homme qui a pu me le dire peut, j'en suis 
convaincue, savoir tout ce qu'il lui plaît de savoir. » 
Après qu'elles eurent ainsi causé encore qnelque 
temps, lady Jane continuant à exprimer sa frayeur 
et 1 aily Ëléonore sa ferme résolution, la porte du 
fond s'ouvrit, et ces dames en virent sortir l'adepte, 
complètement costumé pour le rôle qu'il allait jouer. 
Ses bras, ses jambes et ses pieds étaient nus ; seule- 
ment, il portait des sandales de velours rattachées à 
la cheville et filées là au moyen d'un bouton doré. 
Une tunique, aussi de velours noir, lui descendait 
jusqu'aux genoux ; mais la coupe en était telle qu'elle 
permettait d'apercevoir une grande partie de sa large 
poitrine. Soas eette tunique, il portait un pantalon 
■de tricot de soie presque complètement dissimulé par 
le vêtement supérieur. Il tenait à la main une petite 
corbeille remplie d'argent effilé. Sans regarder lady 
Jane, toute tremblante de peur, l'adepte s'adressa à 
lady Ëléonore, qui montrait bien plus de courage, et 
'lui dit : « Ayez la bonté, mylady, de remettre votre 
bourse à votre amie, car il ne doit entrer ni or ni ar- 



- 383 — 
cent dans celle chambre-là. - — « Comment! s'écria 
ady Jane toute terrifiée, est-ce qu'il va falloir que 
e reste seule ici? » — « Assurément, répondit l'a- 
lepte : les Esprits sont une engeance mélancolique, 
dmant tout aussi peu la société des hommes que la 
umière du jour. » — « Oh ! j'en sais sûre, je vais 
ne trouver mal et perdre connaissance si vous me 
aissez seule ici! » — « 11 le faut! » répliqua l'adepte 
ïvec un sourire qu'il n'essaya pas de dissimuler, et 
lonl. l'expression malfaisante n'était guère propre à 
la rassurer. 

Lady Êléonore remit sa bourse à son amie, et 
suivit l'adepte dans la chambre voisine. 

C'était une grande pièce mansardée, sans aucune 
espèce de meubles autres que les rideaux en étoffe 
foncée appendus aux fenêtres et les quelques objets 
nécessaires à l'opération projetée. Un rapide coup 
d'œil jeté sur cette pièce fit voir à lady Êléonore que 
les objets en question se composaient uniquement 
d'un vieux fauteuil et d'un autel en marbre noir, au« 
dessus duquel, au lieu du tableau de sainteté qui 
dans les églises catholiques surmonte toujours l'autel, 
se trouvait un grand miroir. Sur cet autel, en face du 
miroir, il y avait un petit poêle en fonte rempli d'une 
substance singulière, qui brûlait en projetant une 
petite flamme bleuâtre, (a seule lumière qui éclairât 
la chambre. « Regardez, mylady, lui dit l'adepte 
après avoir fermé la porte par laquelle elle était en- 
trée, et si vous tenez à la vie, que la crainte ou la 
curiosité ne vous arrachent pas une seule syllabe, 
car cela pourrait avoir pour l'un de nous, et peut- 
être même pour nous deux, les suites les plus terri- 
bles. * Cela dit, il prit dans sa corbeille une petite 



384 — 

bougie de cire jaune qu'il alluma à la flamme du 
poêle, se dirigea a pas mesurés vers l'extrémité orien- 
tale de la chambre , où. il la fixa contre la muraille; 
puis, après s'être incliné à trois reprises, il récita 
d'une voix sourde des vers anglais dans lesquels il in- 
voquait l'assistance des Esprits supérieurs, et dont 
voici le sens : 

« Feu sacré , enfant de l'air qui circule dans lei 
« tourbillons du monde, ainsi qu'on te nomme d'to- 
« bitude partout on brille ton lover, âme delà vie, 
, puissance de la lumière, sans toi régnerait une nnit 
.éternelle! Aide-nous à dépouiller le péché originel, 
. et que rien de mai ne ^ céms , 

Comme réponse a cette invocation , quelques sons 
doux, mais plan, tirs, se firent entendre dans la pièce, 
pms cessèrent bientôt. L'adepte , qui semblait avoir 
attendu Réponse avec anxiété, répéta la même 

rïïTïïî;- gît *•—»•*? "■?: 

rompre le silence* *? léon °«> ™«« «™f m J'. 
temps pour remar A u ma,s lade P ,e 8e rd ™ ™ 
et appliqua ses doUr?*" «velléités de désobàss-, 
de Slles marque ^f* 8 «ntre ses lèvres en donnant 
porta de nouveau ~ * n< W'«nde, que la terreur 1«- 
gnit de rester niuet. ladï Éléon » re ' et la c ° n "T 

l'adepte tremblait „ " II lni semWa *™ ta ,nam " 
beille une certai^-T momw " ° u « P ri > a™» la "; 
projeta sur la la,, quantité de poudre rouge pi» 

Une lois cette Po „® au Pou- 
tre devint rougelc r „ e a,Ils le r ™' la Sam,M " 
le miroir. Quelques r** 01 » 1 et se refl éta aussitôt dl» 
succédèrent des tt i xnstant s après, àla flammerouge 
Ua 8es de tumée ou de brouillât! 



qui roulèrent oncle paj 
et desquels s'échappai 
chaient la bordure. 
Quand ces vapeurs fur-. 
entendit un craqueroe 
Eléonore que le miroir 
en allaient tomber ça e 
dissipées, elle reconnu 
intact, et un changeme 
s'opéra alors à. ses yeux. 
tement disparu, lui lais 
lointain une espèce de taJ 
d'une église. Les lumiè 
datent continuellement, 
sombres et mates, tantôt 
nuages qui forment des im 
soleil couchant, sous l'ii; 
leurs mille nuances divi 
Un prêtre s'approcha de ? 
tait un mariage qu'on ce 
des moyens invisii>les. i 
brillamment éclairée ; le; 
Dirent très nettement &c 
fiancé qu'elle avait devai i 
mit visiblement la ftdèlt i 
n'avait pas encore eu le , 

fonde terreur, lorsqu'el 
traits étaient cachés par i 

tamment dans l'église e 
craint d'arriver trop tard 
aperçu, et il demeura oe i 

moment où le prêtre se d 

. r Coo^le 



386 — . , Je 

m, se précipita comme pour .0 en „oat 
. Dans cette ombre lad! »f r gai»^»' 
nt son. frère. Lui et 1« «•■ d .'S P^ 6 ^- 
leurs épées JW £» d'é- 



, firent avec 



l'assistance semblait lrop 'L Ë«<> oor t, 
pour songer à intervenir. 1- ' . -» * v *„ e 
même fort distinctement, oiiQ» m »'^,s.e» «V 
sndre le cliquetis des épées, encore *>"»** ^^ 
parut -»-enir de loin. Dans sa terrt^ V^^ 
in cri, et joignit les mains en disant ^f^^y 
mon frère est tué !» A peine cette excl v^ a A6S 
lie échappée de ses lèvres, que toute •^^ û4 ,w 
Ua, puis s'évanouit complètement; les 8ff .', 

;esrou\èrent de nouveau les unes sur les^^^ ^ 
mirent & leur tour. Alors-laay Éléonor qH* 1 
îe le miroir, ainsi que les divers objets- ^s(P s 
àéjà aperçus dans la chambre, et sur %- n$* 
ûtne du poêle continuait à projeter sa ^O^*"' 
de. Au même instant, les cierges allu*^^,,!*' 
î coins de la pièce s'éteignirent en renr^- 
plaintlts. „, 

font est «ni pour cette nuit-ci, dit l'adep* j#f 
grave en saisissant brusquement lamaia *L*r» 
, et plus tôt nous sortirons de cetle cE»*fii» 
n nous nous en trouverons l'un et l'autre' - es , il 
tel qnen l état où sont maintenant les ctt-^-M 
'"""ml Pas ma lheurl » LadyÊlèonores** ' ft te, 
\ „n„ 10nOt ' reconduire dans Vautr» *„«V 

,e ainsi qu'eu" ? ro,e à "> f» 3 " iïe l «™° ^ » * 
*e raconta souvent ensuit» * 



; i.Vffltflt ife j 

iiMTompre b I 
■, e ,jiî recDDDnl | 



«,y\ 



à ce moment l'effet <S*i 
frappée par la. foudre 
de tous ses traits . 

L'adepte relusa tou 
fresdelady Élêonore 
mylady, ce que j'ai fi 
en vue d'un lucre çju< 
semblable qae si j 'a 
nous courions tous < 
je n'aurais jamais oi 
moi qui en sais sur c 
pouvez vous imagin 
sains et saufs àl'heur 
une faute en parlant 
embarrassée d'une 
laquelle elle avait et 
commis une faute r 
léger frissonnement 
fait leur devoir, et c 
qu'il en ait été ainsi, 
en prenant une lami 
teuses jusqu*au bas 
ladies , vous retenu 
tard pour que des > 
ainsi à regagner se 
loppées dans les tai 
D'ailleurs, un viole 
pas plus tôt rentré. 
rents ae pluie- » 

Le premier soi 
retrouva chez ell 
d'écrire tous les d 
note exacte du J 

. r Coo^le 



388 



vf&s — - 

3 cacheta ce document en présence de Iady 
êposn. dans un meuble à secret. Quelque 
*, son frère arriva du continent. Elle lui 

dans ses voyages il n'avait rien appris ou 
iu sujet de lord James Primrose; et son 
na a lui répondre qu'il espérait bien n'en- 
riA arnais parler d'un tel misérable, puis 
tourner la conversation sur toute autre 
cvJ'iï'"- 3 '* 11 l'échappatoire à laquelle il avait 
n ~^ le °uore n'en mit que plus d'insistance 
n * e * * u i donna même à entendre qu'elle 

av _^ ra 'sons peur cela. Son frère lui avoua 
ç/ava."* effectivement revu lord Primrose; 
tait m - é dans des circonstances telles, 
•«once 1 " 16 "" 1 extrêmement pénible den- 
more in . rien 1 ue le nom de cet homme. 
an aor fr S i Sta ^P 61 " 11 "" si Bien , qu'elle lui 
i è . ïv ®. Butr « tous les détails de ce qui lui 
1 ne goci» aU fa " a Amsterda m la connais- 
"e u ni ™" Prodigieusement riche et n'ayant 
e Person„ i0 ° r ' cem '- ci '«' »Pprit que 

* ""le ^™* a " a,tsema i'ier, et ajouta qu'iles- 
'noce A oble amiu » ferait l'honneur d'as- 

qUe > Penï™ le trère de la °> Éléonore avait 
T nxx Par « T„ T* '" matinée du J»" M 

à l é eU so *,,?'' b '<"' ^pendant pouvoir se 
» s .er, c à » heure voulue. Il „. arriva 

îî*ï**«St^S. à '"T «»» «masque? le 

i«.t Ja d «viné sa *? ° rd P ™™>se, ainsi 

i«dyV OBl »« mie toT-I el pov,r sa »™»> 

" y ^«w-ose L ° "?**" ensait <> P™* 

e ' ava,,1 ""» a ns le miroir m - 



(vwJfM! / gique; seulement il n'y avait pi 

wLlWnM parce qu'on avait pn séparer 

adiffill Primrose avait disparn <i'A.Tnst» 
liaffi* Quand son frère eut tennin( 

„ ï; !litl que le jour où les faits s' étaient 

,ilt«o'»| tira du meuble à secret V écrit . 

j^ntle. pu I et toutes les circonstances qu 

l|rW waM rapportaient exactement a cel 

.priutt: être racontées. 

l(KW Lord Primrose mourut en 

l„Hn'* trouva désormais linre. t.o 

m um jeune et jolie, elle ne manqu 

WM » mais avant de se dec^r fc £., 

..«s* de la vie conjugale, e » t< 

aibM » plus obstinés de " S iTemeI ,t 

/„, l„«. lord Stair, ,ul e ."t, C '^„ re s S io 

,,»!■ ponrfaireuae vlve ." t „ u jours 

t.*. dant, ellene P ~r" ,n*on ,• e 
d» prendre une rto<" rs à 

lord Stair dut avoir r 

N*'.J ,., L. source a ■«^ande"'/. 

yojBqlWfr Êléonore eut soin (W au magicien c 

lioanenr^ mais non que la visJ V^ e en question 

n&Xtf* même jour que la 9 e j. heu re ait été 

.Ai»» « »sl impossible que Jndo , tandis 

« « 1". .e célébrait dans I» «»»* mag icwi, n 

M'f soir. Pat conséquent. i« à , arfj , £M , 

,1 pouTHHr sr vraisemblances, fait V .... accomp 

,,„„ ,< giqu. qu'un •»*°f f »/°„SSrt *W 

i.»*' * et ressembla beaucoup à un tour d t 

s»» 1 Volnay dans son Samuel; 'our^pB 
MStiHP quelques années avant lu Hevolut 

1 jjjfjjr ir père de Louis-Philippe- 

Google 



liieceqnil 

nljMllMif 



— 390 - 
îe, non plus que très original, mais dn moins effi- 
1. Il suborna un domestique, se procura nuilam- 
ît l'accès ci 'un o petite pièce située près de la cham- 
à coucher- de la belle veuve, pièce servant moitié 
moire, moitié de cabinet de toilette; et dont la 
être donnait sur l'une des rues les plus fréqaen- 
, d Edimbourg-. Lo mMin ïena> qnand M rne 

im ïTw\^T bien emplir de monde, lord Stair, i 

.T„T ' Be flt T °ù- P^ cette fenêtre à tous les 
;sants, dont, cov^.*^ v -, 

■le attira tout on pense Wen ' m f™ 1 spa> 

•il provoquait J? "* sUa ' l'attention en même temps 
convenantes o " 1 , eur V 1 '« observations les plus 
■e, d'antres se i? j u . el <in«-<iM se contentaient d'en 

ars de scandale « .""" la face ' ,aadia ' ue le! ""'" 
,nne histoire ^ se "««aient les mains d'avoir une 
une dame dont l» p us à raconter, et cela an sujet 
jnnêlamoiadi-e «onduite, jusqu'alors, n'avait pas 
,dj Elêonore put P* lse à la médisance. Tout ce que 
liqne et reprès eilt lre P° ar dél romper l'opinion pl- 
anent passés, r ut or lo s farts tels qu'ils s'étaient rêel- 
lications, et moin""""'' Plus elle s ' e P uisail ™ el " 
ussi luitallut-ii on les admettait pour vraies; 

Inir par donner s k Pour ré P a rer sa prétendue faute, 
On rapporte que main à son P eu délicat adorateur, 
mariage tort lieu.,.^ 6 nen fut pas moins pcmr cela an 
pension qu'avait i^k*' saaf P eut ~ etre l'extrême pro- 
comme plâtre to ute ne »reux mari à battre sa femme 
temps dans les vi stl S es fois qn 'il s'oubliait trop long- 
faitement reçu alorsf S rf du Sei 6 neur '< double usage par- 
que cela tirât d' ail , dar >s les mœurs anglaises, sans 
lord Stair finit p&r e urs à a^j^g,,^ Cependanti 
Un jour qu'il s'é tait ««érir tout à coup de ce défaut. 
ais sé aller à vider quelques tara- 



39i 

Mlles*, plu, qu'a l'ordinaire, le „ 

•on épouse bien-almée d un coup" 

couvrit lout aussitôt de sang. Puis 

compli cet acte d'néroïsme, il s'en a 

coucher sans avoir le moins du mon 

ce guïl venait de taire. Lads Eiéon. 

trouva que cela dépassait tout a fait 

passa le reste de la nuit étendue si 

rien tenter pour étanctier le sang 

plaie ; de telle sorte que, lorsque i 

réveilla, ses premiers regards furer 

pect d'un spectacle bien fait pour 

velle qui ne se trouvait pas encor 

gagée des fumées de l'ivresse. 11 6'ei 

doit le penser, une explication ; e 

lorsqu'il était à jeun, le noble lor 

d'élévation ni de générosité de sent 

tellement honte de lui-même, qu'il 

ment solennel de ne Jamais boire . 

son alcoolique qui ne lui eût été pre 

rée par sa femme ; serment auquel 

jusqu'au dernier »omen« a s^ 

donc ^^rêtrê de moitié; et Jn 
pouvatt P« « * e ue MlPe _ oi , dau 
passait les M- £". ,„ mome 

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rer geôles autres^ ^ ^ ^ 

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— 393 — 
Ecosse, à l'effet d'y organiser le mouvement, et lai 
donna ensuite un emploi d'ofticier dans ses gardes ; 
grade avec lequel lord Stair accompagna le roi en Ir- 
lande. 

Lord Stair fit les campagnes de la guerre de la suc- 
cession d'Espagne sous les ordres de Marlborough 
(de 1702 à 1709), passabrigadier.se distingua à Ou- 
denarde, et fut chargé de porter en Angleterre la pre- 
mière nouvelle de cette victoire. A l'école de Marlbo- 
rough, il était devenu non-seulement bon tacticien, 
mais encore diplomate habile. C'est ainsi qu'en 1709 
il alla, comme envoyé britannique, à Dresde ; mais il 
en fut rappelé à la chute de Marlborough. Georges I", 
en revanche, lui confia le commandement en chef de 
l'armée d'Ecosse, et bientôt après le nomma ambas- 
sadeur à Paris, où H exerça une grande influence , 
surtout à l'époque de la Régence. En 1730, il fut 
créé grand amiral d'Ecosse. En 1741, il prit avec le 
titre de feld-maréchal le commandement de l'année 
anglaise envoyée en Hollande, et comme il cumulait 
avec ces fonctions celles d'ambassadeur à La Haye, ce 
fut lui qui décida alors les Etats-Généraux à prendre 
part à la guerre contre la France. Le 27 juin 1743, 
il remporta la victoire de Dettingen. Mécontent de la 
direction donnée ultérieurement aux opérations mili- 
taires, où ses avis rencontraient trop d'opposition et 
d'obstacles, il donna sa démission, qu'il motiva dans 
une brochure, et se retira définitivement en Ecosse, 
où il mourut en 1749. Il ne laissait pas d'enfants, et 
ses titres passèrent aux enfants de ses frères, du plus 
jeune desquels descend le lord Stair actuel, créé en 
1841 pair du Royaume-Uni, sous le titre de baron 
d'Oxenford. 

. r Coo^le 



. r Coo^le 



SOUVAROF EN ITALIE (,) 



Le jour de son entrée dans Milan, qui venait de 
tomber en son pouvoir, Souvarof (2), avec Mêlas et 
tout le cortège officiel derrière lui , chevaucha à tra- 
vers plusienrs rues, et ne s'arrêta qu'à la première 

(1) Extrait des Mémoires du général Wardenburg(*), publiés 
en 18i3 à Oldenbourg. 

(2) Alexandre Wassiliewitch, né le 13 novembre 1729, mort 



('} Guillanme-Fr6de>ic-Cu»ia<o WinJenburg, Oli d'un minière protestant, 
ci la IS mil 1781 i Fedderwardeo, entra d'abord dan» l'armée oldcnbour- 
geoiie; (1 en sortit lire la grade d'enseigne, pour aller sertir en Italie dut 
les Ircopei russes. Recommandé d'une manière lente spéciale par Somarof 
u généril Mêlai, il entra ensuite an senice autrichien. Il était au siège île 
Génea et a la bataille de Mirengo, et après cela s'en alla-lenlr garnison b 
Knltenberg, où, en IB8S, il su décida à passer an lenice de Rusais; ce uni 
kl Fut facilité" par de pressantes recommandations qu'il obtint du prince d'Ol- 
denbourg. A quelque temps de là il [lisait partie de la grande armée rosse en 
Bohême; Il assista b U bataille d'Auslerlili, et en ISOT a celle d'Eylan. En 
1101 il faillit partie do cerna qui eniahlt II Suède, et II fat la 11 prisonnier par 
les Suédois. En 181(1, Il fui nommé aide de camp do prince Georges d'Olden- 
bourg. En 1813, Il entra avec le grade de lieutenant colonel dam la légion 
rasso-sllemando. En 1815, Il commanda, comme colonel, le contingent fourni 
par lé dn« d 'Oldenbourg b la coalition. Nommé général-major en 1813, Il 



0,0* 



— 396 — 

porte d'église qu'il trouva ouverte sur son chemin. 
Alors, sautant précipitamment à bas de sa monture, 
il fendit la foule et se dirigea vers le maître-autel, où 
bientôt on le vit se prosterner tout de son long. Après 
être resté quelque temps dans cette attitude , il se 
releva, bénit gravement son escorte, sortit de l'église, 
se remit en selle, et poursuivit sa route vers l'hûttl 
qui lui était assigné pour demeure, en continuant de 
distribuer, de gauebe et de droite, sa bénédiction an 
peuple qui se trouvait dans les rues et aux spectateurs 
qui encombraient les fenêtres. Pour bien se rendre 
compte de l'originalité de cette scène, il faut se re- 
présenter le général Souvarof montant un cheval 
cosaque sur le dos duquel on a placé une vieille selle 
allemande tout usée , avec une mauvaise chabraqoe 
garnie de franges tout effilochées , ayant pour chaus- 
sures des espèces de brodequins sur les talons des- 
quels tombaient ses bas. Sa culotte , de dimensions 
trop étroites, et d'une étoffe blanche et empesée, était 
retenue au-dessous du genou par une boucle, mais 
aucun des boutons n'en était attaché. Sa chemise, 
sans jabot ni cravate, se prétait à toutes les exigences 
de la respiration. Avec cette chemise, il portait une 
espèce de pardessus blanc fermé par des pattes. Sa 
coiffure consistait en un casque de cuir bouilli noir, 
surmonté d'une large touffe de crin noir et jaune. 
Avec le gant qu'il tenait à la main gauche il excitait 
continuellement son cheval , tandis que sa droite lai 
servait à distribuer ses bénédictions. 

11 entrait dans la disposition de marche adoptée 
par les Autrichiens et les Russes combinés, qu'une 
partie de l'armée autrichienne eût à passer le Mila; 
mais, par suite du mauvais temps et du déplorable 



— 397 — 
état des routes , le général Mêlas se vit forcé, malgré 
les ordres de Souvarof, d'arrêter ses colonnes devant 
ce cours d'ean. Souvarof en fut si irrité qu'il écrivit 
la lettre suivante à Mêlas : 

« J'apprends qu'on se plaint de ce que l'infanterie 
se mouille les pieds. La faute en est au temps. La 
marche a eu lieu pour le service du très puissant et 
très glorieux empereur. Il n'y a qu'une femmelette, 
qu'un petit-maître, qu'un fainéant , qui parle d'avoir 
les pieds secs. Les blagueurs qui rechignent contre 
un rude service sont des égoïstes à qui on doit ôter 
leur commandement. Les opérations doivent être en- 
treprises rapidement et avec la moindre perle de temps 
possible, afin de nejamais laisser l'ennemi se recon- 
naître. Quiconque se sent d'une faible santé doit rester 
en arrière. Il faut que nous affranchissions l'Italie du 
joug de ces mécréants de Français. Tout officier loyal 
doit faire le sacrifice de sa vie à un tel but. On ne doit 
souffrir dans aucune armée ce qu'on appelle des rai- 
sonneurs. De la justesse de coup d'oeil, de la rapidité 
et de l'énergie dans l'exécution ! En voilà assez 
comme ça pour cette fois. » 

Sous les murs d'Alexandrie , lorsque tout fut prêt 
pour donner l'assaut à cette place, il ordonna à un of- 
ficier de faire porter, comme parlementaire, aux 
avant-postes ennemis, une échelle d'assaut , et de se 
borner à dire à l'officier qu'on enverrait au devant de 
lui : « Souvarof fait voir celte machine-là au com- 
mandant de la place. » L'officier s'acquitta fort exac- 
tement de sa commission , et le général Gordon, con- 
naissant la signification de ce signal et le caractère ' 
de Souvarof, capitula. 

111. .r.GgPglC 



. r Coo^le 



LA LÉGION ALLEMANDE 



Elle fut créée en Russie, et réorganisée plus tard à 
Kœnigsberg. Wardenburg , qui y occupa pendant 
quelque temps le grade de chef de bataillon, nous en 
fait un tableau encore moins flatté que celui que, de 
son temps, Erselen traça du corps franc de Lutzow. 
Voici ce qu'il en dit : 

« A Kœnigsberg, accouraient tous les officiers et 
soldats prisonniers, à l'effet de s'engager dans la lé- 
gion allemande, non pas toujours mus parle louable 
désir de prendre part à la délivrance de la patrie, 
mais parce que les affaires tournaient de plus en plus 
mal pour Napoléon, et aussi parce qu'ils aimaient en- 
core mieux la nourriture substantielle qu'ils étaient 
sûrs d'obtenir de la sorte, que la maigre pitance qui 
leur était allouée â titre de prisonniers. D'ailleurs, on 
ne se montrait pas difficile en matière de recrutement, 
et on acceptait tous ceux qui se présentaient , pour 
peu qu'ils fussent en état de dire seulement quelques 
mots d'allemand. » 

UkwIc 



— 400 — 
Sur les 800 hommes que Wardenburg reçut d'a- 
bord du dépôt , à Kœnigsberg, pour compléter son 
bataillon, il y avait un grand nombre de Hollandais, 
de Suisses, de Polonais, etc. , qui comprenaient à 
peine l'allemand , quoiqu'il eût été positivement dé- 
cidé que la légion ne se composerait que d'Allemands. 
Au début, notre chef de bataillon était heureux à ri- 
dée de se sentir à la tête de 800 compatriotes avec 
lesquels il allait bientôt prendre une part active à la 
lutte entreprise pour la délivrance de la patrie com- 
mune. Mais son enthousiasme diminua singulièrement 
quand il se fut aperçu que ses subordonnes s'étaient 
bien approprié les principes corrompus et les vices 
des bas-fonds de l'armée française, mais aucune des 
bonnes qualités du soldat français. La campagne qu'ils 
venaient de faire en Russie les avait complètement 
démoralisés. Une grande partie des officiers eux- 
mêmes ne faisaient point exception , et c'est tout au 
plus si l'on pouvait se fier à leurs sentiments poli- 
tiques. Paire observer une discipline sévère à de pa- 
reilles troupes n'était pas chose facile. On ne tarda 
pas non plus à s'apercevoir qu'il s'en fallait de beau- 
coup que tous les officiers étrangers , inconnus , pri- 
sonniers ou transfuges, qui avaient demandé à prendre 
du service dans la légion allemande, et que , faute de 
papiers et de brevets (dont on s'expliquait facilement 
l'absence), il avait fallu admettre en s'en rapportant à 
leur parole, fussent réellement ce qu'ils disaient être; 
de même qu'ils ne rendirent pas à beaucoup près les 
services qu'on avait pu attendre d'eux. Des rensei- 
gnements de la nature la plus équivoque commen- 
cèrent à circuler sur bon nombre de ces officiers. Ce 
ne fut qu'en employant la sévérité la plus grande que 



— 401 — 

les chefs purent parvenir à introduire un peu de dis- 
cipline et d'esprit de corps dans cette bande sauvage. 

La légion allemande prit part à la guerre dans le 
nord de l'Allemagne, sons les ordres de Walmoden. 
Elle se battit contre Davoust et les Danois , et , plus 
tard, elle entra en Belgique. Ensuite elle passa à la 
solde du Hanovre, puis elle entra an service russe. 

La légion russo-allemande fut dissoute aux termes 
d'une convention conclue le 2 juin 1814, à Paris, 
entre l'Angleterre , la Prusse et la Russie. Il fut sti- 
pulé que les officiers allemands seraient incorporés 
avec leurs grades dans les corps saxons et belges que 
la Prusse entretenait alors, et que les anciens officiers 
russes retourneraient en Russie. Ce fut aussi la Prusse 
qui se chargea de recueillir les invalides. Quant aux 
sous- officiers et soldats, ceux qui n'étaient pas sujets 
prussiens furent rapatriés ; mais avantde s'en revenir 
chez eux, la plupart eurent encore le temps de faire 
la campagne de 1815. 



. r Coo^le 



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BUCQUOY 



Les Longneval sont une vieille famille noble du 
comté d'Artois, qui a formé deux lignes. A son nom 
primitif la ligne française a ajouté le surnom de Ma- 
nicamp, tandis que celui de De Vaux différencie la 
ligne belge. Le petit-fils d'Adrien de Longueval, ba- 
ron De Vaux , fondateur de la ligne belge, fut Maxi- 
milieo de Longueval, comte de Bucquoy, baron De 
Vaux, ministre des finances et membre du conseil de 
la guerre dans les Pays-Bas. En 1575, Philippe II 
avait érigé en sa faveur la seigneurie de Bucquoy en 
comté. Lors du siège de Tournay, en 1581, il exerçait 
un commandement ; et, quelques jours avant la red- 
dition de celte place, il fut blessé mortellement par 
la chute d'une pierre tombant du haut des remparts. 
De son mariage avec Marguerite de Lisle, dame de 
Fresne-Gceultzin, il laissait une fille, Yolande, qui 
épousa Hermann de Bourgogne, baron de Fallez, 
gouverneur du Limbourg, et un fils, Charles-Bona- 
venture. 

i- ■ . ,Coo^le 



— 404 — 

Charles-Ronaventure était né en 1571 ; à la mort 
de Maximilien, il se trouvait donc encore en bas âge. 
Alexandre de Parme, qui avait le père en estime toute 
particulière, fit venir l'enfant auprès du lit du mori- 
bond pour qu'il pût recevoir ses dernières bénédifr- 
tions; et c'est ainsi qn'il fut donné à Charles-Bona- 
venture d'assister aux obsèques solennelles faites à 
son père. La pompe toute militaire déployée à celte 
occasion, l'immense concours d'assistants et les sym- 
pathiques regrets dont ils honorèrent la mémoire dn 
défunt, produisirent une si vive impression sur l'en- 
fant, qu'il déclara au duc, son protecteur, qu'il vou- 
lait être soldat pour pouvoir être enterré un jour 
comme son père. Là-dessus le duc lui transmit la com- 
pagnie de lansquenets qui avait appartenu à son père, 
en même temps que sa charge de grand louvetier d'Ar- 
tois. À quatorze ans, le précoce enfant était déjà devenu \ 
un homme , et il accompagnait son noble guide dans 
ses campagnes en France. Après la mort du duc de 
Parme, il obtint également l'estime et la confiance de 
ses chefs ; et il était parvenu au grade de colonel, en 
1596, lorsqu'il vint rejoindre l'armée de l'archiduc 
Albert pour prendre part aux. sièges de Calais et 
d'Ardres. 

Il devint ensuite commandant d'Arras, place dont 
le maréchal de Biron tenta vainement de se rendre 
maître, et d'où Bucquoy marcha, à la tête de 2500 
hommes, snr Amiens qui venait de tomber au pou- 
voir de l'ennemi. Mais l'archiduc ayant abandonné 
cette entreprise contrairement à l'avis de Bucquoy, 
qui avait espéré qu'il allait se donner un vigoureux 
coup de collier avec les Français, Bucquoy ne put re- 
gagner Arras qu'en perdant les deux tiers de son 



— 405 — 

monde; et à peu de temps de là on vit Henri IV et son 
armée arriver sous les murs d'Arraa. Pour montrer 
combien il faisait peu de cas de l'ennemi, Bucquoy 
confia la défense de la ville aux compagnies de la 
garde bourgeoise. Ce qui fit dire à Henri [V, lorsqu'il 
prit le parti de décamper : « Je m'en vais, rien moins 
que satisfait du manque de politesse des Espagnols 
qui, au lieu de vouloir faire un pas en avant pour 
me venir recevoir, ont décliné l'honneur que je con- 
sentais à leur faire, s Mais l'archiduc, reconnaissant 
sa faute, écrivit lui-même e:i toute sincérité au roi 
Philippe : * Devant Amiens comme devant Cambrai, 
les conseils du comte de Bucquoy répondaient aux 
désirs de nos soldats ; et peut-être est-ce précisément 
pour cela qu'on ne les a suivis ni dans l'une ni dans 
l'autre de ces occasions. » 

La paix de Vervins transféra le théâtre de la guerre 
des plaines de l'Artois sur les bords du Rhin. Buc- 
quoy s'en alla rejoindre le marquis de Guadaleste (1), 
à qui l'archiduc, avant de partir pour l'Espagne, avait 
remis le commandement de l'armée. C'était pour la 
première fois qu'il lui arrivait de fouler ce sol ger- 
manique sur lequel il devait cueillir plus tard de si 
nombreux lauriers. Il ne pouvait pas se trouver à 
meilleure école : car si comme capitaine il avait plus 
de talent que son chef, en revanche celui-ci possédait 
la prudence qui manquait encore au trop impétueux 
jeune homme, dont il dut plus d'une fois réfréner 
l'ardeur. Une saison rigoureuse avait déterminé l'a- 

(1) François de Mendoca, marquis de Guadaleste, fils 
d'Ignace de Hontejar, amiral d"Aragon, commandant de Val 
de Penas, employé à diverses reprises dans des missions di- 
plomatiques, mort le 1" mars 1623, 



— 406 — 
mirai à prendre de bonne heure ses quartiers d'hiver; 
et il les avait choisis de manière à se trouver aussi en 
sûreté que possible, tandis que Bucquoy alla s'établir 
a Emmerich, place admirablement située pour une 
irruption en Hollande et en même temps pour la sur- 
veillance des provinces insurgées ainsi que des paj's 
de Clèves et de Berg. Ala première approche du prin- 
temps, on vit arriver l'ennemi ; et le comte Louis- 
Walter de Nassau, comptant sur l'embarras où allait 
se trouver Bucquoy, attaqua avec quelques régiments 
un convoi de munitions. Bucquoy n'entendit pas pins 
lût le bruit de la mousqueterie , qu'il monta a cheval 
sans s'inquiéter de savoir combien d'hommes allaient 
le suivre. Il était donc presque seul quand il assaillit 
l'ennemi; aussi, malgré la défense désespérée qu'il 
lui opposa à son tour, finit-il par succomber sous le 
nombre, et, couvert de blessures, il fut fait prison- 
nier. 

Dès qu'il put supporter les fatigues d'un voyage, il 
suivit le comte Louis-Wal ter à La Haye, où il ne tarda 
pas à recouvrer sa liberté moyennant 20,000 livres 
tournois de rançon ; et il se retira alors dans le châ- 
teau de ses pères, qu'il ne quitta plus que pour venir 
recevoir les nouveaux souverains du pays, l'archiduc 
Albert et l'infante Isabelle. Grâce à lui, à l'amiral 
d'Aragon et à de Solre , Maurice de Nassau, lors de 
la première attaque qu'il tenta contre les Pays-Bas, 
eut affaire à une armée bien équippée et parfaitement 
préparée & l'accueillir. Par leurs promesses et par l'é- 
clat qui s'attachait à leur nom , ils avaient ramené 
sous les drapeaux les soldats révoltés ; et ils avaient 
retiré et concentré les garnisons de toutes les places 
regardées comme peu sûres. Mais ce fut de leur part 



- «7 — 
une faute grave, que d'y ajouter 5000 paysans fla- 
mands aussi mal armés que mal commandés. A la 
première attaque, ces paysans prirent la fuite, parce 
que, dit-on, ils se méprirent sur le but d'une ma- 
nœuvre; et il en résulta, pour le reste de l'armée, 
une affreuse confusion. Bucquoy n'en fut informé 
que lorsque déjà il était trop tard pour pouvoir y re- 
médier. Tout au début de l'affaire, il avait reçu plu- 
sieurs blessures graves ; et il avait fallu le transporter 
loin du champ de bataille. Les suites de cette déroute 
furent cependant moins désastreuses qu'on ne l'avait 
craint d'abord , l'archiduc ayant réussi à mettre en 
ligne des troupes fraîches. Dans le premier moment , 
il voulut rejeter la responsabilité du désastre sur l'a- 
miral qui avait été fait prisonnier, et sur Bucquoy qui 
était criblé de blessures ; mais il ne tarda point à dis- 
culper complètement ce dernier. 

L'occasion qu'il saisit pour cela fat le mariage que 
Bucquoy contracta dans l'automne de l'an 1600 avec 
Madeleine de Biglia, fille d'un gentilhomme milanais 
venu dans les Pays-Bas à la suite de l'archiduc. A ce 
propos, l'archiduc montra tant de bienveillance à Buc- 
quoy, que celui-ci oublia tous ses griefs et accepta 
avec joie un commandement au siège d'Ostende, où il 
Buccéda au comte Frédéric de Bergo (1) . Mais, mécon- 
tent de la manière dont les opérations en étaient di- 
rigées par Jean Rivas, il demanda bientôt à être em- 
ployé ailleurs, et fut envoyé au secours de Bois-le- 
Duc : opération qu'il exécuta avec le plus grand suc- 

(1) Frédéric, comte dé Bergb, baron de Bosnie-ce et de 
Bylant , gouverneur et capitaine général de la province de 
Gueldre, mort le 3 septembre 1618. 

i- ■ . .Google 



— 408 — 
ces el habilement secondé par les comtes de Bergh, 
de Mansfeld et de Buren. Ils durent alors venir re- 
joindre l'archiduc à Venloo; mais ils y trouvèrent 
tout dans le plus grand désarroi , et la nuit même de 
leur arrivée, l'ennemi put enlever an détachement de 
cavalerie, qui, par suite d'ordres mal interprétés, 
avait été prendre position dans un endroit éloigné et 
isolé. Au lieu de se lancer à sa poursuite, comme le 
voulaient Bergh et Bucquoy, l'archiduc ramena ses 
troupes sous les murs d'Ostende. Bucquoy reconnut 
du premier coup d'œil qu'un tout antre esprit prési- 
dait maintenant aux opérations du siège, et que cette 
entreprise, que pendant longtemps il avait traitée de 
folie, avait cessé d'être une impossibilité. 11 rencon- 
tra , en effet , sous les murs d'Ostende Spinola (4) , 
qui désormais était seul chargé de la direction du 
siège. En l'acceptant, Spinola avait dit : « Je payerai 
tout, mais je veux tout faire. » Il confia à Bucquoy le 

(1) Àmbroise, marquis de Spinola, né à Gènes en 1569, 
amena dans les Pays-Bas 9000 Italiens qu'il soldait lui-même 
au moyen de prélèvements opérés sur les caisses publiques 
du gouvernement espagnol , et parmi lesquels il réussit à en- 
tretenir constamment la plus exacte discipline. Il prit Ostende 
en (601, à la suite d'un siège qui avait duré trois ans et deux 
mois, et fut nommé général en cher des troupes espagnoles 
dans les Pays-Bas. Le reste de la campagne fut une véritable 
partie d'échecs entre deux maîtres consommés dans leur art. 
Apres une suspension d'armes qui avait duré douze ans, ces 
deux dignes adversaires. Maurice de Nassau et Spinola, se 
mesurèrent de nouveau. Spinola s'empara de C lèves, et en 
1623, de Brada, après dix mois de siège. Mais sa santé avait 
tellement souffert de l'air malsain des marais, qu'il lui fallut 
résigner son commandement. Son dernier exploit eut lieu en 
1630, en Italie, où il se rendit maître de Casale. Il mourut la 
môme année. 



— 409 — 
commandement de son artillerie ; et ces deux hommes 
de guerre conçurent bientôt l'un pour l'autre la plus 
étroite amitié. Spinola témoignait & son jeune com- 
pagnon d'armes la confiance la plus entière, en même 
temps qu'en toute occasion il montrait pour ses avis 
une déférence parfaitement justifiée. De son côté, 
Bucquoy s'attacha avec un dévouement aveugle à ce 
profond tacticien et à ce savant ingénieur, qui n'avait 
pas de plus fervent admirateur. 

La prise d'Ostende valut à Bucquoy l'ordre de la 
Toison-d'Or, dont les insignes lui furent remis par 
l'archiduc, et sa nomination, par le roi, aux fonctions 
de membre du conseil delà guerre. Il fut alors envoyé 
vers le Rhin, où en moins de cinq semaines il parcou- 
rut en tous sens les pays de Cologne, de Juliers et de 
Berg, enlevant force transports militaires et détrui- 
sant force ouvrages de défense, pillant les bourgs et 
brûlant les villes sur son passage, de sorte que bientôt 
les plaintes les plus amères furent portées à Vienne au 
nom des populations dont les territoires étaient ainsi 
ravagés. Ces plaintes devinrent tellement vives qu'elles 
arrachèrent l'empereur Rodolphe II lui-même à ses 
rêveries et à ses spéculations astrologiques, et le dé- 
cidèrent à publier (12 septembre 1605) une lettre 
comminatoire, demeurée du reste sans aucun résul- 
tat. Elle fut suivie (1 er octobre 1606} d'une nouvelle 
et tout aussi' inutile admonestation , car Bucquoy ne 
se décida à évacuer le territoire de l'Empire que lors- 
que le moment fut venu pour lui d'opérer sa jonction 
avec Spinola : mouvement qui amena immédiatement 
la conclusion d'un armistice. 

Maintenant, Bucquoy se consacra à la paisible 
jouissance des joies de la vie de famille, jusqu'au 



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'^-«•eu^^-ce^^Uer^-çuea 

^Pete.^P'mce. I 

— ^__^ a PPro cl 



— 4M — 

une telle gravité, qu'il était impossible à l'Empereur 
et à Bucquoy de les méconnaître. Matthias adressa 
donc, sous la date du 11 septembre, à l'archiduc une 
lettre dans laquelle , faisant mention des menées cou- 
pables auxquelles n les hérétiques » se livraient ou- 
vertement dans toutes les provinces de l'Empire, il 
exprimait la résolution de s'entourer d'hommes expé- 
rimentés dans les affaires de guerre et de conseil, 
ajoutant qu'après s'en être préalablement entendu 
avec Spinola, il avait nommé Bucquoy quartier- 
maître général de l'armée impériale. L'archiduc eut 
l'air de ne considérer celte nomination que comme 
purement honorifique, et s'exprima en conséquence 
en la faisant connaître à Bucquoy. Néanmoins, il 
ie renvoya encore l'année suivante à Prague ; et dans 
les lettres que Bucquoy écrivit de cette ville en Bel- 
gique, on trouve les prédictions et les explications 
les plus positives sur les mouvements qui devaient 
éclater quelques années plus tard en Bohême. Lors- 
qu'au mois de septembre il prit congé de l'Empereur, 
celui-ci lui dit qu'il comptait bien le voir demeurer à 
son service et revenir au premier appel : ce à quoi , 
pour se conformer aux instructions qu'il avait reçues 
de la cour de Bruxelles, l'envoyé ne put répondre 
qu'en termes évasifs. L'Empereur insista de la ma- 
nière la plus pressante, tant auprès de Bucquoy qu'au- 
près de l'archiduc Albert ; mais les régents des Pays- 
Bas , qui à ce moment-là étaient très mécontents de 
l'archiduc Maximiliën (1), et qui éprouvaient quel- 
ques inquiétudes au sujet des dispositions réelles où 

(1) Né le 12 octobre 1538, grand maître de l'ordre Teuto- 
nique, mort le 23 octobre 1620. 



— 412 — 

la cour d'Espagne était à leur égard , ne sachant pas 
non plus comment celle-ci pourrait prendre la chose, 
jugèrent bon d'envoyer le comte de Bucquoy à Ma- 
drid, sous prétexte de faire complimenter le roi à 
l'occasion du mariage de son Sis. L'envoyé trouva la 
cour de Madrid bien plus favorablement disposée 
qu'on aurait pu croire. La détermination à prendre, 
relativement à ce qui le concernait , fut abandonnée 
à l'archiduc , qui , en conséquence , refusa expressé- 
ment (20 août 1616) de céder Bucquoy à l'empereur 
Matthias. 

Toutefois , une lettre des plus amicales et des pins 
pressantes, que l'Empereur lui adressa encore l'année 
d'après , détermina l'archiduc à consentir à cette me- 
sure (5 novembre 1617). La tournure donnée à cette 
affaire fut extrêmement désagréable à Bucquoy. Il ne 
songea pourtant pas à refuser, et crut trouver une 
échappatoire en exigeant pour ses services une ré- 
munération extrêmement élevée. Mais le comte Wra- 
tislaff Furstenberg (1) , envoyé de l'Empereur, et de 
longue date ami intime de Bucquoy, ne lui laissa pas 
de repos. Enûn, le 13 juillet 1618, année où com- 
mença la guerre de Trente ans , fut signé le traité qui 
devait rendre Bucquoy à jamais célèbre dans l'his- 
toire , et en même temps lui faire rencontrer une 
mort prématurée sur la terre étrangère. 

On lui accorda 2000 florins de traitement par mois, 
une indemnité annuelle de 13,000 florins, et 600 écus 

(1) Né on 1377, employé dans la diplomatie sous le règne 
des empereurs Rodolphe H, Matthias et Ferdinand II , cheva- 
lier de la Toison-d'Or ot président du Conseil antique de l'Em- 
pire, mort en 163t. Il était le beau-père du célèbre feld-raa- 
rcchal d'ilow, dit lllo. 



de Brabant à titre de gratification , an moment de la 
signature du trafté. Il quitta alors la Belgique, en 
compagnie seulement du commissaire général des 
guerres don Juan Cesate , et arriva le 13 août 1618 
à Vienne, où i) fut reçu par l'Empereur de la façon la 
plus gracieuse. Il trouva singulièrement développés 
les troubles dont il avait reconnu déjà depuis long- 
temps les premiers germes. En Bohême, il n'y avait 
plus que trois villes qui fussent demeurées fidèles à 
l'Empereur : Budweis, Krummau et Pilsen. L'unique 
général que l'Empereureût en Bohème, Dampierre (1), 
s'était retranché avec 9000 hommes à Neu-Bistritz ; 
et les États de Bohême mettaient à protit la sécurité 
que cela leur donnait, pour accroître leurs forces 
défensives et se mettre en mesnre de tenter une atta- 
que contre Krummau et Budweis. Seule , la première 
de ces places tomba en leur pouvoir. 

Bucquoy ordonna a Dampierre d'évacuer Neu- 
Bistritz à jour fixe , et de venir le rejoindre à Deulsch- 
Brod. Le 4 septembre , il arriva de sa personne dans 
un village de Moravie appelé Schorncherast, où 
avaient dû l'attendre les troupes espagnoles et wal- 
lones arrivées des Pays-Bas. Il reconnut que tous les 
détachements n'étaient pas encore arrivés, et qu'il 
ne se trouvait guère là que 4300 hommes de toutes 



(1) Henri Duval , comte de Dampierre , né aux environs de 
Metz vers l'an 1570, arrivé en Allemagne dans les premières 
années du règne de l'empereur Rodolphe II , et entré alors à 
son service; nommé colonel en 1601, en récompense d'une 
victoire par lui remportée sur Bethlen-Gabor, puis fait pri- 
sonnier à Gran , lors d'une révolte de la garnison , employé 
plus tard contre les Vénitiens et en Bohême, il périt en tflSO 
à l'assaut de Presbourg. 

i: ■ . .Google 



—'414 -- 

armes, avec quelques pièces de canon. Cependant 
il marcha de l'avant , en se confiant à sa bonne étoile. 
Dampierre , arrivé le 14 septembre , avait vainement 
tenté de s'emparer de Neuhaus ; en revanche , il avait 
écharpé 300 hommes que le comte Thurn avait fait 
marcher contre lui , et s'était rendu maître de Pil- 
gram , d'où il vint opérer sa jonction avec Bucquoy, 
qui l'attendait à Deutsch-firod. 

Bucquoy prit alors avec lui une partie de la cava- 
lerie et 2000 hommes de l'infanterie de Dampierre , 
et, ainsi renforcé, résolut d'opérer contre Prague eu 
partant des bords de l'Elbe , tandis que Dampierre 
recevait l'ordre de remonter la Sasawa , en même 
temps qu'il lui était vivement recommandé d'éviter, 
autant que possible , tout conflit avec les populations 
des campagnes de la Bohême. L'impétueux Lorrain 
oublia sa consigne , se mit à brûler sans pitié les vil- 
lages, et, attiré par le butin à faire, se dirigea sur 
Czaslau; mais il tomba dans une embuscade, et dut 
encore s'estimer trop heureux de pouvoir se retirer à 
Pilgram, avec des pertes très considérables. Bucquoy 
l'attendait toujours près d'une petite ville de la fron- 
tière appelée Polna, où il avait pris une forte posi- 
tion. Quand de là il se rendit à Pilgram (1" octobre), 
il n'y trouva plus Dampierre , et comprit bien alors 
qu'il ne lui fallait plus compter sur une coopération 
régulière de la part de celui-ci. Bucquoy tenait pour 
l'Empereur, dont la politique inclinait à la douceur 
et à la conciliation, et Dampierre pour Ferdinand et 
ses mesures de rigueur. 

Cependant, Bucquoy demeura inactif à Pilgram, 
jusqu'au moment où une armée de 15,000 hommes 
s'approcha de cette place. Il commença alors [12 no- 



— 413 — 
vembre) sa retraite sur Nenhans , à la face de l 'avant- 
garde du comte Thurn. La marche dura trois jour- 
nées", dont chacune fut marquée par des combats 
tellement meurtriers , qu'il arriva souvent que les 
combattants ne fussent séparés les uns des autres que 
par la longueur d'une pique. Les troupes impériales 
n'en continuèrent pas moins leur marche rétrograde 
sans se laisser un seul instant entamer, et dans le 
meilleur ordre : résultat dont Bucquoy fut particuliè- 
rement redevable à la bravoure du colonel de cava- 
lerie espagnole don Balthazar de Marradas (1), et de 
Guillaume de Laïnboy (2) . Le 1 9 novembre, Bucquoy 
fit halte aux environs de Budweis, et là, dans une 
position dont l'avantage compensait jusqu'à un certain 
point l'infériorité numérique de ses forces, il offrit la 
bataille, qui se prolongea très tard dans la nuit, et 
qui ne cessa que par l'épuisement complet des deux 
armées en présence, mais dont le résultat fut que 
l'ennemi décampa le lendemain matin pour s'en aller 
ravager l'Autriche, où il savait ne pas rencontrer un 
Bncquoy. Il laissait en arrière un corps d'observation 
aux ordres d'Ulrich Kinski , qui ne gêna en aucune 

(I) Commandeur de l'ordre de Malte. Venu en Allemagne 
avec son oncle, don Guillaume de San Cletnento, grand d'Es- 
pagne, il passa feld-maréchal en 1623. Nommé plus tard 
chambellan et conseiller intime, il mourut vers 1640 en Bohême, 
à l'âge de soixante dix-huit ans, sans avoir jamais connu le 
mal de tète , remarque KhevenhUller. 

(3)11 était né, vers l'an 1S80, aux environs de Gand, et 
avait suivi Bucquoy en Bohême, où il débuta par le grade de 
colonel. Il fit toute la guerre de Trente ans, parvint aux plus 
hautes dignités militaires, et mourut en Bohême dans un âge 
très avancé II possédait en Belgique les seigneuries de Des- 
senaer, Wintershoven et Corleshem. 

. r Coo^le 



façon Bucquoy, et qui , tout au contraire , lui servit 
à tenir ses troupes en haleine et à leur inspirer de la 
confiance en elles-mêmes. 

Sur ces entrefaites, il se présenta à lui un adver- 
saire de plus d'importance : Ernest de Mansfeld (I), 
qui , de même que lui , avait appris l'art de la guerre 
à la grande école des Pays-Bas. 11 était arrivé dans 
lespremiers jours d'octobre à Prague, à la tête de 4000 
hommes d'infanterie et de 300 cavaliers qu'il avait re- 
crutés et équipés lui-même. Il avait été nommé géné- 
ral d'artillerie par l'Union , et chargé de marcher sur 
Pilsen, que Félix Dorhaus ne pouvait guère défendre 
avec plus de 500 hommes. Ce n'étaient pas là des élé- 
ments de défense suffisants contre un tel adversaire. 
Mais Bucquoy répara jusqu'à un certain point cet 
échec par un brillant combat de cavalerie qu'il livra 
(19 novembre) aux environs de Budweis, et à la 
suite duquel il marcha ensuite sur Rrummau, qui ca- 
pitula après deux jours d'investissement. Bucquoy 
y laissa 300 mousquetaires flamands et 200 reitres; 
puis, avec le restant de son corps d'armée, il s'en 
alla prendre ses quartiers d'hiver en Autriche. 

Pendant l'hiver, il se rendit à Vienne à l'effet d'y 

(1) Fils naturel du prince Pierre-Ernest de Mansfeld (né en 
1517, mort en 1604), qui déjà, sous le règne de Charles- 
Quint, avait rempli les fonctions de gouverneur général des 
Pays-Bas, Je i592 à 1594. 11 était né en 1585, d'une dame de 
Malines, et avait été légitimé par l'empereur Rodolphe. Elevé 
dans la religion catholique, à la cour de son parrain l'archiduc 
Ernest, il servit d'abord l'Empereur et les Espagnols, liais, 
en 1610, le gouvernement ayant refusé de lui attribuer la 
propriété d'une partie des domaines de son përe, il embrassa 
le protestantisme, passa au service de l'Union, et mourut en 
16i8, àUrakowicz, en Bosnie. 



— «7 - 

participer à des négociations pour la paix, qui n'of- 
fraient guère de chances de réussite ; mais, fatigué du 
spectacle navrant qu'offraient tant de passions et 
d'intérêts luttant confusément et sans souci d'épar- 
gner quelques heures d'amertume au vieil Empereur 
prêt à descendre dans la tombe, il se hâta de s'en re- 
tourner à Krummau. De là, à l'aide de ponts repo- 
sant sur de doubles rangées de tonneaux vides disposés 
dans les marais à peu près impraticables derrière les- 
quels Kinski s'était parfaitement fortifié, il réussit 
à jeter f 000 hommes d'infanterie et 500 reitres dans 
Budweis , sans perdre un seul homme dans celle dif- 
ficile opération. Plusieurs engagements des plus vifs 
eurent lieu alors entre les Impériaux et les Bohèmes, 
et au total se terminèrent à l'avantage des premiers. 
Bucquov vit bien Waldstein , avec le régiment de 
1000 reitres qu'il avait recruté lui-même dans les 
Pays-Bas , et Dampierre à la tête de quelques cen- 
taines île fantassins et 300 reitres hongrois, venir 
grossir ses forces ; mais l'effectif réel de son corps 
d'armée ne dépassa pas pour cela 9000 hommes. 
C'est avec de si faibles ressources qu'il résolut de se 
jeter entre les deux armées protestantes ; et il se mit 
d'abord à la recherche de Mansfeld , qu'il rencontra 
le 10 juin à Nadelilz. L'avant-garde impériale , com- 
mandée par Dampierre, plia d'abord. Elle fut rempla- 
cée par des reitres wallons, dont la charge fut telle- 
ment irrésistible, que l'ennemi dut se réfugier dans 
une place entourée de murailles et de fossés , où il 
opposa encore la résistance la plus désespérée, et se 
fit massacrer jusqu'au dernier homme. Le village fut 
livré aux flammes ; mais Bucquoy traversa l'incendie 
pour aller attaquer Mansfeld, qui, en cet instant 



— 4)8 — 
même, prenait ses dispositions pour battre en retraite. 
Comme l'infanterie de Bucquoy était restée en ar 
rière de sa cavalerie, il plana pendant quelque temps 
un peu d'incertitude sur l'issue du combat acharné 
qui s'engagea alors. Un ordre mal compris ayant 
amené un vide dans les rangs de l'ennemi, Bucquoy, 
avec son coup d'œil d'aigle, eut bientôt saisi le moment 
décisif, et mit l'ennemi en pleine déroute. Mansfeld 
essaya encore de résister derrière un retranchement 
construit avec des chariots du train des équipages ; 
mais à la fin il lui fallut se retirer à Pilsen avec les 
débris de son monde. 1100 morts , autant de pri- 
sonniers, T drapeaux, 2 canons, et toute la corres- 
pondance de Mansfeld tombée aux mains du vain- 
queur : tels furent les trophées de celte victoire. Elle 
fut remportée le jour même où le sang-froid de Fer- 
dinand résistant aux barons rebelles, et l'heureux 
secours des reitres vallons arrivant juste au moment 
nécessaire, sauvaient l'Autriche. Ferdinand avait 
écrit à Bucquoy pour que celui-ci eut à lui faire pas- 
ser des renforts; mais Bucquoy, qui ne voulait point 
se démunir, avait ordonné au gouverneur de la cita- 
delle de h rems d'envoyer à Vienne, sous les ordres 
du colonel Gebhard Saint-Hilaire(l), 300 retires wal- 
lons du régiment de Dampierre. Ils arrivèrent à l'in- 
stant même où Ferdinand se sentait hors d'état de 
résister davantage, et où André Tschernembel (2) le 
saisissait par les boutons de son pourpoint en s'é- 

(1) Un Lorrain, Gis d'un capitaine d'artillerie: fonctions qu'il 
remplit aussi plus lard lui-même. 

(2) 11 s'enfuit plus tard à Prague, devint président du conseil 
de la guerre, se rendit ensuite à Heidolberg, et mourut, en 
1030, à Genève, dans une profonde misère. 



— «9 — 
criant : « Mon fils! rends-toi, il faut signer! (1) » 
C'est à ce moment que retentit dans la cour du châ- 
teau impérial le cri : « Les Wallons ! n suivi du bruit 
de leurs trompettes, et aussitôt les orgueilleux révol- 
tés de s'enfuir précipitamment dans toutes les direc- 
tions. Ce trait d'audace valut au colonel la charge de 
grand maître des pêcheries, en souvenir de ce que 
c'était par la Porte dite des Pêcheurs , la seule don 
les Bohèmes n'eussent pas pris le soin de s'assurer, 
qn'ii avait pénétré dans le château. On accorda au 
régiment le privilège exclusif de pouvoir entrer an 
son de sa musique dans le château impérial. 

Bucquoy n'eut pas seulement à lutter contre les 
difficultés que lui créait l'infériorité numérique de ses 
troupes relativement à celles de ses adversaires, il 
lui fallut encore combattre l'hostilité mal déguisée de 
tous tes fonctionnaires de l'ordre militaire, qui , pour 
se venger de la sévérité avec laquelle il réprimait 
leurs déprédations et leurs concussions, s'attachaient 
à le laisser dans l'embarras, de même que la jalousie 
de Dampierre. Mansfeld réunit une nouvelle armée ; 
Kinski couvrait Neuhaus, et le comte Thurn était at- 
tendu à chaque instant en Rohéme. Bucquoy, d'ac- 
cord avec Dampierre et Marradas, n'en déploya 
qu'une plus infatigable énergie : dans l'espace de 

([) On voulait qu'il signât l'acte d'union des Etats d'Autriche 
avec les Bohèmes. Dans la nuit du 6 juin il avait déjà du 
résister à un bien rude assaut, quand le château impérial 
ayant été attaqué par les bandes aux ordres de Thurn, la 
fusillade l'avait chassé, de ses appartements. Il avait alors 
passé la nuit à genoux en prières devant un crucifix, et n'avait 
quitté cette attitude qu'en croyant entendre une voix mysté- 
rieuse qui lui disait : Ferdinande, non te daeram ! 



vingt-sept jours il eut conquis tes clefs de vingt villes 
et d'un grand nombre de châteaux forts de la Bo- 
hême. 

Des événements politiques d'une grave importance 
suspendirent alors en fait les hostilités pendant quel- 
que temps. Ferdinand était inopinément accouru à 
Francfort, où il avait été élu empereur parce qne 
Maximilien de Bavière, son seul concurrent redouta- 
ble, avait eu la sagesse de se retirer. D'un autre côté, 
les Bohèmes avaient élu pour roi l'Eiecteur-palatin 
Frédéric, qui avait accepté la couronne qu'on lui of- 
frait. Cette élection et son acceptation étaient deux 
actes d'une égale imprudence. Frédéric n'était pas 
l'homme qu'exigeaient les circonstances , et il n'ap- 
porta point aux Bohèmes la puissante assistance dont 
ils avaient besoin. En effet, son beau-père, le roi 
Jacques I" d'Angleterre , ne le secourut point; et 
comme réformé , il avait pour adversaires les protes- 
tants luthériens. D'ailleurs il ne comprenait pas le 
coté national du mouvement bohème , qui était bien 
plus une affaire d'opposition politique nationale que 
réellement basé sur le terrain des questions de foi re- 
ligieuse , lesquelles , dans toute cette guerre , ne fu- 
rent pour beaucoup qu'un prétexte et un masque. 

Alors on vit la guerre civile recommencer avec un 
redoublement de fureur. Bucquoy fil tout pour en 
adoucir les horreurs. Il chargea Marradas et Wald- 
stein de poursuivre et de chasser du pays les bandes 
hongroises et polonaises qui avaient déserté les dra- 
peaux de l'Empereur pour parcourir les campagnes en 
les pillant et en les dévastant. Son quartier général fut 
longtemps établi à Mirowetz, petit village situé sur la 
rive gauche de la Moldau , d'où il pouvait surveiller 



— «I — 

dans tontes les directions les mouvements de ses adver- 
saires. Le 28 septembre, il s'en éloigna à la nouvelle 
d'une formidable invasion dont on était menacé par 
les Hongrois. Il en instruisit Dampierre, qui occupait 
une position avantageuse sur les frontières de la Bo- 
hême et de la Moravie ; accourut àBudweis, où il éta- 
blit Marradas en qualité de gouverneur ; puis se diri- 
gea vers l'Autriche, à la tête d'un corps d'armée dont 
divers renforts avaient porté l'effectif à un chiffre de 
16,000 hommes. Sur toute sa roule, il trouvâtes po- 
pulations protestantes hostiles, et travaillées par leurs 
prêtres ainsi que par des émissaires de Bethlen-Ga- 
bor. A Uoorn , il lui fallut se faire ouvrir les portes 
à coups de canon. A Roetz, Dampierre vint le rejoin- 
dre avec les débris de son corps, que la trahison et la 
défection venaient de décimer. En vain Bucquoy 
tenta de faire accepter une bataille à l'ennemi, en ca- 
nonnantpendant une journée les murailles deZnaïm. 
Il repassa la Tbeiss et suivit lentement le bord du 
Danube. ABisamberg, il repoussa victorieusement , 
avec son artillerie , une attaque tentée contre son ar- 
rière-garde , et sur les rives du Danube il opéra sa 
jonction avec l'archiduc Lêopold (1) venu au devant 
de lui avec une partie de la garnison de Vienne. Dans 
les journées des 25 et 26, il lui fallut effectuer le pas- 
sage du Danube au milieu de combats incessants dans 

(1) Léopold-Guillaume, second fils de l'empereur Ferdinand 
et de Marie-Anne de Bavière, né le 6 janvier 1 61 i. Dès l'âge 
de seize ans il était pourvu de neuf hautes dignités ecclésias- 
tiques. De 1846 à 1656, il remplit les fonctions de gouverneur 
des Pays Bas espagnols, et il fut ensuite le tuteur de son ne- 
veu l'empereur l.éopold. C'était un prince bon, sensé et ami 
des arts. Il mourut le 30 novembre 1663. 

m. 0KOOO, 



.— m — 

lesquels Waldstein se distingua aussi d'une façon 
toute particulière. Il réussit, sous le feu continuel de 
l'ennemi, à transporter sur l'autre rive du fleure tout 
son corps d'armée avec son artillerie et ses bagages , 
dans un ordre que les écrivains contemporains ne 
savent trop admirer, et en ayant soin de détruire 
tous les ponts après lui. Il eut dans cette circonstance 
le bras fracassé par un coup de mousquet. 

Mais quand le colonel Rodolphe Tiefenbach (1), 
qui avait été envoyé contre Presbourg, s'en revint 
seul, apportant la nouvelle que son régiment avait été 
exterminé, que Presbourg était au pouvoir de Beth- 
len-Gabor, et l'armée du vice-roi anéantie, Bucquoy, 
oubliant sa blessure, courut à la rencontre des Hon- 
grois à la tête de ses cuirassiers. Il attaqua leur avant- 
garde avec une incomparable énergie, et il s'engagea 
alors une lutte effroyable. Toujours à la tête des 
siens, il est entouré et reconnu. On lui arrache sa 
riche armure, et un coup de sabre lui découvre le 
cou. Mais chacune de ces insultes est immédiatement 
vengée par la mort d'un ennemi ; et , quoique le bras 
en écharpe et pouvant à peine conduire son cheval , 
il parvient àse dégager, à rallier ses cavaliers et à se 
retirer en bon ordre. 

Quand les bandes sauvages qui venaient d'épou- 
vanter Vienne eurent battu en retraite , il s'occupa 
d'abord de nettoyer le duché des hordes de l'Ukraine 
et des maraudeurs hongrois, et songea ensuite à rem- 

(1) Devenu plus tard feld-maréchal et membre du conseil 
intime. Son régiment d'infanterie, créé en 1619, est le plus 
ancien de l'armée autrichienne et subsiste encore de nos jours. 
Des lerres confisquées à Wallenstein il obtint pour sa part 
les domaines de Kumbourg et d'AulibiU. 



plir l'engagement qu'il avait pris de lever et d'orga- 
niser dans les États héréditaires un corps d'année de 
20,000 hommes; et, pour cela, il lui arriva de l'ar- 
gent d'Espagne, de Rome et des Pays-Bas. Parmi les 
officiers des nombreux détachements qui vinrent sol- 
liciter l'honneur de servir sous ses ordres, on remar- 
quait surtout des gentilshommes belges, entre autres 
un Guillaume de Melun (I), un Charles de Croy (2), 
Ernest de Suys, baron de Clingelandt, qui, plus tard, 
en sa qualité de commandant de Prague, figura parmi 
ceux qui se prononcèrent contre Waldstein : ce qui 
lui valut le grade de quartier-maître général , et, en 
1645, le titre de comte de l'Empire ; Albert de Ligne- 
Aremberg (mort en 1674], prince de Barbençon, 
comte d'Aigremont ; Maximilien de Billéhé, tué en 
1634 à la bataille de Nordlingen , et fils du baron de 
Vierset; Jean Bette, baron de Leede, qui, en 1619, 
avait amené à Bucquoy 500 cuirassiers recrutés en 
Belgique, mais qui, à Eichsteedt, se laissa surprendre 
et battre par les troupes de l'Union ; François de 
Morialmé; Albert de Gavre , baron d'Inchy ; Charles 
de Mazures ; Alexandre de Bon mon ville , comte de 
Hennin-Liétard (né en 1586, mort à Lyon le 26 mars 

(1) Guillaume de Melun , prince d'Espinoy, marquis de Ri- 
chebourg, comte de Beaussart, sénéchal de llainaut, chevalier 
de la Toison-d'Or, envoyé plus tard à diverses reprises, par 
l'Espagne, en Hollande et en Allemagne, mort le 10 sep- 
tembre 182S. 

(2) Charles-Alexandre de Croy, Caslellan héréditaire de 
Mons, marquis d'Havre, comte de Fontenay-le-Chaleau, che- 
valier de la Toison-d'Or, assassiné à Bruxelles le 9 novembre 
1624. Son frère Ernest, baron de Fenestrange, et son cousin 
François, baron de Noirthout, combattaient sous ses ordres 
à la bataille de Prague. 

. r Coo^le 



— 424 — 

1656); François d'Herzelles, Jacques d'Ârlin, baron 
de Bornival. Cette organisation une fois terminée, 
c'est-à-dire vers la fin du mois de janvier 1620, Buc- 
quoy entra en campagne et marcha d'abord contre 
Mansfeld, qui venait de remporter des avantages sur 
diverses garnisons de places de frontières. 

Mais Mansfeld, rappelé à Prague, avait remis le 
commandement au jeune baron de Fels, qui commit 
l'imprudence de trop s'avancer. Attaqué (21 février) 
à Langenlois par Bucquoy , il fut mis complètement 
en déroute à la suite d'un combat opiniâtre qui dura 
six heures, et qui lui coûta au moins 1 ,200 morts et 
autant "de prisonniers, plus la perle de six drapeaux, 
de deux étendards et de deux pièces de campagne. 
Les jours suivants, les Impériaux soutinrent égale- 
ment de victorieux combats à Eggenburg et à Burg- 
schleinitz. On résolut alors de marcher sur Prague ; 
mais un délai de quinze jours était nécessaire pour 
approvisionner l'armée, et pendant ce temps-là, l'en- 
nemi prit des dispositions par suite desquelles il fallut 
renoncer à cette opération. Christian d'Anhalt s'était 
si bien retranché de l'autre côté d'Eggenburg avec 
12,000 hommes et une nombreuse artillerie, qu'une 
attaque désespérée, tentée pendant deux jours contre 
ses lignes par les Impériaux , demeura infructueuse. 
Bucquoy déplora surtout la perte du colonel des 
reîtres wallons, le baron Miromont, resté sorte champ 
de bataille avec 1-10 des siens. La cavalerie impériale 
vengea la mort de ces braves en décidant (21 avril) 
le gain de la bataille de Sitzendorf, qui coûta aux 
Bohèmes deux généraux, Fels et Haugwitz, et la fleur 
de leur noblesse. Bucquoy mit à profit le désordre et 
la confusion qui furent le résultat de cette déroute 



— «5 — 

pour l'ennemi, et reprit quelques villes et châteaux 
forts du duché qui étaient jusqu'alors demeurés en 
son pouvoir. Par compensation, les Impériaux per- 
dirent d'autres places sur les frontières de la Moravie. 
A ce moment, son beau-frère, le comte de Biglia , 
qu'il avait envoyé à Krems annoncer à l'Empereur la 
victoire remportée à Sitzendorf , lui rapporta l'heu- 
reuse nouvelle qne le duc de Bavière s'avançait vers 
le Danube à la tête de 30.000 hommes. Tilly com- 
mandait l'armée* de la Ligue et avait également sous 
ses ordres un certain nombre de gentilshommes belges. 
DeMortaigne (1) était colonel de 3,000 arquebusiers, 
le comte de Bronckhorst (2), quartier-maître général 
de l'infanterie ; Van der Nerseer, Van Liedeloo , de 
Virmondt , colonels de cavalerie. Bucquoy opéra sa 
jonction avec le duc à Neu-Polda. Dans le conseil qui 
fut tenu immédiatement, il combattit vivement l'opi- 
nion de la majorité qui prétendait qu'il fallait mar- 
cher immédiatement sur Prague, et soutint qu'en rai- 

(1) Deux frères Mortaigoe, Cornélius-Gaspard , duquel il est 
ici question , et Christophe, servirent d'abord la Ligue, mais 
passèrent plus tard au service de Suède. Cornélius fut aussi 
employé par les Suédois dans diverses missions diplomatiques, 
et jouissait d'an grand crédit auprès de Baner. Apres la mort 
de Baner, il devint feld- maréchal au service de Hesse, et il 
mourut au champ d'honneur le 18 juillet 1648. 

(2) Jean-Jacques, comte de Bronckhorst et Anholt, baron de 
Batenburg, Mullendonck, Bar et Latoumb, seigneur de Neuwer- 
burg,, Drachenfelset Meular, né en 1580, comme Bucquoy, per- 
dit, jeune encore, son père sous les murs de I.ochem (1585), 
fit son apprentissage de l'art de la guerre à l'école de Spinola, 
entra ensuite au service de la Ligue, se distingua en Bohême, 
contre les Brunswickois, contre Haosfeld et contre les Danois, 
reçut l'ordre de la Toison-d'Or, fut créé comte de l'Empire , 
puis feld maréchal, et mourut de la pesle le 19 octobre 1630. 



— «c — 

son de l'état avancé de la saison et des difficultés qu'on 
éprouverait à nourrir l'année, il valait mieux prendre 
des quartiers d'hiver en Moravie. Il ne put faire pré- 
valoir son avis contre les désirs du duc , contre l'ar- 
deur guerrière de Tilly, et surtout contre le fanatisme 
du général des Déchaussés, le P. Dominique deJesus- 
Maria ; et il dit alors à Tilty : a Eh bien ! baron , dè- 
péchons-nous de vaincre, ou préparons-nous a mourir 
de faim ! u Toutefois, il éprouva encore une consola- 
tion à Budweis, point vers lequel Primée se mit im- 
médiatement en marche. Guillaume Verdugo (1) ve- 
nait d'y arriver de Milan à la tête de 8,000 Espa- 
gnols, ce qui porta l'armée de la Ligue à un effectif 
de 50,000 hommes. Le duc de Bavière commandait 
les troupes allemandes ; les Espagnols, les Belges, les 
Italiens et les Polonais, étaient sous les ordres de 
Bucquoy. 

Les deux années prirent des routes différentes , 
et se rejoignirent trois jours plus tard sous les 
murs de Pilseck. Cette ville essaya de résister ; mais 
après trois jours d'investissement, le commandant 
de la place, ne recevant point de secours, demanda à 
capituler, en suite de quoi un armistice fut conclu. Par 
malheur, six mois auparavant, le commandant espa- 
gnol de cette même place, don Martiuez de Uuerta , 
avait été égorgé par ses soldats , qui avaient livré la 
ville à l'ennemi. Les Wallons brûlaient de se venger, 
et, malgré la conclusion de la suspension d'armes, un 
de leurs régiments franchit les murs et massacra la 

(t) Né en 1578, mort à Kreuznach le 1s janvier 1629. Il 
obtint la seigneurie de Dupau, enlevée à Schlick, et celle de 
Maschau, confisquée sur Staropach ; mais sa race s'éteignit 
bientôt. , - - , 



— «7 — 
garnison jusqu'au dernier homme. Arrivèrent ensuite 
les Cosaques, qui auraient mis la ville tout entière à 
feu et à sang, si le duc Maximilien et Bucquoy n'a- 
vaient pas su , l'épée à la main , contraindre ces fu- 
rieux à rentrer dans Tordre. Les places se rendirent 
alors les unes après les autres, et quand ii prenait 
possession d'une nouvelle ville, le duc avait habitude 
de dire : « Ce sont encore ces diables incarnés de 
Wallons qui nous ont ouvert les portes de celle-ci !» 
Toutefois, sous les murs de Pilseck, où l'on se trou- 
vait avoir Mansfeld en face, on se laissa arrêter assez 
longtemps par des semblants de négociation; puis 
enfin on se décida à marcher sur Prague. 

A Radnilz , où avec l'avant-garde Bucquoy avait 
personnellement pris part avec plus de passion qu'il 
ne_ convient à un chef d'armée à un combat entre. 
Wallons et Hongrois qui se termina par la prise de 
cette place, il reçut un coupde feu dans le bas-ventre, 
de sorte qu'il fut alors pendant quelque temps sans 
pouvoir monter à cheval, et qu'il lui fallut se faire 
porter en litière. Mais il ne continua pas moins pour 
cela à diriger les opérations avec une énergie morale 
qui lui faisait aisément oublier la douleur de sa bles- 
sure. Cette fois encore, dans le conseil de guerre, il 
émit l'avis qu'au lieu de s'en aller attaquer la formi- 
dable position que l'ennemi occupait sur le Weissen- 
Bercj, il valait bien mieux se jeter sur Prague et s'en 
emparer d'un coup de main ; mais au bruit du canon 
qui vint interrompre la délibération , il se laissa ga- 
gner par l'enthousiasme général et s'écria alors : 
« Allons, Messieurs, il nous faut maintenant remuer 
nos bras au lieu de nos langues! » La veille de labâ- 

i: ■ . .Google 



— «8 — 
taille, les Wallons, commandés par le vieux colonel 
Gancher le Bourguignon , avaient déjà réussi à sur- 
prendre un village situé au pied du Weissen-Berg, où 
ils avaient massacré des reîtres hongrois à s'en dé- 
mettre les bras, puis ils s'en étaient revenus , rame- 
nant un riche butin en chevaux. Le village en feu 
éclaira leur retour. 

Ce fut par une froide et sombre journée de novem- 
bre que se livra la célèbre bataille qui décida et con- 
firma la soumission de la Bohême sous le sceptre de 
la maison d'Autriche. Vers midi, le brouillard, en se 
dissipant, donna le signal de l'attaque. Bucquoy, qui 
avait quitté sa litière, commandait l'aile droite, le duc 
et Tilly l'aile gauche. Chefs et soldats firent leur de- 
voir. Pendant la première demi-heure , on se borna à 
se canonner. Christian d'Anbaltmiten fuite deux .ré- 
giments de reîtres impériaux ; Bucquoy lui opposa 
Guillaume Verdugo et ses Wallons qui eurent bien- 
tôt dispersé les reîtres d'Ànhalt, et qui s'emparèrent 
en outre d'une des batteries de l'Union. Tilly envoya 
te colonel Kratz attaquer l'ennemi en flanc, mouve- 
ment qui jeta dans ses rangs la plusgrande confusion. 
Verdugo prit un étendard de sa propre main et fit en 
outre le prince prisonnier. Les affaires n'allaient pas 
moins bien a l'aile gauche, et moins d'une demi-heure 
après, l'armée impériale avait remporté la plus com- 
plète des victoires. 

Au bout de.quelques heures, Bucquoy vit arriver 
à son quartier un parlementaire qui venait lui annon- 
cer que la garnison du château fort situé sur le 
IVeissen-Berg ne voulait se rendre qu'à lui , parce 
que sa générosité lui était connue et qu'elle croyait 

Google 



pouvoir l'invoquer. Bucquoy donna aussitôt au baron 
Philippe de Mérode (1), dont le frère venait- d'être 
tué, l'ordre d'aller, occuper le château avec 200 hom- 
mes. Mérode , en accomplissant cette mission , fit 
preuve d'autant de courage que d'humanité. Il défen- 
dit la vie de ses prisonniers et le riche mobilier du 
château contre la fureur des autres troupes. Dans cette 
mémorable affaire, les Belges qui avaient suivi Buc- 
quoy en Allemagne fournirent amplement tribut à la 
mort; et parmi ceux d'entre eux qui restèrent au 
champ d'honneur, on cite le colonel de la Croix , 
M. de la Motte (natif de Mons), qui commandait un 
régiment de cuirassiers wallons, Jean de Mérode, les 
capitaines de Mazures , de Villers et de Domprée , le 
lieutenant Trieux et deux enseignes. 

Quand, après la bataille, Bucquoy s'en alla visiter 
les blessés, qu'il fit aussitôt transporter dans les hôpi- 
taux, les démonstrations de joie et de reconnaissance 
que lui prodiguèrent ces malheureux formèrent la 
scène la plus saisissante et la plus touchante. Ceux 
qui avaient conservé le plus de forces se pressaient 
autour de lui et embrassaient ses genoux en l'appe- 
lant leur père. Quelques-uns lui montraient en riant 

(1) Jean et Philippe de Mérode entrèrent au service de l'Em- 
pereur dès le commencement de la guerre. Jean , baron de 
Petersen, se distingua d'une manière toute particulière à l'af- 
faire de Radelitz ; mais fut tué sous les murs de Prague, à la 
tète de 800 cuirassiers wallons. Philippe, baron de Warroux, 
fit la guerre en Bohème, en Moravie, et dans le Palatinat, puis 
s'en revint en Belgique, où il fut créé marquis de Waterloo 
par le roi d'Espagne, et où il mourut en 163B. On l'a souvent 
confondu avec le comte de l'Empire Jean de Herode-ThiEnt , ■ 
qui fut tué, avec le grade de général, en 1633, à l'affaire d'Où 
deldorp, près d'Hameln. 

i: ■ . CoO^lc 



— «0 — 
leurs blessures. D'autres, de qui la mort s'approchait 
et qui le savaient, lui rappelaient leurs commuDes 
campagnes et bénissaient son nom. 

De Prague , Bucquoy avec ses Espagnols et ses 
Wallons, marcha sur Karlstein (13 décembre), dont 
la garnison capitula immédiatement, parce qu'elle se 
composait surtout d'auxiliaires anglais que le roi 
Jacques avait envoyés à son gendre , et qui crurent 
que la fuite du roi avait mis fin à leur mission. Grâce 
à ce succès inattendu, les Impériaux purent pénétrer 
en Moravie, où bientôt Iglau, Trebitsch et vingt au- 
tres villes tombèrent en leur pouvoir. Znaïm elle- 
même fut réduite à capituler, et les États de Moravie 
tirent leur soumission à Bucquoy , qui les renvoya à 
la décision de l'Empereur. 11 termina lacampagne en 
dispersant une bande de brigands qui, venus de Hon- 
grie, infestaient les frontières, et en occupant Skalitz 
et Treuschin; après quoi il alla prendre ses quartiers 
d'hiver à Olmutz. 

Au commencement de janvier 1621, après avoir 
temporairement remis le commandement au brave 
Guillaume Verdugo, il se rendit à Vienne à l'effet d'y 
conférer avec l'Empereur au sujet des mesures à 
prendre pour amener la soumission de la Hongrie, 
etobtenir de ce prince qu'il lui donnât un successeur. 
Son désir le plus ardent était en effet d'aller jouir 
de sa gloire au sein de sa patrie, au milieu de sa fa- 
mille et de ses amis. Mais l'Empereur ne voulut à 
aucun prix lui accorder son congé et le combla de 
nouveaux témoignages de sa faveur. Il lui avait déjà 
octroyé le comté de Gralzen ; il lui fit don maintenant 
du magnifique domaine de Rosenberg en Bohême et 
de diverses autres grandes terres. Lors de la présen- 
CooqIc 



— «1 — 

tation solennelle des trophées de la campagne qui 
s'était terminée par la journée du Weissen-Berg, 
Bucquoy était placé près de l'Empereur; et chaque 
fois qu'un guerrier venait déposer un drapeau enne- 
mi aux pieds du monarque, Bucquoy lui nommait le 
liea du combat et le régiment qui avait pris ce dra- 
peau. Quatre-vingt-cinq drapeaux, bannières ou éten- 
dards pris en moins de trois mois furent ainsi présen- 
tés à l'Empereur, qui, dans le sentiment de satisfac- 
tion qu'il éprouvait, se décida enfin à accorder à 
Bucquoy l'autorisation de s'en retourner en Flandre, 
aussitôt que Bethlen-Gabor aurait mis bas les armes. 
Le héros n'était pas destiné à voir arriver ce beau 
jour. 

Bucquoy alla rejoindre Verdugo et son année sur 
les frontières de la Hongrie, puis se mit en marche 
contre Presbourg, où Bethlen-Gabor avait jeté quinze 
mille hommes. La place n'en fut pas moins forcée de 
capituler, malgré les immenses moyens de défense 
qu'ony avait accumulés; et Bucquoy y fit son entrée 
solennelle, tandis que la garnison se réfugiait encore 
dans le château fort en y arborant le drapeau rouge. 
En dépit de toutes les représentations que lui adres- 
sèrent ses officiers, Bucquoy donna des ordres pour 
qu'une revue générale de ses troupes eût lieu sur la 
place située en avant de ce château. A trois reprises 
on tira sur lui du haut des murailles, tandis qu'il 
passait devant le front de ses troupes. A la troisième 
décharge, son cheval se cabre et Bucquoy se contente 
de sourire. Cinq jours plus tard, le château capitulait 
à son tour, et la garnison obtenait les honneurs de la 
guerre. Saint-Georgen , Pœsing, Modem, Allenburg, 
Tyrnau, Neylra, et l'île de Schiitt, suivirent cet exem- 



— 432 — 

pie et reçurent des garnisons impériales. On marcha 
alorssurrieuhœusel, où commandait le comte Thurn. 
Là, chaque jour Bucqnoy quittait son camp pour aller 
reconnaître le pays, et dans l'une de ces promenades 
il lui arriva d'être surpris par plusieurs centaines de 
Hongrois, que ses braves Wallons réussirent toutefois 
à repousser. Comme les hordes de Bethlen-Gabor 
ravageaient de plus en plus les campagnes en enle- 
vant les convois, il fallut protéger les reconnaissances 
et les expéditions à la recherche du fourrage par de 
plus forts détachements de troupes: d'où résultait ré- 
gulièrement une sortie des assiégés, qui souvent ame- 
nait des engagements d'une extrême vivacité. Le 
3 juillet 1621, à un mille de distance du camp, an 
transport qui s'y rendait se trouva attaqué par des 
forces supérieures. Bucquoy,en ayant été instruit, ne 
prit pas même le temps de s'armer complètement; 
se jetant précipitamment à cheval, il accourut sur le 
lieu du combat, suivi seulement d'un détachement de 
cavalerie et «le quelques fantassins. Quand il fut ar- 
rivé, il reconnut bien vite que la partie n'était pas 
égale ; mais, encourageant ses gens de la voix, du re- 
gard et du geste, il met résolument le sabre à la main 
et se précipite sur l'ennemi. Son cheval est frappé en 
plein poitrail et s'affaisse sur lui. Bucquoy continue 
de se défendre, mais un coup de lance retend à moi- 
tié mort sur le terrain, où bientôt l'ennemi l'achève. 
Un comte hongrois appelé Ladislas Sturzo se vanta 
plus tard d'avoir porté au feld-maréchal le coup 
qui lui avait arraché la vie. II avait reçu seize bles- 
sures. Sa mort enflamma tellement le courage de ses 
soldats, qu'ils repoussèrent l'ennemi victorieux et 
réussirent, bien que singulièrement réduits en nom- 



— «s — 

brp,, à rapporter le corps de leur glorieux général 
dans leur camp. 

Le 31 juillet, an convoi aussi brillant que nom- 
breux traversait entre une double haie de soldats les 
mes de Vienne en se dirigeant vers l'église des Cor- 
deliers, où un caveau attendait béant le corps du feld- 
marèchal Bucquoy. Le vœu qu'avait exprimé l'enfant 
était rempli: il avait reçu les derniers honneurs ren- 
dus à la mémoire du guerrier d'une manière plus ma- 
gnifique encore que son père. 

La patrie du héros porta également son deuil. L'ar- 
chiduchesse-infante, qui était récemment devenue 
mère, exprima à la famille du défunt sa douloureuse 
sympathie. Le recteur de l'Université de Louvain, 
Erycius Putaneus, écrivit en latin une lettre de con- 
doléance au fils du feld-maréchal, et à ce propos lui 
rappela qu'il avait entretenu une longue et savante 
correspondance avec son glorieux père. Vernulseus 
composa en son honneur une oraison funèbre (1). 
Lambert de Vlierden célébra les campagnes de Bohême 
envers latins, Dyonisius Coppaeus écrivit un panégy- 
rique, Olivier de Wree traduisit le discours deVernu- 
lEeus en vers flamands. 

L'Empereur voulut donner Henri de Bergh (2) pour 

(1) Laut posthuma Bucquoi supremi S. Caiareœ MajeslatU 
exercitus pmfecti a qvinque militibiu Wallon-Belgo, lUUû, 
Germano, Hispano, Cosacco-Polono celebrata. Stylo Nicolai 
Vernulœi. Lovani, 1632. 

(2) Né à Brème, en 1573, de réfugias des Pays-Bas; il entra 
en 1591 au service de l'Espagne, filles mêmes campagnes que 
Bucquoy dans sa jeunesse, et, en 1604, se distingua à ta dé- 
fense d'Oldensee. En 1618, il fut nommé commandant des 
troupes espagnoles dans les Pays-lias , et succéda ensuite à 
son frère Frédéric en qualité de gouverneur des provinces de 



— 4M — 

successeur & Bucqnoy, mais celui-ci déclina an tel 
honneur. Autant en fit Caraffa {1), autre compagnon 
d'armes de Bucqnoy. Bethlen-Gabor honora digne- 
ment la mémoire de son illustre adversaire en con- 
traignant les Impériaux à lever le siège de NeuhsBusel, 
en leur reprenant le plus grand nombre des places 
dont il s'était rendu maître, et en pénétrant au cœur 
de l'archiducbé, où il livra aux flammes plus de doute 
cents villages, hameaux et châteaux (2). 

Bucquoy laissait un fils unique, Charles-Albert, 
chambellan de l'empereur Ferdinand, conseiller de 
guerre du roi d'Espagne, chevalier de l'ordre de la 
Toison-d'Or, général de cavalerie, gouverneur et 
grand bailli du Hainaut. De son mariage avec Wi!- 
belmine de Croy, comtesse deSolre (morte en 1663), 
celui-ci eut six enfants : Ferdinand, Charles, Philippe, 
Landelin, Albert, Marguerite mariée au comte de 
Quesuoy et d'Argenteau, et Marie-Madeleine mariée 
au comte de T'Serclaes-Tilly. Landelin fut tué avec 
le grade de colonel au service de l'Empereur, a la ba- 
taille de Salankenein livrée contre les Turcs. Charles- 
Philippe fut créé en 1688 prince espagnol sous le 
titre de prince de Longueval. L'année suivante, cette 
dignité lui fut également reconnue dans les Etats bé- 

Gueldre et de Zutphen. Hais, ayant conspiré contre les Espa- 
gnols, il fut condamné à mort en 1633. Réfugié alors en Bol- 
lande, ce fut lui qui commanda l'armée de ce pays contre ses 
anciens maîtres, et il mourut en esil le 10 juin 1638. 

(l) Jérôme, prince de Caraffa, marquis de Hontenegro, alors 
capitaine général des troupes espagnoles en Sicile. 11 avait 
épousé Hippolyta de Lannoy, et mourut à Gènes en 1 633, à 
l'âge de soixante-neuf ans. 

(2) Consultez Ralh, les Belges en Bohême. Bruxelles, Leipzig. 
et Gaud, 1850. 

Google 



- «5 - 

rêditaires autrichiens. Mais la ligne princière s'étei- 
gnit dès l'année 1703 en la personne du prince 
Charles (Philippe?). Emmanuel-Albert (mort le 7 oc- 
tobre 1714), membre du conseil impérial de la guerre, 
continua la race, qui possède encore les seigneuries 
de Gratzen et de Rosemberg, acquises par son glo- 
rieux ancêtre, et qui a aujourd'hui pour chef le comte 
Georges (né le 2 août 1814), chambellan de l'Empe- 
reur, marié le 30 mai 1847 à la princesse Sophie 
d'CEttingen Wallerstein (née le 6 janvier 1829). 

Le père du comte Georges n'avait pas suivi la car- 
rière des armes. C'était un original très spirituel et 
très remarquable, qui cultivait les sciences avec ar- 
deur. Georges-François-Auguste de Longueval, comte 
de Bucquoy, baron de Vaux, était né & Bruxelles le 
7 septembre 1781 etavait été élevé à l'académie noble, 
à Vienne. Devenu par la mort de son oncle (en 1805) 
possesseur du majorât de la famille, il alla voyager en 
Suisse, en France et en Italie. Il épousa ensuite 
(15 juillet 1806) la comtesse Marie-Gabriel le de Rot- 
tenhaus (née le 16 janvier 1784), héritière des terres 
allodiales de Rothcnhaus, Prosnitz et Haueustein.' 
11 vécut alors constamment dans ses terres, où il se 
consacra exclusivement à ses études favorites, la phi- 
losophie naturelle, les mathématiques, la physique, 
la chimie et l'économie politique, ainsi qu'à la direc- 
tion d'importantes fabriques où toujours il était en 
avant des idées de son siècle. 11 a composé divers ou- 
vrages, dans l'exécution desquels la philosophie na- 
turelle domine trop le mathématicien capable. D'ail- 
leurs , quoique incontestablement doué de facultés 
supérieures, de connaissances variées, et animé du 
zèle le plus ardent pour le progrès des sciences, il n'a 
CooqIc 



— 436 — 

pu se soustraire aux défauts ordinaires des autodi- 
dactes. Il se laissa aussi entraîner au torrent des idées 
de 1848, époque où il n'hésita pas à travailler avec 
ardeur à la destruction de l'ordre social et politique 
que son aïeul avait eu la gloire de consolider. La 
réaction contre-révolutionnaire l'ayant emporté, il se 
vit l'objet de poursuites judiciaires et subit même une 
assez longue incarcération. Il est mort à Prague, le 
19 avril! 851. 



D TBOIUEJK ET DERNIER V 



. r Coo^le 



TABLE 



DU TROISIÈME VOLUME. 



Pif» 

LORD LOVAT i 

LE PRINCE DE KAUMTZ ET LE DUC DE CHOISEUL. 13 

UNE PRINCESSE DE HOHENZOLLERN 4» 

LES DUCS DE NORTHCMBERLAND, DE SOMERSET 

ETD'ARGYLE 87 

HISTOIRES DE REVENANTS ARRIVEES A LA COUR 

DE L'ELECTEUR DE TRÊVES 65 

N'AVOIR VRAIMENT PAS DE CHANCE 83 

LE COMTE DE BONNEVAL 91 

LORD PETERBOROUGH 109 

LA RÉVOLUTION RUSSE DE 178*. '. . . ..-.,.,1.188 



— 438 — 

LA RÉVOLUTION RUSSE DE 1801 P «3 

UNE PRÉDICTION W3 

CASTLEREAGH ET WELLINGTON «H 

UN PRÉTENDANT AU XIX- SIÈCLE 271 

LA CAPITULATION DE PARIS 3Î3 

LE PEUPLE-ROI , scènes contemporaines .... 341 

LE MIROIR MAGIQUE 37S 

SOUVAROF EN ITALIE 393 

LA LÉGION ALLEMANDE. 399 

BUCQUOV 403 



. r Coo^le 



TABLE ALPHABÉTIQUE 

DES 10IS QUI SE TROUYEIT DUS LES TROIS VOLUMES. 



le premier chiffre Indique II uns 

•4 chiffre» txivantt let aamêrot tt 



Abalyanof. 3. 209. 
Abeille (D'). 3. 276. 
Acaja (prince d*). 3. 123. 
Actamed-Pacha. 3. 98 ci suiv. 
Achmet (le Sultan;. 3. 101, 103. 
Aco8ta(Juand').2. 207. 
Adair-WilsoD. 1. 283. 
Addison.l. 15». 
Adie (comte d 1 ). 1.23». 
Adlerfeld. 3. 1*0. 
Adolphe- Frédéric de Holstein, 

roideSuède.2. 138. 
— âvéque de Lubeck, roi'de 

Suéde. 2. 312etsujjr. 
Affrissja. 2. 3*3. 
Affry (comte d'). 1. 342. 
Agdolo.l. 366. 
Agliata. 1. 312. 
Aguilar(ooDited').1. 18i,199, 



Ahlden (duchesse d'). 2. 306. 
Ahlefeld (Henri d*). 2. 307. 
Ahr (Marguerite d'). 2. 195. 
Aigrement (comte d'). 3. 423* 
Aiguillon (duc d'). 1. 268. 
-3.27. 

Albefducd'). 1. 195. 
Albemarla(ducd").2. 67,4*0, 

288. 
Alberoni (cardinal). 1. 215 et 

— (César). 1. 349. 
Albert (archiduc). 3. 406, 
411. 

Albert IV de Bavière. 2. 179. 

Albouys (H.). 3. 308. 

Al caslro (do m Rodrigo ez d'). 

1. 423. 
Aldenburg(comted'). 2. 353. 
Alderani (prince). 3. 124. 
Al do brandini (cardinal). 3. 26. 
Alexandre l* r , empereur de 



Rouie. 3. 2l3et suiv., 324, 

335,327,326,339. 
Aleiand rioe (grande -duchesse) 

3. 236. 
A ] exis- Petro witcb , grand-duc 

de Russie. 2. 329 et suiv. 
Ali. 3. 244 et suiv. 
Ali-Achmed. 2. 319. 
Ali-Tacha, grand visir. 3, 100. 
Allonsille (marquis d').l. 189. 
Alphonse VI, roi de Portugal. 

2. 217 et suiv. 
Alsoufief.3. 175. 
Alten-Grolkau (MM. d'). 1. 

351 et suiv. 
Altotas. 1. 311. 
Altbathas. 1. 307. 
Amélie, princesse de Juliers. 2. 

111. 
Amelot de Gournay. I. 196. 
,Amezaga (comte). 1. 209. 
Andersohn (Hang). 2. 422. 
Andres(D'). 3. 150. 
' Aoglesea (comte d'j. 2. 74. 
Angleterre (Anne, reine d'). 2. 

98. 
Angouléme (duc et duchesse 

d").3. 303,310,320. 
Anhalt ( Barbara et Waldemar 

d-).2. I et suiv. 

— (Tolfgaagd'3.2. 2, 

— (Christian d 1 ). 3. 424,428. 
Anhalt-Zerbst (Jeanne-Elisa- 
beth d'). 3. 146. 

— (Sophie- A uguste-Frédéricke 
d'). 3. 146 et suiv. 

Anjou (comte ri : ). -2. KO. 
Anne,reined'Angleterre.3. 2. 
Anne ( grande - duchesse de 
Russie). 3. 136,156, 236. 



Anoe.grande-ducheise de Cour' 
lande et impératrice de Rus- 
sie. 3. 141 et suiv. 

Anne-Améliede Prusse. 3. 146. 

AnoedeClèvcs, reine d'Angle- 
terre. 2. 98, 99 et suiv. 

Aune de M eck le m bourg. 3. 
142, 194. 

Anne-Louise- Bénédicte de Bon r- 
bon-Condë , duchesse du 
Haine. 1. 235. 

Anne-Sopbie.éleetriee de Saie. 
2. 368. 

Ansp&cb(margraved').l. 341. 

— (Casimir, margave d*). 2. 4. 

— (Jean-Frédéric , margrave 
d'). 2. 369. 

Antoine-Ulrich , duc de Bruns- 
wick- Wotfonbuttel. 3. 142, 
194. 

Antonio (dom) de Portugal. 1 . 
418. - 

Antrim (marquise d'). 2. 246. 

Appert. 3. 298. 

Apraiin (général), i. 274. 

— (amiral). 2. 352. 

— 3. 139, 155 et suiv. 
Aquino (chevalier d'). 1. 308. 
Arago(H. d"). 2. 288. 
Araktchéjef. 3. 221. 
Araoda (comte d - ). 2. 295. 
Arcbinli (le prélat). 3. 30. 
Argvle(ducd'). 3. 7,61. 
Ariin (Jacques d'j. 3. 424. 
Arlington (comte 'd'). 2. 46 et 

48. 
Armfeldt (baron d"). 3. 239. 
Arnim (Christophe - Ernest d'). 

2.39*. 

— (M— d"). 2. 419. 



Arvidsou. 2. 307. 

Asfeld (chevalier d'). 2. 62. 

Asbley-Cooper (sir Anton). 2. 

280. 
Ashtoo.3. 115. 
Aspremont-Linden (feld-maré- 

ohal comte d"). 3. 86. 
A&saoassjef (Iwan). 2. 351. 
Atterbury (Francis). 1. 155. 
Atugia (comte d"). 2. 211. 
Aubant (H. d'). 2. 331 et suiv. 
Aubenton(l« P. d'). 1. 242. 
Aubert. 1. 268. 
Aubigny(d').t. 189,192,203. 

— (les dues d'). 2. 60. 
Auguste II, roi de Pologne. 1. 

292,305. 

— 2. 363 et suit. 
Auguste-Guillaume , duc de 

Brunswick. 1. 291. 
Annula (Susanne d"). 2. 220. 
Autos lacrameniate*. 2. 297 

et suit. 
Autriche {don Juan d'). 1. 213. 

— (Marie d') , duchesse de 
Clives. 2. 177. 

— (Jean.archiducd"). 3. 235. 
Avalon (vicomte d"). 3. 113. 
Avaux (comte d'). 2. 245. 
Ayeo (comte d'). 1. 178. 
Aymar(leP.).1/3*l. 



Bade (Louis, margrave de). 2. 
375. 

Baiily (Sylvain). 1. 412, 413. 

Baireuth ou Bayreulh ( mar- 
grave de). 3. 28. 

Bakounin. 3. 200. 



Balsamo (Pierre, Antonio et Jo- 
seph).!. 309. 
Bangor (comte de). 2. 253. 
Bankead (D'). 3. 264. 
Barbencon (prince de). 3. 423. 
Barge-Réal. 3. 282. 
Bargeton, avocat. 1. 240. 
Barilion. 2. 56 et suiv. 
Barui (Georges). 1. 216. 
Harras. 3. 274, 291,315. 
Barrot(0dilon-).3. 354,363. 
Basset {le Petit). 3. 118. 
Bassewiti (de). 3. 137. 
Bastwick. 2. 257. 
Balh (comte de). 2. 58. 

- 3. 117. 

Bauer (général de). 3. 138, 

165. 
Beaubarnais (Joséphine). 3. 

290,292,293,297,315. 
Bavière(AlbertlVde).2. 179. 

- (Ernest de). 2. 178. 

- (Jacqueline de), duchesse de 
Clèves. 2. 179. 

- (Philippe de). 2. 179. 

- (Haiimiliende}.3.420,428. 
Bayrentti ou Baireuth (mar- 
grave de). 1. 348. 

Beaujolais {M»" de). 1. 355. 
Beaulieu (H. de). 2. 84. 
Beau mont (comte de). 3. 54. 
Beaupuy. 2. 85 et suiv. 
Beaussart (comte de). 3. 423. 
Beauveau ( prince de ). 2. 

289. 
Becker. 1.357,408. 
Bedmar (marquis de). 1. 199. 
Bedeau (général). 3. 353. 
Beichliog (Wolfgang • Dietricb 

de). 2. 380 et suiv. 
». 



Beichlingen (comte). 2. 116. 

Bejar (duchesse de). 1. 196. 

Belasyso (vicomte). 2. 60 

Bellamare (comte de). 1. 350. 

Bellefoads (maréchal de). 2. 

Bergh (Frédéric, comte de). 3. 
235. 

Belle-lsle (maréchal de). 1. 
342. 

Belloutier. 2. 423. 

Benevente (comte de). 1. 177. 

Bennigsen ou Beaningsen (gé- 
néral). 1. 366. 

~ 3. 217etsuiv. 

Benoit Xll 1 . 1 247. 

— XIV. 3. 25, 38. 

Ben Posta (llom Juan da), 1. 

418. 
Bentivpglio (cardinal). 1. 420. 
Berg (les ducs de). 2. 171 et s. 

— (Frédéric, comte de). 3. 
407,408. 

— (Henri de) 3. 433. 
Bergheik (comte de). 1. 202. 
Bergholz (de). 3. 137. 
Borlichiiigen (fel ci -maréchal A. 

F. de). 3. 89. 
Demis (cardinal de). 3. 37. 
Berry(ducde). 3. 303,315. 

— (duchesse de) 3. 308. 
Berthelemy (Angej.l . 109, 124. 
Berwick. 1. t90, 197,242. 

— (J âmes- Fitzj âmes, duc de). 
2.61. 

— 3. 127. 

BestucheF. 3. 147 etsuiv. 
Bestucheff- Rumine. 1. 273, 

274. 
Belhlen-Gafcw. 3. 413, 421, , 

431, 432, 434. 



Béthune (duc de). 1. 240. 
— (marquis de). 2. 167 etsuiv. 
Bethmann (les frères). 1. 369. 
Betnur (marquis de). 1 . 341 . 
Bette (Jean). 3. 423. 
Bibikot. 3. 175,178. 
Biélinski (Casimir- Louis). 1, 

298. 
Bielke (Nids-Adam, comte de). 

2. 142. 
Biglia (Madeleine de). 3. 407. 

— (comte de) 3. 424. 
Bigot (Remy). 3. 281. 
Billéhé (Maiirailien de). 3. 423. 
Billing -Smith (Charles). 3. 270. 
Biilv(H.de. 1. 425. 
Biren (Charlotte-Judith, pria- 

cesse de) , comtesse de Bon- 

neval.3. 107. 
Biren, Biroa ou Btirea. 3. 141 

et suir. 
Biron(H. de). 2. 84 etsuiv. 
-3.161. 

— (maréchal de). 2. 91. 
Bischofswerder. 1.370 et Buiv. 
Bjœrnram. 1. 376, 
Blackwell (Alexandre). 3. 149 

Blaiuville. 3. 81. 
Blois (M«' de). 1. 235. 
Dlucher. 3. 328. 
Bocage (H. de). 2.322. 
Bodenschatz. 1. 302. 
Bodln (Jean). 1. 408. 
Bodmer. 1. 382. 
Boheraann. 1. 356. 
Bohême (Ferdinand, roi de). 2. 

7 et suiv. 
Boisdavid (marq. de). 1. 340. 
liollesheiro. 2. 204. 



Bolsingen. 2.205. 

Bolton (duc de). 3. 134. 

Bon. 3. 99. 

Bonaparte (M»°). 3. 297. 

Bonnac (marquis de). 1. 202, 

203. 
Bonne-Amitié (Ordre de 1s). 

2. 368. 
Booneau. 1.268. 
Bonneval (Claude-Alexandre, 

comte de). 3. 91 etsuiv. 

— (Charlotte-Judith de Biron, 
comtesse de). 3. 107. 

Borjatinski (les). 3. 188. 
Bornival (baron de). 3. 424. 
Boroudin (Nicolas). 3. 233. 
Borowski. 2. 305. 
Botta (Sophie). 1.75. 
Boukom (Ursule-Catherine de). 

1. 294. 
Boulars. 1. 415. 
Bourbon (Louis , duc de). 1. 

424. 

— (Louis- Henri , duc de). 1. 
425. 

— (Louise-Françoise de). 1. 
425. 

— (Marie de). 2. 99. 

— (Marie - Anne -Victoire de). 
1. 254. 

Bourbon- Leblanc 3. 289. 
Bourgogne (duchesse de). 1. 
193. 

— (Hermann de). 3. 403. 
Bournon ville (Alexandre de). 

423. 
Bousquet (général). 2. 311. 
Boutourtin (général). 2. 3S2. 
Boiraeer (baron de). 3. 407. 
racciano(ducde).l. 169 et s. 



Bracconeri (Joseph). 1. 309. 
Bracelet d'or (Ordre du). 2. 

369. 
Bragance (Catherine de). 2. 

72. 

— (Marie Barbara de) , reine 
d'Espagne. 2. 283. 

Brabe(Erick, comte de). 2. 

137 et Euiv. 
— (Magnus, comte de).2. 163. 

— (Magnus-Frédéric, comte 
de). 2. 163. 

— (Pierre). 2. 184. 

— (Ulrique). 2. 145. 
Bramhall (l'évêque). 2. 278. 
Brancas (Louis, comte de). 2. 

359. 

Brandebourg(Albert, margrave 
de). 2. 4. 

Brandebourg-Kulmbacb (Chris- 
tine- Eberbardine de). 1. 
295. 

— Schwedt (Frédérikede). 3. 
235. 

Branicki (Barbara, comtesse 
de). 2. 357. 

— 3. 157. 
Brauner. 2. 307. 
Bredabl.3. 141, 148,16V. 
Brederode (comtesse de). 2. 

116. 
Breidenbendt. 2. 181. 
Bremont (M. de). 3.309,314. 
Brenna. 3. 226, 228. 
Brenne (comte de). 1. 420. 
Brenlford (comte de). 2. 240. 
Breesau.3. 181. 
Breleuil (baron de). 1. 267, 

271, 272. 

— 3. 20, 167. 

COOQIC 



BretteviUe (baron de). 1. 311. 
Brigaut (l'abbé). 1. 230, 339. 
Brisacier. 2. 16S et suiv. 
Brisembourg (M"» de). 2. 79 

et emv. 
BrifiBot. 1. 336. 
Briies (marquis de). 3. 295. 

296. 
Brockdorf (Joachim de). 1. 

991. 
— (Dorothée de). 2. 355. 
Broe! (Nicolas de). 2. 181. 
Brcemmer. 3. 141. 
Broglie (comte de). 1. 261, 

269. 
Bromsen. 3. 140. 
Bronckûorsl(eomte de). 3.423. 
Broome (lord). 3. 267. 
Broschi (Carlo). 2. 283 et suiv. 
Bruce (général comte de). 2. 

339. 
Bruck (D' Christian). 2. 110. 
Bruneau (Hathurin). 3. 303 à 

319. 
Brunswick (Antoine-Ulrich de). 

3. 194, 299. 
— (Au gust&£ uil laume.d uc d e) , 

1. 291. 

— (Cbarles-Guillaume-Ferdi- 
nand, duc de). 1. 358,360. 

— (Ferdinand de). 3. 169. 

— (Louis de), i. 342. 

— Baireuth (Frédérike-Sophie- 
Wilbelmine, margrave de). 
1. 375. 

— Wolfenbuttel (Antoine-UI- 
rich, duc de). 3. 142, 326. 

— (Charlotte-Christine-Sophie 
de). 2. 326 et suiv. 

— (Louis-Rodolphe de). 2.326. 



444 — 

— (Elisabeth-Christine de). 2: 



— (Anloinelte-Amélie).2. 328. 
Iluccleugh (ducs de). 2. 43 et 

Bucbart (PrinU de). 2. 193. 
Buckingham (marquis de). 1: 
335. 

— (John-Sheffield, doc de). 2. 
45, 74, 978. 

Bucquo; (le reld-maréchal de). 
3. 403 et suiv. 

— Sa descendance. 3. 434 et 

— (Georges-François -Auguste 
de Longueval, comte de). 3. 
435. 

Budberg (colonel de). 3. 174 
et suiv. 

Buddenbrock (général). 2. 309 
et suiv. 

Buffon. 1.390. 

Bulkelev (comte). 2. 64. 

Bulot. 3. 289, 290. 

Burck (capitaine). 1. 385. 

Buren (comte de). 3. 408. 

Burgau (Charles, margrave de). 
2.196. 

Burmeisterin (Anne). 2. 401. 

Burt (William). 1. 415. 
Buscbing. 2. 426. 
Bussv-Lameth. 3.74. 
Buvat. 1. 237. 
BvIant(baron de). 3. 407. 
Byng (amiral). 1.230. 



Cadagan (lord). 3. 270. 
Cadaval(dilcde). 1. 417. 



Cagliostro (Joseph). 1. 307 et 

Callimotte-Bouvigny. 2. 2!i0. 
Cambacérès. 3. 316. 
Camden (lord). 3. 254, 257. 
Cammeck. 1. 231. 
Campbell (John). 3. 61. 

— (lady Eléonore). 3. 375 et 

Campistron. 1. 217. 
Campo (Pierre del). 1. 19*. 
Canales. 1. 191. 
Canning.3. 261,263,26t. 
Capel (lord). 2. 271. 

— 3. 115. 
Caraccioli, 1,243. 
Caracona(marquisde).2. 914. 
Caraffa(Jéromede). 3. 434. 
Carlos (l'Infant don). 1. 227, 

248, 253. 
Carmarthen (lord). 3. 115. 

— (marquis de). 2. 
Caro (D' de). 3. 311. 
Carolath (prince). 3. 306. 
Caroline (la rattrape). 2. 231, 

253. 
Carrington (sir William Prim- 

rosede). 3. 375. 
Caseli (marquis). 1. 219. 
CaslanietU (amiral). 1. 231. 
Castel-Melhor (comte). 2. 57, 

216. 
Castlefleld (lord Primrose de). 

3. 375. 
Castlemaine (comte). 3. 46. 
Castlereagh. 3. 251 et suiv. 
Castro (le P. di). 1. 243. 
Catherine I™, impératrice de 

Russie. 2. 34. 

— 3. 138. 



Catherine II, impératrice de 
Russie. 3. 146 et suiv. 

— (grande duchesse). 3. 235. 
Caumout (H. de). 2. 76 et 

Cavendish (les). 1. 150. 
—(Henri). 2. 305. 
— (William), 3. 116. 
Carotte. 1. 395, 406 et suiv. 
Cellamare (prince de). 1. 236 

Cesatefdoo Juan). 3. 413. 
Chabrol (comte de). 3. 339. 
ChataiB (prince de). 1. 170. 

— (comte do). 1. 210. 
Chamillard. 3. 93. 
Cbampfort. 1. 412,413. 
Chandos (marquis de). 3. 150. 
Charles I", roi d'Angleterre. 

2. 270. 
Charles II d'Angleterre. 2. 43 

et suiv., 821. 
Charles 11 d'Espagne. 1. 341. 
Charles III d'Espagne. 1. 248. 

— 2. 283 et suiv. 

Charles VI (l'Empereur). 1. 

249, 420. 
Charles XII, roi de Suède. 1. 

229, 242. 
Charles (archiduc). 3. 118. 
Charles-Edouard (le préten- 
dant). 3. 3, 4, 5. 
Charles-Guillaume-Ferdinand, 

duc de Brunswick. 1. 358, 

360. 
Charles-Louis, duc deHolstein- 

Beck. 1. 295. 
Charles-Frédérje, duc deHol- 

stein-Gottorp. 3. 136. 
Cb&rles-Pierre-Ulrich , duc do 



Holstein-Gottorp. 3. 140 «t 

Chariot (M.)- 1. 400. 

Charlotte-ChriBline-Sophie de 
Wolfenbutto! , grande -du- 
chesse de Russie. 2. 326 et 

Ckarolais (Charles de Bourbon , 
comte de). 1. 424 et suiv. 

— S. 359. 
Charrette. 3. 295. 
Chasteler (marquis de). S. 410. 
ChasteletfduchesMdu). 1.412. 
Chatam (baroo do). 3. 61. 
r.hnuvet. I. 335. 

Cbavis (Dom). 1. 409. 
Che D aud. 1. 337. 
Chenon (chevalier). 1. 324. 
Cbesterueld (Philippe-Oormer 

Stanhope, comte de). 3, 9. 
Cbètwyn. 2. 277. 
Chiffineh. 2.58,69. 
Choweul (duc de). 1. 265,341 

et suiv., 399. 

— 3. 15 ot suiv. 

— (comte de). 3. 16. 
Choppard. 3. 275,291. 
Chrétien V, roi de Danemark. 

2. 354. 
Chrétien- Joseph-Charles , duc 

do Courlande. 1. 363. 
Christiernin. 2. 146 et suit. 
Chris tioe-Ebcrhardine de Bran. 

debourg-Kulmbach. 1. 295. 
Churchill (Arabella). 2. 60. 
Cibo (Maria). 3. 124. 
Ci udad- Rodrigo (duc de). 3. 

269. 
Clanricarde (comte de). 2. 63. 
Ciarendon (lord). 3. 115. 



ClarT(H»de).3. 22. 
Claude (Joanj. 234. 
Clavier»!. 1. 333 et suiv. 
Clément, prince do Sue. 3. 

168. 
Clément XI. 1. 247. 

— XI 11.1. 312. 

— XIV. 3. 37, 38. 
Clermont (Loui* de Bourbon, 

comte de). 1. 425. 
Clermont (le système de). 1 . 

354. 
Cleveland (duchesse de). 2. 46. 

— (duc de), 2. 46. 

Clives (Atdophe 1" ot II do). 2. 
17*. 

— (Anne de). 2. 99 et suiv. 

— (Antoinette deLorraine,du- 
chessede). 2. 196. 

— (Charles - Frédéric do). 2. 
176, 177. 

— (extinction de la maison 
de). 2. 171 etBuiv. 

— (Guillaume, duc de). 2. 175. 

— (Jean II do). 2. 174. 
—(Jean-Guillaume de). 2. 178 

— (Marguerite de). 2. 174, 

— (Mario d'Autriche, duchesse 
do). 2. 177. 

— (Sibylle de). 2. 178 et suit. 
Clingeland(baronde).3. 423. 
Clodius (D'Etienne). 2. 113. 
Coconas (comte de). 2. 79 et s. 
Coigny (duc de). 2. 66. 
Colonn a (cardinal). 1. 172. 
Colepoper (sir John). 2. 278. 
Constantin (grand-duc). 3. 234. 
Contolini (Béatrice). 3. 123. 
Conti (prince de). 1. 263. 



CowovUkmnairu (les). 1 . 397. 
Coppseus (Dyoniaius). 3. 433. 
Copston (Georges). 1. 316. 
Corowallis (lord). 3. 257. 
Cosol (comtesse de). 1. 283 et 

— (Frédéric-Auguste, comte 
de). 1. 2%. 

Cossé ( marquis, marquise et 
chevalier de), t. 390. 

Courcillou (marquis de). 1. 
236, 239. 

Courtaude ( Chrétien -Joseph- 
Charles, duc de). 1. 363. 

Cowley(les).3. 265. 

Cramer. 3. 143, 148. 

Cranmer (Thomas). 2. 101. 

Craon de la Saône (H' ,e ). 2. 
359,427. 

Créqui (maréchal de). 2. 227 
et suiv. 

Creutz (Philippe, comte de). 2. 
146. 

Croix (M— de la). 1. 388 et 

Croii (colonel de la). 3. 439. 
Crolcer (Walter). 3. 247. 
Cromwell. 2. 263 et suiv. 

— (les descendants de), i. 147. 

— (Thomas). 2. 99. 
Cronstedl (Charles de). 2. 307. 
Croy (tharlea, duc de). 3. 

410. 

— (Charles- Alexandre de). 3. 
423. 

Crozat du Cbatel (Louise-Hono- 
rine), duchesse de Choiseul. 
3. 16. 

Cullera (marquise de). 3. 118. 

Cumberland(ducde). 3. 6. 



Daberkow. 3. 304. 
Dalin. 2. 143. 

Da!rymple(Jofan). 3. 392,393. 
Dame- blanche (la légende de 

la). 2. 171 et lui*. 
Damiens. 1.400. 
Dammartin (comte de). 1. 425 
Dampierre (comte de). 3. 413, 

414, 416, 419, 421. 
Danemark (Louise, princesse 

de). 1. 345. 
Daniels (Ange). 1. 109,124. 
Danielson (Marie-Elisabeth). 2. 

340. 
Danneskjold (Ulrich Frédéric 

de). 2. 353 et suiv. 

— Laurwig. 2. 354 et suiv. 

— Samsœ. ibid, 
Danton. 1. 337. 

Darnley (comte de), t. 354. 

— 3. 255. 

— (Catherine de). 2. 74. 
Daschkof (princesse). 3. 155 et 

suiv. 17fi, 183. 
Dauhenton (le P.). 1. 185, 

186, 212. 
Dauu. 1. 360. 
Dauphin (M. le). 3. 46. 
Diuphine(M"»la). 3. 45. 
Davis (Marie). 2. 50. 
Davisard, avocat. 1. 240. 
De Bon (baron). 1.268. 
Defurte (comtesse de). 2. 115. 
Degenfeld (comte de). 2. 254. 
Dejean (général). 3. 329. 
De la Chapelle. 2. 147. 
Deloraine (comte). 2, 44. 



Deluc. 1.335. 
Delolme. 1. 335. 
DepeBbruck(ldade). 2. Il 6 
Dervonwater (In comtes de). 

2.50. 
Desalleure. t. 264. 
Douait (DO- 3. 275, 290. 
Deslssartn. 1. 264. 
DesUndes de Regnault. 1 . 198. 
De Vaux (les). 3. 403. 
De Ville (le P.). 2. 217, 218. 
Devonshire (comte de). 3. 

116. 
Dltnn (Wyrich de). I. 181. 
Dïetrich (Franz). 1. 110. 
Dietz (Chrysogonus). 2. 30. 
Diviers (général). 3. 180. 
Djakoff (colonel). 3. 325. 
Dmnboff (comtesse de) 1. 293. 

— (Bogislas-Ernest, comte de). 
1. 298. 

Dœrrag(Wilt de). 3. 320. 
Dotgoroucki (Catherine Alex- 

jefine). 2. 339. 
Dominique (le P.). 3. 426. 
Domprée (capitaine de). 3. 

429. 
Dorhaus (Félix). 3.416. 
Doubrofski (Fédor). 2. 351. 
Douglas (chevalier). I. 274. 

- (Henriette). 2. 44. 
Douro (marquis de). 3. 269. 
Drandorf ( Anne - Marguerite 

de). 2. 398, et suiv. 
Drouet. 1. 268. 
Du Barry (comtesse). 3. 43. 
Dubois (cardinal). 1.233. 
Dubois-Martin. 1. 266. 
DuBosc. 1. 367. 
Duchsnteau. 1. 330 et suiv. 



Ducia (colonel). 3. 339, 340. 
Ducker (comte de). 3. 142, 

148. 
Dudley (lord.). 2. 204. 
Dumangio (D r ). 3. 276. 
Dumesnil. 1.236. 
Dumesnil (chevalier). 1. 239. 
Dumont. 1. 335. 336. 
Dumouriez. 1. 268. 
Dungannon (vicomte). 3. 267. 
Dunin (comte de). 2. 376. 
Du Petit-Val (H.). 3. 316. 
Duplcesis.2. 245. 
Du Puget (comte). 1. 427. 

— 2. 359. 

Duras (Louis de). 2. 58. 

— (maréchal de). 2. 226. 
Dures tal (comte de). 2. 201. 
Duroc. 3. 317. 
Duroveray. 1. 334, 336. 
D*Yvernois. 1.334, 336. 



Ecker d'Eckhofen. 1.356. 
Edler de Kleefeld. 1.359. 
Ebrenfels(M.d'). 3. 66. 
Einert (Jeanne). 3. 303. 
Elbeuf (Suzanne-Henriette d'). 
2. 123 et suiv. 

— (Charles 1", II et 111 d*). 2. 
124. 

— (Henri d"). 2. 125. 

— (René d'). 2. 123. 

— (la duchesse d'). 2. 127. 
Elias Graîl. 2. 172. 
Elisabeth (Madame). 3. 316. 
Elisabeth -Christine, impéra- 
trice d'Allemagne. 1. 420. 



Elisabeth de Russie (l'impéra- 
trice). 1. 421. 

— 3. 142 et suiv., 145 et 

— (la grande-duchesso). 3. 
136. 

Elisabeth Farnèse, princesse de 

Parme, reine d'Espagne. 1 . 

207 et suiv., 220 et suiv. 
Ellermann. 1.368. 
Elliols. 3. 115. 
Elysée (le P.)- 1-283. 
Emmanuel de Portugal (dora). 

1.417. 
Ende (Kunz-Guillaume d'). 2. 

3. 
Enfant lumineux [îy 3. 260. 
Engel. 3. 305. 

Engeltaardt (général). 3. 189- 
Engelscnall. 2. 423. 
Enghien (duc d*). 3. 297.315. 
Eosenada (marquis d'). 2. 290. 
Eon (chevalier d']. 1. 263 et 

Epernon (duc d"). 2. 93. 
Erdmannsdorf (M. d'). 2. 389. 
Escliguac (princesse d^. 3. 306. 
Escolin. 2. 147 et suiv. 
Escombcs (d'). 1. 354. 
Espagne (Charles H, roi d'). 1 . 
341. 

— (Elisabeth Farnèse, reine 
d'). 1. 207 et suiv., 220 et 

— (Harie-Anne de Pfalz-Neu 
bourg, reine d'). 1. 341. 

— (Marie -Louise, reine d'). I. 
219. 

— (Marie-Louise- Gabrielle, 
reine d'). 1. 175 et suiv. 



— (Philippe V, roi ?). 1.175 
et suiv. 

Egpioay (marquis d'). 2. 202. 
Espinoy (prince d'). 3. 423. 
Espréménii (Duval A'), 1. 323. 
Esseï (comte d'). 2. 261, 262. 
Esiier. 3. 276. 

Estrades (maréchal d'). 2. 226. 
Estrées (cardinal d'). 1. 170, 
182, 183. 

— (abbéd). t. 182. 

— (César d'). 2. 216. 

— (vice-amiral d'). 2. 219. 
Eugène (prince). 1. 251, 418. 

— 3. 93 et suir. 



Fabvier (colonel). 3. 339, 340. 

Falck-Scheck. 1.395. 

Falckenstein-Broich. 2. 181. 

Fallez (baron de). 3. 403. 

Farinelli. 2.283 et suiv. 

Favier. 1.268. 

Fêta ner tin (Christiane). 3. 
405. 

FelUiani (Lorenza). 1. 313, 
327. 

Fels (baron de). 3. 424. 

Fenestrange (Ernest , baron 
de). 3. 423. 

Fenwick (sir Jobn). 3. 117. 

Ferber. 1.367. 

Ferdinand II, empereur d'Al- 
lemagne. 3. 418, 419, 420. 

Ferdinand de Bohême (le roi). 
2. 7 et suiv. 

Ferdinand VI, roi d'Espagne . 
2. 283 et tuiv. 



Ferdinand de Bourbon (don), 
infant d'Espagne. 1. 224. 

Ferdinand, prince de Bruns- 
wick. 3. 169. 

Fermer. 1. 366. 

— 3.158. 

Feu qui ères (marquii de). 2. 

234. 
Feversham (comte). 2. 68. 
Fitzjamei (lu). 2. 61 el suiv. 
Fitzroy ( Georges ) , duc de 

Northumberlaod, 2. 49. 

— (Henry). 3. 270. 
Flemming (Henri-Jacquea de). 

1.297. 
Fleury (cardinal). 1. 263, 1. 3. 
Flobert (H. de). 2. 290. 
Flodelius. 2. 154. 
Flotte. 1.198. 
Folard. t. 236. 
Fonsaldagna, (comte de). 2. 

211. 
Foatfinay-le Château (comte 

de). 3. 423. 
Forbouuûs. 3. 38. 
Forbus. 2. 141. 
Foucbé. 3. 297, 316, 3)7. 
Fougère. 3. -289, 290. 
Frcenzel (le Démon). 2. 405. 
Fraiise (H. de). 2. 87 et suiv. 
Fntncke (Honoann). 1. 380. 

— (0-). 2. 399. 

François I" de France. 2. 99. 

François]! d'Autriche. 3. 15. 

François - Xavier ( dora ) de 
Portugal. 1.418. 

France -maoous au XVIU- siè- 
cle (loges de), t. 370, 423. 

Fraser (Simon), lord Lovât. 3. 



Frédéric II, roi de PrntM. 1. 
340,375. 

— 3. 28, 146. 
Frédéric-Guillaume II, roi de 

Prusse. 1. 377. 
Frédéric III , électeur de 

Brandebourg. 2. 368. 
Frédéric III, roi de Danemark. 

2. 358. 

Frédéric VI, roi de Danemark 
1. 345. 

- 3. 197. 

Frédéric III, roi de Sue. 1. 

365. 
Frédéric (l'électeur-palalin). 

3. 420. 
Frédéric-Auguste, électeur de 

Saie. 2. 363 et suiv. 

Frédéric- Guillaume, électeur- 
palatin. 2. 233. 

Frédéric-Eugène, duc de Wur- 
temberg. 3. 234. 

Frédéric -Louis de Wurtem- 
berg. 1.295. 

Frésier (Cary). 3. 115. 

Fresne (Del). 1. 192. 

Fresne-Gosultzio (M" de). 3, 
403. 

Friedrich. 3. 299, 300. 

Friesen (comte de). 1. 296. 

Frœden (colonel). 1. 370. 

Frœmont (Jean de). 2. 119. 

Frobn (Joseph de; 3. 83 et s. 

Frotlé(H. de). 3.290, 395,315. 

Fualdès (affaire). 3. 316. 

Fuchs (D*)- 2. 14. 

Fugger (les). 2. 107. 

Fuhl. 3. 140. 

Furstemberg (Egon, prince 
de). 1. 292. 



— (cardinal de). 2. 228. 

— (prince de). 1. 399. 

— (Wratislaff de) 3. 413. 
Furslenhof. 2. 363. 



Gablentz (général). 3. 31 1. 
Gagarin (prince Mathieu). 2. 
353. 

— (princesse). 3. 220, 224. 
Galizyn (princesse). 2. 347. 

— (général). 2. 352. 

— (Iwan). 3. 164, 183. 
Galloway (lord). 2. 253. 

— (les corn tes de) 3. 253. 
Galway de Galloway (comte 

de). 3. 126. 

Gtllucio (Paul). 1.274. 

Gardiner (Etienne). 2. 102. 

Gardini (Ignace). I. 216. 

Gariiee (baron de). 3. 253. 

■Garrett-Weslay. 3. 265. 

Gasc. 1.334. 

Gaspard (dom.) de Portugal, 
1. 418. 

Gassert.2. 421,422. 

Gast. 2. 78 et suiv. 

Gavantlun (chevalier de). 1. 
240. 

Gaucher -le- Bourguignon. 3. 
428.. 

Gavre (Albert de). 3. 423. 

Gebard. 2. 408. 

Gébhard Saint- Hilaire (colo- 
nel). 3. 418. 

Gellert. I. 318. 

Gendorf (Christophe de). 2. 
21 et suiv. 

Générés (baronne de). 3. 310. 



Georges K 1. 260. 
Georges 1", II et 111. 3. 8. 
Georges IV. 3. 263, 264. 

Georges , prince de H esse 
Darmstadt. 3. 118 et suiv. 

Gérard (maréchal). 3 361. 

Gérault. 1. 268. 

Girardin(Al.de). 3. 335,336. 

Giudice (cardinal de)). 1. 204. 
223, 226. 

— (Antonio del), prince de 
Cellamare. 1 . 238. 

Glebor (Etienne). 2. 347. 

— 3.164. 

Gleichen (baron de). 1. 348, 
389 et suiv. 

— 2.377. 
Godolphin. 3. 117. 
Gosrti (comte de). 1.229. 

— 2. 307. 
Gretbe. 1.307,314. 
Golz (baron de). 3. 167. 
Gordon (lord Georges), t. 325, 

— (duc de). 3. 134, 

— (général). 3. 397. 
Goring (lord). 2. 271. 
Gotli (cardinal). 3. 26. 
Goudowitch. 3. 164, 188 et 

suiv. 
Gower (lord). 1.347. 
GozzaJini , évéque d'Imola, 1. 

222. 
Graal (le saint). 2. 172. 
Grafflgoj (M" de). 1. 348. 
Graflon (duc de). 2. 46 et suiv. 
Grabam. 3. 115. 
Grail (Elias). 2. 172 et suiv. 
Gramann (capitaine). 2. 314. 
Gramsdo (comte de). 1. 200. 
Gramont(dacde). 1. 190,191. 



— (duchesse de). 1. 419, il*. 

— (M-- de). 3. 40. 

Granby (John Hannen, mar- 
quis de). 3. 60, 257. 

Grandison (vicomte). 2. 46. 

Green (la). 2. 4t. 

Greenwich (comte de). 3. 61. 

Greropel (Kunz). 2. 9 et euiv. 

Grenus. 1. 331. 

Grelschel. 2. 396. 

Grimaldo (comte de). 1. 194, 
226. 

Grive (D'). 3. 238. 

Gronsfeld (comte de). 1. 420. 

Gruau de la Barre. 3. 276 et 

Grubbe (Cécile). 2. 353. 

Grudzynska (Jeanne, com- 
tesse), princesse de Lowicz. 
3. 235. 

Grunstein. 3. 165. 

Guadaleste (marquis de). 3. 
405. 

Gueldre (les ducs de). 2. 175 
et suiv. 

Guercbe (comte de la). 1 . 425. 

Guercby (comte de). 1. 276. 

Guerra (Domenico de). 1. 223. 

Gugumos. 1. 359. 

Guillaume 111, roi d'Angle- 
terre. 2. 248 et suir.,375. 

— 3.114. 

Guillon. 2. 85 et suiv. 
Guise (maison de Lorraine). 

2. 123. 
Guizot. 3. 347, 348. 
Guldenloswe (comte de). 2. 

353. 



Gwinn (Eléonore). 2. 54. 
Gyllenborg (Frédéric, comte). 

2. 143, 308. 
- (Nicolas). 2. 1*5. 
Gyllenschatz. 2. 153 et suit. 
Gjllensword. 2. 141. 



Hnkauson (Okoi). 2. 140. 

Halel. 2. 321. 

Halifax (lord). 1. 277. 

Hall (Dietrich de). 2. 187. 

HaUberg. 2. 154. 

Hall uin (ducs d). 2. 202. 

Ilamilt™. 2. 250. 

— (duc d"). 3. 61. 

— (feld-maréchal).2. 312. 
Hanbury -Williams (sir Char- 
les). 3. 154. 

llansen. 2. 305. 
Harcourt (ducd"). 1. 181. 

— (Henri d'). 2. 127. 
Hard (comte). 2. 148. 
Hardenberg (prince de). 3. 301, 

302. 
Hardenrat. 2. 183. 
Harfert (Christine). 3. 285, 

300. 
H&rmand (delà Meuse 1 . 279. 
HarriDgton(lord). 1. 358. 
Harwich (marquis de). 2. 240 

et suiv. 25 t. 
Hasche. % 428. 
Haslerig (sir Arthur). 2. 277. 
Kassensleio (MB. de). 2. 8. 
Haugwitz(N.de). 2. 386. 

— 3.424. 

Hautefort (Charles d'). 2. 202. 

— (Marie d'). 2. 202. 



Haulevilk (chevalier d'). -i. 

216. 
Havre (marquis d'). 3. 423. 
Haxthausen (M. de). 2. 366. 
Hay (Elisabeth). 3. 269. 
Hayes. 1. 281. 
Hébert. 3. 280. 

— ( H enri-Ethelbert -Louis Hec- 
tor). 3. 320. 

Hedman. 3. 151. 

Hélène (graude-docbesse). 3. 

235. 
Heoneberg (Guillaume , comte 

de). 2. 2. 
Hennin. 1. 267. 
Hennîn-Liélard (comte de). 3. 

423. 
Henri IV, roi de France. 3. 

405, 410. 
Henri VIII, roi d'Angleterre. 2. 

99 et suîv. 
Henri le Pacifique. 2. 6, 16. 
Henri, prince de Prusse 3. 

168. 
Henrikof (comte). 3. 138. 
Hervagault. 3. 283. 
Hervagault (Jean - Marie). 3. 

319. 
Herzelles (François de). 3. 424. 
Herzmutb, prince d'Albinie, 2. 

376 et suiv. 
Hesse (Charles, landgrave de). 

1. 355. 
Bosse - Darmstadt ( Georges , 

prince de). 3. 118 et suiv. 

— (Wilbelminede).3. 234. 
Hewson (Thomas). 2. 225. 
Hildburgbausen (les Inconnus 

d').l. 9 et suiv. 
M (Arthur) 3. 267. 



Hirnhofor (Bernard). 2. 8 et 

Hoche. 3. 290, 315. 

Hoffmann (colonel). 1. 364. 

Bohenthal (comte). I. 366. 

Hobenxottern - Hechingen (Ma- 
rie-Anne, princesse de). 3. 
49. 

Hoimb(Hansde).2. 193. 

Holbach (baron d'). 1. 390. 

Holderness (lord). 2. 254. 

Hollersheim (Jean de). 2. 106. 

Holstein (Adolphe, duc de). 

2. 112. 
'—(Adolphe-Frédéric de), roi 

de Suède. 2. 138, 312. 

— (Chrétien-Albert, duc de). 1 . 
291. 

•—(Frédéric-Auguste, prince 
de). 3. 147. 

— (Auguste, prince de). 3. 

m 

— (Georges-Louis , prince de). 

3. 168. 

— (Sophie- Amélie , princesse 
de). 1. 291. 

Holstein - Augustembourg. 2. 
354. 

— Beck (Charles-Louis de). 1. 
295. 

— (Pierre-Augusle-Frédéric 
de). 3. 164. 

Holstein-Gotlorp (Charles-Fré- 
déric, duc de). 3. 136. 

— (Charles-Pierre -Ulrich, duc 
de). 3. 110. 

— (Georges Louis, prince de). 
3. 163. 

Holtzendorf (comte de). 1.296, 

Google 



Hopfgarten. I. 3/0etiuiT. 
Hopton (sir Ralph). 2. 278. 
Honi (comte de). 2. 30». 

— (Arwid Bernard, conte de). 
2. 142. 

— (baron de). 3. 1*7 et suiv. 

— (capitaine de). 2. 306. 

— (Eve de). 2. 146. 
Howard (Thomas), duc de 

Norfolk. 2. 102. 
Hoym (Magnus, comte de). 1. 
292. 

— (Henri, comte de). 1. 292. 

— (baron de).1. 417etsuiv. 
Huddleaton (le P. Jamee). 2. 

58 et suiv. 
Huerta(don Martine* de). 3. 

326. 
Hullin (général). 3. 331. 
H u mi ères {maréchal d'), 2. 

227 et suiv. 
Hund(HM.de).t. 351 et si 
Hnnold. 2. 4iiM. 
Hustsko. 2. 141. 
Huyssen (baron). 2. 330. 
Hyde (Henri). 3. 115. 

— (Henriette). 2. 44. 



Imger. 2. 112. 

Ibrahim (le Kiaya). 2. 319. 

Icimander (Louis). 2. 376 i 

Jllosway. 3. 99. 
Impérial! (cardinal). 1. 245. 
Imseletti. 1.319 et suiv. 
Inchiquin (comte). 2. 209. 
locbv (baron il'). 3. 423. 
Infanlado (duc de 1'). 1. 184. 



Ingetfingen (les Inconnus dl. 

1.5 et suiv. 
Innocent XIII. 1. 247. 
lreton. 2. 270. 
Isabelle (l'Infante). 3. 406. 
Isenbourg (Antoine et Jean d'). 

2.6. 

— (Ernest, comte d"). 3. 49. 
Ismael Pacha. 3. 102. 
Ismaîlof. 3. , 183. 
Iwan.2. 3,141. 

— 3. 3, 192 et suiv. 

— (ses frères et sœurs). 3. 
194 et suiv. 



Jaekabowski. 1. 267. 

Jacqueline de Bavière , du- 
chesse de Clèves. 2. 171 
et suiv., 179 et suiv. 

iacqueminot (général). 3. 355. 

Jacques 1 er , roi d'Angleterre. 
3. 420. 

Jacques H. 8. 248 et suiv. 

— 3. 59. 

Jagousinski. 3. 349, 352. 

Jaques. 1.281. 

Jarente (M»' de). 1.388. 

Jaucourt (marquis de). 1. 334. 

Jean (archiduc d'Autriche). 3. 
235. 

Je* 



417. 



i de Portugal. 1. 



Jean-Georges III, électeur de 

Saxe. 2. 361. 
— IV. 3. 363 et suiv. 
Jean Sobieski, roi de Pologne. 

2. 165 et suiv. 
Jeanroy (0'). 3. 277. 



Jefinowski (comte). 3. 138. 
Jenais-Ojardias. 3.282. 
Joly (M. de). 3. 309. 
Jocber. 2. 418. 
Johnson, 1. 357. 
Joseph I", roi de Portugal. 
1. 255, 423. 

— II. 2. 284. 

— (dom) de Portugal. 1. 
418. 

Joseph II (l'Empereur), f. 
326. 

— 3. 15, 87, 89. 

Joseph Bonaparte. 3. 332. 
Joséphine Beauharnais . 3. 

290, 292, 293, 297, 317. 
Juta (dom) da Ben Posta. 1. 

418. 
Juliann de Saxe-Cobourg. 3. 

235. 
Ju liane-Mario. 3. 195. 
Juliers (les ducs de). 2. 171 

et suiv. 
— (Amélie, princesse de). 2. 



Kathcart (Charles). 3. 7. 

Katlfus. 3. 302. 

Kaunitz (prince de). 3. 13 et 

— (Aloys de). 3. 15 

— (Ernesl-Cbristophe). 3. 20. 
Keith (feld -maréchal). 2. 309. 

— (lord). 3. 21. 
Kerner (Justin). 1. 368. 
KesseUtadt (H— de). 3. 79. 
Keuler. I. 362. 



Kejl. 2. 346. 

Khevenhuller (comte de) 3. 

89. 
Khora(le Kadi). 2. 321. 
Kies. 3. 307. 
Kiesewetter. 2. 358. 
Kikin. 2. 313, 344, 347. 
Kilmarnock (lord). 3. 10. 
Ring (colonel). 2. 363, 265. 
Kinski, (Ulrich). 3. 414, 41(i, 

419. 
Kippeo. 1 . 355. 
Kisbauer. 3. 307. 
Kleber. 3. 320. 
Klefeker (Hartin). 2. 145. 
Klemm (colonel). 2. 366, 414, 

415. 
Klingenstierna (Samuel). 2. 

143. 
Klotzsch. 2. 396. 
Koulh de Gîildensiein (comte). 

t. 297. 
Koblins [Ivan). 2. 28. 
Kœnigsegg (comte de). 1 . 257. 
Kœuigsek (comte de). 2. 65 

et suiv. 
Kcenigsmark ( Jean-Cbristo - 

pbede). 2. 301. 

— (Olhon-Guillaume). 2. 302. 

— (Conrad de). 2. 303. 

— (Charles-Jean de). 2. 303. 
— ( M arie-Dorotoee- Il olland de , , 

2. 306. 

— ( Philippe - Christophe , 
comte de). 2. 306. 

— (Marie Aurore de). 2. 306. 

— (Amélie-Wilhelmine de). 2. 
306. 

— (Aurore de)» 2. 333 et 



Kolowrat-Krakowaki (comte) 

1. 339. 

Korf (général de). 3. 113, 164, 

192 et unir. 
Kourakin (prince). 3. 207. 
Koutaiwf (comte). 3. 207, 

238. 
Krappin (la). 2. 398 et suiv. 
Krati (colonel). 3. «28. 
Kronegk. 1. 3i8. 
Kronhielm (comte Salomon de). 

2. Ml. 

Kunits (le P.). 3. 307. 
Kufalau (M"> de). 2. 382 et 



La Chélardi*. 3. 143. 
Lacombe (comte de). 2. 306. 
La Condamine. 1. 397 et suiv. 
La Feuillade (maréchal de). 

2. 226. 
Lafleur. 3. 51 . 
Lafoes (duc de). 1. 417. 
La Force (maréchal de). 2. 

75 et suiv. 
LaGrange d'Arquicn (Marquis 

de). 2. 167. 
— (Marie -Casimire-Louise), 

reine de Pologne. 2. 167. 
laharpe. 1. 412,414. 
Lamartine (M. de). 3. 364, 372. 
Lambertini (Prosper). 3. 25. 
Latnbesc (prince de). 2- 127. 
Lamboy (Guillaume de). 3. 

414. 



La Mole (comte de). 2. 80. 
Lamoricière (général). 3. 355. 
Umottô(M»- de). 1. 322. 
Langerke (M. de). 3. 311. 
Langeron(oomte).3. 339. 
Lanli (duchesse de). 1 . 170. 

— (prince de). 1. 210. 
Lapointe (général). 3 329. 
Laponchio (Abraham). 2. 351. 

— (4wditja).2, 330,347. 

— (princesse). 3. '220. 
Lara. 1. 198. 

La Rivière (Marie -Anne de). 2. 

306. 
La Roche. 1. 335. 
Laraon (Lan). 2. 140. 
Lasalle. 2. 253. 
Lascours (colonel). 3. 336. 
Lascy (général). 2. 309. 

— (feld -maréchal). 3 144. 
Lasne (Etienne). 3. 280. 
Laasus(D'). 3. 276. 

Las Torres [comte de). 3. 12t. 
La Touche (chevalier de). 1. 

264. 
La Tour (comte de). 3. 107. 
Launay (marquis de). 1. 324. 
Laura Pescatori. 1. 213. 
Uuriot (le créole). 3. 290. 
Lauriscus. 3. 306. 
Lauiun.2. 248. 
Laval (comte de). 1.235. 
UvaleUe(leP.)l. 406. 
Lava ter. 1. 382. 
La Vauguvon (duc de). 3. 35, 

46. 
La Vigorie. 2. 78 et suir. 
Le Blanc, ministre de la guerre. 

1 230. 
Le Brel (général). 2. 224. 



Le Camus (l'abbé et la com- 
tesse). 1. 240. 
Lecoq.3. 300,301.302. 
Ledru-Rollm (H.). 3. 364. 
Leede (marquis de). 1. 238. 

— (baron de). 3. 423. 
Leeds(ducde). 2. 46,3. IIS. 
Lefort (le coaseiller). 2. 350. 
Leinsler (duc de). 2. 253. 
Lejonhufwud (baron). 2. 144. 
Lennox (Charles), duc de Rich- 

mond.2. 60. 
Lenlhall. 2. 263. 
Léopold, empereur d'Autriche. 

2. 381. 

— 11. 3. 15. 

_ (archiduc). 3. 421. 
Le Prince (M.)- 3. 56. 
l.escynsLi (Georges). 2. 106. 
Leadiguières. 2. 93. 
Lestocq. 3. 142, 161. 
Leucht. 1. 357. 
Levantin. 2. 321. 
Lewenh&upt (Charles-GiuUave, 

comte de). 2. 301 et suit., 

307. 

— (Frédéric de). 2. 307. 

— (Charles-Emile). 2. 307. 
Leyeu (Catherine de). 3. 80. 
Leyser (Jean-Théopmle-Alé- 

tbée). 2. 302. 

— (général). 3. 311. 
L'Hôpital (marquis de). 1.274. 
Lichtwebr (M">). 2. 361. 
Liechtenstein (Antoine de). 2. 

327. 
Ligoe-Aremberg (Albert de). 

3. 423. 
Lilburne(John).2. 355etsuir. 

— (sir Georges). 2. 277. 



— (mistress). 2. 262 et suiv. 

— (Robert). 2. 275. 
Lilîenfeld (M™'). 3. 196. 
1.indenau(M. de). 3. 311. 
Lindner. 2. 42t. 

Lingen (Jean-Reynold de). 2. 

313. 
Lippe (comte de la). 2. 21t. 
Liria (duc de). 2. 63 et 64. 
Livry (abbé de). 1.255. 
Lobkowïtz (MM. de). 2. 7. 
Lockier.2. 273. 
Loen(M.de). 1. 298. 
Lœwendabl (comte de). 1.427. 

— (les). 2. 353 et suit. 

— (Ulrich -Frédéric de). 2. 
356. 

— (Waldemarde), maréchal de 
France. 2. 356 et suit. 

LœwensteiD (Casimir de). 2. 

206. 
Lœweuwold (comte de). 1 .422. 
i.oridonderrv (marquis de). 3. 

254. 
Longford(lord).3. 269. 
Longueval (les). 3. W3 et suit. 

— (prince de). 3. 43». 

— (Georges-François-Auguste 
de), comte de Bucquoy. 3. 
434. 

Longueville (Harie de Guise, 
duchesse de). 2. 99. 

LoDg-Wellesley. 3. 268. 

Lorges (maréchal de). 2. 227, 
228 

Lorraine (abbé de). 2. 125. 

— (Antoinette de), duchesse 
de Clèves. 2. 196. 

— (Charles IV, duc de). 3. 50. 

— (Charles, prince de). 3. 14. 



Lorraine-Elbeuf (maison de). 

2. 123 ctsniv. 
Loudon (comte de). 3. 375. 
Louis XIV, roi rie France. 2. 

167 et suiv. 

— XV. 1. 232,342. 

— XVII. 3. 273 et suiv. 

— XVIII. 3. 297, 315, 320. 
Louù de Bourbon , prince des 

Asluries. t. 224. 

— (duc). 1. 424. 
Louis-Auguste de Bourbon, duc 

du Maine. 1. 235. 
Louis- François de Bourbon, 

prince de Coudé. 1. 263. 
Louis-Henri, duo de Bourbon, 

1. 425. 
Louis-l'hilippe. 3. 322, 312, 

359, 360. 
Louis de Brunswick (prince), 

1. 342. 

Louise de Danemark ( prin- 
cesse;.!. 345. 
Louise-Ulrique, reinede Suède. 

2. 139,145. 

Lou ville (marquis de). I. 178, 
182, 222. 

Louvuis. 2. 224 et suiv. 

Lovai (lord). 3. 1 et suiv. 

Lowicz (princesse de). 3. 235. 
- Lubormiski (prince Georges- 
Ignace). 1. 298. 

Luders (D'). 3. 188 et suiv. 

Ludiow.2. 277. 

Lustig. 2. 149. 

Lutzow.3. 399. 

Luxembourg (maréchal de). 
2. 226 et suiv. 

Luynes (maréchal de). 2. 



Habbot (Gilbert). 2. 274. 
Maccarthv (M. de). 1. 178. 
Macintosh (lord). 3. 7. 
Madame Royale. 3. 303, 310, 

315. 
Magny (comte de). 1. 239. 
Mahmoud 1". 3. 98. 
Mahon (lord). 1. 335. 

— (vicomte). 3. 122.' 
Maillard (Léon-Louis). 3. 283. 
Maine (duc et duchesse du). 1. 

234. 
Mainlenon (M» de). 1. 171, 
173, 175, 177., 

— 3. 93. 

Halagrida (le fcj. 3. 36. 
Malesherbes. 3? =316. 
Malézieux. 1. 236. 
Malgounof. 3. 196. 
Malzabn (colonel de). 2. 388. 
Manchester (comte de). 2. 

263, 264. 
Manderscheid (comte de). 2. 

113, 182, 183. 

— Blankecheim (comte de). 2. 
179. 

Manicamp (les). 3. 403. 
Mann-Cornwallis;lord).3.258. 
Hansleid (comte de). 3. 407, 

416, 417, 418, 424, 427. 
Hanson (M-'). 3. 316. 
Hansourof. 3. 219, 228. 
Mantoue ( Charles de Gonza- 

gue, duc de). 

— Suzanne - Henriette d'El- 



beaf, duchesse de). 2. 129 

Marassier. 3. 302. 
Marat. 1. 335, 336, 337. 

Marbois(M.de). 1.372. 

Mareolini i comte), t. 372. 

Mardefeld (baron de). 2. 351. 

Maressin. 3. 285. 

Marguerite (la sorcière'. 2. 
399, 401 et suiv. 

Marie, reine d'Angleterre. 2. 
105. 

— 3. 295, 296. 

Marie d'Autriche, duchesse de 
Clèves. 2- 177. 

Marie de Savoie, reine de Por- 
tugal. 2. 216. 

Marie-Alexjeffna , grande-du- 
chesse de Russie. 2. 343, 
847. 

Marie- Amélie de Saie, reine de 
Naples et d'Espagne. 2. 286. 

Marie - Anne , archiduchesse 
d'Autriche, gouvernante des 
Pays-Bas. 3. 14. 

Marie-Anne de Pfalz-Neu- 
bourg, reine d'Espagne. 1. 
341. 

Marie-Anne de Saie, éleetrice 
de Bavière. 3. 145. 

Marie- An ne- Victoire de Bour- 
bon. 1. 254. 
Marie- Anne- Joseph e, archidu- 
chesse d'Autriche, reine de 
Portugal. 1. 417. 
Marie-Barbara de Bragance, 

reine d'Espagne. 2. 283. 
Marie de Saie-Weimar (grande 

duchesse). 2. 235. 
Marie - Fœdorowna , impéra- 



trice de Russie. 3. 234. 
Marie -Françoise de Bourbon, 
M 11 ' de Blois, duchesse d'Or- 
léans. I. 235. 
Marie -Françoise -Isabelle de 
Savoie- N emours , reine de 
Portugal. 2. 217 et suiv. 
Marie-Josephe de Pologne et 
de Saie, Dauphine. 3. 45. 
Marie Leczinska. 1. 255. 
Marie-Louise de Savoie, reine 

d'Espagne. 1. 219. 
Marie-Louise -Gabrielte , reine 
d'Espagne. 1. 175 et suiv. 
Marie Sophie, reine de Portu- 
gal. 2. 233. 
Marie-Sophie - Elisabeth de 
Pfalz-Neubourg, reine de 
Portugal, 1. 417. 
Marie-Thérèse (l'impératrice). 

3. 14 et suiv. 
Marie-Thérèse , reine de Fran- 
ce. 2. 165 et suir. 
Marie-Thérèse d'Espagne, Dau- 
phine. 3. 46. 
Marin. 3. 219, 226, 229. 
Harlborougb(ducde). 2. 46. 

3. 117. 
Marmont. 3. 326,328, 329, 
339, 330, 333,337, 338, 
339. 
Marning ( mistress). 2. 116. 
Marr (comte de). 3. 62. 
Marradas (don Baltbazar de). 

3. 414,419,420,421. 
Marschall (Henri). 1. 354. 
Marsin (comte de). 1. 182. 
Marsin. 3. 305. 
Martello (Matthieu). 1. 308. 
Martin (capitaine). 2. 77 et suiv. 



Lorrain i 
2. 12 

Loudon 

Louis XI 

167 et 

— XV. I 



ÀSturi. 

- (duc) 

Louis- Au 

du Ma 

Louis- Fi 



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Monnet. 1. 268. 
Montagne (Ralph). 2. 305. 
Montbarrey (chevalier de). 1. 

390. 
Hontejar (Ignace de). 3. 405. 
Montellano (duc de). 1. 192. 

194. 
Montemar (comte de). 1. 361. 
Moate-Mileto (prince de). 3. 

123. 
Monténégro (marquis de). 3. 

434. 
Hontferrat (marquis de). 1. 

340, 341. 
Monli (marquis de). 1 . 265. 
Montijo (comte de). 1, 184. 
Moutmorin (comte de). 3. 

295, 296, 297,298, 299, 

302. 
Montpellier (duc de). 3, 359, 

360. 
Morand. 1. 326. 
Nom; (comte de). 3. 263. 
MordauDt (les). 3. 112 et 

Morialmé (François de). 3.423. 
Mono. 1. 346. 
"1 orin de la Guériïière. 3. 282. 
mtz (Elisabeth). 3. 138. 
mingtoa (baron). 3. 267. 
rtaigne (Cornélius-Gaspard). 
t. 315. 

(Christophe). 3.315. 
jrtier, 3. 326, 331, 333, 

inski (comte). 1. 296. 
j(D'Paul). 2. 254. 
Sophie- Amélie). Ibid. 
.hammer. 2. 144. 
.te (N. de la). 3. 429. 



MowUus (Gabriel). 2. 147 et 

Mulgrave (comte). 2. 45, 74. 
Hunnicb Çfeld-maréchal). 2. 

357. 
— (comte de). 3. 101 et suiv., 

142,161. 
Murauo. 1. 310, 313. 
Mustapha- Pacha. 2. 317 et 



Nadir-Shah. 3. 101,102. 

Nanleuil (comte de). 2. 20t. 

Napoléon. 3. 293, 298, 315, 
316, 330. 

Narishkine (Léon). 3. 192, 
209. 

Nassau (Bernard, Henri et Guil- 
laume de). 2. 6. 

— (Louis Wailer de). 3. 406. 

— (Maurice de). 3. 406, 408. 
Naundorff (Charles-Louis). 3. 

284 et gui?., 300 et suiv. 
Necker. 1. 336. 

— (M™). 1. 390. 
NegroQi (cardinal). 3. 36. 
Neidhart (cardinal). 1. 172. 
Neipperg (comtesse Franciska 

de). 3. 236. 
Neitschiitz ( Madeleine -Sibylle 

de). 2. 361 et -»- 
_ (le général < 

de). 2. 364 et 

— (Anne-Catber: 
Nelly. 3. 256. 
Nemours (duc ■ 

361, 362, 363 
Neplouyef. 3. lt 



„ 3 lc 



Nerseer (Van der). 3, 425. 
Nasle (marquis de). 1. 403. 
Nossolrode(Kettlerde).2. 207. 

— (comte de). 3. 328, 329, 
330, 332, 337. 

Neuhoff(Théodorede).l. 262. 
Nfliers (duchesse de). 2. 80. 
Newburgh (les comte* de). 2. 

52. 
Newcastle(ducde).3. 10. 
Niculro. 1. 312. 
Nlcolaï(M. de). I. 412,413. 
Nitsche. 1. 386. 
Nitsehin (Elisabeth). 2. 388 et 

soiv. 
Nivernais (duc de). 1. 27S. 
Noailles (les). 1. 173,178. 

— (duede). 1. 200. 

— (maréchal de). 2. 226. 
Noce (comte de). 1. 23». 
Noirmou tiers (duc de). 1. 196, 

211. 
Nompar (Jacques). 2. 80 et 

Norfolk (duc de). 2. 102. 3. 
113. 

Northumberland (Georges Fitt- 
roy, duc de). 2 49. 

— (comte de). 3. 67. 

— (les ducs actuels de). 3. 87. 
Noverre. 3. 23. 

Noyon (comtesse de). 1. 240. 
Nummers. 3. 180. 



Obérait (Louis et Jacques). 1. 

380 et suiv. 
Odard. 1. 344. 
Odart. 3. 174. 



CEmichen. 2. 417 et iuît. 
OEttingen (général). 1. 366. 
OEttingen- Wallerslein (Sophie, 

princesse d'). 3. 438. 
Ogle (comte d'). 2. 305. 
Ojardias. 3. 282. 
Olavides (Pablo, marquis d 1 ). 
Oldembourg (Georges, prince 

d 1 ). 3. 236. 
Oliva (le P.). 3. 80. 
Orange (Frédéric-Henri d"). 2. 

205. 

— Guillaume II, prince (T). 2. 
207, 229 et suiv. 

O'Regan.2. 247,248. 
Orighi 'cardinal). 3. 132. 
Orléans (duo d'). 1 . 397. 232. 

— (Louis-Philippe, duc d'). 1 . 
367. 

-r- (duchesse d*). 3. 362, 463. 

— (Elisabeth -Charlotte, prin- 
cesse palatine, duchesse d 1 ). 
1. 169,173. 

— (Gaston d"). 2. 94. 

— (Maris-Françoise de Bour- 
bon, M 11 ' de Blois, du- 
chossed-}. 1. 235. 

Ormond(ducd').l. 242. 
Orry. 1. 185,196, 205. 
Orzelska (comtesse). 1. 295. 
Osborne (Thomas). 2. 45. 

— (Pèregrin). 3. 115. 
Osman-Pacha. 1. 261. 
Ossado (duc d"). 2. 287. 
Oubril.3. 200. 

Oushakof (le major). 2. 350. 
Ouvarof. 3. 220, 233, 324. 
Overton. 2. 272. 
Oienford (baron d'). 3. 393. 

. r Coo^le 



Packenbam {miss). 3. 269. 
Paget (lord). 3. 270. 
Pahlen. 3. 210,218et suiv. 
Painler (John). 3. 9. 
Pallandt. 2. 181. 
Palmer (Barbara). 2. 46. 
Palmereton (lord). 1. 335. 
PaoiD (comte). 3. 171 et suiv. 
213 et suiv. 

— (NikiUde). 3.198 et suiv., 
Paris (François). 1. 397. 
Parue (Alexandre, duc de). 3. 

404. 

— (Sophie- Dorothée, duchesse 
de), 1. 417. 

Pasquali (Martin«z).l. 366. 

Pasquier (baron). 3. 339. 

Passait. 3. 176 et suiv. 

l'atknlia Vitktrix (la prin- 
cesse). 2. 376 et suiv. 

Paltersoo (Hélène). 3. 268. 

Paull". 3. 164 et suiv., 197, 
204 et suiv. 

Paulin (Jean). 3. 292,309. 

Paulmy (marquis de). 1. 367. 

Paulucci (cardinal). 3. 133. 

Pecquet. 1. 234. 

Pedro 11 (dom), roi de Porlu 
gai. 1. 4(7. 

— (dom), infant de Portugal. 
2. 217 et suiv. 

Pelham (Henri). 3. 10. 
Pelletao (D')- 3. 273. 
Penn (William). 3. 115. 
Perceval. 3. 262. 



Percv (Elisabeth). 3. 67. 
Perez. 1. 260. 
Pescatori (Laura). 1. 213. 
Peterborough (lord). 1. 242. 

— 3. 109 et suiv. 

Petersen (Jean de Mérode, ba- 
ron de). 3 439. 

Peterson. 3. 328. 

Pelhion. 1. 410. 

Petit (le chirurgien). 1. 30S. 

Petre (le P. Edouard). 2. 72. 

Petiold. 3. 306, 308. 

Rfaffen (David). 2, 424. 

Pfalz-Neubourg ( Marie-Anna 
de), reioe d'Espagne. 1.341. 

— (Harie-Sophie-Elisabeth) , 
reine d'Espagne. 1. 417. 

Pfenninger. 1. 382. 
Philippe H- 3- 403. 
Philippe V. 1. 219 et suiv., 

249. 
Philippe de Bavière. 2. 179. 
Philippe d'Orléans. 1. 232. 
Philippe-Guillaume , élecleur- 

palatin. 2. 236. 
Philippine-Elisabeth d'Orléans. 

M"' de Beaujolais. 1. 366. 
Pichegru. 3. 290, 315. 
Pierre I«.l. 239. 

— 3. 136,161, 330otsuiv. 
Pierre 11 AJeijewitch. 2. 339. 

— 3. 139 et suiv. 
Pierre 111. 3. 135 et suiv. 
Pierrepoint (sir Henry -Ha- 

wers). 3. 269. 
Pighius. 2. 178. . 
Pigkler (Marguerite). 2. 2 et 

suiv. 
Pilo (Ol&vides, comte de). 2. 



Pinto.1. 311. 

Piper (comte]. 2. 146,155. 
Pissarer. 2. 352. 
Pitl (H.)- 3- 20, 22. 
Pittorano (prince de). 3. 123. 
PUtaaia t I. 213. 
Pljmonth (Chartes, conte de). 

2. 44. 
Pocock (amiral). 2. 288. 
PoUnili. 2. 4-26. 
Poli gnai; (cardinal de).l. 236, 

248. 
Pompadonr (marquis de). 1. 

236,239. 

— (marquis* de). 1. 342, 427. 
-3. 38. 

Pooiatoweki ( Stanislas - Au- 
guste). 3. 154 et suiv. 

Ponickau [H. de). 2. 388. 

Ponteau.i. 410. 

Popoli(duc et duchesse de). 3. 
123. 

Portocarrero (cardinal). t. 171, 
172, 181, 183, 188, 19». 

— 3.127. 

— (abbé). 1. 238. 
Portsmouth (Louise de Qué- 

rouaille, duchesse de). 2. 54. 

Polerokin. 3. 175, 189. 

Pott. 1. 382. 

Pougalchef. 3. 192. 

Pouslinol (Jacques). 2. 351. 

Prados (comte de). 2. 215. 

Praslin(ducde). 1. 278.3.16. 

Préobratztchentkot (les gar- 
des). 3. 165. 

Preaton (lord). 3. 115. 

Prideaut. 2. 279. 

Prié (marquis de). 3. 95. 

Primrose (James, vicomte de). 



3. 375,376,377,378,388, 
389. 
— (ladj Eléonore). 3. 375 et 

Prince. 2. 272. 
l'roderin (Catherine) . 2. 106. 
Provence (comte de). 3. 316. 
Prusse(leroide). 3. 327,328. 
Prynne. 2. 257. 
Pufeodorf.2. 302. 
Pulce.2. 147 et suit. 
Putaneui (Erjciua). 3. 433. 



Quad(M«de).3. 79. 
Queensberry (duc de). 3. 44. 
Quérooaille(Uuisede). 2. 54. 
Quinaou(H. de). 1. 178. 



Rabe(Jean).3. 138. 
Raby (lord). 2. 74. 
Radclîffe (les) 2. 50. 
Raguse (duc de). 3.. 326, 328, 

329,330, 331, 333, 337, 

338, 339. 
Rajefskii (général). 3. 323. 
Bakou;. 1. 229. 

— (Joseph). 3. 99.. 
Rambaud(M— de). 3. 308. 
Rameau. 1. 346, 409. 
Randoir (John). 3. 253. 
Rautzau (comte de). 2. 205. 

— (Gaïus et Marguerite de). 2. 
355. 

Rasoumofekv, 3. 150 et suiv., 



— (Cyrille). 3. 173. 
Rayer. 3. 183. 
Realp (marquis). 1. 253. 
RockefEliBavonder). 1. 321. 
Reffshausen (Jobst). 2. 107. 
RehbiDder. 3. 175. 
Reis-HassaD. 2. 32t. 
Renard (la). 1. 295. 
Renard (général comte}. 2. 

358. 
Renault, 1. 125. 
Relit de la Bretonne. 1 . 416. 
Reuning (de). 2. 114. 
Reuss (les). 2, etsuiv. 
Reverchon.3. 279. 
Reyhas. 1. 336. 
Ribbing"(Pierrede).2. 307. 
Ribeira (comte). 1. 423. 
Ricci (le P.) 3. 36. 
Richebuurg (marquis de). 3. 

423. 
Richelieu (duo de). 1. 2*0, 

390. 
Richement (baron de), 3. 282, 

320. 
Richmond (Charles Lennoi , 

duc de ). 2. 60. 
Rietberg (comte de). 2. 114. 
• -3.13. etsuiv. 
Rtetmeier. 1. 384. 
Ringler. 1. 334.' 
Ripperda (baron de). 1. 226 

etsuiv., 250. 
Riras (amiral). 1. 190, 191, 

197. 

— 3. 212,218. 

— (Jean). 3. 407. 

Robert 11, roi d'Ecosse. 3, 233, 
Robespierre. 1. 337. 

— 3. 315. 



Robinet (le P.). i. 205, 207 
212. 

Robinson (mislress). 3. 133. 
Rochefort (maréchal de). 2. 

226. 
Rochesier (comte de). 3. 44. 
— (ladv). 2. 70. 
Rochiiti (comtesse de).*. 293. 

2. 361 etsuiv. 
Rochow (M. de). 3. 586. 
Rocbus-Lvnar (comte de). 3. 

148. 
Rodolphe II (l'empereur). 3. 

409. 
RœderdeKœnigsbruck(comte) 

1.362. 
Roban (cardinal de). 1. 322. 
Roignon (Elisabeth). 1. 406. 
Roland, t. 336,337. 
Roroaozor(Àleiis). 2. 344. 
Ronconieri. 1. 217. 
Ronquillo. 1. 200. 
Rosa. 1. 355. 
Rosen (Conrad de) , maréchal 

de France. 2. 243. 

— (Reinbold de). Ibid. 
Rosemberg (Guillaume de). 2. 

35 etsuiv. 

— (comtesse de). 3. 207. 
Roslopchin (comte). 3. 209. 
Rotondo. 1. 341. 
Rottenhahn (Marie-Gabrielle, 

comtesse de). 3. 435. 
Roucber. 413,414. 
Rousseau (le valet de chambre). 

2. 407. 
Rudolf (Jean). 2. 105. 
Rugensohn (D')- 1. 321. 
Rulhière. 1. 344. 
Ruminai (D'). 2. 31. 

Google 



Rupert (le prince Palatin). 2. 

231. 
Ruswll (les). 1 . 148 et suit. 

— (Lord William). 3. 126. 

— (amiral). 3. 117. 

R u«sie( A leiis-Petro wi cb , grand 
duc de). 2. 329 et suit. 

Rntowski. 1. 293, 334. 

Ru vigny (marquis de). 2. 216, 
3.(26. 

Ruyler (amiral). 2. 21 . 

Rygatte (baron de). 3. 112. 



Sacken (Eve de). 2. 145. 
Sablfeld. 2. 1S4. 
Saint-Aignan (duc de). 1 . 226. 

241. 
Saint-Albana (duc de). 2. 54. 
Saint-Amand (H. de). 2. 289. 
Saint-Fois. 1. 278. 
Saint Géants (marquis de). 1. 

239. 
Saint- Germai a (comte de). 1. 

266. 340 et suir. 

— (comte Robert de). 1. 360. 

— 3. 171. 

Saint-Gile (comte de). 1. 298. 
Saint-Hilaire (Maria de). 3. 

308. 
Saint-Martin. 1. 261, 356, 

388. 
Saint- 11 au ri ce (comte de). 1. 

425. 
Seint-Héard. 1. 412. 
Saladin. 2. 367. 
Saldern.3. 187. 
Salisburj (marquis de).3. 270. 
Samuel. 3. 138. 



San Clémente (don Guillaume 

de). 3. 314. 
SandrasU. 1. 239. 
San -Germano (duc de). 9. 

23. 
Savilie (sir Georges). 1. 325. 
Savoie (Marie-Louise de), 

reine d'Espagne. 1. 219. 

— {Marie de), reine de Portu- 
gal. 2. 216. 

Savoie-Nemours (Marie-Fran- 
çoise Isabelle de), reine de 
Portugal. 2. 217 et suit. 

Saie (Anne-Sophie, électrice 
de). 2. 368. 

— (Charles, prince de). 3. 
156. 

— (Clémeut de), électeur de 
Trêves. 3. 168. 

— ( Clément -Weneeslas de), 
électeur de Trêves. 3. 82. 

— (Frédéric 111, roi de). 1. 
365. 

— (Jean-Casimir de). 2. 96. 

— (Jean-Ernest de). ll>id. 

— (Jean-Frédéric 1", II et III, 
rois de). 2. 95, 97. 

— Jean-Georges 111, électeur 
de). 2. 361. 

- (Jean-Georges IV, électeur 
de). 2. 363 et suit. 

- (Jean-Guillaume de). 2. 
96, HOeteuiv. 

-(chevalier de). 1. 295. 

- (maréchal de). 2. 336 et 

— (Jean-Georges , chevalier 
de). 1. 364. 

— (Joseph, chevalier de). Ibid. 

— (Xavier, prince de). 1 . 364. 



Sue-Cobourg (Juliaue de). 3. 
235. 

Saie-Eisenach (Eléonore-Erd- 
mulhe-Louîse, princesse de), 
éleclrice de Sue. 2. 369 et 
suiv. 

Saxe-Hildburghausen (Frédé- 
ric, duc de). 1.2. 

— (Charlotte, duchesse de), i 
2. 

— (Amélie, princesse hérédi- 
taire de). 1. 31,41. 

Sue-Meiningen (duc de). 1. 

387. 
Saie-Weimar (Marie, grande- 

duchesse de). 3. 235. 
Searialin. 3. 231. 
Schafflrof. 2. 348. 
Scbeffel (D'). 2. 17. 
Schetler (baron). 2. 142, 155. 
Scbenk (Marguerite de). 

— (Henri de). 2. 115. 
Schenkern. 2. 181. 
Schepelof . 3. 183. 
Scberbatof (prince). 2. 351. 
Schérebiot (M- de). 3. 215. 
Scberémétief. 2. 348. 

— (comtesse). 3. 199. 
Schernbeck. 3. 304. 
Scbicbtas. 2. 141. 
Schill. 3. 299. 

Schilpenbach (général). 2. 352, 
Sbckourin. 3. 177. 
SchleiniU (Jean - Christophe 

de). 2. 330. 

Schieswig- Holslein-Sonder- 
bourg-Auguslenbourg (Chré- 
tien- Auguste et Frédéric de). 
2.354. 

Schlelter. 2. 396. 



Schlieben (comte de,. 1. 239. 
Schmettau (baron de). 2. 356. 

Schomberg, Schœnburg, on 
Schomberg (les). 2. 199 et 

— (Gaspard de). 2. 296. 
SchtBnborn (comte de). 2.346. 
Scbœning(cber.). 1. 340. 
Schomberg (comte de). 1 . 390. 
Scboning (feld-maréchal de). 

2. 381, 428. 
Scborlemer. 3. 311. 
Scbouvalof ( Alexandre ). 3. 

158, 18t. 

— (Iwan). 3. 175. 
Scbrepfer. f. 363 et mi*. 
Shrewsbury (comte de). 3. 

116. 
Schriever. 3. 148. 
Sclirœderbeim. 1. 378. 
Schubert. 1. 359. 
Schulze. 3. 305. 
Scbusterin (Anne). 2. 401. 
Schwartz. 3. 165. 
Schwartzenberg (prince de). 

3. 328. 330, 332, 337. 
Schwedin. 2. 146. 
Schwerdtuer (D'). 2. 375 et 

Scotti (marquis), t. 242, 243, 

244. 
Seaham (vicnmte).f,3. 354. 
Seckendorf (baron de). 3. 305, 

306. 
Sedley (Catherine). 2. 67. 

— (sir Charles). Ibid. 
Seignelay (marquis de). 3. 92. 

i Selim (le Sultan). 3. 101. 

Senti (le conseiller). 2. 384. 
I Serret (colonel). 1 . 239. 



Sertchin. S. ISS. 
Serran, 1. 336,337. 
Sevestre. 3. 275. 
Seymour (Jeanne). 2. 99. 
Shannon (la). 2. 50. 
Shaftesbury (comte de). 2. 

289. 
ShefBeld (John), duc de Bue- 

kingliara. 2. 45. 
Siardei. 1. 335. 
Siburg (Frédéric et Charles 

de). 2. 28*. 
Sibylle de CièïM. 2. 178 et 

Sietbach (M»" de). 2. 115. 
Silésie-Liegniti (Frédéric, duc 

de). 2. 107. 
Silfverhielm (Isaac). 2. 141. 

— (baron de). 2. 113, 166. 
SilvioPellico. 3. 320. 
Sinon. 3. 280,290. 
Sioiendorf (comte), 1. 253. 
Skippan (général -major). 2. 

276. 

Sloaue (John). 3. 150. 

Smilhsou (sir Hugh). 3. 60. 

Sobieski (Jean), roi de Polo- 
gne. 2. 165 et suiv. 

Solar (le bailli de). 3. 27. 

Solenander (D r ). 2. 188 et 

Soliman-Aga. 3. 107. 
Solms (Bernard et Philippe 
de), 2. 6. 

— (Henri, comte de). 2. 246. 

— (prince de). 3. 205. 
Solms- Laubach (Louis-Henri, 

.comte de). 2. 2*6. 
Solms -Lich (Christian ■ Louis 
de). 2. 246. 



Solms-Sachsenfeld (comte de). 

1. 355. 
Solre (comte de). 3. 406. 
Soltikof (comte Michel). 1. 

340, 386. 
Somerset (duc de). 3. 57 et 1. 

— (sir Edouard). 3. 56. 
Sonnenfeld (M—). 3. 200, 203. 
Sorlysi (le castrat). 2.361. 
Soubîee (maréchal de). 3. 37. 
Soubot (les). 3.215. 

Soure (comte de). 2. 207. 
Southampton (comte de), 2. 
103, 305. 

— 3. 126. 

Souvarof. 3. 395 et suit. 

Spener. 2. 361. 

Spinola (Ambrais e, marquis 

de). 3.408, 409, 410,411. 
Spinucci (comtesse). 1 . 364. 
Springer. 3. 151. 
Squillaci (M. de). 2. 290. 
Sséménaf (las gardes). 3. 165. 
StEehlio (le professeur}. 3. 1 14. 
Stabremberg (Antoine, comte 

de). 3. 14. 

— (Guy de). 2. 327. 
Stainville (comte de). 3. 15. 
Stair (lord). 3^ 389, 390, 392, 

393. 
State wserd (capitaine). 2. 147 

et suit. 
Slanhope ( comte ). 1 . 225, 

258. 

— 3. 6. 122. 
Stark. 1.359. 

Slawrauski (comtes). 3. 138. 
Steenbock (Erick de). 2. 144. 
Steinbacb (baron de). 1.366. 
Stepbao (Dr). 3. 191. 
Stern(Jean).2. 305. 

Google 



Stewart (les). 3. 253. 
Stieremark (major). 2. 145. 
Stienicrona. 2. 307. 
Stoscb (baron de). 1. 341. 
Straflbrd (comte de). 2. 261. 
Strognnof. 3. 183. 
Stromeyer. 3. 298. 
Strjck (D* Samuel). SI. 379. 
Sture. 2. 307. 
Stuno (Ladislas). 3. 432. 
Sijlten. 2. 307. 
Sulkowski (prince). 3. 21. 
SuyB (Emet! de). 3. 423. 
Swen-Hédin(D r ). 1. 376. 
Swift. 2. 2S1. 
Sydow. 1. 364. 
Szembeck (comte de). 2. 357. 



Tachmas-Khan. 3. 101. 
Talavera (vicomte de). 3. 268. 
'falbanof. 3. 219, 22», 226. 
Talbot (Charles). 3. 116. 
Tallard (duchesse de). 1. 355. 
Talleyrand (Antoine-Biaise de). 

i. 170. 
— (Maurice, prince de). 3. 

316, 335. 
Talmann. 3. 99, 100. 
Talmash (Elisabeth). 3. 61. 
Talyiin (amiral). 3. 180, 183, 

212, 218 et suit .,224. 
Tarruca (comte de), 1. 418 et s. 
ïaseagh (baron de). 2. 252. 
Tatarinof. 3. 219, 228. 
Tchernitchef. 3. 191. 
Tchitcherin. 3. 219,298.' 
Teisterband(Walter, comtede). 

2. 171. 
— (Béatrice, comtessede). Jùi'iJ. 



— (Anfried, comtede). 2. 174. 
Teller. 374. 
Temple(lord). 1. 335. 
Teploi. 3. 175, 183. 
Tercier. 1. 265,270. 
Tarai diSissa(comte). 3. (32. 
TescheD(princesfiede).l, 294, 

297. 
Tessé (maréchal de). 1. 191. 

— 3. 125. 

Tessin (comte). 2. 141,145. 
Tetford (lord). 2- 210. 
Tbaraasp-Kouli-Kban. 3. 103. 
TbanoeriD (Marie). 2. 423. 
Théodorski. 3. 144. 
Théonilde(damoiselle). 2. 376 

et suit. 
Tb ers ma don (capitaine). 2. 313. 
Thiers (H.). 3. 354, 359.' 
Thor de la Sonde. 3. 395, 302. 
Tbûnen (H. de). 1. 299. 
Thurn (comte). 3. 414, 415, 

419, 431. 
Thynne (Thomas). 2.305. 

— 3.57. 

Tiefenbach (colonel). 3. 422. 
Tieman. 1. 39. 
Tiliney-Long ( sir James). 3. 

268. 
Tillv. 3. 424, 426, 428. 
Tinty (baron). 1. 421. 
Tobler. 1. 382. 
Tocco (Bernard de). 3. 123. 
Tofcky. 2. 106. 
Toges (baron de). 2. 240. 
Tolosa (marquis). 1. 244. 
ToUtoI (Pierre). 2. 344. 
Topai- Osman. 3. 103. 
Torcy (marquis de). 1. 178, 

179, 186. 



Torria-Vedm (marqtiis.de). I 

3.269. I 

Torrington (vicomte de). 1. 

331. 
Toit (général de). 3. 183. 
Totlleben. 1. 274. 
Toulouie (comte de). 3. 125. 
Tourneœine(leP.).1.236. 
Trajeclinns. 2. 246. 
Trautenberg (Alexandre -Fré- 
déric de). 3. 66. 
Trémauille (UuU de la). 1. 

169. 

_ (cardinal de U). 1- 1W. 
— (abbé delà). 1. 193. 
Trenk (baron). 3. 65. 
Trévise(ducde). 3. 326,328, 

331,332,337. 
Trejsaac de Vergy. 1. 277. 
Trie» (lieutenant). 3. 429. 
Trailius. 2. 142. 
Tromp (amiral). 2. 221. 
Tronchin(fl')-3- 45. 
Troubetzkoï (prince). 3. 164, 

181. 
— (feld-maréchal). 3. 191. 
Tscherbatof (prince). 1. 361. 
Tscherekofeki (Iwanoma). 3. 

178. 
Tachernembal (André). 3. 418. 
TBchoudin(M»»).S- l 77 - 
TSerclaeï-Tillï (comte). 3. 

434. 
Tudor (Marie). 2. 50. 
Turner:3. 115. 
Turpin-Criasé (comte de). 2. 

359. 
Turrey. 3. 112. 
Tweeddale (marquis de). 3 



Tiarogy (comte). 1. 340. 



Uceda(ducd"). 1. 173. 
Uhlefeld(comted').3. 14. 
Uhren (Sophie d'). 2. 353 et 

iuït. 
Ungem-Stornberg. 3. 192- 
Ursins (princesse des). 1. 169 

Ursmus (Théodore). 2. 171. 



Valenti (cardinal). 3. 29. 
Van der Nerseer. 3. 425. 
Van derValck. 1.107 et su> 
Van Liedeloo. 3. 425. 
VanOpdam.2. 206. 
Vane-Stewart. 3. 254. 
Vaughan (lord). 3. 126. 
Vauloisin. 3. 200. 
Vavel de Vareay (comte). 1. 9 

et suiv. 
Vedel. 3. 299. 
Veptel. 3. 299. 

Vendome(ducde)..l. 217,24* 
et suiv. 

Veraguas (duc de). 2. 64. 

Veraguas (duc de). 1. 184. 

Verdugo (Guillaume). 3. 426, 
428, 430, 431. 

VergenneB(comtede). 1. 381, 
322. 

Verbord (le coadjuteur ). 3 
75. 

Vemet (Horace). 3. 355. 

Verneuil (Anne-Henriette de, 

1 1. 425. 



Vernich (Jean-Hugues-Orbeck 

de). 3. 80 et suiv. 
Vernulaus. 3. 433. 
Vierset (baron de). 3. 423. 
Vicq-d'Àïyr.l. 412,413. 
Vielato(abbé).l. 247. 
Vigo d'Azorre (comte). 1. 418, 

421. 
Villadarias (marquis de). 1. 

261. 
YiHaflorf comte de). 2. 212. 
Villareal. 1. 198. 
Villars. 1. 242. 
Villebois. 3. 164, 183. 
Villeneuve (les). 3. 97. 
Villers (capitaine de). 3. 429. 
Vincent. 1. 268. 
Yirmondt (D')- 3. 425. 
Vitzthum(M. de). 2. 366. 
Vitzlhum d'Eckstœdt. 1. 298. 
Vi vomie (maréchal de). 1. 



Vlierden(Umberlde).3. 433. 
Vogel (Enderle). 2. 9etsuiv. 

— ( le bourreau ). 2. 405 et 

Voltaire. 2. 286. 
Von der Recke (Catherine). 2. 
100. 

— (Rtisa). 1. 3*1,3». 



WieGesmki(Nikipbon). 2. 343, 

347. 
Waldeck (Georges-Frédéric, 

prince de). 2. 234. 
— (Frédéric-Antoine-Ulrich, 

comie de). 2. 235. 
Waldenfela (Guillaume de). 2. 

181. 



Walderdorr (Jean -Philippe, 

baron de). 3. 65 et suiv. 
Waldstein. 3. 416,420,422. 
Walmoden (général). 3. 401. 
Walpole. 1. 276. 

— 2. 52. 

W allers (Lucie). 2. 43. 

Walwin. 2. 272. 

Wardenburg (général). 3. 395, 
399. 

Warroux (Jean de Hérode, ba- 
ron de). 3. 429. 

Waterloo (duc de). 3. 269. 

— (Jean de Hérode, marquis 
de). 3. 429. 

Wedel. 3. 299. 

ide (général). 2. 351,352. 
ighart (Hans). 2. 37. 
sa. 1. 305. 

issenbach (H— de). 3. 306. 
Welldone (chevalier). 1. 340. 
Wellesley. 3. 265. 
Wellington. 3. 251 et suiv. 
Wendrownikiua (Féttl). 3. 69 

et suiv. 
Wesley (les). 3. 265. 
Weymarn. 3. 155, 156. 
Weideman (Michel). 3. 70: 
Wharton. 2. 258. 
Whartons (les). 1. 151. 
Wichmannshausen. 2. 424 et 

suiv. 
Wïeland. 1. 382. 
Wilhelmine de Hease-Darm- 

stadt. 3. 234. 
Williams. 3. 112 et suiv. 
Winchelsea (Daniel, comte de). 

3. 58. 
Winchesley'(William). 2. 46. 
Witt de Dœring. 3. 320. 
Witxmann. 2. 424. 
Wcsllner. 1. 356. 



WoW. 1. 341. 

— 3. 140. 

Wolflersdorf (Jean Chrétien d c). 

2. 358. 

Wolkof. 3. 156 et suiv., 188. 
Wolkonski. 3. 164, 183. 
Womerat.l. 334. 
WoroniofT (comte). 1.27! 
-3.181. 
Worooiof (Elisabeth , Roman, 
Michel, Alexandre et Simon). 

3. 155 et suiv. 

Wursley .Montagne (lord). 8. 

60. 
Wovckof. 3. 183. 
Wrangel (Erick, baron de). 2. 

140 et euiï. 

— (Gustave, baron de). 2. 
143. 

— (major). 2. 313. 

— (maréchal). 2. 303. 
Wrée (Olivier de). 3. 433. 
Wriothesley (Rachel). 3. 128. 
Wriouey (Thomas). 2. 103. . 
Wroats (Christophe). 2. 305. 
Wurrab. 1. 368, 370 et suiv. 
Wurtemberg (Ferdinand -Guil- 

laume, prince de). 2. 247. 

— (Frédéric-Louis, prince de). 
1.295. 

— (Frédéric-Eugène, duc de). 
2. 234. I 



— (Sophie -Dorothée -Louise- 
Auguste). 3. 234. 

Wylie. 3. 240. 

Wyndham (sir William). 3. 
60.. 



Yarmouth (comte de). 3. 50. 
Yesehwell.3. 219,228,831. 
York (duc d"). I. 342. 

— 2. 60 et suiv. 

— {cardinal d"). 1. 317. 
Yvernois (d-). 1. 334,336. 



Zacharias (le P.). 1. 262. 
Zbaras (duo et duchesse). 1. 

161. 
Ziegler.2. 419. 
Ziegler (colonel). 3. 196. 
Zierilz (Guillaume de). 1. 106 

et suiv., 115. 
Zimmermann. 1. 385, 386. 
Zinnendorf. 1. 358. 
Zoppel.2. 30. 
Zoubof(les). 3. 215 et suiv. 
Zulphen (comtes de). 2. 175 

et suiv. 
Zynner(D'). 2. 25. 



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